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Le sarcophage de Lucq-de-Béarn

L'église St-Vincent du village de Lucq-de-Béarn abrite un chef d'œuvre du début du Moyen-âge unique en Béarn. Il s'agit d'un sarcophage en marbre blanc utilisé en maitre-autel et magnifiquement sculpté de scènes bibliques.

Le village de Lucq-de-Béarn trouve son origine dans un oratoire dédié à St-Vincent érigé, en 544, par un lieutenant du roi Childebert 1^er, fils de Clovis, revenant du siège de Saragosse. Aux alentours de l'an 970, Guillaume Sanche (950-996), duc de Gascogne, y fonda une abbaye au lieu nommé "villam di Luco". Il la confia aux bénédictins et notamment à son parent l'abbé Garcia de Vasconie. L'abbaye s'enrichit rapidement grâce aux nombreux dons des nobles qui venaient y finir leurs jours. Le domaine de l'abbaye allait de Ledeuix, au sud, à Jasses, près de Navarrenx au nord/ouest, et de Lagor, près de Mourenx, au nord/est. En 1114, l'abbaye fut citée comme le monastère de "Sylva bona" en référence à ces nombreux domaines forestiers. La réputation de l'abbaye fut telle, qu'en 1287, le roi d'Angleterre Édouard 1^er et son épouse Aliénor de Castille y firent, avec leur cour, plusieurs séjours. À l'époque, l'abbé de Lucq-de-Béarn relevait directement du Pape et que très partiellement de l'évêque d'Oloron.

Au cours du XIV^e siècle, Lucq-de-Béarn était un des villages les plus importants du Béarn. L'abbaye connut ensuite un lent déclin au cours du XV^e siècle. Les douze moines restants se contentèrent de recueillir les bénéfices de leurs fonctions. En 1550, les premiers prédicateurs protestants, encouragés par la reine Marguerite de Navarre, intervinrent à Lucq-de-Béarn. La reine Jeanne d'Albret édita, en 1561, des mesures pour favoriser l'implantation du protestantisme dans la région. En 1562, l'église abbatiale fut partagée entre les communautés catholiques et protestantes. En 1563, le premier pasteur, Pierre Lemée, officia à Lucq-de-Béarn. L'abbé Arnaud de Foix, un proche de la reine Jeanne d'Albret, exigea en 1567 que les moines de l'abbaye assistent aux prêches des pasteurs officiants dans l'église. En 1569, en réponse à l'invasion du Béarn par l'armée catholique du roi Charles IX, la reine de Navarre envoya une armée protestante menée par Gabriel 1^er de Montgomery. L'abbaye de Lucq-de-Béarn fut saccagée en août 1569. Le cloitre fut détruit, la maison abbatiale et l'église ruinée. À la suite de ce conflit, l'ordonnance royale du 2 octobre 1569 prononça la saisie de tous les biens de l'église. Celle-ci servit alors de temple jusqu'au début du XVI^e siècle.

L'église fut rendue au culte catholique en 1608 par l'édit royal d'Henri IV en échange de la construction d'un temple pour l'importante communauté protestante. En 1610, une bulle pontificale ordonna le remplacement des moines bénédictins par l'ordre des Barnabites en leur assignant la mission de convertir les protestants. Le père Mauricio Olgiati, venu d'Italie, et le père Fortuné de Colom, né à Lucq-de-Béarn, connurent quelques succès dans cette mission, mais l'abbaye ne renoua jamais avec sa prospérité d'antan. En 1704, l'abbaye n'avait plus d'abbé et il ne restait que six pères. Après la Révolution française, l'abbaye fut vendue le 12 mai 1791 en tant que bien national à Pascal Élie, marchand à Pau.

L'église St-Vincent dont la construction débuta en 1020 présente un plan en croix latine. La nef, à quatre travées, est flanquée de bas-côtés inégaux, trois travées au nord et deux travées au sud. Le transept est uniquement saillant sur le côté sud. L'entrée, côté ouest, se fait par un clocher fortifié (corbeaux et trous de hourdage toujours visible). Ce portail fut reconstruit au XV^e siècle. L'abside du chœur et les absidioles du transept, couvertes en cul de four en pierres appareillées, sont les seules parties du XII^e siècle. La nef et les bas-côtés furent reconstruits au XVII^e siècle après le saccage de 1569. Le portail nord est de style renaissance et fut construit durant la 1^re moitié du XVI^e siècle. Durant la restauration de 1888 à 1897 fut rajoutée la sacristie et l'abside du chœur fut reconstruite à l'identique suite à son effondrement. L'église est classée Monument historique depuis 1984.

L'église abrite, côté sud, un retable en bois peint et doré du XVII^e siècle dit du baptême du Christ et, côté nord, un retable polychrome du XVIII^e siècle dit de la Vierge à l'enfant. La chaire polychrome est également du XVIII^e siècle. Les chapiteaux des colonnes de l'abside représentent l'annonciation, la visitation, la présentation au temple et Adam et Ève. Une des œuvres remarquables de l'église est le plafond de la troisième travée du bas-côté nord. Celui-ci fut peint en 1757 par le peintre andalou Jeronimo Ribero-Zapata résident à Pau.

La pièce maitresse de cette église est cependant le magnifique sarcophage en marbre blanc utilisé comme autel. Cette pièce unique fut découverte en 1896 sous le dallage de la nef à 1 m de profondeur. Son couvercle ne fut pas retrouvé et nous ignorons tout sur son occupant ou du commanditaire l'ayant fait réaliser. Il est daté de la fin du IV^e ou du début du V^e siècle apr. J.-C.. Il est classé monument historique depuis 1891. Le sarcophage est sculpté sur trois de ses faces. Sur la face nord sont représentés Adam et Ève de part et d'autre du pommier du paradis. Sur la face sud se trouve une représentation de Daniel dans la fosse aux lions. Sur la face principale sont sculptées trois scènes. Au centre se trouve le Christ étendant les mains et accomplissant le miracle de la multiplication des pains. Sur la droite se trouve le sacrifice d'Isaac et sur la gauche nous voyons Lazare enveloppé d'un linceul dans son tombeau avec, à l'arrière, Marie et sa sœur Marthe.

Des bâtiments de l'abbaye ne subsistent que deux bâtiments. À l'ouest de l'église se trouvent les ruines de l'ancienne maison abbatiale du XV^e siècle. Elle se compose d'une grande maison rectangulaire avec, dans l'angle nord-est, une tour de 26 m de hauteur classée Monument historique en 1990. La tour est octogonale jusqu'au 2^e étage puis cylindrique. Elle est couverte en encorbellement et possède dans sa partie haute une tourelle ronde qui renferme un escalier à vis. Sur le côté sud de l'église se trouve un corps de bâtiment flanqué de deux gros pavillons. Cet ensemble daté des XV^e et XVI^e siècles a été reconverti en habitation. Le pavillon ouest, prolongé par une construction dont le portail est surmonté de quatre consoles de hourdage, correspond à l'ancien réfectoire des moines.

Ces photographies ont été réalisées en avril 2017.

Y ACCÉDER:

L'église St-Vincent et les ruines de l'abbaye se trouvent au centre du village de Lucq-de-Béarn. L'église bénéficie d'un excellent audioguide gratuit déclenchable à proximité de l'entrée (côté intérieur).

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Cette page a été mise en ligne le 30 mai 2017

Cette page a été mise à jour le 30 mai 2017