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Le camp du Ban Saint-Jean

Le site du camp du Ban Saint-Jean, ancien camp de sureté de la ligne Maginot, est aujourd'hui à l'abandon. Toujours utilisé par la sécurité civile pour y faire des exercices, son accès est interdit. Le site connut au cours de la 2e Guerre mondiale un usage tragique qui en fait un lieu de mémoire dont la préservation pour les générations futures est indispensable. Ce lieu, avec ses plus de 20 000 morts, est le plus grand charnier de France.

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Lors de la construction des forts de la ligne Maginot, furent créés, sur les arrières, des camps de sureté destinés à récupérer les blessés en cas de combat avec l'ennemi et à fournir des hommes neufs aux forts. Un camp de sureté de ce type fut créé entre les villages de Niedervisse et de Denting en 1934 sur 88 hectares de terres dont les propriétaires furent expropriés à partir de 1929. Ce camp hébergeait les hommes et les officiers du 146e Régiment d'infanterie de forteresse (RIF). Le camp était constitué de 55 bâtiments. Sept bâtiments pour deux familles et deux bâtiments pour une famille étaient prévus pour les officiers et leurs familles. Les sous-officiers étaient hébergés dans dix-sept bâtiments pour quatre familles. Parmi les bâtiments figuraient quatre garages doubles, six garages triples, deux garages quadruples et deux constructions diverses. Neuf bâtiments étaient destinés à des dépôts de munitions. Le camp fut inauguré en 1937 par le président de la République Albert Lebrun. Bien que bénéficiant alors de tout le confort moderne avec cinéma, foyer, bar, etc., les hommes affectés dans les installations de la ligne Maginot s'ennuyaient. Pour les distraire, les autorités militaires les mirent au jardinage. Financés par une souscription nationale, ils plantèrent, au camp du Ban Saint-Jean, 3500 plants de la rose du général Vaulgrenant.

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En aout 1939, le camp hébergeait le 3e bataillon du 146e RIF qui devint par la suite le 160e RIF. Après la défaite de la France en 1940, la Moselle, ainsi que l'Alsace, fut annexée par le IIIe Reich. Le camp passa alors sous le contrôle de l'administration nazi. Il servit entre juin 1940 et l'automne 1941 de camp de détention pour les prisonniers français. Le sergent François Mitterand y séjourna brièvement. Après le début de l'opération Barbarossa le 22 juin 1941, les Allemands firent des milliers de prisonniers ukrainiens et russes. Considérés par les nazis comme des Untermenschen (sous-hommes), ils furent envoyés à l'ouest, en Moselle, pour servir d'esclaves dans les mines de charbons et de fer. Le camp du Ban Saint-Jean devint un camp annexe du Stalag XII F de Forbach.

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Arrivé en train à la gare de Boulay, situé à 5 km du camp, un premier tri envoyait les plus faibles vers l'hôpital de campagne de Boulay (3600 prisonniers décédés dans cet hôpital reposent dans l'ancien cimetière juif réquisitionné par les nazis) et les autres à pied vers le camp du Ban Saint-Jean. Le camp n'était qu'un lieu de transit où les prisonniers ne restaient que quelques jours jusqu’à ce qu'ils soient jugés aptes au travail. Ils rejoignaient alors les mines de charbons et de fer où la pénibilité du travail et le manque de nourriture en tuèrent la plupart. Les plus vaillants furent récupérés au camp par les paysans tous les matins et ramenés le soir. Ceux-ci eurent droit à une alimentation normale et étaient traités en humains. Dans le camp, que les prisonniers appelaient le "camp noir", était pratiquée la technique du ventre vide qui alimenta le charnier. Selon les archives officielles de l'armée française, entre l'automne 1941 et l'automne 1944, 300 000 prisonniers soviétiques (320 000 selon la revue "Études soviétiques") transitèrent par le camp du Ban Saint-Jean. Devant l'avancée des Américains, en novembre 1944, les nazis évacuèrent 2000 prisonniers à pied vers l'Allemagne. Le 27 novembre 1944, les Américains de la 3e armée du général Patton libérèrent 1500 prisonniers grabataires.

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Après la 2e Guerre mondiale, le camp reprit du service. En 1946, il servit d'hébergement aux aviateurs (officiers et leurs familles) de la base de Frescaty puis aux transmetteurs en poste au quartier Grossety à Boulay jusqu'à leur transfert à Mutzig en 1981. Durant l'hiver 1962 le camp hébergea des harkis en provenance d'Algérie. Entre 1981 et 1989, quelques familles continuèrent d'y habiter. Désaffectée après 1989, l'armée récupéra en 1993 toutes les tuiles des bâtiments pour la réfection de la caserne Barbot de Metz. Vendu à la commune de Denting en 2018, le camp sert de lieu d'entrainement aux pompiers et secouristes.

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Un document des Renseignements généraux daté du 30 octobre 1945 indiqua la découverte d'un "champ de la mort" (100 m sur 50 m) présentant 206 fosses communes contenant chacune entre 20 et 120 cadavres recouverts de chaux et de chlore rendant les identifications impossibles. L'information fut reprise par les journaux. Le 31 octobre 1945, le "Messin" et le "New-York Times" parlèrent de 22 000 victimes au Ban Saint-Jean. Le 16 novembre 1945, ce chiffre fut donné par "le Lorrain", "le Courrier de Metz" et par le "Républicain Lorrain". Le 15 novembre 1945, une commission mixte civile et militaire franco-soviétique se retrouva au camp du Ban Saint-Jean. Elle recensa 204 fosses communes autour du site. Les exhumations faites dans quelques-unes d'entre elles relevèrent qu’elles contenait environ 120 corps. Après un voyage d'études du Bundesarchiv du 22 au 27 avril 1968, les autorités allemandes donnèrent le chiffre de 28 000 morts.

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Le "champ de la mort"

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Vestiges de la cloture du camp

Ayant obtenu l'autorisation de considérer le "champ de la mort" comme un cimetière, les Ukrainiens commémorèrent tous les ans entre 1945 et 1978 les morts du camp. Les autorités françaises autorisèrent en 1954 l'union des travailleurs ukrainiens en France à ériger une stèle sur les lieux. L'URSS ne supportant pas les commémorations dissidentes de la part des Ukrainiens fit pression sur la France pour interdire les commémorations sur le site. En 1979 et 1980 furent réalisées trois campagnes d'exhumation. Deux mille huit cent soixante-dix-neuf (2879) corps furent alors transférés au cimetière soviétique de Noyers-Saint-Martin. Sur place le cimetière fut arasé et le site considéré officiellement comme "clean". Où sont les autres victimes de la barbarie nazie ? Lors de votre passage, ayez une pensée pour ces victimes qui reposent incognito dans ce lieu.

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Le mémorial

Ces photographies ont été réalisées en aout 2022.

 

Y ACCÉDER:

L'accès au camp du Ban Saint-Jean est interdit. Seul le monument commémoratif érigé en périphérie du camp est accessible.

De Boulay, prendre la direction de Boucheporn par la D25. Après le parc éolien, prendre le chemin à gauche (panneau indicateur "Stèle du Ban St-Jean"). Suivre ce chemin jusqu'au parking puis le chemin piéton vers la stèle.

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 18 mars 2023

Cette page a été mise à jour le 18 mars 2023