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Le portail de l'église Sainte-Foy

L'église romane du village de Morlaàs abrite un portail qui est un véritable chef-d'œuvre de l'art religieux du Moyen-âge. De facture similaire à celui de l'église d'Oloron-Sainte-Marie, ce portail très endommagé au cours des siècles fut totalement reconstruit au XIXe siècle. Il fut classé Monument historique en 1979.

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En 1074, le pape Grégoire VIII demanda officiellement à Centulle V, vicomte du Béarn et d'Oloron de répudier sa femme Gisla. Il l'avait épousé alors qu'elle était une parente à un degré prohibé par l'église. Centulle V se soumit à la décision papale et en expiation pour sa faute, fit construire à Morlaàs une église. Morlaàs fut à partir du XIe siècle et ceci pendant 200 ans la capitale du Béarn à la suite de la destruction de Lescar par les Normands. L'église, fondée en 1080, fut consacrée à Saint-Pierre l'Apôtre et à Sainte-Foy, martyre du IIIe siècle. Centule V donna à l'église plusieurs rentes ainsi que la ville de Morlaàs. Il fit don de l'église à Dieu et à l'abbaye de Cluny, qui possédait déjà un prieuré dans cette ville, pour "sa femme Gisla et son fils Gaston, afin qu'il plaise à Dieu de lui pardonner en cette vie et le combler de gloire dans l'autre". À cette époque, l'abbaye de Cluny dirigé par l'abbé Hugues s'apprêtait à jouer un grand rôle au sein de la Chrétienté, tandis que la route de Saint-Jacques de Compostelle passant par Morlaàs connaissait une importante fréquentation.

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Le vicomte Gaston IV, fils de Centulle V, et sa femme Guiscarde, poursuivirent les généreux dons envers l'église. Celle-ci connut, en 1272, le passage du roi de France, Philippe le Hardi, suivi, en 1276, par le roi Philippe le Bel. En 1324, le roi d'Aragon Pierre III et le roi d'Angleterre Édouard 1er y assistèrent à une messe. À la suite de l'écroulement de la tour carrée surmontant le portail et des voutes, l'église subit, au début du XIVe siècle, d'importantes réparations suivies, en 1359, des réparations du cloitre. La façade fut remaniée au cours du XVe siècle.

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Les guerres de religion apportèrent leurs lots de désolation. Après avoir été dévasté en 1569 par les bandes protestantes de Montgomery, le culte catholique y fut interdit en 1570. Le clocher adossé à la nef s'écroula en 1617 entrainant une importante réfection de la charpente. L'église ne fut rouverte aux catholiques qu'en 1620. Le cardinal de Richelieu y célébra en 1626, une messe d'Action de grâce après sa victoire dans le Languedoc sur le duc de Rohan. Elle accueillit le roi Louis XIII lors de sa visite du pays de ses ancêtres en 1631. Après avoir épousé l'Infante Marie-Thérèse d'Espagne à Saint-Jean-de-Luz, Louis XIV, lors de son voyage de retour, y assista, le 11 juin 1660, à la messe dominicale. Les heures de gloire de l'église s'arrêtèrent en cette fin du XVIIe siècle. En 1727, l'évêque de Lescar constata que "l'eau ruisselait dans la nef, que les murs étaient entièrement délabrés, que le 4e pilier était prêt à s'effondrer (il le fit peu après), que le carrelage était ruiné et que le mobilier, le vestiaire et le trésor liturgique étaient dans un état pitoyable". Il ordonna en 1734 la réparation du toit et du carrelage et l'achat d'objets liturgiques.

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La chapelle de la Vierge

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Un des chapiteaux d'un colonne du choeur

Lors de la Révolution française, l'église devint "Temple de la raison". Elle ne fut rouverte au culte catholique qu'en 1803 (An XI du calendrier républicain). En 1809, le conseil municipal estima que les réparations indispensables couteraient la somme de 20 000 francs, mais n'engagea pas les travaux, ce qui fit qu'en 1835, l'église était presque en ruine. En 1836 fut entreprise la réfection de la toiture suivie en 1838 par les voutes et en 1839 par le carrelage et les vitraux. Viollet-le-Duc demanda, en 1841, la restauration du portail qu'il fit classé Monument historique. Selon son rapport, "les nombreuses sculptures ont été tellement mutilées qu'il est difficile d'en constater la forme et d'en expliquer le sens". En 1851, l'architecte Durand reconnut dans le portail "les apôtres, au nombre de six de chaque côté, les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse, des cordons d'une grande richesse d'ornementation et dans le centre, le Christ". Un nouvel appel à la restauration du portail qui menaçait de s'écrouler fut lancé en 1856. Le projet fut rejeté en 1857 par Prosper Mérimée et par l'inspecteur départemental des monuments historiques, Boeswilwald, qui estima que "la statuaire était à conserver dans un musée, mais point susceptible d'être restaurée". Le conseil municipal persista dans ce projet soutenu par le curé qui écrivit au ministre et par le préfet qui écrivit six fois à Boeswilwald qui persista dans son refus jusqu'en 1866.

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Détail du portail

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Un des chapiteaux des colonnes du portail

À l'époque, un devis de 64 700 francs fut établi pour la restauration. L'état accorda 6000 francs, la commune rassembla 13 000 francs et le conseil de fabrique de l'église donna 6000 francs. Malgré le manque de financement, les travaux furent commencés par l'architecte Laffolye et l'entrepreneur Soubiran. En 1872, Boeswilwald s'opposa à nouveau au projet. Après de nouveaux travaux de charpente, de restauration d'une chapelle et des peintures murales en 1875, ce ne fut qu'en 1877 que fut choisi le sculpteur Bouey de Bayonne pour réaliser les sculptures du portail. Il demanda 18 000 francs pour son travail, mais toucha jusqu'en 1892 plus de 30 000 francs. La restauration du portail fut finalement achevée en 1902. Boeswilwald s'attribua alors tout le mérite de cette restauration.

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Le portail est une représentation de l'Apocalypse selon Saint-Jean. Au Moyen-âge, les sculptures étaient peintes de couleurs vives et constituaient une "bande dessinée" contribuant à l'éducation des populations qui ne savaient pas lire. Du portail originel, ne subsistent que quelques claveaux de la voussure extérieure, un des vieillards et plusieurs canards, tout le reste fut refait au XIXe siècle. Le portail se compose de deux vantaux séparés par une colonne centrale supportée par deux esclaves (ou sarrasins ?). De chaque côté sont disposé les douze apôtres, séparés par six colonnes recevant les retombés des arcades en plein cintre superposés au-dessus des portes. Les chapiteaux de ces colonnes sont décorés avec des animaux fantastiques ou des scènes tirées de la Bible. Les apôtres sont, de gauche à droite, Barthélemy, Jacques le mineur, Simon, André, Jean, Pierre, Paul, Jacques le majeur, Thomas, Philippe, Judas et Mathieu.

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Le côté gauche du portail

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Le côté droit du portail

Dans la partie haute du portail, au centre, se trouve le Christ en majesté avec, à sa droite, un ange présentant le livre de l'évangéliste Saint-Mathieu et à sa gauche, l'apôtre Jean, figuré par un aigle. Au pied du Christ, au-dessus du vantail gauche, est représenté le massacre des innocents et au-dessus du vantail droit, la fuite en Égypte. Au-dessus du Christ, le 1er arc est constitué d'un décor végétal. Le 2e arc est une frise de canards montant vers le ciel. Certains sont représentés se lissant les plumes, d'autres avalant un ver ou un escargot. L'abbé Laplace expliqua la présence de ces canards comme une représentation des pèlerins qui traversaient le Béarn sur la route de Compostelle, la migration périodique de ces oiseaux fit du canard un des attributs de Saint-Jacques. Le 3e arc est à nouveau un décor végétal. Le 4e arc est composé des vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse. Ils sont assis, tenant des harpes, des violes ou des vases de parfums. Au sommet de l'arc se tient le Christ sous la forme de l'agneau pascal avec la croix résurrectionnelle. La frise des vieillards débute de chaque côté par une figure d'Atlante.

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Le 5e arc est une frise de marguerites à cinq pétales. Le 6e arc est constitué de trente-cinq âmes de Justes ou d'anciens martyrs. Ils sont vêtus de misérables tuniques laissant voir de pauvres membres flagellés par les souffrances. Une de leurs mains est placée sur leurs poitrines, l'autre étant levé vers le ciel en attitude suppliante. Le dernier arc est à nouveau une frise végétale.

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L'église Sainte-Foy présente le plan classique des églises bénédictines à transept peu saillant. Elle est longue de 55 m et large de 20 m au niveau de la nef et de 25 m au transept. Elle a une nef à quatre travées munies de deux bas-côtés. La nef est haute de 12 m. Les piliers sont massifs, particulièrement du côté du portail où ils devaient, à l'origine, supporter le poids du clocher carré qui s'écroula au XIVe siècle. Le chœur du XIe siècle est une abside en cul de four, profonde de 11 m, large de 8 m et éclairé par trois fenêtres. Le chœur est flanqué de deux absidioles étroites, chacune éclairée par une fenêtre. Celle du sud est la chapelle de la Vierge et celle du nord est consacrée au bienheureux Bernard de Morlaàs. Elle est ornée de quatre tableaux sculptés sur du bois retraçant sa vie.

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La nef

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Le chœur de l'église

Bernard, né à Morlaàs, se fit moine à Santarem (Portugal), dans une communauté cordelière, pour échapper au mariage prévu par sa famille. Il se consacra à l'éducation des enfants et notamment de deux jeunes que leurs parents avaient offerts à Dieu. Un jour, ceux-ci lui dirent qu’assis sur les marches de l'autel pour prendre leurs repas, ils virent l'Enfant Jésus descendre des bras de la statue de sa mère pour venir partager leur collation. Après un sévère interrogatoire, Bernard leur dit que si cela devait se reproduire, ils devaient demander à Jésus s'il acceptait de les inviter avec leur précepteur à partager un de ses repas célestes. Ce qui arriva trois jours avant l'Ascension. Jésus les invita pour le jour de l'Ascension. Le jour venu, après avoir servi la messe, Bernard et les deux enfants s'agenouillèrent devant la statue de la Vierge à l'enfant. Lorsque le soir les moines voulurent leur rappeler leurs devoirs, ils s'aperçurent qu'ils étaient morts, figés dans une adoration extatique. Jésus les avait emmenés partager son repas au ciel en ce jour de l'Ascension 1277. Ils furent enterrés ensemble dans une même tombe. Plusieurs miracles furent par la suite attribués au bienheureux Bernard.

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La chapelle du bienheureux Bernard de Morlaàs

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Le pied de la colonne centrale du portail

Ces photographies ont été réalisées en novembre 2017.

 

Y ACCÉDER:

L'église Sainte-Foy est située au centre du village de Morlaàs, à quelques kilomètres de Pau.

 



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Cette page a été mise en ligne le 26 janvier 2018

Cette page a été mise à jour le 26 janvier 2018