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Le château de Guillaume à Caen

Le château de Caen fut la résidence de Guillaume le Conquérant. Situé au centre des terres occidentales du duché de Normandie, près du point de passage le plus favorable pour les routes est-ouest, Guillaume avait fait de Caen sa capitale. Le château de Caen au fur et à mesure de sa construction devint, avec une superficie de 5,5 hectares, un des plus grands châteaux d'Europe.

En 1025, un premier élément fortifié fut érigé sur un éperon rocheux dominant le bourg alors désigné comme Burgus dans une charte de Richard II. C'est à cet endroit que l'armée franque d'Henri 1^er revenant du Bessin en 1057 traversa l'Orne. C'est en 1058/1060 que Guillaume II le Conquérant (1027-1087) érigea une véritable citadelle sur l’éperon rocheux. C'était plus une résidence princière qu'une forteresse militaire. Dans une vaste enceinte polygonale, incluant la paroisse et l'église Saint-Georges, se trouvaient un palais (camerae), une chapelle (capella) et une grande salle d'apparat (aula). Entre 1120 et 1123, Henri 1^er Beauclerc (1068-1135) suréleva les remparts et érigea un donjon de 24 m sur 27,50 m et haut de 25 m. Cette tour était un château au sein du château. Il fit également construire une nouvelle salle d'apparat, "Aula magna", l'actuelle salle de l’Échiquier. L'administration fiscale et judiciaire du duché de Normandie se sédentarisa à Caen à partir de 1170. Henri II (1133-1189) y accueillit le roi de France, Louis VII le Jeune, en 1158 et en 1173. Il y organisa en 1182 avec ses deux fils, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre, une fastueuse cérémonie pour fêter Noël. Cette fête, où furent conviés plus de 1 000 chevaliers, était destinée à démontrer la supériorité de sa cour à ses adversaires et notamment au roi de France, Philippe Auguste. Par la suite, Jean sans Terre utilisa le château comme prison dans le conflit qui l'opposa à son neveu Arthur de Bretagne.

La ville de Caen et le château se soumirent en 1204 au roi de France, Philippe Auguste (1165-1223). Celui-ci fit d'importants travaux au château. Le donjon fut entouré, à 15 m de distance, d'une vaste chemise flanquée à chaque angle d'une puissante tour ronde (diamètre interne de 4,50 m). Le donjon avec sa chemise fut isolé du reste du château par un fossé profond de 10 m et large de 16 m. L'ensemble fut doublé, côté nord, par un autre fossé en forme de fer à cheval formant une zone tampon nommé "roquette". Il rajouta également au château une nouvelle entrée du côté est, la porte des Champs, munis d'une barbacane, et deux nouvelles tours rondes, la tour Mathilde, à l'est, et la tour Puchoy, à l'ouest. Une forge fut construite entre les deux salles d'apparats. Le commandement du château fut confié à un "capitaine des Chastel et ville de Caen" et l'administration de la région fut confiée au bailli royal.

Le roi de France Saint-Louis visita le château en 1256 et en 1269. Philippe le Bel le visita en 1307 et en 1310. En 1315, le roi Louis X le Hutin y promulgua la "Charte aux Normands". En 1338 apparaît la première mention d'un logis du Roi (l'actuel logis du gouverneur) qui abritait les appartements du bailli, une chapelle privée, les bureaux du bailliage et une salle d'audience. Entre le 12 juillet 1346 et le 3 août 1347, Édouard III d'Angleterre conduisit un raid dévastateur dans les terres de France connu sous le nom de "Chevauchée d’Édouard". Après avoir défait la chevalerie française à la bataille de Crécy, le 24 août 1346, il se rendit maître du château de Caen. Il y fit des travaux de défense comme la fortification de la poterne sud qui devint la porte Saint-Pierre. Une nouvelle forge aux dimensions exceptionnelles, unique en Europe, fut également construite. Caen redevenue française fut prise en 1417 par le roi d'Angleterre Henri V (1386-1422). Le château, où s'était réfugié le sire de Montenay, se rendit le 20 septembre 1417 après un siège de quatre jours. Les Anglais rajoutèrent, en 1435, une barbacane à la porte Saint-Pierre. Le château et la ville furent reconquis par les Français en 1450. Le bailli s'installa alors en ville dans la rue Catehoule. Il en résulta l'abandon de l'entretien du donjon et la fermeture des prisons du château. Le capitaine du château prit, en 1467, le parti de Charles de France, duc de Normandie, dans le conflit qui l'opposait à son frère, le roi Louis XI. Charles de France perdit son conflit et le duché de Normandie.

Afin d'augmenter la résistance des murailles du château face aux boulets de canon, le bailli de Caen, François de Silly, les fit, en 1503, renforcer par des remblais de terre. La grande forge fut, entre 1504 et 1516, transformée par Jean de Feschal, gouverneur du château, en écurie prestigieuse. Au cours des guerres de religion, le château, tenu par les catholiques, fut bombardé, à partir du 1^er mars 1563, par les troupes protestantes de l’Amiral de Coligny installé dans le cimetière de l'église Saint-Julien. Au bout de trois jours, une brèche fut ouverte dans les remparts provoquant la reddition des catholiques. Le château fut repris par une troupe de 2 000 hommes commandés par François du Plessis de Richelieu le 14 avril 1563. Henri IV (1553-1610) fut le dernier roi de France à séjourner au château lors de sa visite du 12 septembre 1603.

Dans le conflit qui opposa Louis XIII à sa mère Marie de Médicis, le duc de Longueville, gouverneur de Normandie, prit le parti de la Reine Mère. Le 14 ou le 17 juillet 1620, le capitaine Prudent, commandant le château et fidèle au gouverneur de Normandie, braqua les canons du château sur la ville qui demanda de l'aide du roi. Celui-ci, assisté par César de Choiseul du Plessis-Pralin, assiégea alors le château qui se rendit au bout de 8 jours. Le château servit, en 1639, de prisons à des officiers espagnols en provenance des Flandres et à des captifs de la révolte des Va-nu-pieds. Les captifs de la bataille de Denain en 1712 furent également emprisonnés au château. Le château fut pris d'assaut par les révolutionnaires le 18 juillet 1789. Il servit alors de prison pour les ennemis de la Révolution. Lors de l'insurrection fédéraliste de Caen, les représentants de la Convention nationale, Claude Antoine Prieur Duvernois et Charles Gilbert Romme, y furent assignés à résidence à partir du 12 juin 1793. Ils seront libérés un mois plus tard après la défaite fédéraliste à la bataille de Brécourt. Pour punir cet affront, la Convention nationale décréta que "donjon et château dans lesquels la liberté et la représentation nationale ont été outragées seront démolis". Les travaux de démolition commencèrent le 18 août, mais seul le presbytère fut démoli, le donjon en grande partie arasé et la porte Saint-Pierre endommagé. Devant la crainte d'un débarquement anglais, les défenses du château furent restaurées en 1798 et en 1799 un magasin à poudre fut installé dans l'ancienne église Saint-Georges. La porte Saint-Pierre fut restaurée en 1805.

Le 2 mars 1812 eut lieu une émeute due à la disette. Les émeutiers furent jugés au château et six d'entre eux furent exécutés dans la cour. Le château fut occupé par les royalistes en 1815. Après cette occupation, deux nouveaux magasins à poudre furent construits au sein de l'enceinte du château, dans la partie sud du donjon. Les bâtiments, situés dans la partie sud-est de l'enceinte, servirent de prison militaire à partir de 1848. Le 36^e régiment d'infanterie (RI) s'installa à Caen en 1876. Pour son cantonnement, un premier bâtiment de casernement fut construit, en 1877, au nord de l'enceinte du château. Pour cette implantation, les restes du donjon furent abattus, les fossés furent comblés et le terrain fut aplani pour devenir une place d'armes. Le château fut rayé du tableau des places fortes militaires en 1881. La prison militaire, installée en 1848, jugée trop petite, fut fermée et l'ensemble du château fut transformé en caserne. Le 36^e RI fut définitivement fixé à Caen en 1901. Un nouveau bâtiment de casernement fut construit perpendiculairement à l'existant. En 1905, un bataillon du 5^e RI rejoignit le 36^e RI. Il fut suivi en 1908 par plusieurs compagnies du 129^e RI. Le château fut alors profondément remanié pour devenir la caserne Lefebvre qui accueillit jusqu'à 5 000 hommes.

Le 36^e RI fut dissous en 1923. Les jardins de la caserne désaffectée furent ouverts aux visites du public à partir de 1928. Un monument aux morts en mémoire des 8838 tués du 36^e RI au cours de la 1^re Guerre mondiale fut érigé à proximité de l'ancienne chapelle palatine en 1938. Les Allemands occupèrent le château à partir de 1940, mais les bâtiments furent jugés trop vétustes pour y établir un casernement. Le front sud des remparts s’effondrèrent en 1941. Le château fut fortement endommagé lors de la bataille de Caen en 1944. La décision de le restaurer et de le mettre en valeur fut prise en 1946, mais ce n'est que dix ans plus tard que le Ministère de la Défense le rendit à la ville. La caserne Lefebvre fut démolie en 1958 et le château fut restauré dans son état le plus proche de l’époque médiévale. Le musée de Normandie fut installé dans le Logis du Gouverneur restauré en 1963, et en 1970 fut ouvert le musée des Beaux-Arts. Après avoir eu droit à plusieurs classements entre 1886 et 1946, l'ensemble du château fut classé Monument historique en 1997. Le rempart nord-ouest fut restauré entre 2004 et 2006 et le rempart nord-est le fut en 2014. En 2020 fut conçu par la ville de Caen un nouveau projet de mise en valeur du château pour en faire un véritable parc urbain. Après de nouvelles fouilles archéologiques effectuées en 2023, les travaux furent engagés en 2024.

Le château est compris dans une enceinte de 250 m sur 225 m flanqués de 13 tours. Les onze tours carrées sont les plus anciennes. Les deux tours rondes sont les plus récentes. Des nombreux bâtiments ayant été construit au sein du château, il n'en subsiste que les fondations du donjon, le Logis du Gouverneur (musée de Normandie), le cavalier d'artillerie au-dessus des salles du rempart, l'église Saint-Georges, la salle de l’Échiquier, longue de 30,70 m, large de 11,02 m et haut de 8 m, et le jardin des simples. Le Musée des Beaux-Arts est installé dans des bâtiments modernes semi-enterrés. L'accès au château se fait au travers des deux portes, la porte Saint-Pierre, au sud, et la porte des Champs, à l'est.

Ces photographies ont été réalisées en avril 2024.

Y ACCÉDER:

Le château se trouve au centre-ville de Caen. L'accès est libre sauf pour les musées.

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Cette page a été mise en ligne le 03 juin 2024

Cette page a été mise à jour le 03 juin 2024