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Le camp de concentration
de Natzweiler-Struthof

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Vue sur la nécropole, le mémorial et le camp

Le camp de concentration Natzwiler-Struthof est le camp de concentration nazi le plus à l'ouest et le seul qui fut établi en France. Il fut également le premier camp de concentration nazi libéré par les Américains.

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Vue sur le camp depuis le portail

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Le portail du camp

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Un des miradors

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La cloture du camp

L'origine du camp est un filon de granite rose reconnu par des géologues allemands entre 1871 et 1917. Dans les années 1920, Hitler posa les premières bases de la rénovation urbaine de Berlin qu'il imagina comme la nouvelle capitale du monde et qu'il voulait rebaptiser Germania. Le 30 janvier 1937, Hitler chargea l'architecte Albert Speer de transformer Berlin. Les édifices prévus étaient de dimension extravagante comme le grand Dôme, seize fois plus grand que Saint-Pierre de Rome et capable d'accueillir 150 000 personnes. La grande avenue, longue de 7 km, devait être 20 m plus large que les Champs-Élysées de Paris et l'Arc de Triomphe, haut de 120 m, devait comporter les noms des 1 800 000 morts de la Grande Guerre. Pour ces constructions, les besoins en matériaux, dont le granite, étaient colossaux. En 1941, les commandes de pierres à l'industrie privée étaient de 30 millions de Reichsmarks. Pour couvrir ces besoins, un autre système d'approvisionnement fut imaginé. Le 29 avril 1938, Heinrich Himmler créa l'entreprise minière "Deutsche Erd und Steinwerke GMBH" et organisa le travail forcé dans les mines et carrières. Les camps de concentration de Flossenburg (Bavière) et de Mauthausen (Autriche) furent donc créés pour exploiter des carrières de granite. Pour la construction du grand stade de Nuremberg de 300 000 places, Albert Sperr réclama du granite rose de Natzweiler. La présence du filon, long de 4 km, fut confirmée en septembre 1940 par le géologue SS Karl Blumberg. Le 3 avril 1941, 200 SS s'installèrent à l'auberge et à l'hôtel du Struthof ainsi qu'à Rothau. Le camp de concentration de Natzwiler-Struthof fut officiellement ouvert le 1er mai 1941. Les 21 et 23 mai 1941 arrivèrent les deux premiers convois de 150 détenus en provenance du camp de concentration de Sachsenhausen. Hébergés autour de l'auberge du Struthof, ils furent affectés à la construction du camp. Celui-ci fut établi à 800 m d'altitude sur un terrain en pente exposé au vent du nord.

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La carrière

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Les fondations d'une des baraques de la carrière

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Vestiges d'une des baraques de la carrière

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Vestiges du bâtiment ayant abrité la forge de la carrière

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Une des chambrées au sous-sol du bâtiment ayant abrité la forge de la carrière

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Vestiges d'une des baraques de la carrière

À proximité du camp de concentration (KL) de Natzwiler-Struthof se trouvait depuis le 2 aout 1940 le camp d'internement (Sicherrungslager) de Schirmeck-Vorbruck destinée à la rééducation des Alsaciens-Mosellans réfractaires à l'annexion par le IIIe Reich. Le 27 juin 1941 arriva au KL Natzwiler-Struthof le premier détenu français, le mosellan Eugène Mennel, et le 29 mai arriva le premier alsacien, Auguste Stauffert. Jusqu'en aout 1942, le KL Natzwiler-Struthof était un camp fermé (Geschlosseneslager) ne pouvant recevoir que des détenus en provenance d'autres camps. À cette date, il devint un camp d'affectation (Einweisunglager) pouvant accueillir des détenus envoyés par la Gestapo. Le 4 aout 1942, cinq détenus, dont l'alsacien Martin Winterberger, parvinrent à s'évader. Alfons Christmann fut repris et pendu dans le camp le 5 novembre 1942. Le 15 décembre 1942 fut ouvert à Obernai le premier camp annexe. Le KL Natzwiler-Struthof fut le centre d'un réseau de camps annexes (entre 53 et 70) dans un rayon de 300 km. Le dernier de ces camps annexe, le camp d'Offenburg, fut ouvert en mars 1945. En aout 1944, le camp principal abritait 7000 détenus et les camps annexes plus de 20 000. Parmi les camps annexes, je peux citer celui du tunnel d'Urbés, celui de Thil (le seul en France non annexé) ou celui de Vulkan.

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L'auberge du Struthof

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Le bâtiment abritant la chambre à gaz

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La baraque abritant le musée du camp

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Emplacement d'une des baraques du camp avec au premier plan la place d'appel

Le 17 février 1943 furent exécuté au KL Natzwiler-Struthof 13 jeunes de Ballersdorf réfractaire à l'incorporation de force et qui tentèrent de se réfugier en Suisse. Le 15 juin 1943 arriva le premier convoi de 71 détenus "NN" norvégiens. Le décret "Nacht und Nebel" (nuit et brouillard) fut signé le 7 décembre 1941 par le maréchal SS Keitel. Il avait pour but de faire disparaître sans traces les personnes déclarées ennemis du IIIe Reich. Entre les 9 et 15 juillet 1943 arrivèrent les 169 premiers détenus NN français. Le 11 aout 1943 furent exécutées dans la chambre à gaz 15 femmes. Entre cette date et le 19 aout 1943, furent gazées, en quatre séances, 86 personnes juives (29 femmes et 57 hommes) sélectionnées au camp de Birkenau par le professeur Hirt de la Reichsuniversitat de Strasbourg dans le but de constituer une collection anatomique. Le 22 octobre 1943 fut déclaré opérationnel le four crématoire du camp. L'activité d'extraction de granite devint au cours de l'année une activité secondaire (elle se poursuivit jusqu'en 1944 avec 200 détenus), le camp se mettant alors au service de l'industrie de l'armement. Les détenus furent alors affectés majoritairement au démontage des moteurs d'avions pour la firme Junkers afin de récupérer des pièces réutilisables au sein de baraques installées dans la carrière.

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La "Sablière"

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L'emplacement mémorial de la "Sablière"

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La chambre à gaz

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La chambre à gaz

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Le four crématoire examiné par un soldat américain et un membre de la résistance française

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Le four crématoire aujourd'hui

En mai 1944 se déclara à la suite d'expériences de la part du professeur Eugen Haagen une épidémie de typhus. Quatre femmes appartenant au réseau de résistance anglais "Buckmaster" furent exécutées par injection de phénol dans le block crématoire le 6 juillet 1944. Cent six membres (dont 15 femmes) du réseau "Alliance" et 35 maquisards vosgiens furent exécutés au même endroit durant la nuit du 1er au 2 septembre 1944. Devant l'avancée des troupes américaines, les nazis débutèrent l'évacuation du camp le 2 septembre 1944. Entre le 2 et le 4 septembre 1944, 6000 détenus furent transférés vers le KL Dachau et les camps annexes sur la rive droite du Rhin. Le 19 septembre 1944, 419 autres détenus furent transférés. Début novembre, il ne resta au KL Natzwiler-Struthof que 16 détenus. Ceux-ci quittèrent le camp en même temps que les SS le 22 novembre 1944. Six détenus parvinrent à fuir lors de ce transfert. Le KL Natzwiler-Struthof fut le premier camp de concentration à être évacué devant l'avancée des troupes alliées. Les Américains pénètrent, le 25 novembre, dans un camp vide. Les camps annexes poursuivirent alors leurs activités, administrés par les SS depuis Guttenbach et Binau.

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Vue du camp en 1945 (© Wikipédia)

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Vue du camp en 1945 (© Wikipédia)

À partir du 27 novembre 1944, le camp fut récupéré par le gouvernement provisoire de la République française qui en fit un des 115 camps d'internement dans l'est de la France. Début décembre 1944 eut lieu le premier recrutement de gardiens pour le camp confié à l'administration des FFI (forces françaises de l'intérieur). Le 16 décembre 1944 y étaient internés 300 ressortissants allemands et personnes vivant en Alsace accusés d'être des adhérents nazis ou d'avoir soutenu l'occupant. En janvier 1945, ils étaient 2300. Après mai 1945, les Allemands furent rapatriés en Allemagne, le dernier convoi parti le 15 octobre 1945. Entre juillet et décembre 1945, entre 8000 et 10 000 personnes furent internées dans le camp (100 000 personnes le furent sur l'ensemble du territoire entre aout 1944 et mars 1946). Le camp d'internement fut fermé le 9 novembre 1945 et devint ensuite, jusqu'au 31 janvier 1949, un centre pénitentiaire. Le 7 octobre 1949, le camp fut confié au ministère des anciens Combattants. Le sol du camp fut classé Monument historique le 31 janvier 1950, le bâtiment de la chambre à gaz le fut le 7 aout 1951. Le 6 septembre 1951, l'ancien KL Natzwiler-Struthof fut reconnu comme nécropole nationale. Le 29 mars 1954, les différentes baraques du camp furent détruites par le feu. Seuls quatre baraquements, sur les 17, furent conservés. Le 5 mai 1957 furent inhumées dans la nécropole les premières dépouilles. Le mémorial "Aux Héros et martyrs de la déportation" fut inauguré en 1960. L'ensemble du site fut classé Monument historique en 2009 et devint en 2014 un "haut lieu de la mémoire nationale".

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Le mémorial

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La nécropole

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Le KL Natzwiler-Struthof avait été prévu pour accueillir 3000 détenus. Pour cela furent construites 17 baraques de 45 m de longueur et de 12,50 m de largeur. Chaque baraque possédait une entrée donnant sur deux chambrées formées d'une salle avec table et banc, un dortoir avec des lits superposés à trois niveaux de 80 cm de largeur, des toilettes et une vasque ronde avec 12 robinets d'eau froide pour la toilette. En septembre 1944, le camp abritait plus de 6000 détenus. Dans certaines baraques s'entassaient plus de 800 personnes. Selon les registres furent immatriculés au camp en 1941 539 détenus, ils furent 1465 en 1942 et 4809 en 1943. Sur ces 4809 personnes, 35 % étaient des Polonais et des Soviétiques et 22 % des Allemands, la majorité était des détenus politiques. Entre janvier 1944 et aout 1944, ce furent 24 595 et entre septembre 1944 et mars 1945 18 000. En tout plus de 52 000 détenus dont 35 000 dans les camps annexes furent comptabilisés. En 1942, les détenus étaient principalement des Soviétiques et des Polonais avec quelques Tchèques et quelques Alsaciens/Mosellans. En 1943 arrivèrent des Luxembourgeois, des résistants belges, néerlandais, norvégiens et français. Sur les 52 000 immatriculés, 50 % étaient des Polonais et des Soviétiques. Les Français furent 7000. Les juifs étaient 11 %. Les détenus NN furent 2480 dont 1373 Français, 509 Norvégiens, 390 Néerlandais, 154 Belges. Trois cent cinquante et un d'entre eux furent tués au camp.

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La baraque abritant la prison du camp

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Les châlits, lits superposés des détenus

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Emplacement des toilettes dans une des baraques

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Vasque ronde pour la toilettes des détenus

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Tenue de détenu

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La baraque du four crématoire

Selon les registres, 7661 décès furent enregistrés dans le camp. Parmi les détenus non immatriculés entre janvier et avril 1945, les historiens estiment les décès à plus de 3000 personnes. Lors de l'évacuation, les marches de la mort firent plus de 5000 victimes et environ 1000 détenus décédèrent des suites des sévices subis après leurs libérations des camps annexes. Les décès au KL Natzwiler-Struthof avoisinent les 17 000 personnes. La mortalité dans le KL Natzwiler-Struthof était de 40 %. Hors camp d'extermination, le KL Natzwiler-Struthof arrive au 2e rang des camps de concentration par le taux de mortalité. À partir de novembre 1944, l'expérience de vie d'un détenu était d'environ 3 mois. Au lieu dit la Sablière, situé au-dessus du camp, environ 500 personnes furent exécutées sommairement. Ces personnes n'étaient pas répertoriées dans les registres du camp.

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Chevalet de bastonnade dans la baraque prison

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Le couloir de la baraque prison

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Une cellule de la baraque prison

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Une des cellules dans la cellule

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La fosse aux cendres où furent éparpillés les cendres du four crématoire

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Un soldat américain examinant les effets des détenus

Une journée ordinaire pour un détenu dans le KL Natzwiler-Struthof débutait à 4 h du matin (5 h en hiver) par le réveil et l'obligation de se laver à l'eau froide. Chaque détenu recevait alors une louche de succédané (genre de café chaud). À 5 h 30 (6 h 30 en hiver) débutait l'appel devant la baraque face au vent du nord. Devaient y assister les vivants et les morts de la nuit, car il fallait avoir le même nombre de détenus que lors de l'appel du soir. Fin novembre 1941, un appel dura jusqu’à midi dans des températures de -14° provoquant la mort de 23 détenus. Après l'appel, les détenus partaient vers les kommandos de travail (route, carrière, kartoffelkeller, etc.) en rang 5 par 5. À 9 h, les détenus affectés aux travaux de force avaient droit à un casse-croute composé d'une tranche de pain de 100 g et d'une mince rondelle de saucisson. À midi, une soupe (entre 3/4 et 1 litre d'un liquide clair avec quelques morceaux de rutabaga ou de chou) était versée par les Kapos dans la gamelle des détenus. Chaque détenu avait une gamelle, une cuillère en bois, une couverture et un linge. À 18 h, les détenus revenaient au camp pour l'appel général (dans la journée, les détenus étaient comptés sept fois). Après l'appel du soir était servi le diner constitué d'une tranche de pain avec soit un petit peu de saucisson soit un peu de margarine ou d'une soupe. De temps en temps, 2 ou 3 pommes de terre complétaient cette maigre pitance. À 20 h ou à 21 h était instauré le couvre-feu.

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Couloir du "Kartoffelkeller" (la cave à pommes de terre)

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Le "Kartoffelkeller", cave longue de 70 m.
Une centaine de détenus étaient affectés à sa construction

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Le "Kartoffelkeller" dont l'usage reste inconnu

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La place de la potence dans le camp

Parmi tous les sévices que durent subir les détenus de la part des gardiens, certains furent utilisés pour des expériences médicales. Le professeur Hirt, en plus de sa collection anatomique, y fit des recherches sur le gaz ypérite. Le professeur Otto Bichenbach fit des expériences sur le gaz phosgène. Le professeur Eugen Haagen fit des expériences sur le typhus exanthématique, l'hépatite épidémique et les sulfamides. Ces expériences furent effectuées dans le bâtiment abritant la chambre à gaz, le block 5 où se trouvait l'infirmerie et dans l'aile droite du block du four crématoire. Le professeur Hirt fut condamné à mort par le tribunal militaire de Metz le 24 décembre 1952. Il se suicida cependant le 2 juin 1945. Ce même tribunal condamna les professeurs Bichenbach et Haagen aux travaux forcés à perpétuité. En 1954, le jugement fut cassé. Rejugés par le tribunal de Lyon, ils furent condamnés à 20 ans de travaux forcés, mais furent libérés en 1955.

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Table de dissection dans l'infirmerie du camp

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Chambre dans l'infirmerie

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Les douches près du four crématoire

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Stock d'urnes funéraires qui servaient à remettre contre paiement les cendres des détenus à leurs familles

Pour une information plus complète sur le KL Natzweiler-Struthof, voir la page Wikipédia.


Sources consultées pour cet article :

Consulter la page "Bibliographie" de ce site
Site internet Wikipédia
Kl-Natzweiler Struthof Histoire d'un camp de concentration Édition "Les saisons d'Alsace" numéro 88 de mai 2021.

 

Ces photographies ont été réalisées en février 2023.

 

Y ACCÉDER:

L'accès au camp de concentration du Struthof est fléché depuis Schirmeck. Le site étant en montagne son accès peut être fermé en fonction des conditions climatiques.

Le site est ouvert tous les jours de 9 h à 17 h 30 ou 18 h 30 du 1er février au 24 décembre. L'entrée est payante. La sablière et la carrière situées au-dessus du camp sont librement accessibles.

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 11 avril 2023

Cette page a été mise à jour le 11 avril 2023