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Les abbayes aux Hommes et aux Dames

Afin d'éviter l'excommunication, Guillaume le Conquérant et sa femme, Mathilde de Flandre, fondèrent à Caen deux abbayes, l'abbaye aux Hommes et l'abbaye aux Dames. L'abbaye aux Hommes devint rapidement la deuxième plus grande abbaye de France. Transformées en hôpitaux, les deux abbayes furent épargnées par les bombardements lors de la bataille de Caen en 1944.

L'église Saint-Etienne, l'ancienne abbatiale de l'abbaye aux Hommes

En 1050, Guillaume (1027-1087), duc de Normandie et futur roi d'Angleterre, épousa Mathilde de Flandre (1031-1083), sa cousine au 4^e degré. Le mariage entre des personnes ayant un tel degré de parenté était interdit par le droit canonique, mais possible si une dispense était demandée au pape, ce que Guillaume ne fit pas. L’archevêque de Rouen, monseigneur Mauger, le tuteur de Mathilde, qui désapprouvait ce mariage, engagea alors une procédure d'excommunication contre le couple auprès du pape Léon IX. Lanfranc de Pavie, écolâtre de l'abbaye du Bec dans l'Eure et principale personnalité intellectuelle de Normandie, fut reçu en 1059 par le pape Nicolas II. Lanfranc de Pavie intercéda auprès du pape en faveur du duc. Le pape concéda à pardonner au couple à condition que celui-ci témoigne de sa foi. Pour cela, Guillaume et Mathilde fondèrent quatre hospices, à Caen, à Bayeux, à Rouen et à Cherbourg et deux abbayes. En 1059, Mathilde fonda l'abbaye de la Sainte-Trinité (abbaye aux Dames) et la confia aux nonnes bénédictines. En 1063, Guillaume fonda l'abbaye bénédictine dédiée à Saint-Étienne (abbaye aux Hommes) au centre d'un nouveau quartier à l'ouest de Caen. La construction de cette abbaye fut confiée à Lanfranc de Pavie qui fut nommé abbé de Saint-Étienne en 1066 puis archevêque de Canterbury en 1070. Les deux abbayes furent largement dotées de terre et de dépendances au sein du duché de Normandie et du royaume d'Angleterre.

Guillaume fut couronné roi d'Angleterre le 25 décembre 1066. L'abbatiale Saint-Étienne fut consacrée en 1077. À sa mort, en 1087, Guillaume le Conquérant fut inhumé dans l'abbatiale. Les deux tours de la façade et la tour lanterne surmontant la croisée du transept furent érigées en 1120. L'abbaye conserva ses possessions anglaises après l'occupation de Caen par le roi de France, Philippe Auguste à partir de 1204. Lors de sa visite à l'abbaye, le 9 novembre 1256, l’archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, y trouva 63 moines. En 1346, après la prise de Caen par les Français, les religieux reçurent l'ordre de fortifier l'enceinte de l'abbaye, car celle-ci se trouvait en dehors des fortifications de la ville. Le 4 septembre 1414, Henri V d'Angleterre s'empara de Caen à l'aide de la trahison d'un des moines de l'abbaye. Il trahit les Français, car ceux-ci voulaient détruire les tours de l'abbatiale. Henri V confisqua par la suite les possessions anglaises de l'abbaye. Caen fut repris par les Français le 11 juin 1450.

En 1485, l'abbaye aux Hommes passa sous le régime de la commende. Charles 1^er de Martigny, évêque de Chartres, fut le premier abbé commendataire. La construction d'un nouveau logis pour l'abbé fut entreprise en 1490. Lors des guerres de religion, en 1562 ou 1563, l'abbaye fut pillée par les troupes protestantes de Gabriel 1^er de Montgomery. Les vitraux, orgues et mobiliers de l'abbatiale furent détruits. Le mausolée de Guillaume le Conquérant surmonté d'un gisant et édifié par son fils, Guillaume le Roux, fut profané. Les restes du duc furent confiés à un moine, mais lors d'un nouveau pillage en 1563, les ossements furent dispersés. Un seul os fut sauvé par Charles Toutain de la Mazarie. La tour lanterne, haute de 120 m, surmontant la croisée du transept s'écroula en 1566 en détruisant la voûte du chœur. L'abbé Don Jean de Baillehache restaura l'abbatiale entre 1599 et 1604. L'abbatiale reconstruite fut consacrée en 1626. Cet abbé replaça le seul os de Guillaume rescapé du pillage dans son tombeau en 1642.

L'abbaye aux Hommes largement en ruine fut reprise par la congrégation de Saint-Maur en 1663. Le moine architecte Guillaume de la Tremblaye entreprit les travaux de rénovation à partir de 1704, mais ceux-ci furent interrompus faute de financement deux ans plus tard. Les travaux reprirent en 1710 puis furent poursuivis après la mort de Guillaume de la Tremblaye en 1715 par Dom Miserey. En 1727, les moines firent remblayer le terrain à l'est de l'abbaye pour y créer un jardin à la Française. Un accord conclut en 1755 entre l'abbaye et la ville de Caen permit le percement d'une nouvelle rue au travers du jardin de la l'abbaye. Un nouveau logis abbatial, achevé en 1758, fut construit dans la partie sud de cette nouvelle voie. Après la Révolution, en vertu de la loi du 13 février 1790, les moines furent chassés de l'abbaye le 2 novembre 1790. La ville de Caen décida, le 6 décembre 1790, d'acheter l'abbaye au nom des "pauvres de l’Hôtel-Dieu". Les bâtiments de l'abbaye furent finalement alloués à différentes administrations. L'abbatiale fut transformée en 1793 en "Temple de la Raison et de l’Être Suprême".

(© Wikipédia)

Le général Dugna, préfet du Calvados, installa l'académie de Caen dans l'abbaye le 12 octobre 1800. L'abbatiale fut rendue au culte catholique en 1802. Le général Dugna y fit alors rétablir la tombe de Guillaume le Conquérant au sein du chœur. L'administration préfectorale quitta les bâtiments de l'abbaye en 1806 pour laisser la place au lycée Impérial. L'ancien logis abbatial, construit en 1750, fut transformé en 1810 pour recevoir un monastère des Visitandines. Deux nouveaux bâtiments destinés au lycée furent construits dans les jardins entre 1828 et 1830. L’école normale d'instituteurs fut installée dans le palais ducal en 1840 qui par la suite, de 1887 à 1961, accueillit l'école normale d'institutrices. Le lycée impérial se vit adjoindre une école primaire en 1841. Les anciennes cellules des moines furent transformées en dortoir commun pour le lycée en 1880 et en 1882 un petit lycée fut construit à l'angle du jardin des moines.

À la suite d'un sabotage perpétré par la Résistance en avril 1942, 120 otages furent rassemblés par les nazis dans la nuit du 1^er au 2 mai 1942 dans le petit lycée puis amené à la gare et déportés. Au cours de la bataille de Caen en 1944, le lycée fut transformé en centre d’accueil et en hôpital. Début juillet, 3 500 personnes étaient rassemblées au centre d’accueil. Ils furent 8 000 à la mi-juillet. L'hôpital avait 330 lits début juillet et 500 à la mi-juillet. L’hôpital, signalé aux bombardiers alliés par des croix rouges disposées sur les murs et les toits, fut épargné par les bombardements, mais les nombreux obus allemands et alliés tombés dans le secteur firent 21 morts et une trentaine de blessés.

Le lycée fut transféré dans de nouveaux locaux en 1961. L'abbaye, restaurée, fut alors occupée par l’administration municipale. Les jardins à la Française de l'esplanade furent redessinés par Louis Bonket en 1964 et l'abbaye devint l’Hôtel de Ville de Caen en 1965. L'ancienne boulangerie de l'abbaye accueillit le Musée de la nature et le palais ducal accueillit une Artothèque. Au rez-de-chaussée du palais ducal, la salle des piliers devint une salle de réception pour la ville de Caen.

L'abbatiale de l'abbaye aux Hommes, devenue église Saint-Étienne, a une longueur de 110 m. Sa façade a une largeur de 28,30 m et une élévation de 24,50 m. La nef a une longueur de 56 m, une largeur de 11,45 m et une hauteur sous voûte de 20,80 m. La tour nord de la façade a une hauteur de 82 m et la tour sud une hauteur de 80 m. Le transept d'une longueur de 38 m a une largeur de 42,10 m.

Les travaux de l'abbatiale de l'abbaye aux Dames débutèrent en 1062. Elle fut consacrée à la Sainte Trinité en 1066 alors qu'elle était encore en travaux. Mathilde de Flandres y fut inhumée en 1083. Sa fille, Cécile, devint la deuxième abbesse de l'abbaye en 1113. Elle prit alors le nom de Madame de Caen. Les travaux de l'abbatiale s’achevèrent en 1130. Au cours des guerres de religion, l'abbaye aux Dames fut pillée par les protestants en 1562. L'abbesse Anne de Montmorency, abbesse de 1554 à 1588, cacha alors les ossements de Mathilde dans l'abbaye. Laurence de Budos, abbesse de 1598 à 1650, redressa spirituellement l'abbaye en obligeant les moniales à respecter la règle de Saint-Benoît.

Plan de l'église de la Sainte-Trinité en 1863 (© Wikipédia)

À partir de 1702, l'abbatiale fut reconstruite selon les plans du moine architecte Guillaume de la Tremblaye. La nouvelle abbatiale a une longueur totale de 80 m avec une nef large de 19 m et un transept d'une largeur de 32 m. Comme pour l'abbaye aux Hommes, le manque de financement interrompit les travaux en 1737. Ils reprirent seulement en 1767 avec un financement du roi de France. L'abbaye était alors tenue par des bénédictines qui étaient chargées de l'éducation des jeunes filles des familles nobles. Leur pensionnaire la plus célèbre fut Charlotte Corday qui, le 13 juillet 1793, assassina Marat. L'abbatiale de la Sainte-Trinité fut désaffectée en 1790 et les bénédictines chassées. L'abbatiale servit alors d'entrepôt à fourrage et de logement pour la troupe. Sous l'Empire, en 1809, elle devint un dépôt de mendicité, centre de rétention des mendiants. Les bâtiments de l'abbaye aux Dames furent rachetés par la ville de Caen en 1821. En 1823, l'abbaye reçut l’Hôtel-Dieu, hospice fondé au XII^e siècle, tenu par les Sœurs de La Madeleine de Saint-Augustin. La nef de l'abbatiale, devenue église de la Trinité, fut restaurée en 1865. La façade et les tours furent également reconstruits. L'abbaye devint l'hospice Saint-Louis en 1908. Au cours de la 2^e Guerre mondiale, l'abbaye aux Dames connut le même sort que l'abbaye aux Hommes. Elle fut classée Monument historique en 1976. Le conseil général du Calvados racheta l'ensemble des bâtiments en 1983. L'hospice Saint-Louis ferma l'année suivante lors de la restauration des lieux. Depuis 1986, les locaux sont utilisés par les services du conseil général du Calvados.

Ces photographies ont été réalisées en avril 2024.

Y ACCÉDER:

L'abbaye aux Hommes se trouve place Louis Guillouard à Caen. L'entrée principale de l'abbatiale (église Saint-Étienne) se trouve place Mgr. Des Hameaux.

L'abbaye aux Dames se trouve place Reine Matilde à Caen.

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Cette page a été mise en ligne le 03 juin 2024

Cette page a été mise à jour le 03 juin 2024