Suivez les Lieux-Insolites en France sur INSTAGRAM logo instagram

L'art rupestre

L'art rupestre est la production d'images par peinture, sculpture ou gravure sur de la pierre. Cet art s'exprime sur la roche à l'air libre ou au fond des grottes les plus profondes. Il peut également se trouver sur des galets, des dalles ou des morceaux d'os. Dans ce cas, les chercheurs parlent d'art mobilier. Les premières traces de cet art remontent avec certitude à 50000 ans BP (avant le présent). Certains indices, découverts sur le site de Blomboss en Afrique du Sud, font même remonter l'expression graphique à 80000 ans BP voire plus.

cheval de lascaux
Cheval de la grotte de Lascaux (source Wikipédia)

 

Petite histoire de l'homme et du climat

Les paléoanthropologues estiment que la branche aboutissant à l'homme moderne s'est séparée de celle des singes il y a environ sept millions d'années. De nombreux hominidés apparaissent sur cette branche tout au long de l'évolution. Les liens évolutifs entre les différents fossiles trouvés n'étant pas toujours établis, notre arbre généalogique est loin d'être complet. Les premiers êtres, qualifiés d'homo, sont apparu il y a deux millions d'années avec homo rudolfensis. Il est suivi par homo habilis, homo ergaster, homo georgicus et homo erectus. Il y a environ un million d'années apparaît homo antecessor suivi par homo heidelbergensis. Ils vont donner naissance aux coussins homo néandertalensis, homo sapiens (l'homme qui sait qu'il sait) et homo floresiensis. Homo néandertalensis n'a été retrouvé qu'en Europe et au Proche-Orient. Homo floresiensis n'a été découvert qu'en 2004 sur l'île indonésienne de Flores. Homo sapiens qui a seul subsisté, a colonisé la terre entière.

L'origine d'homo sapiens n'est pas définie. Il semblerait établi que la terre d'origine des hominidés soit l'Afrique. Deux théories s'affrontent actuellement. Pour les généticiens, partisans de la théorie "Out of Africa", homo sapiens serait apparu entre 200000 et 100000 ans BP en Afrique et aurait de là, émigré sur tous les continents. Pour les paléoanthropologues, partisans de la théorie "multirégionaliste", homo sapiens serait apparu il y a 200000 ans BP dans différents endroits du monde. Les connaissances actuelles ne permettent pas de trancher en faveur de l'une ou de l'autre théorie. Des fossiles d'homo sapiens archaïques trouvés en Asie et en Afrique possèdent des caractères modernes d'homo sapiens et des caractères d'homo erectus. Ils témoignent qu'un métissage a pu avoir lieu. Un métissage entre homo sapiens et homo néandertalensis a également été prouvé génétiquement. L'Homme moderne européen possède environ 3 % de gènes d'homo néandertalensis.

cerf de Chimiachas
Cerf du site de Chimiachas en Aragon Espagne (Source Wikipédia)

Les hominidés sont apparus en Afrique de l'est. Très rapidement, ils se répandent sur ce continent. Entre 2 et 1,5 million d'années homo ergaster quitte l'Afrique pour coloniser l'Asie et l'Europe. Le gisement d'Ubeidiya en Israël est daté de 1,4 million d'années. Les fossiles de Dmanisi en Géorgie sont eux datés de 1,7 million d'années. Le site d'Orce au sud de l'Espagne est daté de 1,2 million d'années. Celui d'Atapuerca au nord de l'Espagne est daté de 780000 ans. Le nord de l'Europe est atteint vers 500000 ans. Homo ergaster est attesté à Java (site de Sangiran) vers 1,66 million d'années. En Chine, homo erectus est présent à partir de 800000 ans.

Les premiers prénéandertaliens apparaissent en Europe vers 500000 ans. Ils vont s'y développer pour connaitre leur apogée entre 80000 et 40000 ans BP. Homo sapiens, apparu vers 200000 ans, se répand à partir de 100000 ans à travers le monde. Il est attesté à cette date en Afrique du Nord, du Sud et de l'Est ainsi qu'au Proche-Orient. Le site de Xujiayao en Chine est également daté de cette période. L'Australie est atteinte vers 60000 ans BP. L'Amérique est colonisée à travers le détroit de Béring à partir de 35000 ans BP. Il est attesté sur le site de Toca do Boqueirao au Brésil il y a 32000 ans BP.

En Europe, homo sapiens va cohabiter avec homo néandertalensis à partir de 60000 ans BP. Homo sapiens est attesté en Europe occidentale à partir de 40000 ans BP. Il va supplanter homo néandertalensis dont les derniers représentants, retranchés dans les zones montagnardes d'Espagne, disparaissent vers 24000 ans BP. La raison de cette disparition reste inconnue. Maladie véhiculée par homo sapiens, guerre avec homo sapiens, taux de fécondité plus faible ou inadaptation au réchauffement climatique ont été avancés comme théorie. Aucune n'est vraiment satisfaisante au vu de la longue cohabitation entre les deux espèces (plus de 10000 années). Durant cette période, homo sapiens et homo néandertalensis ont partagé leurs cultures et leurs techniques d'outillage. Les chercheurs attribuent actuellement l'origine de l'inhumation des morts aux néandertaliens. Les plus anciennes sépultures connues sont datées de 100000 ans BP.

La colonisation de nouveaux territoires par l'homme est tributaire des conditions climatiques, de la disponibilité des ressources alimentaires et de la démographie. L'histoire de l'homme est jalonnée de périodes glacières et de périodes chaudes. Vers 1,8 million d'années, le climat était chaud et le niveau des océans était de 100 m au-dessus du niveau actuel. À partir de 1,6 million d'années et jusqu'à 700000 ans, le climat était froid avec un niveau des océans de 50 m en dessous du niveau actuel. À 700000 ans, le niveau des océans atteint 80 m au-dessus du niveau actuel pour redescendre 50000 ans après à 80 m sous le niveau actuel. Les périodes très froides alternent ainsi avec les périodes chaudes. Le niveau des océans oscille entre - 100 m et + 100 m par rapport au niveau actuel. L'hémisphère nord subit à partir de 80000 ans BP une période glacière. La banquise arrive jusqu'à la Tamise et Düsseldorf. La Pologne est sous une couche de 3000 m de glace. À cette période, l'Europe est peuplée de néandertaliens. À partir de 50000 ans BP, le climat se réchauffe. Ce réchauffement est particulièrement marqué entre 45000 et 38000 ans BP. Période où apparait homo sapiens en Europe. Les oscillations chaudes/froides se poursuivent jusqu'à 22000 ans BP. Le maximum glacière est atteint vers 18000 ans BP. Cette période glacière s'achève vers 11000 ans BP. Entre 5500 et 2500 av. J.-C., la température moyenne était supérieure de 2 degrés par rapport à aujourd'hui.

les aurochs de Lascaux
Aurochs de Lascaux (source Wikipédia)

 

Petit historique des découvertes

L'homme produit de l'art rupestre depuis au moins 50000 ans. L'art mobilier pourrait même remonter à 80000 ans BP. L'art est la production exclusive d'homo sapiens. Aucune preuve concrète n'a encore pu être amené permettant d'attribuer des œuvres à d'autres espèces d'homo comme homo néandertalensis. Des doutes existent cependant pour quelques rares objets mobiliers.

L'art rupestre est connu des hommes et des femmes depuis toujours. Certains peuples, comme les Aborigènes australiens ou les San d'Afrique du Sud, continuent de fréquenter les sites pour y perpétuer l'œuvre de leurs ancêtres.

Les premières descriptions d'art rupestre ont été réalisées en 494 apr. J.-C. par le géographe chinois Li Danyuan dans un livre intitulé "Shui Jing Zhu". En 1627, un instituteur norvégien, Peter Alfsson, fait des relevés de l'art rupestre du Bohuslan en Suède. Ce document est considéré comme la naissance des recherches sur l'art rupestre. Mais ce n'est que durant la deuxième moitié du XIXe siècle que cet art suscite un intérêt mondial. À partir de là, les découvertes se succèdent à travers le monde. Ce sont principalement des sites d'art rupestre de plein air ou dans de petites grottes.

tanun
Les bateaux du site de Tanun en Suède 5000 ans BP (source Wikipédia)

En 1880 la découverte des peintures au plafond de la grotte d'Altamira (Espagne) déclencha une guerre des opinions auprès des "antiquaires", les archéologues de l'époque. Beaucoup étaient convaincus que ces peintures étaient des faux et aucun ne croyait l'homme préhistorique capable de les réaliser. La découverte de nouvelles œuvres dans les grottes du sud-ouest de la France se poursuivit à un rythme rapide à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. La découverte des grottes de Font de Gaume et des Combarelles aux Eyzies-de-Tayac (Dordogne) en 1901, permit la reconnaissance de l'art rupestre au sein de la communauté scientifique et son attribution à l'homme préhistorique.

La majorité des découvertes en Europe ont été faites avant la 2e Guerre mondiale. Des découvertes importantes ont toutefois eu lieu depuis. La grotte de Lascaux (Dordogne) en 1940, la grotte Cosquer (Bouche du Rhône) en 1991,la grotte Chauvet (Ardèche) en 1994 et la grotte de Cussac (Dordogne) en 2000. Depuis la 2e Guerre mondiale, les recherches se sont portées hors de l'Europe et les découvertes se succèdent à travers le monde.

 

L'art rupestre à travers le monde

Selon un rapport présenté à l'UNESCO en 1984, plus de 45 millions de figures regroupées sur 70000 sites dans 160 pays ont été recensées. D'après ce rapport, l'Afrique compte 16 millions, l'Océanie 12 millions, l'Amérique 7 millions, l'Asie 6 millions et l'Europe 4 millions. Ces chiffres sont bien sûr approximatifs et largement dépassés. Dans la chaîne du Drakensberg au Lesotho, l'archéologue A. Smits a catalogué 500 grottes ornées et estimé leurs contenus à plus d'un million d'images. Par ailleurs, il a été signalé dans cette zone plus de 5000 grottes ornées. Le catalogue de Smits ne couvrirait donc que 10 % de l'existant. Le Val Camonica (Alpes italiennes) compte 76 sites totalisant environ 2000 dalles ornées avec 300 000 gravures. Cet endroit compte évidemment encore de nombreuses œuvres non répertoriées sans compter ceux que le temps a effacés. Jean Pierre Mohen évalue le nombre de figures et de signes à plus de 500 millions.

L'art rupestre est un art universel réparti sur toutes les terres occupées par homo sapiens.

carte de l'art rupestre
Répartition de l'art rupestre dans le monde.

L'art rupestre s'exprime dans les grottes, sur les dalles en plein air et sur les mégalithes. Dans les sites de plein air seul, les gravures les plus profondes ou les plus récentes se sont conservées. Dans certaines régions, des abris sous roche ont conservé des peintures comme au Sahara ou en Australie.

 

Les auteurs d'art rupestre

D'après le professeur Emmanuel Anati (directeur du Centro Camuno di Studi Preistorici site web : www.ccsp.it), la production de l'art rupestre est due à cinq types de groupes d'hommes et de femmes qui se sont succédé dans les différentes régions du monde.

1) Les chasseurs archaïques :

Ce sont des chasseurs qui ignorent l'usage de l'arc. Leur art exprime la recherche des raisons, des règles et des significations du monde où ils vivent. L'Homme semble ignorer les problèmes économiques et il s'emploie dans son art à explorer une dimension sensorielle à laquelle il accède dans des états hallucinatoires. Cet art s'exprime sur des roches à l'air libre, dans les abris sous roche et au plus profond des grottes. Cet art se rapproche le plus de la conception systématique de l'écriture. Les grands sanctuaires de l'art paléolithique européen tel que les grottes de Niaux, des Trois-Frères, de Chauvet ou de Lascaux ont été réalisés par les chasseurs archaïques.

La production artistique de ces chasseurs archaïques est datée en Afrique de 50000 à 8000 ans BP, au Moyen-Orient de 20000 à 10000 ans BP, en Asie de 40000 à 7000 ans BP, en Australie de 40000 ans BP à nos jours, en Amérique de 18000 ans BP à nos jours et en Europe de 30000 à 10000 ans BP.

2) Les cueilleurs archaïques :

Ces hommes et ces femmes ont créé un art mystique reflétant leurs pensées sous l'emprise de plantes hallucinogènes. Ils ont produit leurs dessins exclusivement dans les abris sous roche. En Europe, l'art des cueilleurs archaïques n'a été identifié qu'en Espagne et sur le site du Mas d'Azil dans les Pyrénées.

La production artistique de ces cueilleurs archaïques est datée en Afrique de 20000 à 6000 ans BP, au Moyen-Orient et en Asie de 15000 à 8500 ans BP, en Australie de 20000 ans BP à nos jours et en Europe de 15000 à 8500 ans BP. Cet art n'est pas présent en Amérique.

3) Les chasseurs évolués :

La recherche de la nourriture est la préoccupation quotidienne de ces hommes et de ces femmes. La chasse est donc le thème dominant de leur art qui se retrouve surtout dans les zones semi-arides et arides. Cet art apparait à partir de 14000 ans BP presque simultanément en Europe, en Afrique et en Asie. Il disparait avec l'apparition des pasteurs, mais subsiste encore dans certaines régions du globe. En Europe, on en trouve des exemples en Espagne.

La production artistique de ces chasseurs évolués est datée en Afrique de 14000 ans BP à nos jours, au Moyen-Orient de 14000 à 4000 ans BP, en Asie de 14000 à 2000 ans BP, en Australie de l'an 0 apr. J.-C. à nos jours, en Amérique de 8000 ans BP à nos jours et en Europe de 14000 à 7000 ans BP.

4) Les pasteurs :

Ces hommes et ces femmes ont une conception matérialiste du monde qu'ils expriment dans leur art. Le troupeau est leur patrimoine et la vie du clan leur centre d'intérêt. Leurs œuvres montrent une tendance à l'érotisme et à l'exaltation du sexe, mais la nourriture et le territoire sont toujours présents. Cet art se développe à partir de 10000 ans BP et s'exprime à l'air libre et dans les abris sous roche. Il est très rare en Europe, mais subsiste en Asie centrale, au Moyen-Orient et dans la région subsaharienne.

La production artistique de ces pasteurs est datée en Afrique de 8000 ans BP à nos jours, au Moyen-Orient de 10000 ans BP à nos jours, en Asie de 9000 ans BP à nos jours, en Australie et en Amérique de l'an 0 apr. J.-C. à nos jours et en Europe de 8000 à 6000 ans BP.

5) Les populations à économie complexe :

Ce sont des hommes et des femmes qui pratiquent l'agriculture. Leur art, qui se développe à partir de 8000 ans BP, est le plus hétérogène. Il fait place à l'approximation et se montre assez souple vis-à-vis des tendances à l'absolu et à l'impératif qui domine dans l'art des autres populations. Il s'exprime à l'air libre et dans les abris sous roche. Cet art disparait avec l'apparition de l'écriture. Il subsiste en Afrique, en Asie et en Océanie. En Europe, on le trouve dans l'art des mégalithes et dans les sites de plein air de Val Camonica en Italie et de la Vallée des Merveilles dans les Alpes françaises.

La production artistique de ces populations à économie complexe est datée en Afrique de 6000 ans BP à nos jours, au Moyen-Orient de 8000 ans BP à nos jours, en Asie de 6000 ans BP à nos jours, en Australie et en Amérique de l'an 0 apr. J.-C. à nos jours et en Europe de 7000 ans BP jusqu'à l'an 0 apr. J.-C..

mane%20lud-4
Gravure du dolmen du Mané Lud (Morbihan)
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

plates4
Gravure du dolmen des Pierres Plates (Morbihan)
représentant la Déesse Mère
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

 

Les thèmes représentés

Parmi les thèmes les plus utilisés dans l'art rupestre figurent les animaux, les humains et les signes. Les paysages, les plantes, les arbres, les montagnes, le ciel et les astres ne font pas partie des éléments représentés.

Dans les grottes ornées européennes, les grands herbivores sont majoritaires. Ces grottes ont été utilisées par les hommes et les femmes préhistoriques durant plus de 20000 ans. Les plus anciennes peintures rupestres sont pour l'heure celles de la grotte Chauvet en Ardèche datée de 31000 ans BP. Les plus récentes sont celles du magdalénien vers 10000 ans BP (Altamira, Font de Gaume, Rouffignac, Lascaux…). Le cheval domine le bestiaire de l'art pariétal (60,2 % à Lascaux). Il est suivi par le bison. À eux deux, ils représentent la moitié des animaux. Les bouquetins, les cerfs, les rennes, l'auroch et le mammouth viennent ensuite. Les animaux dangereux comme les ours, les félins, les rhinocéros sont également présents parfois en grands nombres dans certaines grottes. Les oiseaux (une trentaine en Europe), les poissons (une trentaine également) et les animaux marins (trois pingouins dans la grotte Cosquer) sont très rares.

Certaines grottes ont des thèmes privilégiés. Rouffignac (Dordogne) est la grotte des mammouths (158). Y figurent également de nombreux rhinocéros. Dans la grotte de Niaux (Ariège), la moitié des animaux sont des bisons. Le bestiaire de la grotte Chauvet (Ardèche) est à 60 % composés de félins, d'ours et de rhinocéros.

tassili-1
Gravure du Tassili du Hoggar
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

tassili-2
Gravure du Tassili du Hoggar
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

La taille des représentations est très variable. Elle va de quelques centimètres à des représentations surdimensionnées comme les taureaux de Lascaux qui font 5,60 m de long. Beaucoup d'animaux sont cependant représentés grandeur nature. Ils sont soit stylisés, mais parfaitement reconnaissable soit hyper réaliste. Ils sont sexués ou asexués et souvent gratifiés des marques saisonnières comme les périodes de rut. Les chevaux de Lascaux sont dépeints à la fin de l'hiver, les cerfs en automne.

Les représentations humaines sont de deux types : les êtres anthropomorphes et les mains. Dans l'art paléolithique européen, les êtres anthropomorphes sont rares (environ une vingtaine). La plupart ne sont que schématisés ou caricaturés. Certains sont également des êtres composites mi-homme mi-animal. Les représentations d'éléments du corps humain sont bien plus nombreuses. La vulve féminine est la plus souvent représentée. Dans la grotte Cosquer figure un phallus parfaitement gravé. Les mains, qu'elles soient positives (main recouverte de peinture et appliquée au mur) ou négatives (main utilisée en pochoir), sont massivement utilisées. La grotte de Gargas (Hautes-Pyrénées) en compte 212. Ces mains sont féminines ou masculines, droite ou gauche et couvrent toutes les tranches d'âge. La grotte de Bernifal (Dordogne) compte deux mains gauches gravées côte à côte reconnues comme étant celles d'une femme et d'un homme. Beaucoup de ces mains sont représentées de manière incomplète avec des phalanges manquantes. De nombreuses hypothèses ont été formulées pour expliquer ce phénomène tel que les mutilations volontaires à l'occasion de rituels d'initiation, les sacrifices aux dieux ou esprits, le langage gestuel, les séquelles de gelures, les accidents ou la maladie. La réponse n'a pas encore été trouvée.

main négative
Main négative dans la grotte du Pech-Merle dans le Lot (24640 ans BP)
(source Wikipédia)

le sorcier
Le sorcier de la grotte des Trois-Frères en Ariège (25000 ans BP)
(source Wikipédia)

L'art rupestre contient d'innombrables signes dont la signification nous échappe presque totalement. Très rares sont les sites dépourvus de signes. Les signes les plus simples sont le point, la ligne, la croix, le rond, l'ovale, le "V" et les grilles. Des signes plus complexes sont également utilisés comme les motifs quadrangulaires, trapézoïdaux, empennés (en forme d'Y), tectiformes (en forme de toit), aviformes (en forme d'oiseau), claviformes (en forme de clé), scutiformes (en forme de bouclier), scalariformes (en forme d'échelle), pectiformes (en forme de peigne), cordiformes (en forme de cœur), etc.

fages-14
Gravures du Rocher des Fages en Lozère
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

fages-26
Anthropomorphes du Rocher des Fages en Lozère
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

La signification de certains de ces signes a fait l'unanimité auprès des chercheurs. La croix est la représentation de la forme humaine. Cela est évident pour les croix cupulées ou la cupule supérieure représente la tête ou pour les croix surmontant un arceau ou un triangle ou celui-ci représente les jambes. Les signes en "phi" sont également une représentation de l'être humain. Sur certains mégalithes ou hypogées protohistoriques sont représentés des paires de seins soulignées par un collier représentant la Déesse Mère protectrice des morts et des vivants.

gloriannes-17
Anthropomorphes de la dalle de Glorianes (Pyrénées Orientales)
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

allee%20de%20kerguntuill-4
Les paires de seins de l'allée couverte de Kerguntuil (Côtes d'Armor)
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

 

L'utilisation des différents signes et leurs associations avec les autres éléments devaient constituer un langage iconographique dont la signification nous échappe totalement. L'étude de la répartition géographique et chronologique semble indiquer qu'ils servaient de marqueurs ethniques régionaux.

Il a été démontré que les figures constituant l'art rupestre pouvaient être classées en trois catégories grammaticales:

Les pictogrammes :

Ce sont des représentations identifiables d'êtres anthropomorphes, d'animaux, de structures et d'objets.

musee2
Bloc gravée de l'abri du Fourneau du Diable (17000 ans BP)
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

musee6
Gravures de vulves de l'abri du Cellier à Tursac (30000 ans BP)
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)


Les idéogrammes :

Ce sont des signes répétitifs tels que le point, des séries de points, la ligne, le disque, le disque avec un point central, la ligne et le point, le signe en "V", en "T", en "S", le carré, le rectangle, le triangle, la flèche, la branche, la croix, l'étoile, le serpentiforme, le zigzag, le signe phallique, le signe vulvaire, le signe à lèvres, les cinq doigts d'une main. Ces différents signes connaissent une diffusion mondiale.

tassili-3
Gravure du Tassili du Hoggar
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaître les gravures)

tassili-4
Gravure du Tassili du Hoggar
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaître les gravures)


Les psychogrammes :

Ce sont des expressions visuelles de sensations et de concepts. Ils sont surtout présents dans l'art des chasseurs archaïques et des cueilleurs.

grotte de lascaux
Grotte de Lascaux, la scène du puits
(copyright 2003 by Centro Camuno di Studi Preistorici)

En Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique et en Océanie, l'art des chasseurs archaïques et des chasseurs évolués présente les mêmes thèmes et les mêmes figures. L'art des populations à économie complexe présente le plus fréquemment des thématiques à caractère régional ou local.

L'homo sapiens possède des capacités d'abstractions à partir desquelles il a conçu la représentation visuelle. L'art visuel a permis à l'homo sapiens de communiquer notamment à l'aide d'un assemblage de vocalisations devenu le langage. L'art visuel du début utilisant des thèmes uniques, on peut supposer que les premiers homo sapiens utilisaient un langage unique qui au fil des millénaires s'est différencié en une multitude de langues.

 

Les techniques utilisées

L'art rupestre s'exprime sous forme de peintures, de gravures et de sculptures.

L'homme et la femme ont appris très tôt à confectionner des craies ou crayons de pigments. Des bâtonnets d'oxyde ferrique ont été datés de 80000 ans BP. L'ocre a servi à confectionner le rouge, le jaune et le brun. Le noir est constitué de charbon de bois ou d'oxyde de manganèse. Après avoir broyé le minéral, le résidu était mélangé à de l'eau et décanté. L'eau avec les pigments était ensuite transvasée puis séchée au soleil afin de récupérer des galettes de pigments. Ces galettes étaient broyées puis mélangées à un liant (de l'eau) et à une charge (argile kaolin ou du talc) pour en faire une peinture.

Après avoir réalisé une esquisse, certainement à l'aide d'un crayon de pigments, l'artiste colorait son œuvre soit directement avec les doigts ou à l'aide d'un outil. Il utilisait des pinceaux faits de poils ou de crins de cheval ou des tampons en mousse. Il utilisait également le crachis en projetant à l'aide de sa bouche la peinture. Il dirigeait le jet avec sa main ou avec un pochoir. La plupart des peintures sont monochromes. À partir de 13000 ans BP, elles peuvent être bicolores. Rares sont celles qui utilisent plus de deux couleurs.

Les gravures qui représentent la majorité des œuvres ont été réalisées soit avec les doigts (pour les surfaces molles) ou à l'aide d'outils tranchants ou pointus comme les silex. Depuis l'apparition des outils en fer, ceux-ci ont remplacé les silex. Les sculptures sont réalisées par piquetage ou bouchardage. L'utilisation de burin est attestée. Dans de rares cas, le modelage d'argile a été réalisé comme dans la grotte du Tuc d'Audoubert en Ariège.

Dans les grottes ornées, les parois étaient soigneusement étudiées pour servir de support. De nombreuses œuvres tirent partis de la forme particulière de la paroi pour leur donner du relief. Dans la grotte de Pech-merle (Lot), le bloc sur lequel est peint le panneau des chevaux ponctués, présente sur sa droite une forme en tête de cheval habilement exploité par l'artiste. Certaines œuvres ont été réalisées sur des parois ou les plafonds inaccessibles sans mise en place d'échafaudage. Des traces de tel échafaudage ont été retrouvées dans la grotte de Lascaux. Dans certaines grottes, des œuvres ont été réalisées au fond de puits ou dans des salles uniquement accessibles au travers de cheminées ou de chatière très étroites.

namibie-4
Gravure rupestre de Namibie
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

 

En quête de sens

Différentes théories ont vu le jour pour expliquer l'art rupestre.

Le chamanisme

David Lewis-Williams et Jean Clottes ont émis l'hypothèse que l'art rupestre et plus particulièrement l'art pariétal préhistorique a été réalisé par des chamans. Le chamanisme est un système symbolique imprégnant la vie des peuples chasseurs. Ceux-ci confient les rituels à un sorcier (sorcière) ou guérisseur (guériseuse). Celui-ci s'adresse par des chants et des danses aux esprits de la nature pour leur demander leurs faveurs. Ces esprits sont souvent situés dans des endroits où l'homme ne vit pas comme le ciel, le sommet des hautes montagnes, dans les eaux ou la profondeur de la terre. Les grottes permettent aux hommes et aux femmes de pénétrer dans ces profondeurs. La réalisation des œuvres au fond des grottes permettait d'établir un contact avec les esprits de l'au-delà. La représentation des animaux est donc une façon de s'adresser à leurs esprits et de capter leurs puissances.

Les motifs de réaliser ces œuvres devaient être multiple tel que rites de passage à l'âge adulte, guérison de malade, demande de faveurs pour la chasse, etc. Les pratiques pouvaient être effectuées par des groupes dans les lieux le permettant comme les grandes salles des grottes ou individuelles pour les endroits exigus. Parmi ces chamans, il y avait des artistes doués comme ceux qui ont réalisé les chefs-d'œuvre des grottes de Lascaux, de Chauvet, de Niaux, d'Altamira, etc. Mais beaucoup d'œuvres ont été réalisées par des artistes médiocres (on ne montre que les chefs-d'œuvre) qui n'ont produit que des dessins gauches ou ratés.

David Lewis-Williams suggère également que les signes géométriques sont la reproduction des visions que les chamanes auraient eues lors des transes. Des traces évidentes de rites ont été retrouvées. Dans la grotte Cosquer a été découverte une trace de main d'enfant à plus de deux mètres de hauteur. Pour la réaliser, l'enfant a été soulevé par un adulte. Dans la grotte de Bernifal, un silex a été retrouvé fiché dans un trou de la paroi à 3 m de hauteur. Ce silex très fin (2 mm) est encalcité (prouvant son ancienneté), mais l'angle que forme l'anfractuosité avec la paroi est tel, que le silex a dû être collé pour le maintenir en place. L'entrée de cette grotte a également été obturée de manière intentionnelle durant la préhistoire. Ces gestes, comme la réalisation des empreintes de mains, traduisent l'intention d'entrer en contact avec l'autre monde situé derrière la paroi rocheuse.

cerf de Lascaux
Cerf de l'abside de Lascaux (source Wikipédia)

Le culturalisme

Le culturalisme propose d'interpréter l'art rupestre en fonction des mythes. Les adeptes de cette thèse estiment qu'il n'y a pas de thème universel, mais que l'art rupestre doit être lu en fonction des mythes locaux. Il y a bien sûr des signes que l'on retrouve sur tous les continents comme les empreintes de mains. Mais ces signes n'ont peut-être pas la même signification partout. Les travaux des culturalistes empruntent beaucoup aux ethnologues comme Claude Lévi-Strauss. Le mythe ne nait et ne prospère pas en vase clos. Il est communicatif et circule en se modifiant. Il fait corps avec les sociétés et vit avec elles. Il évolue avec les échanges et les histoires que vivent les peuples. Une étude de Serge Cassen sur les gravures de l'allée couverte de Gavrinis (Morbihan) met en évidence des symboles de l'art de la chasse (aurochs, cachalot, hache), agricole (charrue) et pastoraux (bélier) traduisant la révolution néolithique où l'homme passe du statut de prédateur à celui de producteur.

Le culturalisme opère un rapprochement entre l'art rupestre des temps préhistoriques et les traditions qui nous sont parvenues. À mesure qu'on remonte dans le temps, l'interprétation devient difficile. À Pergouset dans le Lot, une grotte ornée de 150 gravures a été datée de 12000 ans BP. Les œuvres très naturalistes à l'entrée deviennent de plus en plus chimériques lorsqu'on s'enfonce dans les profondeurs de la terre. Cette organisation a rappelé à Michel Lorblanchet un mythe de création du monde qui partant du monde chaotique aboutit au monde tel que nous le voyons. Ce mythe est présent en Europe, en Asie, et en Amérique, mais pas en Australie et très peu en Afrique. Ce mythe pourrait donc avoir trouvé son origine dans l'Europe ancienne, il y a plus de 20000 ans et avoir été diffusé en Asie et en Amérique par les migrations préhistoriques.

Le naturalisme

Pour Patrick Paillet, maître de conférences au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, l'art rupestre et surtout l'art paléolithique sont une démarche naturaliste. Beaucoup d'œuvres, notamment les gravures mobilières, sont riches de détails anatomiques traduisant le comportement des animaux dans la nature. Pour lui, ces œuvres sont l'art de chasseurs.

Dans les œuvres plus schématiques, le naturalisme se retrouve dans la représentation des caractères spécifiques de l'espèce. Ce qui permet de reconnaitre l'animal d'un seul coup d'œil comme pourrait le faire un chasseur de loin.

Les spécialistes sont capables de déterminer en combien de traits une gravure ou une peinture a été exécutée. Les études démontrent que les artistes qui ont exécuté les œuvres rupestres avaient des gestes très sûrs. Beaucoup d'œuvres sont parfaites. Les erreurs flagrantes sont dues à la difficulté à saisir le mouvement plus qu'à un défaut de technique.

Patrick Paillet voit cependant dans l'art pariétal préhistorique une tendance réaliste et une tendance symbolique. Les figures schématiques sont plus nombreuses que les autres. Un trait schématique rapide est plus propice à un rituel de chasse qu'une peinture réaliste. Les œuvres réalistes seraient plus un plaisir que se ferait l'artiste pour lui ou les autres. L'art pour l'art en quelque sorte.

namibie-1
Gravures rupestre de Namibie
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

namibie-2
Faunes de Namibie
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

namibie-5
Rhinocéros et girafes de Namibie
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

namibie-7
Un lion parmi les gravures
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

La religion

L'archéologue Marija Gimbutas a observé des centaines d'œuvres d'art rupestres et mobilières datées de la préhistoire. Elle en a conclu que durant le paléolithique est né un culte d'une divinité féminine. Cette divinité représente les phases de la vie depuis la naissance jusqu'à la mort. Elle figure donc dans les représentations des vulves symbolisant la naissance comme dans les tombes dolméniques ou elle représente la mort et l'au-delà. Il va sans dire qu'une des préoccupations majeures des peuples préhistoriques était la perpétuation de l'espèce. Mais le mystère de la mort était bien présent comme en témoignent les sépultures retrouvées. Les plus anciennes sépultures sont attribuées aux néandertaliens et sont datées de 100000 ans BP.

allee%20de%20prajou-14
La Déesse Mère de l'allée couverte de Prajou-Menhir (Côtes d'Armor)
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

allee%20de%20prajou-25
Gravure en forme de palette de l'allée couverte de Prajou-Menhir
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

Le culte d'une divinité féminine peut être retrouvé dans les plus lointaines œuvres humaines et se perpétue au-delà du néolithique. Cette divinité est ensuite peu à peu remplacée par des dieux masculins plus guerriers.

Déjà en 1964, André Leroi-Gourhan pensait que les hommes qui ont peint ou gravé ces œuvres l'ont fait au cours de rites religieux. Les sites rupestres seraient l'équivalent de nos cathédrales. Les Hommes ont choisi des sites pour y célébrer des rites afin de se concilier les grâces des esprits de la nature. L'Homme a de tout temps essayé d'expliquer les phénomènes naturels auxquels il assiste (le lever ou le coucher du soleil par exemple) et l'inexplicable est dû à des forces supérieures.

Emmanuel Anati abonde dans ce sens. Il a constaté que l'art des chasseurs présente les mêmes thèmes et les mêmes figures, quelle que soit la région du monde. Il en déduit que l'art aurait été inventé une seule fois et aurait été diffusé dans le monde par les migrations d'homo sapiens. Les mythes des origines de l'Homme et celui d'une grande migration sont des mythes universels dans le monde. De même, les thèmes des grandes étapes de la vie (naissance/mort) se retrouvent chez tous les peuples. Il y aurait donc eu une religion universelle qui a donné naissance à toutes les autres.

Les représentations rupestres sont les vestiges des rituels pratiqués par les hommes et les femmes. La gravure et la peinture étaient certainement accompagnées d'autres rites et offrandes. Après avoir dessiné un animal sur une paroi rocheuse, l'homme ou la femme y a peut-être déposé des feuilles, des morceaux de viande ou d'autres éléments périssables. Ces rites nous seront bien sûr pour toujours inaccessibles.

musee5
Figurations humaines de l'abri de la Roche de Lalinde (Magdalénien)
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

L'astronomie

Des découvertes récentes faites sur le site des gravures rupestres du Mont Bégo dans les Alpes maritimes prouvent que certaines gravures rupestres sont en relation avec des phénomènes astronomiques. Une dalle de la Vallée des Merveilles (Mont Bégo) a été aménagée en cadran solaire. Les 36 gravures d'armes (poignards) et de bovins sont disposées de sorte que l'ombre d'une des arêtes de la dalle matérialise une période allant du 21 juin au 14 septembre. Cette période correspond à la saison sans neige où les troupeaux venaient en altitude. Ces gravures rupestres sont datées de 2000 av. J.-C.. De nombreux sites préhistoriques sont en relation avec des observations astronomiques. Pour les agriculteurs/éleveurs du néolithique, la connaissance du temps était très importante. Ces calendriers permettaient de connaitre la période des semailles ou l'heure des transhumances des troupeaux.

Au Musée des Antiquités nationales à St-Germain en Laye est conservée une plaquette osseuse trouvée à l'abri Blanchard en Dordogne. Cette plaquette, datée de 35000 ans BP, est gravée de 69 incisions en forme de cercle ou de croissant. Alexander Marshack, un archéologue américain, a affirmé en 1970 que ces incisions représentaient les phases de la lune. La chercheuse Chantal Jèques-Wolkiewiez a démontré que la plaquette représente deux cycles lunaires vus depuis l'abri Blanchard il y a 35000 ans.

Chantal Jèques-Wolkiewiez s'est interrogée sur le choix opéré par les hommes préhistoriques d'orner telle grotte plutôt que telle autre. Ces recherches ont montré que la majorité des grottes ornées sont orientées vers un point remarquable de l'horizon tel que le lever ou le coucher du soleil lors des solstices ou des équinoxes. Lors de ces moments, le soleil pénètre loin au cœur de ces cavités. D'autres correspondances astronomiques existent, notamment dans les détails anatomiques des animaux représentés. Dans l'abri du poisson, aux Eyzies-de-Tayac, est gravé un saumon avec la mâchoire inférieure recourbée, caractéristique de la période de reproduction. Cette période est située en décembre, seul mois où l'abri est éclairé par le soleil. Sur un panneau de Lascaux, sont peint deux bisons adossés. Celui de gauche est représenté en période de mue, correspondant au printemps, et celui de droite en période de rut, correspondant à l'automne. La chercheuse a mesuré que le bison de gauche est orienté vers le lever du soleil au solstice d'été et celui de droite est orienté vers le lever du soleil au solstice d'hiver. Et le point de croisement des deux queues correspond au lever du soleil lors de l'équinoxe de printemps et d'automne. Étrange coïncidence.

Norbert Anjoulat avait déjà démontré que les animaux peints à Lascaux symbolisaient le défilement des saisons en étudiant leurs caractéristiques anatomiques. Chantal Jèques-Wolkiewiez va plus loin et voit dans les grottes ornées des cartes du ciel. Elle a procédé à des comparaisons entre les peintures de la grotte de Lascaux et les emplacements des astres lors de la préhistoire. Les résultats sont surprenants. Pour elle, les grottes ornées sont des sanctuaires liés au mouvement des astres réalisé par des spécialistes de la mesure du temps. Ceci y célébrait la mort symbolique du soleil durant l'hiver avant sa renaissance au printemps.

Les théories archéoastronomiques ne trouvent pas beaucoup d'adeptes auprès des archéologues établis. L'attribution de connaissances poussées en astronomie aux hommes de la préhistoire, transmise de génération en génération, bouleverse la façon de penser le monde préhistorique tel qu'il est établi actuellement. Cependant, les découvertes archéologiques prouvant ces connaissances s'accumulent.

dolmen%20creu%20de%20la%20falibe-4
La dalle de couverture du dolmen du Creu de la Falibe
 (Pyrénées Orientales)
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

gloriannes-18
L'oiseau de la dalle de Glorianes
(Passez la souris sur la photo pour faire apparaitre les gravures)

En conclusion…

L'art est né avec homo sapiens. L'évolution nous a dotés de capacités d'abstractions à partir desquelles nous avons conçu la représentation visuelle. De tout temps, l'Homme s'est interrogé sur sa présence dans ce monde. Il a essayé d'expliquer les phénomènes naturels auxquels il assiste comme le jour et la nuit. De même, il s'est interrogé sur le mystère de la vie. L'art rupestre transcrit ces croyances et tentatives d'explication.

L'art rupestre évolue avec les croyances et les connaissances que l'Homme a de la nature. Nous trouvons dans les oeuvres rupestres le passage des croyances naturalistes aux croyances à des puissances célestes comme le ciel, le soleil, la foudre ou le tonnerre puis à des croyances à des dieux d'apparence humaine. L'art rupestre disparait avec l'avènement de l'écriture. Les histoires racontées sur les parois rocheuses figurent dorénavant dans les livres. Ils sont de ce fait accessibles au plus grand nombre et ne sont donc plus réservés à quelques initiés admis au fond des grottes ou dans les sites de plein air que les peuples anciens considéraient comme "tabou".

La réalisation de certaines œuvres notamment les grands sanctuaires de la préhistoire européenne que sont les grottes ornées a nécessité des efforts considérables témoignant de croyances très fortes. Ces croyances nous resteront malheureusement pour toujours inaccessibles.

Nous devons admettre, ne rien savoir sur la signification de ces peintures et gravures. Nous ne savons même pas si les datations proposées sont exactes, car les seules peintures pouvant être datées sont celles faisant appel à des pigments végétaux ou animaux ou à des pigments ayant été chauffés. Mais est-ce la peinture originale ou une restauration effectuée par d'autres artistes préhistoriques ? De même, les dépôts lithiques et mobiliers trouvés dans les grottes ornées sont-ils contemporains des peintures et gravures ou dus à des visiteurs ultérieurs ? Chaque nouvelle découverte d'une grotte ornée bouleverse les certitudes établies jusque-là.

Et si les gravures et peintures rupestres n'étaient tout simplement que les tags de l'époque ? À moins que les tags soient les peintures rupestres du XXe et du XXIe siècle ?

 

 

Cette page a été mise en ligne le 2 mars 2004

Cette page a été mise à jour le 4 mars 2016