Suivez les Lieux-Insolites en France sur INSTAGRAM
L'abbaye de Murbach, fondé au VIIIe siècle, fut, au XVIe siècle, une des quatre plus importante du Saint Empire Romain Germanique. Elle ne survécut pas au tumulte de la Révolution et de sa majestueuse abbatiale romane ne subsistent aujourd'hui plus que le transept et le chœur. Les deux tours couronnant le transept niché au fond de ce petit vallon vosgien sont un magnifique spectacle valant à eux seuls la visite.
L'abbaye fut fondée en 727 par le comte Eberhard d'Eguisheim, neveu de Sainte-Odile, la patronne de l'Alsace, et le frère du duc d'Alsace. Atteint de cécité et venant de perdre son fils et seul héritier, il légua sa fortune à l'abbaye pour le salut de son âme. Pour diriger cette abbaye, il y appela Saint-Pirmin de l'abbaye de Reichenau. Selon la chronique du moine Hermann Contract de Reichenau, celui-ci vint accompagné par douze de ces compagnons. Plus vraisemblablement, Pirmin réorganisa une petite communauté de moines installée depuis le début du VIIe siècle à Bergholtz-Zell. Le premier abbé de l'abbaye aurait été Romanus. Thierry IV, roi des Francs, accorda le 12 juillet 727 à l'abbaye le privilège de l'immunité et confirma les dons d'Eberhard. L'évêque de Strasbourg, Widegern, accorda à l'abbaye le 12 mai 728 le droit d'élire librement son abbé. Charlemagne confirma le privilège d'immunité le 13 janvier 772. Simpert, abbé de l'abbaye de Murbach, fut nommé en 792 par Charlemagne évêque d'Augsbourg. En quittant ces fonctions à Murbach, il transmit sa charge à Charlemagne qui devint, jusqu'à l'élection d'un nouvel abbé l'année suivante, abbé laïque de Murbach (Pastor Murbacensis). Charlemagne fit également don de la vallée de Saint-Amarin à l'abbaye. Vers 840, l'empereur d'Occident, Lothaire 1er, confirma à l'abbaye de Murbach la possession de l'abbaye Saint-Léger de Lucerne qui lui fut donnée par le roi de Bavière, Louis le Germanique, frère de Lothaire.
Vers le milieu du IXe siècle, le scriptorium de l'abbaye de Murbach était célèbre et sa bibliothèque possédait plus de 350 volumes. Ce scriptorium est même cité dans le roman "Le nom de la rose" d'Umberto Ecco. La puissance de l'abbaye connut un coup d'arrêt le 4 juillet 926 lorsque les Hongrois, commandés par Zoltan (896-948) de la dynastie des Arpad, la dévastèrent. Lors du pillage, ils assassinèrent sept moines qui, par la suite et jusqu'à la Révolution, furent vénérés comme martyrs. L'abbaye fut relevée de ses ruines sous la direction de l'abbaye de Cluny et le financement généreux de l'impératrice Adélaïde de Bourgogne (931-999). L'empereur du Saint Empire Romain Germanique, Otton II, à la demande de son épouse Théophano Skleraina, confirma, le 27 avril 977, toutes les possessions et tous les privilèges de l'abbaye. Lors de la querelle des Investitures (1075-1122), conflit qui opposa la papauté et le Saint Empire Romain Germanique pour l’investiture des évêques, l'abbaye de Murbach fut quasiment désertée et son abbatiale fut profanée. Ce n'est que le 2 juin 1134 que Adalbéron, ou Adalbert, évêque de Bâle entre 1134 et 1137, réconcilia l'église profanée et fit la dédicace d'un "oratorium" consacrée au Christ, à la Vierge, à Saint-Michel, à Saint-Jean et à Sainte-Madeleine.
L'ordre au sein de l'abbaye ne revint cependant qu'après la mort de l'abbé Berthold (1122-1144) lorsque Wibald, abbé de Stavelot (Belgique), chancelier de Conrad III de Hohenstaufen, empereur du Saint Empire Romain Germanique, imposa comme abbé Egilolf (1144-1160). Ce choix fut approuvé par le pape Eugène III en 1153. La construction de l'abbatiale de style roman débuta en 1155. Cette date est cependant controversée, car aucun document ne l'atteste. Certains chercheurs considèrent que la fin de la construction de l'abbatiale se situe en 1134, l'oratorium consacré par Adalbéron étant considéré comme le chœur de l'abbatiale, et pour d'autres 1155 serait la date de la fin de la construction. Le pape Célestin III mit l'abbaye sous l'autorité directe du Saint-Siège en 1191. L'abbatiale fut consacrée et dédiée à la Sainte-Trinité, à la Sainte-Croix, à la Vierge Marie et à Saint-Léger par l'évêque de Bâle, Heinrich II de Thoune, en 1216.
L'abbé Hugues de Rothenburg ayant accompagné l'empereur du Saint Empire Romain Germanique, Frédéric II, à la croisade en 1228, celui-ci lui accorda, à Saint-Jean d'Acre, la dignité de prince du Saint-Empire. À partir de cette date, les abbés de Murbach portèrent le titre de prince-abbé. Afin de protéger l'accès au vallon où se trouve l'abbaye, l'abbé Hugues de Rothenburg fit construire, en 1230, à Buhl, le château du Hugstein. Bien qu'au Moyen-âge l'abbaye de Murbach étendait son influence sur plus de 350 localités de part et d'autre de la vallée du Rhin, l'abbé Berthold de Falkenstein connut des difficultés financières. Le 16 avril 1291, il vendit à l'empereur du Saint Empire romain Germanique, Rodolphe 1er de Habsbourg, les droits sur la ville de Lucerne et les possessions de l'abbaye en Suisse Centrale et en Argovie pour la somme de 2000 marcs d'argent et la seigneurie d'Issenheim.
Un incendie endommagea l'abbatiale en 1381 ou 1382. En 1417, Poggio Bracciolini, dit le Pogge Florentin, libéré de ses obligations auprès du pape, rechercha des manuscrits anciens dans les bibliothèques de la vallée rhénane. Il aurait découvert dans celle de l'abbaye de Murbach le manuscrit complet du "De rerum natura" du philosophe latin Lucrèce (1er siècle av. J.-C.). Il en fit une copie qu'il envoya en Italie. Le manuscrit original disparu à la Révolution. Un autre manuscrit précieux fut retrouvé en 1515 dans la bibliothèque de Murbach : le seul exemplaire connu de "Histoire romaine" de Velleius Paterculus, historien romain du VIe siècle.
Gisant du comte Eberhard d'Eguisheim
réalisé au XIIIe siècle.
Gisant du comte Eberhard d'Eguisheim
réalisé au XIIIe siècle.
Sarcophage des sept moines
martyrs des Hongrois.
Sarcophage des sept moines
martyrs des Hongrois.
L'abbaye de Murbach renonça à ses droits sur le prieuré de Lucerne en 1456. Le 31 mars 1528, l'abbé expulsa les femmes qui vivaient dans le cloître de l'abbaye. Devant les exactions du comte de Montbéliard, Thierry II, l'abbé de Lure, après avoir appelé l'excommunication sur Thierry II, demanda la protection des autorités ecclésiastiques. Cela lui fut accordé le 12 mars 1556 lorsque le cardinal Moron (légat a latere en Allemagne) publia un décret réunissant perpétuellement l'abbaye de Lure, fondé au VIe siècle par Saint-Desle, à celle de Murbach. Le pape Pie IV ratifia cette union en 1560. L'empereur Charles Quint accorda en 1544 à l'abbaye le droit de battre sa propre monnaie. En 1570 fut élu abbé Jean Ulrich de Raitenau qui fit nommer en 1576 son neveu Wolf Dietrich de Raitenau comme coadjuteur. À la mort de Jean Ulrich en février 1587, Wolf Dietrich prit la direction de l'abbaye, mais en mars 1587 il fut nommé prince archevêque de Salzbourg et quitta l'abbaye. Gabriel Giel de Gielsberg fut alors élu abbé. Le pape désapprouva cette élection et imposa comme abbé le cardinal André d'Autriche. Ce fut le début du régime de la commende. L'abbé imposa en 1615 aux moines le retour à la règle bénédictine. La guerre de Trente Ans (1618-1648) apporta son lot de malheur et de destruction. L'abbaye subit le pillage par les troupes de Bernard de Saxe-Weimar en 1625 et en 1640. Les traités de Westphalie mirent fin à cette guerre en 1648 et attribuèrent l'Alsace à la France. L'abbaye de Murbach conserva son "immédiateté impériale" en devenant principauté, mais perdit le droit de battre monnaie. Louis XIV annexa la principauté de Murbach en 1680. En 1692, les moines, pour remplacer une chapelle en ruine située près du ruisseau, entreprirent la construction d'une chapelle en surplomb de l'abbatiale. Dans l'esprit de la contre-réforme et afin de sublimer le culte de la Vierge Marie, cette chapelle fut construite sur le modèle de la Santa Casa de Loreto en Italie. La chapelle fut consacrée par l'évêque de Bâle, Guillaume Jacques Rink, en 1693.
Célestin de Beroldingen fut élu par les moines comme coadjuteur en 1704. Il succéda à l'abbé Philippe Eberhard de Lowenstein-Wertheim-Rochefort en 1720. Celui-ci avait déserté l'abbaye pour s’installer au château de Neuenburg à Guebwiller. Ce fut sous l'abbatiat de Célestin de Beroldingen que les moines quittèrent le vallon de Murbach pour s'installer à Guebwiller. Célestin de Beroldingen fut contraint d'abdiquer au profit de François Armand de Rohan-Soubise, futur cardinal et prince-évêque de Strasbourg, en 1736. Prétextant des frais d'entretien trop coûteux, les moines entamèrent la destruction de la nef de l'abbatiale de Murbach en 1738 officiellement pour laisser la place à un édifice de style baroque. Celui-ci ne fut cependant jamais construit, car les moines entamèrent la construction de l'église Notre-Dame de Guebwiller. N'échappèrent à la démolition que le transept et le chœur que l'on peut admirer aujourd'hui. Léger de Rathsamhausen devint prince-abbé de Murbach en 1756 avant l’officialisation du transfert des moines à Guebwiller par le pape Clément XIII en 1759. En 1764, alors que l'abbaye ne comptait plus que dix moines, le pape la sécularisa. L'abbaye devint alors un chapitre de chanoines nobles, mais l'abbé garda son titre de prince d'empire.
L'abbatiale de Murbach devint église paroissiale de Murbach en 1765. Elle fut saccagée à la Révolution et le chapitre fut fermé en 1790. Une première restauration fut effectuée en 1868-1869, suivie d'une autre entre 1900 et 1905. En 1906, un orgue de tribune fut mis en place par Martin et Joseph Rinckenbach. Une nouvelle restauration fut entreprise entre 1964 et 1966 puis à nouveau entre 1981 et 1986.
En 1692, les moines entreprirent la construction d'une chapelle en surplomb de l'abbatiale. Dans l'esprit de la contre-réforme, et pour sublimer le culte de la Vierge Marie, cette chapelle fut construite sur le modèle de la Santa Casa de Loreto en Italie. Selon la légende, la Santa Casa de Loreto est la maison où vécut la Vierge Marie à Nazareth. Elle fut transportée par les anges de Nazareth jusqu'à Loreto en Italie. En réalité, en 1291 un croisé, Nycéphore 1er Doukas Commêne, fit démonter une maison typique de Nazareth et l'envoya en Italie. Débarquée sur la côte de Dalmatie, elle fut remontée à Loreto en 1294.
La chapelle fut consacrée par l'évêque de Bâle, Guillaume Jacques Rink, en 1693. L'autel renferme des reliques de Saint-Modeste, de Saint-Juste, de Saint-Abondance, de Saint-Donat, de Saint-Urbain et de Saint-Quirin. Le capucin Constantin Mettler réalisa en 1714 sur le mur arrière de la chapelle un cadran solaire. La chapelle fut vendue à la Révolution comme bien national à des paroissiens des villages environnants. Depuis elle fut restaurée en 1870, 1896, 1897 et la dernière fois en 1998.
Ces photographies ont été réalisées en novembre 2024.
Y ACCÉDER:
L'ancienne abbatiale de Murbach se trouve dans un petit vallon accessible depuis Buhl dans la vallée de Guebwiller.
Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.
Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.
Cette page a été mise en ligne le 22 décembre 2024
Cette page a été mise à jour le 22 décembre 2024