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Le château de Schwarzenbourg

Du château de Schwarzenbourg, construit à l'extrémité d'un promontoire rocheux sur la frontière entre les communes de Munster et de Griesbach-au-Val, ne reste à l'heure actuelle que quelques pans de murs. Ceux-ci ne donnent plus aucune vision de sa splendeur des siècles passés.

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En 660 fut fondée à l'emplacement de l'actuelle ville de Munster l'abbaye Saint-Grégoire. Louis le Débonnaire fit, en 823, don à l'abbé Godefroid, prieur de cette abbaye, de la colline sur laquelle se dresse l'actuelle ruine. L'évêque de Strasbourg, Walter de Geroldseck obtint en 1260 de Richard de Cornouailles (1209-1272), roi des Romains de 1257 à 1272 et candidat au titre d’empereur du Saint Empire Romain Germanique, le droit de gérer les domaines impériaux du bailliage d'Alsace. L'évêque confia ensuite la charge d'Avoué de l'abbaye Saint-Grégoire de Munster à des membres de sa famille. Cette charge était alors également revendiquée par l'évêque de Bâle. Gauthier de Geroldseck, père de l'évêque de Strasbourg, entreprit en 1261 la construction d'un château pour contrôler l'abbaye. La construction empiétant à moitié sur les terres de l'abbaye, celle-ci, pour tenter d’arrêter la construction, éleva des protestations le 21 avril et le 2 mai 1261. Ces protestations furent faites en vain. En novembre 1261, le roi attribua la charge d'Avoué de l'abbaye à l'évêque de Bâle. Dans le conflit qui opposa l'évêque Walter de Geroldseck à la ville de Strasbourg, celui-ci fut défait lors de la bataille de Hausbergen en juillet 1262. Il s'engagea alors à céder le château de Schwarzenbourg à l'évêque de Bâle. Cette cessation ne fut cependant effective qu'en 1271 après le paiement de 600 marcs d'argent par l'évêque de Bâle. L'évêque de Bâle y plaça un prévôt. En 1287, la ville de Munster obtint de l'empereur du Saint Empire Romain Germanique l'immédiateté impériale (dépendance directe de l'empereur sans seigneur local) pour la moitié supérieure de la vallée. Le château perdit alors sa raison d’être. À partir de 1293, le château servit de prison pour Walter Roesselmann, le prévôt de Colmar qui avait livré la ville aux rebelles prohabsbourgeois opposés à l'empereur Adolphe de Nassau. Il mourut dans son cachot en 1294.

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Dans la cour du château

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Les vestiges d'une des tours

En 1301, l'évêque de Bâle nomma Jean de Wartenfels comme châtelain. Le château servit en 1309 de gage pour une dette que l'évêque contracta vis-à-vis du chapitre de Colmar. À partir de 1341, le château fut confié à la garde de la famille Munch de Landskorn. La famille occupa le château jusqu’à son extension sans descendance en 1396. Durant cette période, le château fut l'objet d'un conflit entre l'évêque et le roi Wenceslas, roi des Romains, qui voulait le donner en fief à l'un de ses fidèles. En 1401, le château, décrit comme quelque peu délabré, fut donné en fief à la famille Beger de Geispolsheim qui s'était engagé à le remettre en état. L'évêque leur accorda pour cela une somme de 600 florins. Hans Beger plaça le château en 1411 sous la protection de Louis III le Barbu, comte palatin du Rhin. À cette période, Hans Beger se servit du château pour y emprisonner les gens qu'il rançonnait. Jacob Beger réalisa entre 1496 et 1522 de grands travaux pour moderniser le château. D'un montant de plus de 10 000 florins, ces travaux portaient surtout sur la défense contre les canons.

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La poterne donnant accès aux fausses braies

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La poterne donnant accès aux fausses braies

À l'extension de la famille Beger en 1532, l'évêque remit le château à son écuyer Pierre Scher. Comme Hans Beger, Pierre Scher se servit du château pour emprisonner des otages en attendant le paiement de leur rançon. Cette activité prit fin en 1538 avec l'assaut des troupes impériales venu libérer les otages. Après la mort de Pierre Scher en 1605, le château fut mis en vente. Le château, bien que décrépi, resta la résidence du prévôt de Munster jusqu'en 1636. Durant la guerre de Trente Ans (1618-1648), le château fut occupé par les troupes françaises entre 1633 et 1636. En 1638, l'évêque de Bâle envisagea la remise en état du château grâce aux amendes infligées aux Munsteriens qui coupaient illégalement du bois sur son domaine du Schwarzenberg. Décrit comme étant équipé de nombreux canons et arquebuses en 1655, le château fut détruit en 1673 par les Français. Le procureur général du Conseil souverain d'Alsace, Jean François Gauthier, reçut le domaine et les ruines en fief en 1678. Il les loua à la ville de Munster et de Griesbach-au-Val en 1699. En 1704, le château fut décrit comme presque totalement ruiné. Le château et la montagne du Schwarzenberg furent rachetés par la ville de Munster le 14 décembre 1725.

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Le château, saisi par les révolutionnaires, fut vendu comme bien national en 1793 à Xavier Seitz et à Philippe Baffrey de Wintzenheim. Ils le revendirent à André Frédéric Hartmann en 1800. Cet industriel qui possédait un immense complexe textile à Munster intégra le château comme ruine romantique au sein d'un grand jardin anglais. En 1825 et en 1837 furent effectués quelques relevés de plan et quelques travaux de consolidation. En 1915 alors que les batailles du Reichsackerkopf, du Hilsenfirst et du Linge faisaient des milliers de victimes, les Allemands installèrent dans le château un grand blockhaus servant d'observatoire et de poste de commandement pour leur artillerie. De nombreux blockhaus et des abris en galerie souterraine furent érigés sur le versant est (en contrepente) de la montagne du Schwarzenberg. Ces aménagements semblent avoir été méconnus des Français, car ils ne figurent sur aucun des canevas de tir (plan) français connu.

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Un des blockhaus situé entre la Terrasse Napoléon et le château

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L'intérieur de ce blockhaus

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Un autre de ces blockhaus

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Et son intérieur

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Le blockhaus situé en contrebas de la Terrasse Napoléon

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L'entrée de la galerie creusée dans le rocher par les Allemands

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L'intérieur de cette galerie

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L'intérieur de cette galerie

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La sortie de cette galerie (vue interne)

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La sortie de cette galerie (vue externe)

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Le blockhaus construit dans la cour du château

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Une des pièces de ce blockhaus

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Le couloir de ce blockhaus

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Une des pièces de ce blockhaus

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L'accès à la tour d'observation de ce blockhaus

En 1928, la famille Hartmann vendit la ruine du château à la ville de Stosswihr. Elle fut depuis laissée à l'abandon. En 1980, l'association "SOS Schwarzenbourg" dégagea la ruine de la végétation et entreprit la consolidation des murs subsistants. En 2010 eut lieu un nouveau dégagement des ruines et en 2016 l'INSA de Strasbourg en effectua un relevé topographique et une modélisation 3D des ruines. Un diagnostic de l'état de la ruine fut effectué entre 2019 et 2020 et une demande de classement aux Monuments historiques fut réalisée.

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Le blockhaus construit dans la cour du château
avec sa tour observatoire

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Le blockhaus construit dans la cour du château

Le château est constitué d'un noyau central en forme de pentagone irrégulier pointant vers le nord. Les côtés est, nord et ouest sont constitués d'une enceinte épaisse de 1,70 m à 2 m. Le côté sud est formé de deux tours rondes reliées entre elles par un mur-bouclier. Ce mur-bouclier est constitué de deux parties : le côté extérieur, datant de 1261, épaisse de 2,70 m fut doublé en 1496 du côté interne pour atteindre une épaisseur totale de 8 m. La partie supérieure de ce mur-bouclier servit alors de terrasse d'artillerie. Sous ce mur-bouclier se trouvent de fausses braies formant une étroite terrasse. De ce côté, le château est séparé de la montagne par un profond fossé dont le creusement fournit les matériaux de construction pour le château. Du côté ouest et nord, environ 20 m en contrebas, se trouve une étroite terrasse délimitée par une enceinte secondaire. Cette terrasse forme la basse-cour du château. Le logis était adossé à l'enceinte du côté nord. Cette partie de l'enceinte fut fortement remaniée en 1496 avec l'ajout d'une tour en fer à cheval. Lors de la réfection de 1496 fut également aménagée au 1er niveau de la tour sud-ouest une chapelle dédiée à Sainte-Anne. Les riches décorations de cette chapelle, connues par des photographies du XIXsiècle, ont depuis été détruites. L'entrée du château devait probablement se trouver au niveau de l'enceinte ouest au pied de la tour sud-ouest. Cette zone fut fortement bouleversée par la construction du blockhaus en 1915.

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plan

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Le fossé

La terrasse Napoléon tire son nom d'un cheval ayant appartenu à Napoléon 1er. Ce cheval fut racheté après la période dite des "Cent-Jours" par Frédéric Hartmann-Metzger. À la mort de l'animal, il le fit enterré au niveau de la terrasse.

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La terrasse Napoléon

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La vallée de Munster

Ce château possède, comme de nombreux autres, sa légende qui nous parle d'une Dame Blanche et d'un fabuleux trésor. Ce trésor, on s'en doute, ne fut jamais découvert, mais la légende mérite d’être contée.

"Une nuit alors qu'elle se sentait malade, une vieille femme envoya sa fille Gretlé chercher le médecin à Munster. Sur le chemin, alors qu'elle passait près de la ruine de Schwarzenbourg, elle fut surprise par un terrible orage. Malgré la peur qu’elle ressentit en ce lieu solitaire, elle courut s’abriter dans la ruine. Dans le fracas du tonnerre et de la pluie diluvienne retentit soudainement un cri abominable et Gretlé vit tout près d’elle deux yeux lumineux qui la fixaient. Appuyée contre la muraille, elle perdit connaissance lorsqu'un hibou battant des ailes se posa sur sa poitrine et lui donna un baiser. Quand elle revint à elle, la lune et les étoiles éclairaient la ruine. À ces côtés, un moine, habillé d’une bure blanche, lui sourit et lui dit "N’aie pas peur, innocente fille. Puisque tu n’as pas craint la solitude de Schwarzenbourg, tu vas recevoir la récompense que le Ciel te destine". Prenant Gretlé par la main, il la mena dans une salle où sous le vol des chauves-souris se trouvaient des montagnes de lingots d’or, de diamants et de perles. Le moine dit alors "Toutes ces richesses t’appartiennent. Elles sont le prix du sang, mais ton innocence et ta virginité m’ont sauvé ! L’enchantement est terminé. Mais sache que pour garder la possession de cet or, de ces perles et de ces diamants, tu dois rester virginale, sans contact impur d’un homme contre ton corps !". Il s’agenouilla et après avoir déposé un baiser sur la main de Gretlé, disparut.

Gretlé courut à Munster et ramena difficilement le médecin qui sachant qu'il allait chez de pauvres gens craignait de ne pas être payé. Après avoir guéri la mère, le médecin fut très étonné lorsque Gretlé le paya avec une perle. Gretlé, étant à présent extrêmement riche, fit bâtir, sur l’emplacement de la ruine du Schwarzenbourg, un palais splendide dont aucun château d’alentour ne pouvait soutenir la comparaison. Des peintres et des sculpteurs venus d’Italie en ornèrent les pièces, où des musiciens et des chanteurs charmaient les oreilles de tout-venant. Gretlé se transforma en Dame Marguerite dont de nombreux princes cherchèrent à conquérir le cœur. Mais Dame Marguerite refusait tous les partis et bientôt on parla dans le vaste monde de la châtelaine dédaigneuse du val de Saint-Grégoire.

Un soir alors qu'il y avait grande fête au château, un chevalier demanda l’hospitalité. Revêtu de sa pauvre armure, le soldat errant se tenait dans un coin, n’osant approcher. Voyant cela, Dame Marguerite lui demanda de s’avancer, et lui demanda d’où il venait. Le chevalier raconta que durant bien des années il avait fait la guerre contre les Turcs, avait secouru des peuples opprimés, avait souffert de la faim et de la soif et s’en retournait dans son pays. L'assemblée, somptueusement vêtue, regardait ce chevalier miséreux de haut, mais la belle Marguerite sentit naître en son cœur de l’amour. Le lendemain, alors qu'il allait prendre congé, elle lui demanda de rester au château pour prendre la place du vieil intendant qui voulait prendre du repos. Le chevalier accepta cette nouvelle mission qu'il remplit avec ardeur. Au bout d'un certain temps, on apprit que Dame Marguerite s'était fiancée avec son intendant. Un jour alors que de jeunes seigneurs, jaloux de cet intrus, tenaient contre lui de mauvais propos à Dame Marguerite, il déploya devant eux un parchemin qui prouvait sans discussion possible qu’il était le descendant en ligne directe des anciens possesseurs de Schwarzenbourg. Tout ce petit monde méprisant fut forcé de s’incliner très bas devant lui et l'on prépara les noces. Le jour venu, dans la chapelle du château, ornée de plantes et de fleurs de tous les pays, au milieu d’une assistance accourue de toutes les villes d’Alsace, Dame Marguerite marcha vers l’autel au bras de l’élu de son cœur. Alors que le chapelain leur faisait prêter serment, un coup de tonnerre éclata dans le ciel pur. Dame Marguerite, blanche comme un linge, s'effondra. À son côté, le fiancé avait été remplacé par un moine en bure blanche qui, agenouillé, récitait les prières des morts. Depuis la Dame blanche erre, inconsolable, dans les ruines du château du Schwartzenbourg." D'après Jean VARIOT, Légendes et traditions orales d’Alsace, Crès, 1919.

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Ces photographies ont été réalisées en mai 2025.

 

Y ACCÉDER:

À Munster, prendre la direction d'Eschbach-au-Val et suivre la rue principale jusqu'au croisement avec la route "Aber Solberg". Prendre à gauche le chemin Baechle jusqu'au parking sur la droite du chemin. De la suivre à pied le chemin en direction de la terrasse Napoléon puis le château (balisage).

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 07 juin 2025

Cette page a été mise à jour le 07 juin 2025