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Les sources de la Seine
et de la Douix

Le majestueux fleuve qui traverse Paris prend sa source aux confins de la Côte-d'Or à 446 m d'altitude près du village de Source-Seine. La Douix, qui jaillit au pied d'une petite falaise calcaire, la rejoint à Châtillon-sur-Seine. Le débit de la Douix étant souvent plus important que celui de la Seine, certains auteurs considèrent la source de la Douix comme étant la véritable source de la Seine.

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La source de la Seine

La Seine parcourt 776,50 km avant de se jeter dans la Manche entre le Havre et Honfleur en Normandie. Possédant un bassin versant de 79 000 km2, son débit moyen à Paris est de 328 m3/s. En période de crue, il peut atteindre 1600 m3/s, voir, comme en 1910, 2400 m3/s. Son cours est navigable à partir de Marcilly-sur-Seine et constitue un important axe de commerce.

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La source, nommée durant l'antiquité "Fontes Sequanae" (source de Séquana), a été achetée en 1864 par la ville de Paris (qui les a, depuis, revendus à la région Bourgogne). En 1865, la ville de Paris y fit construire une grotte artificielle par les architectes Gabriel Davioud, Victor Baltard et Combaz, abritant une nymphe, œuvre du sculpteur François Jouffroy. La statue originale, très abimée, fut remplacée en 1934 par une copie. Dès 1836, la source fit l'objet de fouilles archéologiques. Entre 1836 et 1843, Henri Baudot y mit à jour les fondations d'un sanctuaire et des centaines d'exvotos, témoignage d'un culte guérisseur lié à l'eau. Les fouilles furent reprises entre 1930 et 1936 par Henri Corot puis entre 1948 et 1953 par Roland Martin et Gabriel Gremaud et enfin entre 1963 et 1967 par Roland Martin et Simone Deyts.

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La source de la Seine

Située sur le territoire de la tribu celte des Lingons, la source possédait, à la fin de La Tène (1er siècle av. J.-C.), un sanctuaire constitué de deux temples avec une piscine alimenté par la source et entouré d'une enceinte. Entre le 1er siècle apr. J.-C. et le IVe siècle, le sanctuaire était dédié à la déesse Séquana, la nymphe des sources. Dans la mythologie gauloise, Séquana était représenté sous les traits d'une jeune fille se tenant debout sur une barque. Plus de 1500 exvotos, images en bois ou en pierre de hanches, d'organes internes, de têtes ou de corps ont été retrouvés près de la source. Ces images représentant la partie du corps qui était malade étaient offertes à la déesse en vue d'obtenir la guérison. De nombreuses pièces de monnaies et des objets précieux ont été récoltées lors des fouilles. Parmi ces objets se trouvait un grand vase nommé "le vase de Rufus" pour son inscription "DEA Sequana Rufus Donavis". Il contenait 300 plaques en bronze (exvotos) et 836 pièces de monnaie en argent. Les fouilles effectuées entre 1948 et 1953 dégagèrent un fanum avec deux bassins dans lesquels était canalisée la source. Deux statuettes en bronze représentant l'une la déesse Séquana et l'autre un faune furent également recueilli lors de ces fouilles. Les fouilles des années 1960 permirent la découverte dans une zone marécageuse d'un ensemble de 300 exvotos en bois sculpté de forme anatomique. Ces exvotos, accumulés par les crues, furent datés entre 30 av. J.-C. et 40 apr. J.-C..

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La statue de Séquana au source de la Seine

Cette source possède bien évidemment ses légendes qui nous content son origine. La première très populaire en Bourgogne nous apprend qu'un jour, un pèlerin passa au village de Saint-Seine. Fatigué, il frappa vainement avec son bâton à toutes les chaumières. Il allait quitter ce pays inhospitalier, quand enfin une porte s’ouvrit. La fermière lui offrit une place à sa table et près du foyer. Le soir venu, voyant qu’elle ne lui demandait rien, il lui souhaita une bonne nuit en lui disant : "Bonne femme, merci de m’avoir donné un gîte quand tout le monde me repoussait ! En récompense, la première action que vous ferez demain matin, en vous levant, se continuera toute la journée ; et que Dieu, qui voit d’un œil favorable toutes les bonnes actions, vous bénisse ainsi que votre postérité". Et il s’en alla. Le lendemain matin, au chant du coq, ne pensant plus aux paroles du pèlerin, elle se mit à ranger le linge du ménage. Celui-ci se multiplia alors comme les pains et les poissons du miracle accompli par le Christ pour nourrir le peuple qui l’avait accompagné sur la montagne. Le linge se multiplia tellement que le soir la hutte en fut comblée jusqu’au toit. Elle tomba alors à genoux et remercia Dieu. Une voisine en voyant cela se repentit de sa dureté, et se promit de ne plus repousser les pèlerins que le destin enverrait à sa maison. Quelques jours plus tard, le même pèlerin, sur le chemin du retour, traversa à nouveau le village et vint frapper à sa porte. Elle lui ouvrit, lui offrit le pain, le vin et un gîte pour la nuit. Comme précédemment, le pèlerin lui dit que la première action qu'elle ferait le lendemain matin allait se répéter, mais pas pendant une journée entière, mais pendant cent ans. Au soir, la femme s'endormit et elle dormit si profondément qu’à son réveil elle ne se souvint plus des paroles du pèlerin. Elle alla puiser de l’eau dans un trou de son jardin et l’apporta dans une auge en pierre pour la lessive de la journée. Mais, poussée par une force mystérieuse, elle continua ainsi, puisant l’eau dans le trou inépuisable pour la verser dans l’ange qui, débordant, forma un ruisseau, origine de la Seine.

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Une autre légende nous parle de Séquana. La fille de Bacchus était la plus jolie des nymphes qui accompagnaient Cérès, la blonde déesse des moissons, alors qu’elle parcourait la Gaule à la recherche de sa fille Proserpine, qu'elle retrouva en Normandie. À cet endroit, Cérès, pour récompenser Séquana de sa fidélité et de ses nombreux services, lui donna les prairies fleuries qui longent le rivage, et le don de pouvoir faire pousser le blé partout où elle porterait ses pas. Elle lui donna également pour suivante la nymphe Héva, chargée de veiller sur elle afin qu‘elle ne fût pas enlevée, comme sa fille, par le dieu des mers, Neptune, fasciné par ses charmes. Un matin à l’aurore, la belle Séquana rêvassait sur la plage, ramassant les plus beaux coquillages pour orner sa ceinture. Soudain, la mer enfla, et la nymphe fuit en jetant de grands cris, car déjà l’écume marine léchait le bas de sa robe d’azur. Héva vit le danger et se tourna aussitôt vers la mer en invoquant Thétis. Elle aperçut alors, sous les flots, les cheveux blancs, le visage empourpré et la robe bleue de Neptune en pleine course vers la rive. À la suite d'un tremblement de terre qui avait ébranlé son empire, il faisait sa ronde, sondant du bout de son trident pointu les rochers du rivage. À sa vue, Héva, qui connaissait la réputation du roi des mers, hurla à sa maîtresse de fuir ou de se cacher. Séquana, effrayée, abandonna le rivage et courut à travers les prairies cherchant à se cacher. Mais Neptune qui avait vu la nymphe fut séduit par sa démarche altière, ses charmes, sa légèreté et sa blonde chevelure. Il lança sur ses pas ses chevaux marins. Dans sa fuite, Séquana jeta à l’amoureux Neptune, pour ralentir sa course, des grappes de raisin qu’elle cueillait sur les coteaux. Pendant que le dieu ramassait les grappes et s’enivrait en ajoutant les feux de Bacchus à ceux de Vénus qui le dévoraient, Séquana glissait, légère comme la brise, dans les vallées en allongeant les distances la séparant de son poursuivant. Mais elle se fatigua, et plus que quelques pas pour que Neptune tienne sa proie. Il alla l’atteindre et allongea le bras pour enlacer la taille gracieuse que protégeait la ceinture de Vénus, quand la fugitive invoqua Bacchus, son père, et Cérès, sa mère. L’aquatique amoureux ne saisit alors que le vide, le corps de la jeune fille se transforma en eau, son voile et ses vêtements devinèrent des flots couleur d’émeraude et elle fut métamorphosée en un fleuve, qui parcourt encore aujourd’hui les lieux qu’elle a aimés étant nymphe. Cette mésaventure n'empêcha pas Neptune de rester un amoureux fidèle. Deux fois par jour, le rivage retentit du passage de Neptune, traîné par des chevaux marins poussant des rugissements. La nymphe à chaque fois interrompt son cours et va se cacher dans les roseaux protecteurs de sa source. Héva, qui était montée sur la falaise, attendit longtemps le retour de sa maîtresse. Elle mourut de désespoir en apprenant sa métamorphose, mais son œil sec ne put verser aucune larme. C’est pourquoi elle ne forma aucune source. Les Néréides, pour la récompenser de sa fidélité, lui élevèrent, sur la falaise, un tombeau composé de pierres noires et blanches. Elles y placèrent un écho, pour qu’Héva puisse à jamais prévenir les marins des périls de la terre, comme elle avait averti Séquana des dangers de la mer. L’écho redit tout haut ce qu’elle lui dit tout bas. Son tombeau forma le cap de la Hève qui se dresse à l’embouchure du fleuve.

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Le 1er pont sur la Seine a été construit en 1970 et a été nommé "Pont Paul Lamarche"
en honneur au dernier gardien du parc de la source.

La source de la Douix est une exsurgence de type vauclusienne au pied d'une petite falaise de calcaire du bathonien (168 à 164 millions d'années). Son débit qui varie de 0,6 à 3 m3/s est parfois plus important que celui de la Seine. La Douix rejoint celle-ci après avoir, à peine, parcouru une centaine de mètres depuis sa source. Le terme "Douix" désigne en Bourgogne une anfractuosité rocheuse. Le vocable apparait après l'an mil et dériverait, selon Armand Viré, du celtique "ardoux" qui signifierait fontaine. La divinité gauloise des eaux souterraines porte d'ailleurs le nom de "Divona".

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La source de la Douix

C'est à Divona qu'était dédié le lieu de culte de la source attesté dés le Hallstatt moyen (500 av. J.-C.). Lors de la tentative d'assèchement de la source par pompage en 1996, plus de 300 fibules en fer et en bronze de cette époque furent retrouvées dans les sédiments. La tradition de jeter des épingles dans la source perdura jusqu'au XVIIIe siècle, de nombreuses épingles de cette période y furent également recueillies. À l'occasion du pompage, la source rendit aussi une quarantaine d'exvotos sculptés dans le calcaire et datés de l'époque gallo-romaine. Après la christianisation du pays, la source fut dédiée à la Vierge Marie dont une statuette fut placée dans une niche creusée dans la falaise au-dessus de la source. Cette statuette, de même que la niche, n'existe plus actuellement, mais elle est visible sur des photographies anciennes de la source.

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Les débuts de l'exploration de la source datent de 1956 où le spéléoclub de Dijon plongea dans la vasque. Ils descendirent jusqu'à -10 m sans toucher le fond. Une nouvelle tentative eut lieu en 1964, mais ce n'est qu'en 1972 que B. Leger et D. Million franchirent le siphon à -17 m et atteignirent une première cheminée contenant une poche d'air à 75 m de l'entrée. Le Touring Club de France poursuivit l'exploration en 1974 jusqu'à 114 m de l'entrée par une galerie large de 5 m et haute de 3 m à -11 m. Durant une deuxième plongée, ils atteignirent une trémie à 160 m de l'entrée et à -8 m. En 1975, le spéléoclub de Dijon escalada la première cheminée jusqu'à une hauteur de +10 m et le spéléoclub de Troyes découvrit une deuxième cheminée d'une hauteur de +7 m. Le spéléoclub de Dijon topographia le siphon en 1976 et 1977 et essaya de désobstruer la trémie. Un plongeur affirma en 1978 avoir réussi à passer les éboulis de la trémie et avoir parcouru 215 m depuis l'entrée en descendant à -17 m.

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La ligue spéléologique de Bourgogne tenta d'assécher la source en septembre 1993 en mettant en œuvre des pompes d'un débit de 3200 m3/h, mais fut obligée d'interrompre l'opération après que le niveau n'ait baissé que de 3,20 m. Une nouvelle tentative fut réalisée en 1996 avec six pompes de 6000 m3/h. Elle fut abandonnée sans plus de succès après deux semaines de pompage. Ce fut la plus importante opération de pompage réalisé en France par des spéléologues.

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Ces photographies ont été réalisées en décembre 2017.

 

Y ACCÉDER:

La source de la Seine se trouve au bord de la D103 reliant la D971 au village de Source-Seine. La D971 relie Sainte-Seine-l'Abbaye à Châtillon-sur-Seine.

L'accès à la source de la Douix est fléché depuis le centre de la vieille ville de Châtillon-sur-Seine.

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

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Cette page a été mise en ligne le 23 janvier 2018

Cette page a été mise à jour le 23 janvier 2018