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Les cascades du Saut du Loup,
du Queureuilh et du Rossignolet

Dans le vallon séparant le Puy Gros du Puy de la Tache, les différents ruisseaux prenant leurs sources sur les pentes forment trois des plus belles cascades des Monts Dore. Les cascades du Saut du Loup, du Queureuilh et du Rossignolet forment la "Ronde des cascades", une belle balade forestière avec un dénivelé raisonnable.

La cascade du Saut du Loup.

La cascade du Saut du Loup est alimentée par le ruisseau de l'Angle, issu du Puy de l’Angle, qui se scinde en deux avant de franchir une ancienne coulée de lave, formant ainsi deux rideaux d’eau parallèles, espacés de quelques mètres. Le débit est variable selon les saisons. Modéré à faible en été, selon les précipitations, mais particulièrement impressionnant au printemps ou en hiver, surtout en période de fonte des neiges ou après de fortes pluies. Haute d'une vingtaine de mètres, elle est la plus élevée des trois cascades. Au pied des chutes, la proximité de l’eau permet de ressentir des petites projections rafraîchissantes, et l’atmosphère reste calme, idéale pour la contemplation.

La naissance de cette cascade serait légendaire. Il fut un temps, dans les âges anciens des montagnes d’Auvergne, où les hommes et les bêtes se comprenaient encore à demi-mot, à demi regard. Sur les hauteurs boisées du Mont-Dore, bien avant les routes, vivait un vieux berger solitaire, Armand, installé dans une cabane de pierres sèches, avec pour seule compagnie un grand loup gris. Ce loup, Morh, n’était pas un animal ordinaire. Armand l’avait recueilli blessé un hiver, pris dans un piège de fer posé par des chasseurs du village. Le vieil homme, muet depuis la mort de sa femme, avait pansé la bête, la nourrissant chaque jour sans jamais la forcer à rester. Pourtant, le loup ne partit jamais. Il veillait sur les troupeaux comme un chien fidèle, et la nuit, il dormait au seuil de la cabane, la truffe tournée vers le ciel. Mais les gens du village ne voyaient pas cela d’un bon œil. "Un loup qui n’attaque pas ? Un vieux qui lui parle comme à un enfant ? C’est sorcellerie, ou pacte du diable !" disait-on dans les chaumières. Un jour d’automne, alors que la bête avait été aperçue seule près d’un hameau, un groupe d’hommes armés de fourches et de fusils monta vers la cabane. Armand tenta de les raisonner, sans mots, les mains levées. Mais ils ne virent qu’un vieillard fou, protecteur d’un monstre. Lorsque Morh surgit, sans agressivité, mais le poil hérissé, une détonation éclata. Le coup manqua, mais le loup, pris de panique, s’élança vers la crête. À la lisière du plateau, là où la roche plonge dans un ravin étroit, le loup s’arrêta, hésitant. Derrière lui, les hommes criaient, les torches dansaient. Devant lui, le vide. Alors, dans un dernier regard vers Armand, un regard long, profond, que l’homme n’oublia jamais, Morh bondit. Le silence se fit. Tous accoururent au bord. Mais il n’y avait ni cri, ni sang, ni corps. Seulement un grondement sourd, celui d’une eau nouvelle jaillissant de la roche. Là où le loup avait disparu, une cascade jaillissait désormais, pure et blanche, ruisselant entre les blocs comme une traînée d'argent. La légende raconte que le corps du loup ne s’écrasa pas, il se transforma en pierre à mi-saut, figé dans un dernier élan. Si l’on regarde bien la paroi au-dessus de la cascade, on distingue encore aujourd’hui la forme d’un grand loup accroupi, oreilles dressées, comme prêt à bondir. On dit aussi que l’eau de la cascade guérit les blessures faites par la peur, morsures, cauchemars, solitude. Depuis ce jour, les bergers montent encore parfois en silence vers la cascade. Ils y laissent un peu de laine, ou un morceau de pain, en mémoire du vieux Armand et de Morh. Certains prétendent que, lorsque la brume monte des bois et entoure la chute d’eau, on peut entendre un hurlement lointain, non pas de terreur, mais de fidélité éternelle. Et les anciens murmurent "Il n’a pas fui. Il est devenu le gardien de la montagne".

La cascade du Queureuilh.

La cascade du Queureuilh est alimentée par le ruisseau de l'Angle, descendant de la cascade du Saut du Loup, et par le ruisseau de la cascade du Queureuilh qui descend du Puy du Barbier. L’eau s’élance d’une falaise basaltique, vestige d’une ancienne coulée de lave, et tombe de 20 mètres environ en un jet vertical puissant, créant une atmosphère impressionnante de fraîcheur et de résonance. Après la chute, l'eau va rejoindre le ruisseau de l'Enfer, un affluent de la Dordogne. Comme pour les autres cascades, le débit varie selon les saisons, puissant au printemps, plus discret en été, mais toujours spectaculaire par la verticalité de la chute.

La cascade, se nichant au fond d’un ravin encaissé, est entourée de parois volcaniques sombres couvertes de mousses et de fougères. L’environnement est très boisé avec hêtres, sapins, épicéas et quelques bouleaux créant un écrin forestier qui accentue le contraste avec le tumulte de l’eau. Le sol, humide, est souvent tapissé de mousse et de racines, ce qui confère au lieu une atmosphère sauvage, mystérieuse et propice aux légendes comme celle de la Fée du Queureuilh.

Il y a bien longtemps, quand les forêts du Sancy bruissaient encore des pas des druides et que les bêtes parlaient aux bergers, la vallée du Mont-Dore abritait un lieu sacré, la cascade du Queureuilh. Nichée dans un vallon moussu, entouré de hêtres noueux et de pierres couvertes de lichens d'argent, la chute d’eau semblait vivante, comme si la montagne elle-même y respirait. Les anciens du pays racontaient qu'une fée y résidait, Aeloria, l’esprit des sources. Elle n’était ni cruelle ni douce, mais aussi changeante que l’eau. On ne la voyait presque jamais, sinon sous la forme d’un reflet lumineux glissant entre les gouttes ou d’une voix claire murmurant dans le vent. On disait qu’elle guérissait les enfants malades, qu’elle guidait les voyageurs perdus à travers les brumes, et qu’elle offrait parfois, à ceux dont le cœur était pur, une gourde remplie d’eau de la source primordiale, une eau aux pouvoirs secrets, capable de redonner force, espoir ou mémoire. Mais Aeloria protégeait férocement son domaine. Chaque année, au solstice d’été, les habitants du Mont-Dore venaient discrètement déposer des offrandes dans une clairière au pied de la cascade, des fleurs de gentiane, des perles de verre, des fioles d’eau de rose, et même des mèches de cheveux d’enfants. En retour, la source restait claire, jamais empoisonnée, et les troupeaux buvaient en paix. Un jour pourtant, un homme étranger au pays, un marchand de métaux venu de la plaine, s’aventura dans la vallée. Il avait entendu parler d’une caverne cachée derrière la cascade, dont les parois scintillaient d’un trésor de cristaux rares, améthystes et fluorines violettes. Riant des avertissements des paysans, il grimpa seul, un sac vide sur l’épaule, décidé à s’enrichir. Il parvint à trouver l’entrée de la grotte, dissimulée par les embruns. Lorsqu’il toucha la première pierre brillante, la température chuta brusquement. Le murmure de la cascade s’éleva jusqu’à devenir un hurlement. Le sol trembla. L’homme tenta de fuir, mais l’eau s’abattit sur lui comme une bête furieuse. On ne retrouva jamais son corps. À l’endroit même où il avait posé la main, un rocher noir apparu, marqué d’une strie rouge. Depuis ce jour, les anciens disent que la cascade devient plus forte lorsqu’un être mal intentionné s’en approche. Parfois, un promeneur solitaire rapporte avoir entendu une voix douce lui demander : Que cherches-tu ici ? L’eau ou l’or ? Ceux qui répondent "l’eau" peuvent, dit-on, repartir apaisés, tandis que les autres entendent dans leur sommeil le grondement de l’eau s’approcher… La légende perdure, si l’on veut faire un vœu à la fée Aeloria, il faut jeter une pièce (ou un galet poli) dans la vasque, sans parler, sans bruit, et surtout sans jamais se retourner. Car si l’on se retourne, on aperçoit peut-être la silhouette de la fée et cela, dit-on, porte malheur, non qu’elle soit mauvaise, mais parce qu’elle appartient à un autre monde. Aujourd’hui encore, certains promeneurs, en s’approchant de la cascade du Queureuilh par temps brumeux, jurent avoir vu danser une silhouette vêtue d’ombre et de lumière, là où l’eau frappe les rochers. Ils repartent en silence, un frisson dans le dos, le cœur un peu plus léger.

La cascade du Rossignolet.

La cascade du Rossignolet est alimentée par le ruisseau Ferrand descendant du Puy de la Tache et du Puy de Monne. Le ruisseau franchit une pente de cinérite, cendre volcanique conglomérée, en formant une chute en éventail d’environ 6 m de hauteur. Ce n’est donc pas une cascade impressionnante par sa taille, mais plutôt par son élégance et son atmosphère intimiste. L’eau se déverse en un voile gracieux, que l'on compare souvent au voile d'une mariée, dans un petit bassin naturel, souvent entouré d’embruns et de mousse. Après la chute, l'eau alimente le ruisseau de l'enfer dévalant la pente depuis le lac de Guéry pour rejoindre la Dordogne.

La cascade se niche dans un ravin étroit et boisé, ce qui lui confère une ambiance intime. Le site est dominé par la végétation, hêtres, conifères, mousses, fougères recouvrent les parois et renforcent l’aspect féerique. En hiver, une partie de la chute peut geler, créant un décor de glace scintillant. Le bruit est doux, moins assourdissant que pour les deux autres cascades voisines, ce qui correspond bien à son nom poétique, "Rossignolet". C’est un lieu de calme, de fraîcheur, qui inspire plutôt la contemplation qu’un sentiment de puissance.

Il y a très longtemps, à l’époque où les pâturages du Sancy s’étendaient jusqu’aux nuages et où les monts résonnaient des cloches des troupeaux, vivait dans un hameau au pied des pentes boisées une jeune bergère nommée Éliane. Elle était connue dans toute la vallée pour sa beauté discrète et la douceur de sa voix. Elle chantait aux bêtes pour les calmer, aux enfants pour les endormir, et même aux arbres, disait-on, qui frémissaient de plaisir sous ses mélodies. Mais un jour, un seigneur des terres voisines, nommé Renaud de Bréchamps, tomba sous son charme. Il la demanda en mariage, lui promettant robes, bijoux et terres. Mais Éliane, libre et fière comme la brise du matin, refusa. "Je ne suis ni proie ni prix", lui répondit-elle, "mon cœur ne se vend pas". Le seigneur, humilié, l'accusa de sorcellerie et d’insolence. Une nuit, alors qu’elle fuyait dans les sous-bois poursuivis par les soldats de Bréchamps, elle trouva refuge près d’un torrent caché, où l’eau bondissait sur les pierres en chantant comme un chœur d’oiseaux. C’est là, dit-on, qu’un esprit des bois, ému par sa pureté, la transforma pour la protéger. À l’aube, les soldats de Bréchamps ne trouvèrent qu’un rossignol au plumage d’argent, perché sur une branche surplombant la chute d’eau. Il chantait une mélodie si triste et si belle que même les chiens se mirent à pleurer. C’est ainsi qu’Éliane disparut du monde des hommes, devenant le Rossignolet de la cascade. Certains disent qu’elle vit toujours là, dans l’entre-deux des mondes, prisonnière d’un enchantement. On ne peut rompre ce sort, sauf si une âme humaine, pure de tout désir de possession vient simplement écouter son chant… sans chercher à la voir ni à la saisir. Depuis, les anciens racontent que la cascade du Rossignolet chante les soirs de lune claire. Ceux qui tendent l’oreille peuvent entendre, mêlés aux bruissements de l’eau, les notes claires d’un chant d’oiseau, trop mélodieux pour être naturel. Parfois, un promeneur solitaire s’assoit sur une pierre moussue, pris d’un étrange chagrin mêlé d’émerveillement, sans savoir pourquoi. Il repart souvent changé, le cœur plus ouvert, l’esprit plus calme. Mais gare à celui qui tente de capturer l’oiseau ou d’enregistrer son chant, il perdra à jamais le sommeil ou la mémoire, dit-on. Car Éliane ne supporte ni les chaînes, ni les pièges, ni les miroirs. La légende affirme que si l’on vient seul, au lever du jour, et que l’on dépose une perle d’eau (une larme sincère ou une goutte de rosée) sur la pierre plate près de la cascade, Éliane entendra votre peine. Elle ne répondra pas par des mots, mais peut-être, dans les jours suivants, le vent vous portera une chanson dont vous saurez qu’elle vous est destinée. Car le Rossignolet ne parle qu’en musique, et n’écoute que les cœurs simples.

Ces photographies ont été réalisées en juin 2025.

Y ACCÉDER:

Une boucle d’environ 4 à 4,7 km, avec un dénivelé raisonnable (environ 180 à 230 m), permet de découvrir les trois cascades lors d’une belle balade forestière de 1 h 15 à 1 h 45. L’itinéraire débute aux abords du cimetière paysager du Mont-Dore, et parcourt d’abord le versant du Rossignolet, puis se poursuit vers le Queureuilh, avant de monter jusqu’au Saut du Loup. Depuis le centre de Mont-Dore, suivre la direction de la Bourboule (avenue de la Bourboule) puis prendre sur la droite la rue des cascades jusqu'au parking du cimetière paysager.

La cascade du Saut du Loup peut également être atteinte en voiture en suivant depuis Mont-Dore la D996 en direction du col de Guèry ou du col de la Croix Morand. Après un virage à 90° vers la droite va se trouver sur la gauche de la route un parking. Un chemin discret, situé sur la droite avant le prochain virage, mène en une courte marche (100 à 200 m) à la cascade.

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

Cette page a été mise en ligne le 2 septembre 2025

Cette page a été mise à jour le 2 septembre 2025