Le cairn de Barnenez

Le plus grand cairn d'Europe a failli disparaitre en 1955 sous les coups de boutoir des pelleteuses. Sans la perspicacité de Fanch Gourvil, journaliste à Morlaix, le "Parthénon mégalithique", comme l'appelait André Malraux, ne pourrait plus nous émerveiller.

La mention la plus ancienne de ce cairn figure sur la "Carte topographique et géométrique des côtes de Bretagne" dressée par les militaires entre 1776 et 1783. Le cairn y apparait cependant uniquement comme un "accident" de terrain. En 1850, monsieur de Kersauzon, le maire de Plouézoc'h, signale, au cours du congrès de l'Association Bretonne à Morlaix, la présence de deux tumulus au lieu-dit Barnenez-ar-Sant. La tradition populaire y voit la demeure des Korrigans. La même année, des paysans entreprirent d'y rechercher le trésor dont parlait la légende. Ils n'y trouvèrent que quelques fragments osseux. Le site retombe ensuite dans l'oubli.

En 1954, un entrepreneur est chargé de réaliser une route touristique jusqu'à la pointe de Terenez. Il négocie avec le propriétaire du terrain l'acquisition des pierres constituant les deux buttes trônant sur la presqu'ile de Barnenez. À l'automne 1954, le cairn situé au nord est totalement arasé. Il avait une longueur de 30 m et une largeur de 20 m. Sa hauteur était de 3 m environ. En son centre se trouvait une chambre mégalithique constituée de murs en pierre sèche et couvert d'une grande dalle en granit. Au printemps 1955, les pelleteuses s'attaquent au cairn sud. Le 23 mai 1955, les journaux bretons relèvent la mise à jour de quatre dolmens au sein de ce cairn. Pierre Roland Giot, le directeur des antiquités préhistoriques de Bretagne réagit aussitôt et fait protéger le site. Le ministère de l'Éducation nationale (le ministère de la Culture n'existait pas encore) entame des poursuites pour infraction à la loi du 27 septembre 1941 sur les fouilles archéologiques à l'encontre de l'entrepreneur. Le 16 décembre 1955, le tribunal de Morlaix le condamne à 12 000 francs d'amende et au payement des frais nécessaire à la remise en état du site. Le jugement est confirmé le 16 mars 1956 par la cour d'appel de Rennes.

Dès la protection du site, Pierre Roland Giot entame les fouilles du monument. Ceux-ci, suivi de la restauration réalisé par l'architecte en chef des Monuments Historiques R. Lisch, dureront jusqu'en 1968. Les parties du cairn reconstruites sont signalées par de discrètes plaquettes d'ardoises. Les dolmens sont consolidés à l'aide de béton habilement caché dans la masse du cairn.

Les fouilles ont mis en évidence que le monument est constitué de deux cairns. En 1^er fut construit, à l'est du site, un cairn en forme de trapèze orienté nord-est/sud-ouest et long de 32 m. Le côté est est large de 13 m et le côté ouest est large de 20 m. Le cairn est constitué de deux murs de parement concentrique en pierre sèche séparé par 2 m. Ces deux murs forment deux gradins faisant culminer le cairn à 8 m au-dessus du sol. Le cairn représente un volume de l'ordre de 2000 m³ soit environ 4000 tonnes de pierres. Il est entièrement construit avec des plaquettes de dolérite ramassées dans les environs immédiats. Les archéologues ont estimé que la construction a occupé 200 personnes pendant 3 mois à raison de 10 heures par jour. Le cairn renferme cinq dolmens dont les couloirs s'ouvrent à la base de la façade sud.

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La façade sud

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La façade sud vue depuis l'angle sud-est

Environ 200 ou 300 ans plus tard, ce 1^er cairn est prolongé vers l'ouest par un 2^e cairn. Ce 2^e cairn porte la longueur de la façade à 72 m. La largeur du côté ouest du monument est de 28 m. Il renferme six dolmens dont les couloirs s'ouvrent comme pour le 1^er cairn à la base de la façade sud. La façade a été réalisée avec une légère concavité permettant de voir toutes les entrées des dolmens contenus dans le monument. Ce cairn est construit sur un sol en pente. Afin de maintenir une unité avec le 1^er cairn, les constructeurs ont réalisé six murs de parement en pierre sèche constituant autant de gradins. Le plus haut de ces murs atteint 6 m. Afin de contenir la poussée de cette immense masse de pierres (5000 m³, plus de 10 000 tonnes), la base du côté ouest est constituée de gros blocs couchés et le 2^e parement est constitué de grandes dalles verticales. Le cœur du cairn est constitué de plaquettes en dolérite, mais les parements extérieurs sont en granit. Le gisement de granit le plus proche est situé sur l'ile Sterec à 1 km au nord. Durant le néolithique, le niveau de la mer était plus bas de 10 m donc toutes les iles actuellement visibles dans la baie de Morlaix étaient accessibles à pied sec. Compte tenu de l'éloignement du lieu d'approvisionnement des matériaux, la construction de ce 2^e cairn a dû nécessiter environ 600 000 h de travail soit 10 mois pour 300 personnes.

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La façade ouest

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L'angle sud-ouest

Le cairn de Barnenez renferme en son sein onze dolmens, cinq dans le 1^er cairn et six dans le 2^e. Ces dolmens ont été découverts au fur et à mesure de la restauration du monument. Les archéologues les ont désignés à l'aide de lettres en commençant à l'ouest. Les fouilles, effectuées en 1955 et en 1956, mirent à jour les entrées de dix dolmens qui furent désignés "A" à "J". Le onzième dolmen fut découvert par la suite entre le dolmen "G" et "H". Ce qui explique sa désignation sous le terme "G1". Les entrées des couloirs des dolmens "A", "E", "G", "G1", "H", "I" et "J" sont de forme monumentale et s'ouvrent directement dans la façade. L'entrée du dolmen "A" est constituée d'un magnifique trilithe. Les entrées des dolmens "G", "G1", "I" et "J" sont plus modestes que celle du dolmen "H". Les entrées des dolmens "B", "C", "D" et "F" sont situées au fond de tranchées ouvertes dans la façade. Les emplacements des différents dolmens démontrent que le dolmen "H" pour le 1^er cairn et le dolmen "B" pour le 2^e ont été érigés en premier. Les fouilles ont également montré que les cairns ont été, après un certain temps d'utilisation, enfoui sous un tertre subcirculaire de 87 m sur 26 m.

Le 1^er dolmen à avoir été construit est donc le dolmen "H". Le couloir de 7 m de longueur, orienté à 165°, débouche sur une antichambre précédant la chambre. Le couloir est large de 1,10 m et haut de 1 à 1,20 m. Il est constitué de deux murs en pierre sèche soutenant les dalles de couverture. Les parois du couloir sont doublées par des orthostates en granit. L'antichambre et la chambre forment vaguement un rectangle de 4 m sur 2 m. Les murs sont constitués de huit orthostates doublés d'un mur en pierre sèche. L'antichambre est couverte par une voûte en encorbellement montant à 3 m. La chambre est couverte par une dalle dont le poids est estimé à plus de 10 t. De nombreuses gravures ont été reconnues sur les orthostates de ce dolmen. L'orthostate à l'entrée ouest du couloir porte un arc orienté dans le sens du couloir. Cet arc est-il là pour protéger les défunts ? Un des orthostates de l'antichambre porte trois haches et d'autres représentations non identifiées. L'orthostate à l'entrée ouest de la chambre porte deux haches triangulaires. L'orthostate suivant porte un trait, un arc, un triangle pointe vers le bas et une crosse. L'orthostate situé sur le côté ouest de la chambre est orné de quatre lignes en zigzag et l'orthostate terminal de la chambre est orné de lignes ondulantes, d'un triangle et d'un signe en "U". La fouille n'a livré que quelques fragments de poterie de type carn. L'architecture, la position centrale dans le cairn et les nombreuses gravures font de ce dolmen bien plus qu'une chambre sépulcrale. Ce dolmen doit être considéré comme un temple.

À l'est du dolmen "H" sont disposés le dolmen "I" puis le dolmen "J". Le dolmen "I" possède un couloir d'une longueur de 7,50 m, orienté à 160°. Le couloir débouche sur une chambre circulaire couverte par une voûte en encorbellement. Le couloir est constitué de murs en pierre sèche soutenant les dalles de couverture doublée par de faux orthostates. Seuls quelques débris de tessons gallo-romains ont été retrouvés lors des fouilles. Le dolmen "J" est de construction identique avec un couloir long de 5,70 m. Ce couloir est orienté à 162° et est légèrement incurvé vers le nord. La première dalle de couverture du couloir est ornée dans le coin supérieur droit d'une superbe idole en écusson dont la partie supérieure possède des lignes ondulantes représentant une chevelure. Cette idole a été gravée avant la mise en place de la dalle. Cette dalle est peut-être un réemploi en provenance d'un autre monument.

À l'ouest du dolmen "H" sont situés le dolmen "G1" puis le dolmen "G". Celui-ci possède un couloir en forme de "S" très aplati d'une longueur de 11,30 m et orienté à 155°. Il débouche sur une chambre circulaire d'un diamètre de 2 m couvert par une voûte en encorbellement d'une hauteur de 2,50 m. Le couloir débute avec une largeur de 1 m puis, à mi-longueur, se rétrécie à 0,50 m. De même, la hauteur passe à mi-longueur de 1,10 m à 0,70 m. Au niveau des deux premières dalles de couverture, la hauteur du couloir n'est que de 0,50 m. Ce couloir a été découvert rempli de déblais dans lesquels se trouvaient quelques fragments de tibias humains. Dans la chambre se trouvait une épaisse couche de terre et de charbon de bois qui fut daté au C14 entre 4950 et 4250 av. J.-C.. Le dolmen G1, découvert ultérieurement, est identique au dolmen G. La voûte de la chambre est cependant haute de 2,60 m. À gauche de l'entrée de la chambre est placée une mince dalle en granite de forme rectangulaire pouvant être une stèle anthropomorphe représentant une idole, la déesse des mégalithes.

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Le couloir du dolmen G

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Le couloir du dolmen G

Le 2^e cairn est bâti autour du dolmen "B". Celui-ci n'est cependant pas en position centrale comme l'ait le dolmen "H" pour le 1^er cairn. Le dolmen "B" est de construction entièrement mégalithique. Le couloir, long de 11 m, est orienté à 145°. Il est constitué d'orthostates soutenant les dalles de couverture. Les vides entre les orthostates sont comblés par des murs en pierre sèche. La chambre rectangulaire est décalée vers l'ouest par rapport au couloir et a une superficie de 2 m². Elle est constituée de sept orthostates soutenant une dalle de couverture. Toutes les dalles sont en granit. Le couloir a livré quelques fragments d'ossements et quelques tessons de poterie.

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La chambre du dolmen B

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L'entrée du dolmen B

À l'ouest du dolmen "B" se trouve le dolmen "A". Le couloir débute par un trilithe et débouche, au bout de 9 m d'un tracé rectiligne orienté à 146°, dans une chambre rectangulaire de 3 m². Le couloir et la chambre sont constitués exclusivement d'orthostates soutenant les dalles de couvertures. La chambre est toutefois couverte par une voûte à encorbellement de 4 m de hauteur. Deux des orthostates de la chambre sont une seule dalle de 5 m de longueur et de 2 m de largeur. Cette dalle, brisée exactement en son milieu, était peut-être destinée à servir de couverture à cette chambre. Fut-elle brisée intentionnellement (dalle en réemploi) ou par accident ? La particularité de ce dolmen est la fermeture de la chambre au niveau du couloir par un orthostate perforé par un trou circulaire de 12 cm de diamètre. Cette ouverture permet de regarder à l'intérieur de la chambre, mais pas d'y pénétrer. Permettait-elle l'introduction d'offrande ou servait-elle au passage des âmes des défunts ? Certains indices permettent de supposer que le couloir était fermé par une porte en bois permettant ainsi des visites fréquentes. Le 1^er orthostate à droite de la chambre est orné de sept lignes en "U", plusieurs haches emmanchées et un arc. Durant la fouille de nombreux tessons de poterie néolithique et de la céramique de type Le Souch furent mise à jour. Une datation C14 des vestiges de la chambre a donné une fourchette de 4550 à 3900 ans av. J.-C..

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La chambre du dolmen A

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Le couloir du dolmen A

À l'est du dolmen "B" se succèdent les dolmens "C", "D", "E" et "F". Les dolmens "C" et "D" sont les seuls qui peuvent être visités. Le dolmen "C" possède un couloir de 10 m de longueur orienté à 146°. Il est construit en pierre sèche et couvert par des dalles. Il a une largeur de 1 m et une hauteur de 1,50 m. Lors de la découverte, le mur de droite s'était effondré à mi-longueur. Le couloir débouche dans une chambre circulaire de 2,50 m de diamètre couverte par une voûte en encorbellement de 4 m de hauteur. Elle est entièrement construite en pierre sèche. La chambre a été éventrée et à moitié détruite par les pelleteuses. Dans la chambre furent découvert des fragments de gobelets du campaniforme ancien, quatorze pointes de flèches en silex, douze lames courtes et deux retouchoirs. Un poignard en cuivre arsénié (2 %) de 82 mm de longueur y fut également retrouvé. La présence d'arsenic confère au cuivre une grande dureté. Devant la façade, entre les entrées des dolmens "C" et "D", furent retrouvés des bols à pied du chasséen brisé et des poteries du campaniforme et de l'âge du fer.

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L'entrée du dolmen C

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Le couloir du dolmen C

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La chambre du dolmen C

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La chambre du dolmen C

Le dolmen "D" possède une chambre circulaire, d'un diamètre de 2,50 m, voûtée en encorbellement et entièrement réalisée en pierre sèche. Les murs de la chambre ont toutefois été doublés à l'intérieur par des dalles disposées sur chant. Cette chambre a également été éventrée par les pelleteuses. Le couloir d'accès, réalisé à l'aide de mur en pierre sèche recouvert de dalles, a une longueur de 11 m et est orienté à 148°. Ce dolmen a fourni le plus important matériel archéologique du site. Deux niveaux archéologiques ont été reconnus. Dans le niveau inférieur, furent retrouvés de minuscules tessons de poteries chasséennes, de la poterie décorée brisée de manière intentionnelle, une pointe de flèche à pédoncule et ailerons en silex, quatre lames en silex et un retouchoir en silex. Dans la chambre, ce niveau livra également des fragments d'os humains brulés. Le niveau supérieur était constitué de pierres ramenées de l'extérieur mélangé avec de gros tessons de poterie de la civilisation Seine-Oise-Marne. Dans ce niveau furent retrouvée trois haches polies en dolérite (deux dans le couloir et une dans la chambre), une ébauche de hache en silex et un retouchoir. Du mobilier de l'âge du bronze et de l'âge du fer témoigne d'une intrusion ou d'une utilisation postérieure au néolithique.

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L'entrée du dolmen D

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La chambre du dolmen D

Le dolmen "E" possède une chambre ovale de 2,50 m sur 3 m voûtée en encorbellement d'une hauteur de 4 m. L'accès se fait par un couloir de 11 m de longueur orienté à 148°. Le couloir et la chambre ont des murs en pierre sèche. La couverture du couloir est réalisée par des dalles. Lors de la découverte, la chambre était éboulée. En son centre fut retrouvé un important dépôt de végétaux brulé. Des coquilles de mollusques marins brulées furent retrouvées dans le couloir ainsi que des tessons de poteries néolithiques. Une sépulture du Moyen-âge témoigne d'une utilisation très tardive du site.

L'accès au dolmen "F" se fait par un couloir de 11,50 m de longueur orienté à 140°. Il débouche dans une chambre ovoïde d'un diamètre approximatif de 2 m. Les murs du couloir et de la chambre sont réalisés en pierre sèche renforcée par quelques orthostates. Le couloir est couvert par des dalles et la chambre par une voûte en encorbellement haute de 3,50 m. Une datation C14 effectuée sur des vestiges découverts dans ce dolmen a donné une fourchette de 4700 à 4500 ans av. J.-C..

À Morlaix, prendre la D76 vers Plouézoc'h. Poursuivre sur la D76 vers Térénez. Après Kergaradec, bifurquez à gauche vers la presqu'ile de Barnenez. Le cairn est à gauche après le hameau de Kernélehen. L'accès est payant.

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