La collégiale Saint-Barnard

L'église Saint-Barnard est l'unique vestige du monastère fondé en 838 par Barnard sur la rive de l'Isère. Les nombreux miracles, attribués aux reliques de Saint-Barnard conservé dans l'église, en firent un important lieu de pèlerinage à l'origine de la fondation de la ville de Romans-sur-Isère.

Barnard naquit en 778 dans une illustre famille du Lyonnais. Compagnon d'armes de Charlemagne, il se maria en 796. En 801, il fonda l'abbaye d'Ambronay puis quitta femme et enfants en 802 pour se faire moine. Il devint abbé en 807. Sur les instances du pape Léon III et de Charlemagne, il fut élu archevêque de Vienne en 810. À la mort de Charlemagne, en 814, l'empire revint à Louis le Pieux qui, en 829, préleva un domaine sur les terres de ses fils ainés pour le donner à son fils cadet, Charles le Chauve. Ce qui provoqua la révolte de ces derniers qui réunirent un grand nombre de prélats, dont Barnard, qui déclarèrent Louis le Pieux incapable de régner et l'enfermèrent dans un monastère. Louis le Pieux parvint à se rétablir sur le trône en 830. Pour se venger des intrigants, il convoqua, en 835, un concile. Barnard fut contraint de se réfugier chez Lothaire en Italie. En 836 ou 837, Louis le Pieux accepta que Barnard redevienne archevêque de Vienne à condition qu'il se retire de la vie politique. Barnard fonda, en 838, une abbaye bénédictine au bord de l'Isère près d'un gué très fréquenté et d'un ancien temple païen. L'église fut dédiée à Saint-Pierre et à Saint-Paul et aux martyrs viennois Severin, Exupère et Félicien (les trois Doms). Il y fit transférer leurs reliques en 840, année de la mort de Louis le Pieux. La mort de Louis le Pieux raviva la guerre que se livraient ses fils pour la succession. Barnard mourut le 22 janvier 842, à 64 ans, et fut inhumé dans l'église de l'abbaye.

L'abbaye fut dévastée en 860 par les raids des Normands. Il faudra attendre l'an 908 pour sa reconstruction réalisée par l'abbé David installé en ces lieux par l'archevêque de Vienne Alexandre. Les travaux se prolongèrent jusqu'en 920. En 927 débuta un conflit entre les moines et l'archevêque Solon. Ce conflit aboutit, en 932, au pillage et à l'incendie de l'abbaye par les troupes de Silvion de Clérieu à la solde de l'archevêque. En pénitence pour cette destruction, le pape Jean XI imposa à Silvion de Clérieu un pèlerinage à Rome, la reconstruction de l'abbaye et la libération de 60 cerfs. Les moines furent cependant remplacés entre 932 et 939, probablement à l'initiative de l'archevêque, par un chapitre de chanoines réguliers dirigé par l'abbé Rainulphe.

En 944, fut procédé à l'élévation des reliques de Barnard. Elles furent placées dans une châsse d'argent à gauche de l'autel. De nombreux miracles furent alors constatés devant son tombeau et l'endroit devint un important lieu de pèlerinage. En 1025, Léger, l'arrière-petit-fils de Silvion de Clérieu, fut élu abbé de Saint-Barnard. Il devint archevêque de Vienne en 1031. C'est à lui que l'on doit la construction du premier pont, le "Pont Vieux", sur l'Isère. Il autorisa, en 1049, le chapitre à construire un cloitre contre le flanc sud de l'église et des maisons sur le côté nord.

Guignes, Dauphin et conte d'Albon, en conflit avec l'archevêque Étienne de Vienne incendia l'abbaye et la ville qui s'était établie autour d'elle en 1133. L'archevêque Jean de Bernin fit construire, en 1219 (ou en 1238 ?), la partie gothique du transept et du chœur de l'église. Il fit également reconstruire le pont sur l'Isère et plaça sur la première arche un hospice pour les femmes en couche. Près d'un siècle plus tard, en 1342, les Romanais, exaspérés par la tyrannie exercée par les chanoines, se soumirent au Dauphin Humbert II. Le romanais devint alors une partie intégrale du Dauphiné. Humbert II, menant un train de vie au-dessus de ses moyens, céda le 30 septembre 1349, ses états du Dauphiné à la couronne de France pour pouvoir payer ses dettes, notamment au pape Clément VI. L'acte de vente fut signé dans l'église Saint-Barnard. Cet acte est à l'origine du nom de Dauphin que porta ensuite l'héritier du trône de France.

Durant les guerres de religion, l'abbaye fut saccagée, en 1562, par les troupes du baron des Adrets puis, en 1567, par les bandes de Cardé et Geyssans. En 1572, François de Belleforest signala que l'église Saint-Barnard était ruinée. Les moines estimèrent alors le coût des dégâts à 200 000 livres. Entre 1574 et 1583 furent entrepris des travaux pour mettre l'église hors d'eau. Ces travaux furent cependant gênés par le manque de moyens et par des épidémies de peste. En 1652, Charles de Lionne, sacristain (le 2^e poste après l'abbé), entreprit la reconstruction du chœur suivi de la nef qui sera achevé en 1720. À sa mort, en 1701, Charles de Lionne légua 2000 livres pour les travaux et les huit tentures exposées dans la chapelle du Saint-Sacrement. Ces tentures illustrent le mystère de la Passion et la résurrection du Christ.

Après la Révolution française de 1789, l'église devint "Temple de la Raison" le 15 avril 1794. Le cloitre, les chapelles annexes et le vieux clocher furent vendus comme bien national en 1796 à des particuliers. L'église fut rendue au culte catholique en 1801. Elle fut classée Monument historique par Prosper Mérimée en 1840, classement confirmé en 1952. Les orgues furent installés en 1843. Entre 1857 et 1863, la municipalité de Romans procéda à la destruction du cloitre pour établir des quais le long de l'Isère malgré les protestations des Monuments historiques. Le souffle du dynamitage par les troupes françaises en 1940 du "Pont Vieux" détruisit la majeure partie des vitraux de l'église.

Le 14 mai 2003, la collégiale Saint-Barnard accueillit les cendres de Béatrix de Hongrie (1285-1354), fille de Charles, roi de Hongrie, roi de Naples et des Deux-Sicile, belle-sœur du roi de France, Louis X le Hutin, épouse du Dauphin Jean II en 1309 et mère du Dauphin Humbert II. Elle fut inhumée à sa mort dans le couvent Saint-Just de Claix. Après le saccage au XVI^e siècle du couvent par les huguenots, ces restes furent transférés, en 1680, dans une chapelle du couvent Saint-Just de Romans. En 1906, la loi sur la séparation de l'église et de l'état obligea les religieuses à quitter le couvent qui devint une école et une caserne de gendarmerie. Les ossements de Béatrix furent alors transférés dans l'église Saint-Nicolas qui fut, elle aussi, fermée en 2003.

La collégiale Saint-Barnard a une longueur de 65 m. Sa nef unique de quatre travées a une largeur de 11 m et une hauteur de 25 m. Le transept est large de 33 m. Le clocher, d'une hauteur de 36 m, est flanqué d'une tourelle d'escalier et abrite quatre cloches. La nef possède des murs de style roman jusqu'à une hauteur de 12 m. Ils sont surmontés d'une galerie à colonnettes (160 arcades brisées) de style gothique. Dans les murs se trouvent, de chaque côté de la nef, onze colonnes engagées soutenant une arcature aveugle en plein cintre. La nef est couverte d'une voute d'ogive du XVII^e siècle. La nef possède un portail au nord (Saint-Jean) qui donne sur un passage dans une cour privée à l'emplacement d'une chapelle détruite. Un portail, du côté sud de la nef, donne sur la chapelle du Saint-Sacrement résultant de la fusion au XIV^e siècle de deux petites chapelles. Elle est décorée de fresques du XV^e siècle illustrant la légende des trois Doms et par les huit tentures de 1555 légué par Charles de Lionne. Le chœur de la collégiale possède une abside polygonale richement décorée de fresques du XIV^e siècle représentant la Jérusalem céleste. Le portail roman de la façade fut fortement dégradé par les protestants durant les guerres de religion. Toutes les statues eurent les têtes brisées.

La collégiale Saint-Barnard est située au bord de l'Isère dans la vieille ville de Romans-sur-Isère.

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