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L'abbaye de Jumièges

Consacrée plus belle ruine de France, l'abbatiale Notre-Dame dresse fièrement ces deux tours, hautes de 46 m, dans le ciel normand. Vendues après la Révolution et transformées en carrière de pierre, les ruines furent sauvées de la destruction totale par Nicolas Casimir Caumont qui le premier entreprit une restauration.

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L'abbaye fut fondée en 654 par Saint-Philibert, abbé de Rebais, sur des terres données par Clovis II et sa femme Sainte-Bathilde. L'abbaye était entourée d'une enceinte quadrangulaire de 300 m de côté parsemée de tours de guet. À l'entrée se trouvaient les bâtiments destinés aux hôtes. Du côté est se trouvait une église dédiée à la Vierge et munie de trois autels, au nord se trouvait un sanctuaire dédié à Saint-Denis et à Saint-Germain et au sud, il y avait un oratoire dédié à Saint-Pierre et une chapelle consacrée à Saint-Martin. Du côté sud se trouvait également la cellule de Saint-Philibert relié au cloitre par une galerie à portique. Un bâtiment, orienté vers le sud, de plus de 90 m de longueur et de 16 m de largeur accueillait, au rez-de-chaussée, les celliers et les cuisines et à l'étage, le dortoir avec une fenêtre pour chaque lit. Saint-Philibert s'était implanté accompagné de 70 moines. Par la suite, il acheta en Angleterre des esclaves, les catéchisa, les baptisa et en fit des moines. Vers 670, ils auraient été plus de 800. La bibliothèque de l'abbaye devint une des plus réputées de Neustrie. Une épidémie de peste décima la moitié de la communauté en 685, mais celle-ci se releva aussitôt puisqu'en 700 la communauté aurait été forte de 900 moines et de 1500 serviteurs. En 825, Louis le Débonnaire confirma à l'abbaye sa dispense de payer les droits de péage sur les provisions.

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La façade de l'abbatiale

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L'abbatiale

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La nef de l'abbatiale

Le 24 mars 841, les Vikings incendièrent le monastère. Les moines l'abandonnèrent alors en emportant les reliques et les manuscrits pour se réfugier au prieuré d'Haspres près de Cambrai. En 940, deux moines d'Haspres se firent restituer le site de Jumièges par Guillaume 1er, duc de Normandie. Comme ils échouèrent à restaurer la vie monastique, le duc établit une nouvelle communauté en faisant appel aux moines bénédictins de l'abbaye Saint-Cyprien de Poitiers. L'assassinat de Guillaume 1er, en 942, mit fin à la communauté. Des clercs restèrent cependant sur place pour surveiller les bâtiments. De cette époque datent les parties les plus anciennes actuellement conservées de l'église Saint-Pierre, soit la façade ouest et les deux travées nord de la nef. La façade conserve des traces de décors carolingiens. Cette église était réservée aux moines et au convers.

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Le retour des moines depuis Haspres s'effectua en 1024. Ils vont reconstruire l'abbaye à partir des vestiges de l'église Saint-Pierre (pignon ouest, massif des deux tours et les deux travées nord de la nef). En 1027, le duc de Normandie, Richard II, confirma une importante liste de donation. À partir de 1040, l'abbé Robert dit Champart, entama la construction de l'abbatiale Notre-Dame au nord de l'église Saint-Pierre. Entre les deux furent érigées la salle capitulaire et la salle des reliques. L'abbatiale a une longueur de 88 m. Les vestiges de la nef s'élèvent encore à 25 m sur trois niveaux. Ce fut la plus haute nef romane de Normandie. La façade possède deux tours presque symétriques hautes de 46 m séparés par un massif en saillie abritant le porche. La façade, la nef et la tour lanterne qui coiffait la croisée du transept sont de style roman. Un document de 1052 atteste le culte des reliques de Saint-Valentin de Terni au sein de l'abbatiale. Celle-ci fut consacrée, le 1er juillet 1067, par l'archevêque de Rouen, le bienheureux Maurille, en présence de Guillaume le Conquérant qui attribua à l'abbaye des biens en Angleterre.

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(© Wikipédia)

En 1267, l'abbaye comptait 45 moines résidents et 21 moines officiants à l'extérieur des murs. Entre 1267 et 1278, le chœur roman de l'abbatiale fut remplacé par un chœur gothique encadré par sept chapelles rayonnantes réservées à l'usage des moines. Au cours du XIIIe siècle, la communauté connut un dynamisme sans précèdent, notamment pour le scriptorium. La moitié des manuscrits connus issus de l'abbaye de Jumièges datent de cette époque. Un livre de compte nous apprend qu'en 1338, l'abbaye perçut 7672 livres de recettes pour des dépenses de 7044 livres. Au cours du XIVe siècle, l'église Saint-Pierre fut en partie reconstruite et fut érigée la porterie actuelle dans un style gothique. En 1431, l'abbé Nicolas le Roux prit une part active au procès de Jeanne d'Arc. Il se prononça en sa défaveur par crainte du pouvoir anglais. En 1440, au cours de la guerre de 100 ans, la communauté, forte d'une trentaine de moines, perdit la totalité de ses possessions offerte par Guillaume le Conquérant en Angleterre. Lors de sa reconquête de la Normandie, en 1450, le roi de France Charles VII prit ses quartiers d'hiver à l'abbaye. Il y fut rejoint par sa maitresse Agnès Sorel, enceinte de 8 mois. Elle y accoucha, début février, puis mourut neuf jours plus tard.

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L'église Saint-Pierre

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L'église Saint-Pierre

L'abbaye reçut, en 1493, une relique (une côte) de Saint-Philibert et passa à la même période sous le régime de la Commende. En 1515, l'abbé Philippe de Luxembourg introduit à Jumièges la reforme de Chezal-Benoît. Il installa les moines dans des chambres qu'il avait fait construire au-dessus du réfectoire et dans un nouveau dortoir au sud de l'église Saint-Pierre. En 1530 fut reconstruit le cloitre dans un style gothique flamboyant selon un plan trapézoïdal dont les côtés variaient entre 28 et 40 m de longueur. Il n'en subsiste actuellement que des traces du côté sud de l'abbatiale Notre-Dame. L'abbaye fut pillée par des protestants partis de Caudebec le 8 mai 1562. Les moines, ayant été prévenus, avaient déserté le monastère avant l'arrivée des pilleurs. Le roi de France, Charles IX, vint constater l'ampleur des dégâts le 28 juillet 1563. Il permit aux moines de vendre un peu de leur terre gémétique (une des péninsules formées par les méandres de la Seine) pour subvenir à leurs besoins. Les moines vendirent la seigneurie de Norville à Charles II de Cossé, comte de Brissac, pour 10 220 livres. Dix-sept moines réintégrèrent l'abbaye suite à ces événements.

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Le cellier vu depuis l'espace du cloitre

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Le mur du refectoire

En 1607, l'abbé Marian de Martinbois introduit la réforme de Saint-Vanne de la congrégation de Saint-Maur. L'abbaye recueillit en 1655 une partie du crâne de Sainte-Bathilde, la reine de France à l'origine de la fondation de l'abbaye. En 1663 fut construite une nouvelle bibliothèque au-dessus des celliers qui avaient été aménagés dans un bâtiment à l'ouest du cloitre construit au XIIe siècle pour servir d'hôtellerie. Les celliers étaient constitués de 26 caveaux pouvant chacun contenir 600 bouteilles. Les moines produisaient leur propre vin à partir des vignes du Conihout de Jumièges. La nouvelle bibliothèque avait 30 m de longueur, 10 m de largeur et 5 m de hauteur. Entre 1688 et 1692, la nef de l'abbatiale fut couverte d'une fausse voute sur croisée d'ogives destinées à cacher la charpente. Cette voute remplaça un plafond plat en bois. En 1671 fut achevé le nouveau logis abbatial construit à l'écart du monastère puis, en 1732, fut construit le grand dortoir.

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(© Wikipédia)

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Le choeur de l'abbatiale

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Chapelle du choeur de l'abbatiale

Un inventaire, fait lors de la Révolution en 1789, releva que l'abbaye percevait 120 000 livres de revenu. De cette somme, l'abbé commendataire en recevait 80 000, le reste revenait aux moines et aux serviteurs pour l'entretien des lieux. Les 18 moines restants durent quitter les lieux en 1790. La bibliothèque de 10 000 volumes fut transférée à la bibliothèque de Rouen. En 1795, l'abbaye fut vendue comme bien national à Pierre Lescuyer, receveur des biens nationaux. Il entreprit aussitôt la destruction (pour revendre les matériaux) du cloitre du XVIe siècle et du dortoir du XVIIIe siècle. Jean Baptiste Lefort, devenu le nouveau propriétaire en 1802, fit exploser le chœur de l'abbatiale et transforma le tout en carrière de pierre. Nicolas Casimir Caumont épousa, en 1816, Sophie Adèle, la fille de Jean Baptiste Lefort. Il s'installa à l'abbaye et la sauva ainsi de la destruction complète. Nicolas Caumont fut maire de Jumièges, président de la chambre de commerce de Rouen, président du tribunal de commerce de Rouen, président du conseil d'administration de la Banque de Rouen et vice-consul du Brésil et du Portugal. À sa mort en 1852, l'abbaye fut revendue à la famille Lepel-Cointet. Celle-ci aménagea la porterie en logis néogothique.

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La porterie

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Les reliques subsistant à Jumièges furent transférées à l'abbaye de Saint-Wandrille en 1897. Ils s'agissaient du chef de Saint-Valentin de Terni, d'une côte de Saint-Philibert, une partie du crâne de Sainte-Bathilde, une dent de Saint-Jean-Baptiste, une côte de Saint-Laurent et des reliques de Saint-Constantin, Saint-Pérégrin, Saint-Hugues et de Saint-Quentin. L'abbaye devint la propriété de l'État en 1947 qui la céda au département de Seine-Maritime en 2007.

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La maison de l'abbé

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La maison de l'abbé

Ces photographies ont été réalisées en juillet 2018.

 

Y ACCÉDER:

L'abbaye de Jumièges se trouve au centre du village de Jumièges. La visite est payante.

 



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Cette page a été mise en ligne le 12 octobre 2018

Cette page a été mise à jour le 12 octobre 2018