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Le château de Cormatin est l’un des rares témoins fidèlement préservés de l’architecture résidentielle de la noblesse française sous Louis XIII. Sa restauration exemplaire, la richesse de ses décors intérieurs, et la beauté de ses jardins en font un chef-d'œuvre vivant du patrimoine bourguignon.
Au cours du Ve siècle, un guerrier franc du nom de Martin prit possession du site et le nomma "Hortus Martini" (le domaine de Martin). Ce nom fut par la suite déformé en Cormartin puis devint Cormatin. Les premières mentions de la seigneurie de Cormatin remontent au XIe siècle. Elle était alors entre les mains de la famille du Blé, mentionné dès 1022 comme "nobles hommes". L’importance stratégique du site, situé près d'un gué sur la Grosne empruntée par la route entre Tournus et l'abbaye de Cluny, justifia l’édification d’une maison forte, probablement vers 1280, par Henri du Blé, chevalier vassal du duc de Bourgogne. Ce premier château, aujourd’hui disparu, était une construction défensive flanquée de tours et entourée de douves, à l’image des autres forteresses féodales de Bourgogne. Du XIIIe au XVIe siècle, le château fut renforcé pour résister aux conflits féodaux, mais resta de taille modeste. Il n'en subsiste aujourd’hui aucun vestige visible. Antoine du Blé (vers 1550–1626) se distingua comme chef militaire durant les guerres de religion qui lui permirent de s'enrichir "à force de voleries et rapines". Il se rallia en 1595 à Henri IV qui le nomma en 1605 gouverneur militaire de Chalon-sur-Saône et lieutenant-général de Bourgogne. En pleine période post-guerres de religion, il s’inscrivit dans le courant des nobles de robe enrichis aspirant à une vie de cour. Il engagea alors la reconstruction du château de Cormatin dans un style Renaissance à vocation symbolique et militaire, intégrant douves, bossages, tourelles et canonnières, à l’instar de la citadelle de Chalon-sur-Saône. Le style s’inscrivit dans le classicisme naissant, mais conserva des éléments défensifs (échauguettes, canonnières) pour des raisons plus symboliques que militaires afin de montrer qu’on était "capable de défendre son rang".
Les dépendances du château
L'entrée des caves
Les caves
Le cachot dans les caves
Les travaux commencèrent en 1606 par la construction de deux pavillons et d'un grand logis formant l'aile sud. À la mort d'Antoine du Blé en 1616, son fils Jacques reprit le chantier en érigeant l'aile ouest et le pavillon de l'aile nord. La construction de celle-ci s'acheva en 1625. Les architectes sont inconnus, mais étaient fortement influencés par Salomon de Brosse, grand architecte royal. Le château présente un plan en "U" avec trois ailes entourant une cour ouverte. Construits en pierres blondes locales, les bâtiments ont des façades à bossages, typiques de l’architecture défensive urbaine du temps. Les soubassements et les caves de l'ancienne forteresse ayant été conservés, le nouveau château, comme l'ancien, resta entouré de douves en eau. En 1617, Jacques du Blé, familier de la reine-régente Marie de Médicis, épousa Claudine Phélypeaux, âgée de 13 ans. C'était la fille du trésorier de l'épargne, un des hommes les plus importants du gouvernement. En 1618, le roi créa le marquisat d'Huxelles et Cormatin et nomma Jacques du Blé chevalier du Saint-Esprit, un ordre prestigieux ne comportant que 100 membres. À partir de 1627, Jacques du Blé acheva la décoration intérieure à l'aide d'ouvriers ayant travaillé pour la reine au palais du Luxembourg. Il fit notamment venir de Paris plus d'une soixantaine de tableaux. Parmi les visiteurs célèbres de l'époque, il faut citer le roi Louis XIII et le cardinal de Richelieu qui passèrent la nuit du 5 au 6 février 1626 au château de Cormatin. Jacques du Blé fut tué en 1629 au siège de Privas, ville protestante révoltée contre le roi. Sa veuve arrêta tous les travaux au château. Les générations suivantes vécurent à Paris et à la cour du roi et ne vinrent à Cormatin que rarement.
Le salon de l'aile nord
Le salon de l'aile nord
La chambre de l'aile nord
L'anti hambre de la marquise
Après la mort de Louis XIV, Nicolas du Blé, maréchal de France, gouverneur de l'Alsace, mais vivant à Versailles, fut exilé à Cormatin en 1722 pour s’être opposé à l'alliance avec l’Angleterre envisagée alors par la régence. À sa mort en 1730, étant le dernier représentant de la lignée d'Uxelles, le domaine passa aux mains de son neveu, Henri Camille de Beringhen, gouverneur de Chalon-sur-Saône et premier écuyer de Louis XV. Celui-ci laissa le domaine à sa fille naturelle Sophie Verne en 1766. D'abord mariée à Antoine Viard de Sercy, Sophie Verne épousa le 24 avril 1784 Pierre Marie Félicité Dezoteux. Pierre Dezoteux qui prit le titre de Baron de Cormatin participa à la guerre d'indépendance américaine puis devint le chef des chouans lors de leur révolte ce qui lui valut d’être emprisonné à Cherbourg. De leur union naquit au château en 1786 Nina Dezoteux.
L'antichambre de la marquise
L'antichambre de la marquise
Passage vers la chambre de la marquise
La chapelle privée de la marquise
En 1789, lors de la Révolution, le pillage du château est évité grâce à l’habilité du maître des lieux qui ouvrit la cave à vins aux émeutiers. Au cours de cette période tumultueuse, le château qui servit brièvement de refuge à des aristocrates fut saisi comme bien national, puis rendu, après Thermidor, à ses propriétaires. En 1807, Nina Dezoteux se maria avec le comte Antoine de Pierreclos. Sophie Verne, ayant divorcé pour sauvegarder ses biens, vendit le château au général Étienne Maynaud Bizefranc de Lavaux en 1809. Celui-ci le céda en 1810 à Joseph Laurent Salavin, industriel lyonnais. Joseph Salavin confia à l'ingénieur Girardet la charge de transformer l'aile sud du château en manufacture d'Indienne (tissus imprimés). La destruction de murs porteurs provoqua en 1815 l'effondrement de l'aile sud. Joseph Salavin fut tué lors de cette catastrophe. L'achat du château n'ayant pas été payé, le château revint aux mains du général de Lavaux.
La chambre de la marquise
La chambre de la marquise
La chambre de la marquise
La chambre de la marquise
La chambre de la marquise
La chambre de la marquise
Le cabinet de toilette de la marquise
Le cabinet de toilette de la marquise
Le cabinet de toilette de la marquise
Le cabinet de toilette de la marquise
En 1812, Alphonse de Lamartine séduisit Nina Dezoteux et le 1er mars 1813 un fils naquit de ces amours. À la mort du général de Lavaux en 1828, le mari de sa fille (décédé en 1816), Charles Brosse, hérita du domaine. En 1843, la fille de Charles Brosse, Marguerite Verne, épousa Pierre Henri de Lacretelle. À partir de cette date, Alphonse de Lamartine, proche d'Henri de Lacretelle, revient souvent au château. Il y écrivit une importante partie de "L’histoire des Girondins", grâce aux archives familiales. En 1847, il réunit à Cormatin ses amis politiques pour y rédiger son programme "républicain et socialiste". Imprimé à Mâcon, ce texte connut un retentissement européen lors des révolutions de 1848. Pour garder le souvenir de l’évènement, une statue représentant la seconde République française fut érigée dans la cour en 1849. Elle a survécu, mais décapitée. Le 14 juillet 1888 naquit au château de Cormatin, Jacques de Lacretelle, un des grands écrivains français du XXe siècle.
La statue représentant la seconde République française
La volière
En 1898 Raoul Gunsbourg, directeur de l’Opéra de Monte-Carlo (de 1896 à 1955), racheta le domaine. Jacques de Lacretelle évoque dans sa série romanesque "Les Hauts-Ponts" le drame que fut pour sa famille la perte du domaine. Passionné de musique, Raoul Gunsbourg transforma les salons et y reçut des artistes célèbres comme Enrico Caruso, Nelly Melba ou Fédor Chaliapine. Chaque été fut donné dans le parc un opéra sous la direction de Jules Massenet. Raoul Gunsbourg se lassa du château et le vendit en 1925 à James Plain, un industriel. À partir de 1950, le château fut abandonné, les toitures se mirent à fuir, les peintures se détériorèrent et les jardins devinrent une jungle. Le domaine en ruine partielle dans les années 1970 est menacé de démolition malgré une inscription aux Monuments historiques dès 1862 des façades. Il fut finalement vendu en 1973 à monsieur Loret de Sainte-Croix.
Le cabinet de curiosité
Le cabinet de curiosité
Le cabinet de curiosité
Le cabinet de curiosité
Le cabinet de travail du marquis
Le cabinet de travail du marquis
Le cabinet de travail du marquis
Le cabinet de travail du marquis
Le sauvetage viendra en 1980 par le rachat du domaine par Marc Simonet-Lenglart (à l'époque chargé de mission auprès de Jack Lang, au ministère de la Culture), Pierre Almendros et Anne-Marie Joly. Aidés par l’État et le conseil général, ils entament une vaste campagne de restauration des façades et des douves (1980 à 1985) puis des décors intérieurs (1985 à 1995). Les jardins furent recréés entre 1990 et 1993 sur 11 ha selon l’esprit baroque d’origine (parterres, labyrinthe, volière-belvédère, théâtre de verdure). En plus des douves, le jardin comprend un canal de 220 m de longueur et un miroir d'eau de 50 m de diamètre. La volière est l'image du paradis céleste. Octogonale (symbole de la résurrection), elle est couverte d'une coupole (symbole de la voûte céleste) dont les nervures sont formées de cœurs enlacés. Aujourd’hui, le château qui accueille environ 60 000 visiteurs par an, poursuit sa restauration (chambre du Maréchal remise à neuf en 2020), et propose des spectacles et expositions. Il fut classé Monument historique en 2019 et reçu le Label "Jardin remarquable".
La cuisine ou l'antichambre du marquis
La cuisine ou l'antichambre du marquis
La chambre du marquis
La chambre du marquis
La chapelle
La salle à manger gothique
Le salon renaissance
Le salon renaissance
Le salon renaissance
Le château de Cormatin conserve l’un des ensembles de décors intérieurs les mieux préservés de l’époque Louis XIII. Une des pièces les plus remarquables est le Grand Escalier. Réplique de celui du palais du Luxembourg à Paris (disparu à ce jour), il s’agit d’un escalier à cage vide, large de 9 m, haut de 20 m, à double volée, d’un monumental effet visuel. Il témoigne de l’influence de Salomon de Brosse, grand architecte royal.
Le grand escalier
Le grand escalier
Le grand escalier
Le grand escalier
Le point d’orgue de la visite est constitué par les salles dorées dont les plafonds à caissons, peints en polychromie et dorés à la feuille, présentent des allégories mythologiques (Hercule, Apollon), religieuses (Sainte Cécile), ou politiques (allégories du pouvoir royal), destinées à mettre en scène la vertu du maître des lieux. Des boiseries en chêne sculpté, des cheminées monumentales et des frises italiennes décorent chaque pièce. Le cabinet de Sainte-Cécile se distingue par un plafond peint en bleu lapis-lazuli constellé d’or, dans un style influencé par les arts flamands. Il mêle arts, piété et musique, illustrant la figure de l’homme cultivé chrétien. Le salon de musique est réaménagé dans un style Belle Époque, mais sans altérer les décors du XVIIe siècle. Dans l'aile ouest, les visiteurs passent dans la chapelle du XVIIe siècle dédié à Saint-Sébastien et à Saint-Roch, par la salle des Césars, ornée de dix portraits équestres du XVIe siècle, par la salle à manger gothique pour terminer dans le salon renaissance conçu par Raoul Gunsbourg en 1900.
Le cabinet de travail du marquis
Le cabinet de travail du marquis
Le plafond du cabinet de curiosité
Le plafond du cabinet de travail du marquis
Le cabinet de travail du marquis
Ces photographies ont été réalisées en mai 2025.
Y ACCÉDER:
Le château de Cormatin est situé au centre du village de Cormatin. Sa visite est payante.
Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.
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Cette page a été mise en ligne le 15 juillet 2025
Cette page a été mise à jour le 15 juillet 2025