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Le fort de Vézelois, de son nom officiel fort Ordener, était, avec les forts de Roppe et de Bessoncourt, en première ligne face à une invasion allemande en provenance d'Alsace. La construction du fort débuta en 1883. Il fut mis en service en 1886. Les progrès de l'artillerie (crise de l'obus-torpille) le rendirent cependant obsolète deux ans plus tard. Dès 1888, des travaux de modernisation le transformèrent profondément. Son emplacement en première ligne en fit un des premiers forts à bénéficier des travaux de modernisation engagée à grands frais entre 1888 et 1914 sur un grand nombre de forts.
La gorge du fort
Le chemin du rempart
Le fort de Vézelois était destiné à couvrir la position du Bosmont, les forts de Bessoncourt et de Bois d'Oye, les routes venant de Suisse (Delémont et Bâle) et la voie ferrée Mulhouse/Belfort. Il s'agit d'un grand fort inscrit dans un pentagone dont le front de tête (face à l'ennemi) présente un angle sortant et le front de gorge (côté opposé) un angle rentrant. Il est entièrement entouré d'un fossé d'une dizaine de mètres de large et d'une profondeur d'environ six mètres. L'entrée du fort est située au centre du front de gorge où un pont-levis à bascule par en dessous permet la traversée du fossé. Le porche d'entrée débouche au travers d'un court couloir sur la cour centrale du fort. De part et d'autre du porche d'entrée étaient disposées cinq chambrées (dix en tout). De chaque côté (au bout de ces chambrées) est placée une caponnière. Celles-ci assuraient par leur feu croisé la défense du fossé de gorge. Les chambres de cette caserne de gorge, outre les postes de garde de part et d'autre de l'entrée, servaient de logement aux officiers. À l'arrière de ces chambres se trouve un couloir qui débouche de chaque côté dans les cours latérales.
L'entrée de paix du fort
Le couloir d'entrée
Une chambrée du casernement de gorge
Le couloir du casernement de gorge
La caserne principale, située au centre du fort, est constituée d'une rangée de dix-sept chambrées sur un seul niveau. Un couloir court tout le long du casernement à l'arrière de ces chambrées. De chaque côté, un porche relie ce couloir à la cour. Un autre porche divise le casernement en deux blocs identiques. Ces porches se prolongeaient par des couloirs jusqu'à la rue du rempart. De chaque côté du casernement sont disposées symétriquement trois petites chambres reliées à l'arrière par un couloir. Celui-ci est relié d'un côté au couloir interne du casernement et se prolonge de l'autre côté vers les magasins à poudre.
Le casernement de paix
Le casernement de paix
Une des chambrées réservées aux officiers
Une des chambrées du casernement
Entre le casernement et le front de tête se trouve la rue du rempart. Celle-ci forme un arc de cercle allant du saillant I au saillant V. Dix abris-traverses séparant huit plateformes de tir étaient équitablement répartis le long de la rue du rempart. En 1886, ces plateformes étaient occupées par sept canons de 155L, cinq canons de 120L, quatre canons de 95L, deux mortiers de 220 et un mortier de 32. La défense des fossés était confiée à deux caponnières simples, disposées aux saillants II et IV, et à une caponnière double au saillant III. Ces caponnières étaient armées avec six canons-revolver et six canons de 7. La construction, achevée en 1886, fut réalisée par l'entreprise Hallier Adrien et coûta la somme de 1 930 000 francs-or (5 384 700 €).
Vue du fossé depuis le coffre du saillant IV
Le coffre du saillant IV
Le coffre du saillant IV
Le couloir d'accès au coffre du saillant IV
À partir de 1888, les cinq chambrées à l'extrême droite vont recevoir une carapace de 2,50 m de béton séparé des voûtes des chambrées par 1,50 m de sable. Cette carapace englobe le couloir à l'arrière et crée une nouvelle façade à l'avant. Dans le couloir à l'arrière seront aménagées des chicanes tout comme à l'avant des chambrées. Le couloir à l'arrière du casernement sera également renforcé par une carapace en béton et les couloirs de sortie vers la rue du rempart seront comblés avec du béton. Cette partie de la caserne, mise à l'épreuve des obus-torpilles, a reçu le nom de caserne de guerre. Tous les locaux mis à l'abri des nouveaux projectiles seront marqués d'une bande de peinture rouge sur le mur à 1 m de hauteur. L'artillerie fut alors dispersée dans des batteries externes au fort. Un réseau de fil de fer barbelé fut créé pour entourer le fort.
Le casernement de guerre
La façade du casernement de guerre
Couloir du casernement de guerre
Le couloir de liaison entre le casernement et la tourelle de 75R05
En 1893, le fort fut raccordé au réseau de chemin de fer à voie de 60 nommé voie ferrée stratégique. En 1894 fut augmenté le captage d'eau des citernes et des arbres furent plantés afin de masquer le fort au vu de l'ennemi. En 1903, l'armement du fort se composait de treize canons de 90 et d'un mortier de 32. La défense des fossés était assurée par six canons-revolver et par six canons de 12 culasse. En 1907, deux canons de 90 furent retirés du service.
Le couloir à l'arrière des chambrées du casernement de paix
Un des couloirs du casernement avec un lavoir
L'ancienne cuisine
Le casernement de gorge côté interne
En 1909, les caponnières des saillants II, III et IV furent remplacé par des coffres de contrescarpes simples aux saillant II et IV et par un coffre double au saillant III. Les caponnières seront détruites, mais les couloirs d'accès seront conservés et renforcés par du béton. Les entrées des coffres sont équipées de portes blindées et de pont-levis. Les caponnières de la caserne de gorge seront également renforcées avec du béton. Une nouvelle entrée fut créée à l'extrémité droite de la caserne de gorge (entrée de guerre). Cette entrée est disposée au niveau du fossé et est équipée d'un pont-levis. Une rampe permet la descente dans le fossé depuis le glacis. L'entrée de guerre est renforcée par du béton, ce qui condamne les deux chambrées situées au-dessus. Cette entrée est prolongée par un couloir bétonné qui débouche face au casernement mis à l'épreuve des obus-torpilles. Depuis ce casernement renforcé, un couloir bétonné rejoint la rue du rempart au milieu du front entre les saillants III et IV. Au-delà de la rue du rempart, l'abri-traverse situé en face de ce couloir est remplacé par un nouveau couloir bétonné en arc de cercle.
L'entrée de guerre
Le fossé de gorge
Couloir d'accès à la casemate de Bourges
L'entrée de guerre (côté interne)
Les abris-traverses sont renforcés par comblement de la partie arrière et des sorties vers les plateformes de tir avec du béton. Les plateformes de tir sont réaménagées en position d'infanterie. Sur le front entre le saillant IV et V fut construite une casemate de Bourges armé de deux canons de 75. Cette casemate assurait le flanquement en direction du fort de Bois-d'Oye. Cette casemate diffère du plan type par l'adjonction d'une chambrée de repos pour les servants.
Une des chambres de tir de la casemate de Bourges
Un des graffitis dans la casemate de Bourges
La casemate de Bourges
La chambre de repos dans la casemate de Bourges
Traverse-abri sous la casemate de Bourges
En 1910 commencent les travaux pour l'installation d'une tourelle de 75R05 et de deux tourelles de mitrailleuses. La tourelle de 75R05 est une tourelle à éclipses armée de deux canons de 75 raccourcis. Ceux-ci ont une portée de 4900 m et une cadence de tir de onze coups par minute par canon. La tourelle est constituée d'un fût, dont la paroi à une épaisseur de 150 mm, recouverts d'une calotte de 300 mm d'épaisseur. Elle comprend trois étages dont l'étage supérieur est la chambre de tir. L'étage intermédiaire comprend le poste de commandement et quatre armoires pour le stockage de 725 obus. C'est à cet étage que s'effectue la rotation de la tourelle. L'étage inférieur comprend le balancier et le contrepoids de la tourelle. La montée et la descente de la tourelle s'effectuent à l'aide de deux hommes. Un ventilateur manuel destiné à l'évacuation des fumées de tir est également installé à cet étage. L'ensemble de la tourelle est desservi par quinze hommes répartis sur les trois étages. La tourelle de 75R05 fut installée au saillant II. L'accès se fait depuis le couloir bétonné prolongeant le casernement et passant sous le chemin de rempart. La tourelle de 75R05 fut complétée sur son arrière par un observatoire cuirassé. Un autre observatoire destiné au commandement a été installé à l'extrémité gauche du casernement renforcé.
La tourelle 75R05
L'emplacement de la tourelle 75R05
L'emplacement de la tourelle 75R05
La tourelle 75R05
La tourelle 75R05
Les tourelles de mitrailleuses, installés au saillant III et au saillant IV, sont armées de deux mitrailleuses Hotchkiss de 8 mm. C'est également une tourelle à éclipses et pèse 25 t. Elle est surmontée d'une calotte d'une épaisseur de 120 mm. Par contre, les parois de la tourelle n'avaient que 20 mm d'épaisseur. La tourelle éclipsée pouvait résister à un impact d'un obus de 155 mm, mais en position de tir elle ne pouvait résister qu'à des impacts de balle de fusil. Sa mise en batterie s'effectue à l'aide d'un balancier et d'un contrepoids. La tourelle étant parfaitement équilibrée, sa manœuvre ne nécessite qu'un seul homme. La tourelle de 75R05 fut réceptionnée en octobre 1911. Les tourelles de mitrailleuses le furent en avril 1912. En 1912, l'armement du fort se composait, en plus des tourelles et de la casemate de Bourges, de onze canons de 90, de deux mortiers de 32, de deux mortiers de 27. La défense des fossés était assurée par six canons-revolver et par six canons de 12 culasse.
L'emplacement de la tourelle de mitrailleuse au saillant III
L'emplacement de l'observatoire du commandant
Le canon-revolver est constitué de cinq tubes entourant un axe central. Ces cinq tubes étaient mis en rotation à l'aide d'une manivelle. Un mécanisme assurait, à chaque tour de manivelle, la rotation des tubes, le chargement d'un tube avec un obus, le déchargement de la douille du tube qui venait de tirer et le tir du tube chargé au tour précédent. Les obus chargés sont disposés dans un distributeur situé au-dessus de l'affût. La cadence de tir théorique était de 60 coups par minute, en réalité il était limité règlementairement à 30 coups par minute. Les cinq tubes sont rayés à des pas différents afin de disperser les mitrailles des boites à balles (projectiles utilisés). Ceci permettait, sans bouger le canon, de balayer toute la largeur du fossé en cinq coups.
Le chemin du rempart
Le chemin du rempart
Le chemin du rempart
Le fossé vue depuis le coffre du saillant IV
En 1913 fut installée une usine électrique équipée de deux moteurs Peugeot de 21 CV entraînant chacun une dynamo de 10 kW. L'éclairage du fort fut alors confié pour le casernement et les galeries à 126 lampes d'une puissance de 16 bougies et à 42 lampes d'une puissance de 10 bougies dans les blocs de combats. Les ventilateurs des tourelles furent munis de moteurs électriques. Le fort fut connecté au réseau électrique civil en 1914. En 1917, une galerie souterraine fut creusée pour servir de sortie de secours. La plupart des galeries d'accès aux coffres de contrescarpe situées sous le niveau des fossés sont aujourd'hui noyées et l'issue de secours est bouchée.
Le lavoir
Voute près du lavoir
Traverse-abri
Traverse-abri
L'armement du fort était, en 1914, constitué d'une tourelle de 75R05 (deux canons de 75 plus un tube de rechange), d'une casemate de Bourges (deux canons de 75), de deux tourelles de mitrailleuses, de treize canons de 90, de deux mortiers de 32, de deux mortiers de 27 et d'une section de mitrailleuses. La défense des fossés était assurée par six canons-revolver de 40 (un canon par coffre) et six canons de 12 culasse (un canon par coffre). Les canons de 90 étaient chacun dotés de 600 obus et les mortiers étaient chacun dotés de 300 coups. La section de mitrailleuses avait à sa disposition 42600 cartouches et les tourelles de mitrailleuses avaient 57 600 cartouches. Chaque canon-revolver disposait de 1 800 obus et chaque canon de 12 culasse avait 150 obus. Le fort avait également trois batteries d'artillerie extérieures. La N° 3 était armée de quatre canons de 120L, la N° 4 était armée de quatre canons de 95 et la N° 5 était armée de trois canons de 155 C.
La poudrière nord
La poudrière nord
Le sas d'accès au magasin aux cartouches
Le sas d'accès au magasin aux cartouches
Le sas d'accès à la poudrière
Le fort de Vézelois assurait également le commandement sur des ouvrages externes. L'ouvrage des Grands Bois était une position d'infanterie construite entre 1890 et 1891. Il était doté d'un abri en bois offrant 77 places de couchage. Les abris de combat d'infanterie de l'ancienne batterie N° 2 du Vézélois et du Grand Bois furent construits en 1914 et avaient chacun une capacité de 68 places couchées et de 60 places assises. Un dépôt intermédiaire d'une capacité de 800 obus de 120 fut également implanté à 300 m au nord de l'entrée du fort.
Abri à la batterie du Bois Patheret
La batterie du Bois Patheret
Abri à la batterie du Bois Patheret
Niche à munitions à la batterie du Bois Patheret
Le fort de Vézelois a été conçu en 1886 pour un effectif de 627 hommes commandé par 36 sous-officiers et 15 officiers. L'intendance pouvait fournir 3 000 repas par jour. L'alimentation en eau était assurée par deux puits et par deux citernes (184 m3) situées sous le casernement de gorge. L'infirmerie avait une capacité de 28 lits. En 1914, le casernement renforcé par du béton offrait 549 couchages et 78 places assises, le casernement normal offrait 268 couchages. Les deux magasins à poudre avaient une capacité de stockage de 47 t de poudre noire chacun. La cuisine était équipée de quatre cuisinières de marque François Vaillant et la boulangerie possédait deux fours de 250 rations chacun.
Guérite de garde de 1960
Le dessus du casernement avec le mirador de 1960
L'entrée de la poudrière nord
Le fort de Vézelois ne connut pas l'épreuve du feu. Durant la 1re guerre mondiale, il fut, comme tous les forts, désarmé en 1915. Les canons et autres mitrailleuses, sauf ceux des tourelles, et toutes les munitions furent envoyés au front. Ne fut laissée au fort que la poudre strictement nécessaire pour sa destruction en cas d'avance significative de l'ennemi. En 1917, l'armée ayant tiré les leçons des forts de Verdun réarma les forts. Les issues et les entrées furent dotées de chicanes en sacs de sable et rondins de bois et munies de mitrailleuses et de lance-grenades. La tourelle 75R05 et la casemate de Bourges reçurent chacune une dotation de 2 400 obus explosifs et de 1 600 obus à balles. Les deux tourelles de mitrailleuses reçurent chacune 57 600 cartouches, les canons-revolvers furent dotés chacun de 1 300 obus et les canons de 12 culasses reçurent chacun 150 obus. Les coffres de contrescarpes furent également dotés de six mitrailleuses.
La cour sud avec les latrines
Une des sorties d'infanterie dans le chemin du rempart
Une sortie d'infanterie sur le dessus du fort
Durant la 2e Guerre mondiale, le fort fut investi par l'armée allemande. Les Allemands procédèrent au ferraillage complet du fort. Lors de la retraite de l'armée allemande, les munitions restant au fort furent rassemblées dans trois chambrées du casernement et incendiées. L'armée française le récupéra à la fin de la guerre. À partir de 1946, le fort servit de dépôt de munitions à l'ensemble des régiments stationné à Belfort et en Franche-Comté. Pour faciliter l'accès, une partie du fossé de gorge, du côté gauche, fut comblée pour créer un accès direct à la cour. Le casernement fut transformé en dépôt de munitions et la plupart des ouvertures furent murées. Le 74e régiment d'artillerie stationné à Bourogne fut doté entre 1974 et 1993 de missiles Pluton. Ces missiles portant une charge nucléaire (10 ou 25 kilotonnes) étaient lancés depuis une rampe lance-missile montée sur un châssis de char AMX-30. Ils avaient une portée maximale de 120 km. Le fort de Vézelois ne fut pas utilisé pour stocker les charges nucléaires, mais uniquement pour le stockage des détonateurs. Il reçut donc des aménagements spécifiques pour améliorer sa défense dont certains sont toujours en place comme le mirador coiffant le casernement et certaines guérites de garde. Le fort fut déclassé par l'armée au cours des années 1990 puis mis en vente. Il fut acquis en 1999 par la commune de Vézelois qui confia ensuite l'entretien et la restauration à l’association "Le renouveau du fort de Vézelois".
Une des chambrées du casernement de guerre dans laquelle furent détruite
les munitions lors de la retraite des troupes allemandes
La chambrées du casernement de paix dans laquelle furent détruite les
munitions lors de la retraite des troupes allemandes
Une des chambrées du casernement de guerre dans laquelle furent détruite
les munitions lors de la retraite des troupes allemandes
Obus détruit dans cette chambrée
Je tiens à remercier l’association "Le renouveau du fort de Vézelois" et surtout son président, Christian Vinez, qui m'a servi de guide lors d'une visite privée.
Ces photographies ont été réalisées en aout 2024.
Y ACCÉDER:
La visite du fort peut se faire sur demande auprès de l'association "Le renouveau du fort de Vézelois". Des visites sont organisées le mercredi à 14 h en juillet/août.
Se renseigner sur le site du fort : www.fortdevezelois.com
Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.
Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.
Cette page a été mise en ligne le 12 septembre 2024
Cette page a été mise à jour le 12 septembre 2024