Les rochers sculptés de Rothéneuf

Les sculptures réalisées, entre 1894 et 1907, par l'abbé Fouéré sur les rochers de la falaise de Rothéneuf disparaissent lentement rongées par l'érosion de la mer. Des trois cents œuvres initiales, il n'en reste plus que cent quatre-vingts. Il y a donc urgence d'aller contempler cette œuvre d'art brut.

Né en 1839, Adolphe Julien Fouéré fut victime, en 1889, d'un accident cérébral qui le rendit sourd et lui causa des problèmes d'élocution. Il fut donc contraint d'abandonner son poste de recteur à Langouet. Il se retira comme simple prêtre à Rothéneuf. Très isolé par ses problèmes de santé, il se lança dans la sculpture et réalisa sur les rochers, à partir de 1894, plus de trois cents personnages. Il réalisa également de nombreuses sculptures sur bois dans sa maison du bourg qu'il appelait "Haute Folie" (ou ermitage de Rothéneuf ou maison de l'Ermite). Il voulait faire un catalogue des vices pour montrer, à travers l'histoire des Rothéneuf, les dégâts causés par la haine, la turpitude, le vol et la jalousie. Le facteur Cheval breton, atteint de paralysie, fut obligé d'arrêter ses activités en 1907. Il quitta ce monde en 1910.

L'abbé Fouéré réalisa, sur une surface de 500 m², des dizaines de personnages énigmatiques se confondant avec les rochers. Ces sculptures étaient également peintes en bleu, en jaune clair, en grenat et en chocolat. Il puisa son inspiration de la forme des rochers et de ces connaissances de l'histoire et de la géographie. Les personnages ont un rapport avec l'actualité de l'époque. La guerre du Transvaal y est représentée par une saynète incluant le président Kruger et le colonel de Villebois-Mareuil. Les saints Bretons comme Saint-Budoc et Saint-Yves y côtoient des personnages de légende comme Gargantua, la mère Michel et son chat, Andrée la charmeuse ou une simple marchande d'huitres. Les voyages de Jacques Cartier furent un des thèmes préférés de l'abbé.

Au milieu du site trône le pirate naufrageur M. de Rothéneuf au pied duquel dorment des monstres marins. D'autres pirates sont également présents comme Jean des Caulnes, dit l'Égyptien, ou le Guémereux, dit le fakir, conseiller et astrologue des Rothéneuf. Parmi les autres personnages sont reconnaissables le séducteur, le guetteur arborant le fanion des contrebandiers ou Gargantua, rieur commandant de la flotte. Jacques le Limoélou y est dévoré par un grand veau marin probablement pour avoir voulu voler le butin. Certains y ont vu la transcription de l'histoire des Rothéneuf, famille de corsaires, mais à part madame de Rothéneuf, coupable d'adultère, battu par son mari, rien ne permet de l'affirmer.

L'abbé Fouéré, qui se désignait lui-même comme l'ermite de la haute folie, avait entouré sa maison de murailles dont l'entrée était gardée par une bannière ornée d'un dragon tenant dans sa gueule une croix latine. Le porche de sa maison était sculpté de têtes hilares et fantasques. Les dimanches, il y accueillait de nombreuses familles venues admirer le sculpteur qui trônait au milieu de la foule, assis sur un fauteuil gravé de sa devise "Amor et dolor". L'abbé y avait ouvert une galerie infernale où il exposait ses sculptures en bois, ses poteaux totémiques, des oiseaux de proie et des saints glorieux. L'ensemble brula mystérieusement en 1940.

L'érosion fait lentement disparaitre les sculptures sur les rochers. Des plus de trois cents personnages réalisés par l'abbé, ne subsistent plus que cent quatre-vingts. Un rapport de la DRAC de 2009 juge leurs états alarmants et estime qu'ils seront méconnaissables d'ici quelques dizaines d'années.

Le site étant privé son accès est règlementé. Il est ouvert entre 9 h et 12 h 30 et entre 14 h et 17 h 30 sauf les mercredis. Pour la visite, une légère obole vous sera demandée.

Le site est accessible chemin des Rochers Sculptés à Saint-Malo. Il se trouve à l'arrière du restaurant "Le Benetin".

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