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Le site gallo-romain de la Croix Guillaume

Le site de la Croix Guillaume correspond à un village de l'époque gallo-romaine. Avant la conquête romaine, le nord de l'Alsace et la Lorraine étaient occupés par la tribu celte des Médiomatriques qui avaient établi leur capitale à Metz (Divodorum). Lors de la conquête, César installa dans le nord de l'Alsace, la tribu germanique des Triboques. Pour faire cela, il redistribua les terres. Les Médiomatriques sans être chassés voyaient leurs terres et donc leurs moyens de subsistance diminuer. À partir de la fin du 1er siècle av. J.-C, apparurent sur les hauteurs des Vosges du Nord, une série de villages. Il y a lieu de penser que ces villages ont été fondés par les paysans médiomatriques dont les terres avaient été confisquées par l'occupant romain.

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Vestiges de maison

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La grande carrière

Les habitants de ces villages étaient restés très attachés à leurs caractères celtiques. Contrairement aux peuples vivant en plaine, la culture romaine n'eut aucune influence sur eux. Ils n'empruntèrent aucune technique aux Romains et semblaient vivre renfermés sur eux-mêmes, en autarcie. Les échanges, comme en témoignent les objets retrouvés lors des fouilles, avec les autres peuples étaient limités au strict minimum. Ils formèrent ce que certains auteurs nomment la culture des sommets vosgiens.

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Une tombe de la nécropole

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Des stèles dans la nécropole

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Vue sur la nécropole

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Le site de la Croix Guillaume

Les villages occupaient généralement les replats supérieurs des croupes gréseuses entre 300 et 700 m d'altitude. Ils s'étendaient sur moins de 200 hectares, mais seuls les abords immédiats des habitations, soit entre 50 et 80 hectares, étaient exploités. Le site de la Croix Guillaume occupe un plateau d'environ 7000 m² à 487 m d'altitude. Sur cette superficie était dispersée entre une douzaine et quelques dizaines d'habitations. Les maisons étaient constituées d'une ou deux pièces. Les murs étaient réalisés à l'aide d'un soubassement en pierre sèche d'environ 1 m de hauteur surmonté d'un colombage en bois dont les vides étaient comblés avec du torchis. Les murs supportaient une charpente en bois surmonté d'un toit en chaumes. La tuile est quasiment inconnue. Le sol de la maison était formé par le socle rocheux. Si celui-ci est surélevé par rapport au terrain environnant, quelques marches taillées permettaient l'accès. Ces maisons sont probablement les ancêtres des maisons à colombage que l'on voit dans les villages alsaciens et lorrains. Les maisons servaient de lieux d'habitations aux hommes, de remise, d'étable ou d'atelier.

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Structure d'habitat dans la forêt

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Bâtiment 2

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Bâtiment 1

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Bâtiment 1

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Bâtiment 1

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La citerne

L'activité principale des villageois était l'agriculture et l'élevage pratiqués dans les enclos. Les sols utilisables étaient minces (environ 20 cm de terre) et très pierreux. Les exploitants durent retirer ces pierres avant la mise en culture. Les belles pierres furent utilisées dans les constructions et les autres furent empilées en tas dénommés "rottel". On cultivait des céréales, des légumes tels que les oignons et les lentilles et des plantes textiles telles que le lin ou le chanvre. Outre les animaux de basse-cour, les bovins, porcs, moutons, chèvres et chevaux étaient élevés. Les villageois exploitaient des carrières de grès pour la construction et les forêts pour le bois de construction et le bois de chauffage. Le long du chemin d'accès au plateau une cinquantaine de points d'extraction du grès ont été identifiés et le plateau de la Croix Guillaume compte six carrières. Le village devait également abriter des artisans plus spécialisés comme un forgeron, un potier ou un charpentier. L'exploitation du grès et de la forêt ainsi que le surplus de production agricole devait certainement faire l'objet d'échange avec les peuples vivant en plaine.

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La carrière 1

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La carrière 1

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Front de taille de la carrière 1

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La carrière 1

Le site de la Croix Guillaume est connu depuis 1911 où il est brièvement mentionné par l'archéologue Reusch. Après la découverte fortuite de stèles funéraires en 1962, une campagne de sondage fut réalisée par M. Lutz et B. Babault sous la direction de J-J. Hatt. Une fouille de grande ampleur fut effectuée entre 1994 et 1999 par Dominique Heckenbenner et Nicolas Meyer. Ils dégagèrent plusieurs carrières, un petit secteur d'habitat, une zone cultuelle et une nécropole. Le site fut classé Monument historique en 2006. Dans la zone d'habitat fut dégagé un grand bâtiment de 22 m sur 8 m et quatre autres de dimensions plus modestes (5 à 6 m de longueur pour 2 à 5 m de largeur). Cet habitat fut daté d'une période postérieure à 80 apr. J.-C. à partir de tessons de poteries retrouvés dans les fondations. Mais aucune indication sur un quelconque confort intérieur, sauf un foyer, ne fut découverte. L'alimentation en eau fut assurée par des citernes. Une d'entre elles fut retrouvée au nord du site. Elle était profonde de 1,60 à 1,70 m et fut comblée au IIIe siècle apr. J.-C. avec de nombreuses cruches, gobelets et pots.

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Ces maisons s'ouvraient sur une vaste aire empierrée où avaient été édifiées plusieurs stèles de divinité. Toute une série de dieux mineurs était couramment vénérée dans les habitations, ils sont connus sous le terme générique de Matres. Les vestiges de quatre statues de Jupiter/Taranis à cheval terrassant un géant barbu à queue de poisson ou de serpent ont été retrouvés. Jupiter brandit la foudre et tient sous son bras la roue solaire. Ce type d'ensemble était généralement disposé au sommet d'une colonne. Les archéologues voient dans cet ensemble, la représentation d'un puissant dieu qui commande aux éléments et terrasse le monde souterrain et la nuit, symbolisé par le monstre anguipède. Dans une des représentations de Jupiter retrouvé, le monstre avait été remplacé par un aigle. Deux aires cultuelles ont été mises en évidence sur le site. L'une est longue de 15 m et large de 9 m et l'autre est longue de 14 m et large de 6 m. Y furent retrouvées plusieurs stèles votives des dieux Rosmertu, dieu celte de la fertilité et de l'abondance, et Mercure sous la forme du corps d'un taureau en ronde bosse.

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L'aire cultuelle

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Jupiter à l'anguipède

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Jupiter à l'aigle

Les Celtes croyaient en l'immortalité de l'âme et dans un monde au-delà de la mort. Par des cérémonies, ils espéraient obtenir pour les défunts un sort meilleur que celui qu'ils connurent en ce monde. Aux anniversaires, la famille déposait des offrandes sur la tombe et festoyait avec le défunt. À cette époque, l'incinération des corps était la règle et se faisait sur un bucher dans lequel on jetait la céramique du repas funéraire. Les cendres étaient ensuite placées dans une urne en verre ou en terre cuite. Cette urne était ensuite placée avec des objets nécessaires à la vie quotidienne comme des outils, des armes ou des bijoux dans un caisson creusé dans le sol. Le caisson était recouvert d'une dalle surmontée d'une stèle. La stèle peut avoir des formes diverses (en bâtière, plaque à portrait, dalle, etc.). Elle est souvent taillée en forme de maison. Une ouverture à la base permet le contact entre le mort et les vivants. La stèle est souvent décorée avec des signes astraux comme la roue solaire ou des croissants de lune. L'ensemble était entouré d'un mur rectangulaire ou circulaire. La stèle maison est caractéristique de la culture des sommets vosgiens. Sur le site de la Croix Guillaume, la nécropole occupe la position centrale. Dans cette zone furent retrouvées quatre-vingts sépultures (monuments et dépôts d'incinération) regroupées en de petits noyaux (famille ?). Ces sépultures furent datées du milieu du 1er siècle apr. J.-C. au milieu du IIIe siècle apr. J.-C.. À la fin du IIe siècle apr. J.-C., l'inhumation des cendres se fit dans des coffres en bois ou en grès avec de nombreuses offrandes (hache en fer, fibules en bronze, fusaïoles, anneaux, couteaux, etc.).

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Tombe de la nécropole

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Stèle maison

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Stèle funéraire

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Stèle

Le site de la Croix Guillaume a connu son apogée entre la fin du 1er siècle et la 1re moitié du IIIe siècle apr. J.-C.. Cette période correspond avec une forte activité de construction de la part des Romains. Les habitants des hauteurs vont donc fournir bois et pierres de construction. Les sites de hauteur sont abandonnés à partir de la fin du IIIe siècle apr. J.-C.. L'abandon du site de la Croix Guillaume fut daté de la seconde moitié du IIIe siècle apr. J.-C.. La raison de cet abandon n'est pas vraiment connue, mais à cette époque, la puissance de Rome s'effritait et les invasions des peuples de l'est s'intensifiaient. La demande en matériaux de construction s'amenuisa et la situation économique devenait difficile. La vie dans ces villages de hauteur devait être pénible surtout durant les longs hivers. Tous ces facteurs ont donc contribué au retour de ces hommes au sein des villages de plaine.

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Stèle funéraire

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Stèle funéraire

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Stèle funéraire

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Stèle funéraire

Sources consultées pour cet article :

Consulter la page "Bibliographie" de ce site
Site internet Wikipédia
Les carrières de grès de la Croix Guillaume à Saint-Quirin. Dominique Hackenbenner et Nicolas Meyer in Gallia tome 59, 2002.

 

Ces photographies ont été réalisées en aout 2022.

 

Y ACCÉDER:

De Saint-Quirin, prendre la direction de Lettenbach/Abreschviller par la D96. Au croisement des routes forestières "Les deux croix", prendre à droite la route forestière de la Croix Guillaume. Allez jusqu'au bout de la route autorisée à la circulation (croisement des quatre chemins). De là, suivre le GR5 qui passe par le site archéologique.

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 18 mars 2023

Cette page a été mise à jour le 18 mars 2023