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La bataille du Donon

Les troupes françaises prennent le Donon le 14 août 1914. Ils en seront chassés le 21 août 1914 par les Allemands. Ceux-ci transformeront ensuite le massif en une plaque tournante assurant le ravitaillement de la ligne de front établi, pour le reste de la guerre, quelques kilomètres plus au sud.

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Le monument de la nécropole du col du Donon

En vertu de la tactique de l'offensive à outrance, adoptée par le Grand État-major français après la défaite de 1870, le général Joffre ordonna le 8 août 1914 de s'emparer des cols vosgiens. Le même jour, le général Dubail, commandant la 1ere Armée, lance le 14e Corps d'Armée (CA) à l'attaque du col du Bonhomme et de Ste-Marie-aux-Mines. Il y subira de lourdes pertes entamant le moral des troupes. Le 12 août 1914, le 21e CA s'empare du col de Saales et du village de Saales sans rencontrer de résistance sérieuse. Ce même jour, le général Dubail ordonne une offensive générale pour le 14 août 1914. Le 21e CA constitué de la 13e Division d'Infanterie (DI) (25e et 26e Brigade) et de la 43e DI (85e et 86e Brigade) doit marcher sur la vallée de la Bruche en direction de Strasbourg. Le 13e CA doit marcher sur Cirey-sur-Vezouse. La liaison entre les deux CA devait être assurée par la 25e Brigade dont l'objectif était le massif du Donon. Le 14 août 1914, le 8e CA et le 13e CA passent à l'offensive en direction de Sarrebourg et le 21e CA attaque dans la vallée de la Bruche. La 26e Brigade (21e et 109e régiment d'infanterie (RI)) attaque en direction de Plaine qu'ils atteignent malgré de sérieuses pertes. La 86e Brigade attaque en direction de St-Blaise et malgré une forte résistance, atteint son objectif à la tombée de la nuit. Cinq cents réservistes alsaciens du Infanterie Regiment (IR) 99 et du IR15 bavarois désertent pour se joindre aux troupes françaises. La 25e Brigade (17e, 20e, 21e et 57e bataillon de chasseurs à pied (BCP)) s'empare sans grosse difficulté de son objectif, le Donon. La 85e Brigade (149e et 158e RI) est placée en couverture au sud du dispositif. Pendant ce temps, le 149e RI se heurte aux retranchements allemands près de Steige.

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Un bunker de ligne de défense allemande

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Une autre entrée de bunker allemand

Le 15 août 1914, sur ordre du général Dubail, le 21e CA se retranche sur les positions acquises. Il reprendra sa marche en avant le 16 août 1914 en direction de Schirmeck qu'il occupe, l'ennemi s'étant replié. Le 17 août 1914, le général Dubail, en vue de couvrir l'offensive sur Sarrebourg, décide de transférer la majeure partie du 21e CA à travers le massif du Donon sur St-Quirin et Abreschviller. La 26e Brigade renforcée par le 17e RI est chargée de barrer la vallée de la Bruche. Le 18 août 1914, la 26e Brigade et le 17e RI progressent en direction de Mutzig. Au nord de la Bruche, des éléments de la 17e RI et le 109e RI enlèvent Wisches et avancent vers Lutzelhouse. Au sud de la bruche, le 17e RI subit des pertes importantes devant Schwarzbach et Grendelbruch. En début d'après-midi, les Allemands contre-attaquent et essaient de prendre le 17e RI et le 109e RI à revers en passant par les hauteurs. Les troupes françaises battent en retraite et le général Bourderiat fait intervenir le 21e RI pour les dégager. Il demande également des renforts à la 25e Brigade.

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Une porte interne d'un des bunker, toujours en place

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Une des salles de ce bunker

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Le couloir reliant les différentes salles

La retraite des troupes françaises se poursuit le 19 août 1914. Lors d'une des contre-attaques du 109e RI, son commandant, le colonel Aubry, est tué. Le 21e RI et le 109e RI se replient sur le Donon en abandonnant Schirmeck aux Allemands. Ce jour, les positions françaises au Donon sont soumises à un important bombardement effectué par trois batteries de 105 en vue de l'offensive allemande. Le général Von Pavel doit s'emparer du massif du Donon au cours de l'offensive des VIe et VIIe armées allemandes contre les 1ere et IIe armées françaises prévu pour le 20 août 1914. N'ayant aucune idée de l'importance des troupes françaises occupant le massif, il a réuni les Infanterie Reserve Bataillon (IRB) 52 et 55 complété par le RIR40 et les Reserve Jager Bataillon (RJB) 8 et 14 soit environ 15000 hommes. L'attaque est prévue sur le sommet du Petit Donon en passant par les pentes abruptes du flanc est en fin de journée pour bénéficier de l'ombre. C'est l'accès le plus difficile et il compte sur la surprise pour déborder les Français. Côté français, le Petit Donon n'est occupé que par un peloton de la 6e compagnie (Cie) du 21e BCP. L'état-major du bataillon est stationné avec la 2e et la 4e Cie au col entre les Deux Donon. La 1ere Cie est sur la droite, la 6e Cie sur la gauche et la 3e Cie dans une tranchée en contrebas du col. Soit un effectif de 1600 hommes. La nuit du 19 au 20 août 1914 est, selon le Journal de Marche et d'Opérations (JMO) du 21e BCP, très calme.

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Au matin du 20 août 1914, le brouillard englobe le massif. Un groupe d'observateurs et de réglage de tir du 62e RAC (régiment d'artillerie coloniale) stationné à la plateforme du Donon (près du col du Donon) rejoint les hommes de la 6e Cie au sommet du Petit Donon commandé par le sous-lieutenant Montenot. Le 20e BCP occupe et aménage la ligne de crête en direction du nord-est vers le rocher de Mutzig en vue d'une attaque vers la vallée. La préparation d'artillerie allemande débute à 11h20 et durera jusqu'à 19h20. Le brouillard s'étant dissipé, les observateurs repèrent les mouvements des IRB52 et IRB55 au-dessus de Wisches. Les canons de 75 français du 62e RAC ouvrent le feu et font subir aux Allemands d'importantes pertes. Vers 15h, le RJB8 échange des coups de feu avec les hommes du 20e BCP à la Baraque Carrée, au nord du Donon. Le RJB14 investit les lieux avant de rejoindre le RJB8 au col de l'Engin. Les 75 français infligeront également d'importantes pertes à ces deux régiments. Vers 18h, les RIR 109 et RIR119 attaquent le Petit Donon. Les Français sont submergés, le sous-lieutenant Montenot et les observateurs sont tués. Sur ordre du capitaine Zuber, la 6e Cie contre-attaque à la baïonnette et se rend à nouveau maitre du sommet sous le commandement du sous-lieutenant Dalanzy. La nuit tombante met un terme à l'attaque au sommet. La 6e Cie se replie sur le col en laissant 20 hommes avec le sous-lieutenant Dalanzy au sommet en attente de renfort. Les combats se poursuivent cependant le long des flancs du massif. À 21h, le Petit Donon est aux mains des Allemands, le sous-lieutenant Dalanzy et ces hommes ayant fini par rejoindre le reste de la 6e Cie au col entre les Deux Donon. Le colonel Von Uhe du RIR109 prend sa place avec une trentaine d'hommes. Il fera monter au cours de la nuit des pionniers avec du matériel et quelques sections des RIR109 et RIR110. À l’aube, ce sont 500 Allemands qui occupent les tranchées reconstruites et protégées par du fil de fer barbelé.

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L'entrée d'un grand abri

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Le couloir de cet abri

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La suite de ce couloir

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et la sortie

La situation est cependant très confuse et les informations contradictoires. Une partie des troupes allemandes parties à la conquête du massif a abandonné le terrain conquis. Le général Von Pavel ordonne la réoccupation du Petit Donon et la poursuite de l'attaque par les mêmes régiments que la veille. Suite à la défaite de la IIe armée de Castelnau à Morhange et à l'offensive des VIe et VIIe armées allemandes, les Français sont contraints à la retraite. Le général Dubail a ordonné la retraite "pour le 21 à 6h30". Cet ordre ne sera pas écouté par les généraux Bourderiat (13e DI) et Barbade (25e Brigade) qui veulent reprendre le Petit Donon. Ils seront limogés en septembre pour cela. Ils ordonnent une attaque en utilisant sur le flanc gauche le 1er bataillon du 21e RI, au centre les 2e, 5e et 6e Cies du 21e BCP et à droite les 7e et 9e Cies du 57e BCP. Ces troupes seront soutenues par une section de mitrailleuse du 21e BCP placée au Grand Donon. La batterie de 75, montée la veille au sommet du Grand Donon, ne sera pas mise en œuvre, de même que les 109e RI et 17e RI stationnés à la plateforme du Donon. Un barrage sera maintenu au nord du Petit Donon par la 3e Cie du 21e BCP et Cie du Génie 21/4.

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Une source jaillit dans ce bunker inondant le couloir de sortie

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L'attaque française est déclenchée à 4h30. Les mitrailleuses françaises balayant les flancs du Petit Donon empêchent les Allemands de sortir de leurs abris. Les premières tranchées allemandes sont enlevées. Les pertes allemandes sont importantes. Les hommes du 57e BCP ont également emmené une mitrailleuse et s'en servent efficacement pour l'attaque des tranchées. Mais au fur et à mesure de la progression des troupes françaises, les mitrailleuses de couvertures doivent cesser le tir permettant aux Allemands retranchés sur le flanc est de franchir le sommet et de contre-attaquer. Ils ont l'avantage du nombre et de la position dominante. À 6h15, les pertes françaises deviennent importantes et le commandant Rauch ordonne la retraite. Les survivants fuient vers le col entre les Deux Donon poursuivi par les Allemands. À cet endroit, les hommes du commandant Rauch font le "coup de feu" dans des retranchements préparés la veille. Ils tiennent tête aux troupes allemandes arrivant par le chemin de Wisches, les pentes du Petit Donon et le vallon. Les mitrailleuses françaises du Grand Donon les soutiennent et les pertes allemandes s'amplifient. La contre-attaque allemande prend fin à ce moment. Durant ce temps, le barrage tenu par la 3e Cie du 21e BCP et la Cie du Génie 21/4 tiennent face à l'attaque du RJB14, de la 1ere Cie du RIR119 et des 2e et 3e Cies du RIR120.

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L'entrée du bunker traversant la route au col de l'Engin

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Dans ce bunker

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La sortie de l'autre côté de la route

À 8h, le commandant Rauch ordonne l'évacuation du col entre les Deux Donon et du barrage au nord. Les mitrailleuses du 21e BCP et du 20e BCP couvrent la retraite en empêchant les Allemands d'avancer. À 11h30, le général Barbade ordonne la retraite générale vers la vallée de La Plaine conformément aux ordres du général Dubail. Le 22 août 1914, les troupes allemandes attaquent le Grand Donon. Ils n'y trouveront aucune résistance (pour cause). La bataille du Donon est terminée. La prochaine bataille a lieu au col de la Chipotte.

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Le bunker au col de l'Engin présente un curieux passage surbaissé

Les pertes humaines de la bataille du Donon ne sont pas connues avec précision. Des estimations, basées sur les JMO, chiffrent les morts français à 1048. Du côté allemand, le nombre de morts est estimé à une valeur équivalente. La violence des combats n'a pas permis aux Français de relever leurs morts ou de secourir les blessés. Les pionniers allemands s'en chargeront à partir du 22 août 1914. Les blessés et les prisonniers sont évacués sur Schirmeck. La chaleur intense accélérant la décomposition des corps, les morts sont enterrés sur place dans des tombes individuelles ou collectives. Ces tombes seront relevées en 1919. Les restes humains ont été transférés à la nécropole nationale du Donon pour les Français et le cimetière militaire allemand de la Broque pour les Allemands ou rendu à leur famille.

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Le 1er bunker après le col du Donon

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Une des chambres de ce bunker

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Le couloir

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et la sortie

Les vestiges de cette bataille sont rares. Il s'agit presque exclusivement des stèles gravées marquant l'emplacement des tombes sur les flancs du Petit Donon. Les tombes établies en 1914 après la bataille ont été marquées par des croix en bois. En 1916, le soldat Ludwig Gebhardt fut chargé par les autorités allemandes de remplacer les croix par des stèles gravées sur des blocs de grès. Chaque stèle comprend un numéro d'ordre, le numéro du régiment, le grade et le nom des inhumés s'ils sont connus. L'identification des morts fut pour beaucoup impossible, car tous ne portaient pas encore, en ce début de la guerre de plaque d'identité.

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La stèle au sommet du Petit Donon

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Une des stèles du Petit Donon

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Le rocher sommital du Petit Donon

Les autorités militaires allemandes ont établi une liste de 112 stèles numérotées. La tombe la plus importante (la n° 88) regroupait 46 Français inconnus. Elle était située près de la route d'Abreschviller, mais n'a, à ce jour, pas été retrouvée. D'après cette liste, les tombes concernaient 327 Français et 185 Allemands. Il semblerait que 180 stèles ont été créées en 1916. Un recensement fait en 1999 a permis d'en retrouver 41. Le sentier partant du col entre les Deux Donons et menant au sommet du Petit Donon permet d'en découvrir un certain nombre.

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Une des stèles située au col entre les deux Donon

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Les vestiges existant dans le massif du Donon ont été construits par les Allemands après 1915 afin de réaliser une deuxième ligne de défense à l’arrière de la première ligne passant par la Roche Mère Henry, le Pain de Sucre et le col de la Chapelotte. Le massif du Donon fut également un grand nœud de ravitaillement où se croisaient les voies ferroviaires et les transports par téléphérique.

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Le sommet du Petit Donon

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Le Petit Donon

Un premier sentier, débutant au nord du parking situé le long de la D993 allant à Abreschviller, permet de découvrir une série de bunkers sur le flanc nord-ouest du massif. Le sentier vous mène vers le col de l'Engin où était placé le barrage tenu par la 3e Cie du 21e BCP, le 21 août 1914.

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Chambre de tir pour mitrailleuse

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Vestiges de tranchée

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Au sud du col du Donon se trouve la nécropole du Donon qui domine la plateforme du Donon.

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La nécropole au col du Donon

Un peu plus loin au niveau de l'embranchement de la route forestière du col du Prayé subsistent les restes d'une station de téléphérique. Un deuxième sentier (circuit des Fortin) permet la découverte des bunkers du flanc sud-ouest du massif. Le balisage a malheureusement souffert du temps et il est difficile de suivre le sentier. Il est plus simple de suivre la route forestière qui longe la ligne de bunkers.

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Les vestiges de la station d'arrivée d'un des téléphériques

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Au 1er carrefour, nommé "Étoile I", se trouve une stèle commémorant la destruction du drapeau, le 22 juin 1940, du 154e RI afin qu'il ne tombe pas aux mains de l'ennemi.

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La stèle au carrefour de l'étoile I

Au deuxième carrefour, nommé "Étoile II", se trouve une autre stèle commémorant un acte de la résistance au cours de la 2e Guerre mondiale. À proximité se trouve un abreuvoir marqué de la croix de fer. Un sentier partant à gauche de la stèle (balisage cercle rouge) mène à l'emplacement bétonné d'une batterie d'artillerie pour 4 canons avec soutes à munitions et abris pour les servants.

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La stèle au carrefour de l'étoile II

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L'abreuvoir au carrefour de l'étoile II

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Encuvement pour un canon au niveau de la batterie de l'étoile II

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Les abris de la batterie

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Mur de protection de la batterie

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Soute à munitions de cette batterie

Ces photographies ont été réalisées en mai 2013.

 

Y ACCÉDER:

Le col du Donon est accessible par la D392 depuis Schirmeck ou depuis Celles-sur-Plaine.

Le sentier nord débute 100 m après le parking situé le long de la D993 allant à Abreschviller. Il mène au col de l'Engin. De là, vous pouvez revenir par la route ou prendre le sentier passant par le col entre les 2 Donons et le Grand Donon. Compter 3h de marche.

Le sommet du Petit Donon est accessible à partir du col entre les Deux Donon (45 mn aller/retour). De cet endroit, vous pouvez également monter au Grand Donon.

La partie sud du massif se visite en suivant la route forestière du col de Prayé démarrant au sud du col du Donon, sur la gauche de la D392, après la nécropole nationale. En suivant cette route, vous déboucherez sur Senones. Vous pouvez également poursuivre, après le col de Prayé, sur la route forestière des Bannes (à droite avant le refuge du Prayé) vers le site du Coquin, le Pain de Sucre et la Pierre Piquée.

 

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 22 septembre 2013

Cette page a été mise à jour le 22 septembre 2013