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Le mémorial du Pluviôse

Passant de temps en temps à Bavilliers, j'ai remarqué la présence, dans le petit cimetière bordant la route, d'un grand monument. Après un énième passage, j'ai décidé de m'arrêter. Je découvre un beau monument dédié aux victimes du Pluviôse. Jamais entendu parler; pour moi, le pluviôse correspond à un mois du calendrier révolutionnaire mis en place après la Révolution française. En faisant le tour du monument, je découvre une liste de nom avec des grades de la marine. Le Pluviôse était donc un navire. Parmi la liste figure le commandant de la flottille de sous-marin. Un sous-marin dans le Territoire de Belfort ? Je savais que la marine nationale entretenait, durant la 1ere Guerre mondiale, des canonnières sur les canaux, mais des sous-marins sur le canal du Rhône au Rhin, je m'interroge.

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La face avant du mémorial

Le Pluviôse était un sous-marin français mis en service le 5 octobre 1908. Il est le premier d'une classe de sous-marin construit à 18 exemplaires. Il avait une longueur de 51 m, et une largeur de 5 m. Son déplacement était de 398 t en surface et de 550 t en plongée. En surface sa propulsion était assurée par deux machines à vapeur de 360 cv chacune lui permettant d'atteindre la vitesse de 12 nœuds. En plongée, la propulsion était assurée par deux moteurs électriques de 200 cv lui assurant une vitesse de 8 nœuds. Son autonomie en surface était de 900 nautiques à 12 nœuds et de 1500 nautiques à 9 nœuds. En plongée, il pouvait parcourir 50 nautiques à 5 nœuds. Il était armé de 7 tubes lance-torpilles de 457 mm dont le chargement se faisait au port. Son équipage se composait de 2 officiers et de 24 marins. Il fut mis en chantier le 27 mai 1905 à l'arsenal de Cherbourg. Son lancement eut lieu le 27 mai 1907. Après sa mise en service actif, le 5 octobre 1908, il est affecté à la base sous-marine de Calais.

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Le 26 mai 1910, le Pluviôse et le Ventôse se procèdent à des exercices de plongée au large de Calais. Le commandant de la base sous-marine de Calais se trouve à son bord pour assister aux exercices de torpillage. À 13h36, le Pluviôse entame sa remontée à la surface. Il se trouve sur la trajectoire du paquebot Pas-de-Calais qui effectue la traversée Douvres-Calais. Celui-ci éperonne le sous-marin par l'arrière à 2500 m du port de Calais. Les caisses à eau, les réservoirs de naphte et la coque sont déchirés. L'eau s'engouffre dans la coque ne laissant pas de chance à son équipage. Malgré les efforts du capitaine du Pas-de-Calais qui fit passer une aussière sous le sous-marin pour le soutenir, le Pluviôse coule rapidement en se retournant. Les secours font appel à un scaphandrier qui descend sur la coque qui repose à 17 m de la surface. Aucune réponse n'est obtenue aux coups qu'il porte sur la coque. Il n'y a aucun survivant.

Le renflouement du sous-marin est immédiatement décidé. La gabare La Girafe tentera d'élinguer le sous-marin à l'aide de 8 chaines, mais il faudra une semaine pour en placer une. Le travail est repris par le garde-côte Bouvines. Le 5 juin, lors de la remontée, une voie d'eau renvoie le Pluviôse au fond. Ce n'est que le 10 juin que le Pluviôse est ramené dans le port de Calais. À partir du 19 juin, le médecin-major Henry Savidan, équipé d'une combinaison et d'un masque de plongée, extrait un à un les corps de l'équipage. L'examen des corps relève qu'aucun d'entre eux n'a survécu plus de 10 minutes à l'éperonnage (leurs montres étaient arrêtées à 14h10). Le 22 juin eurent lieu les funérailles nationales des victimes de la catastrophe. Le Président de la République, Armand Fallières, le Président du conseil, Aristide Briand, le ministre de la Guerre, le général Jean Brun, le ministre de la Marine, l’amiral Boué de Lapeyrère, quatre-vingts députés et sénateurs, des consuls et des officiers anglais, allemands, japonais, américains, etc. y assistèrent. Les corps, regroupés dans une salle de l'hôtel de ville, sont transportés sur des affuts de canons vers l'église Notre-Dame, le long d'une haie d'honneur de 4000 soldats. Après une messe, les cercueils sont dirigés vers les lieux de sépultures choisies par les familles. Aux 27 victimes du naufrage, s'ajouta une 28e, un spectateur, penché à une fenêtre, tomba du 3e étage, lors du passage du cortège.

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La face arrière

Voici la liste des victimes du naufrage du Pluviôse :

Capitaine de frégate Ernest Prat, commandant de la base sous-marine de Calais.
Lieutenant de vaisseau Maurice Callot, commandant du Pluviôse.
Enseigne de vaisseau Pierre Engel, officier en second.
Premier-maitre-torpilleur Jules Fontaine.
Second-maitre Alexandre Le Prunennec.
Quartier-maitre-torpilleur Pierre Lemoine.
Quartier-maitre-torpilleur Hilaire Huet.
Quartier-maitre-timonier Pierre Le Breton.
Quartier-maitre de manœuvre Roland Le Moal.
Quartier-maitre-timonier Claude-Joseph Le Floch.
Quartier-maitre-torpilleur Pierre-Louis Le Floch.
Quartier-maitre-torpilleur Prosper Liot.
Matelot-torpilleur Joseph Batard.
Matelot-torpilleur Adrien Gautier.
Second-maitre-mécanicien Jean-Louis Moren.
Second-maitre-mécanicien-torpilleur Albert Gras.
Quartier-maitre-mécanicien Abel Henry.
Quartier-maitre-mécanicien Yves Appéré.
Quartier-maitre-mécanicien-torpilleur Joseph-Marie Scollan.
Quartier-maitre-mécanicien-torpilleur Marcel Brésillon.
Quartier-maitre-mécanicien Louis Gauchet.
Second maitre-mécanicien Jean-Joseph Moulin.
Quartier-maitre-mécanicien-torpilleur Georges Warin.
Quartier-maitre-mécanicien Henri Chandat.
Quartier-maitre-mécanicien-torpilleur Auguste Delpierre.
Quartier-maitre-mécanicien-torpilleur François Manach.
Matelot-cuisinier Alfred Carbon.

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Le 4 août 1910, l'épave du Pluviôse est admise en cale sèche à l'arsenal de Cherbourg. Les travaux dureront jusqu'en janvier 1911, où le sous-marin retourne en service actif. Il est réaffecté à la 1re escadrille de sous-marins de la Manche. Durant toute la 1re Guerre mondiale, il patrouillera dans la Manche où il est notamment chargé de la protection du Pas de Calais. Après son désarmement, le 12 novembre 1919, il sera utilisé à Cherbourg pour des essais de décompression. Il sera vendu, pour être ferraillé, le 4 septembre 1925.

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En ce qui concerne le monument de Bavilliers, il a été érigé par le père de l'enseigne de vaisseau Pierre Engel. C'était un industriel mulhousien qui, en 1871, a opté pour la nationalité française lors de l'annexion de l'Alsace et de la Moselle par les Allemands. En 1871, il s'était établi à Bavilliers. Il enterra son fils, l'enseigne de vaisseau Pierre Engel, à Bavilliers et fit construire le monument à la mémoire de son fils et de ses 26 camarades en 1912. Le monument a été conçu et orienté de telle façon pour que madame Engel puisse le voir depuis sa maison, le "Château Engel" situé à 1 km à vol d'oiseau. Elle aurait fait abattre tous les arbres situés entre sa demeure et le cimetière. L'allégorie de la femme jetant une couronne dans l'eau figurant sur la face du monument la représenterait. Après la 1re Guerre mondiale, la famille Engel retourna vivre à Mulhouse. Elle fit transférer le corps de l'enseigne de vaisseau Pierre Engel dans le cimetière de Mulhouse, mais le monument resta à Bavilliers. Un autre monument, commémorant la catastrophe du Pluviôse, a été érigé à Calais et inauguré le 22 juin 1913.

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Le monument porte également une plaque portant le nom du quartier maitre François Furquaux, un autre enfant du pays disparu lors d'un accident de plongée. Il était quartier-maitre détecteur à bord du sous-marin l'Eurydice. Celui-ci coula, le 4 mars 1970, au large du cap Camarat en Méditerranée avec ses 57 membres d'équipage. L'épave a été retrouvée par 750 m de fond alors que la profondeur maximale de plongée était de 600 m. Le sous-marin, de classe Daphné et admis en service actif le 14 juin 1963, a probablement coulé après une collision avec un cargo, mais officiellement la cause reste indéterminée.

Ces photographies ont été réalisées en décembre 2013.

 

Y ACCÉDER:

Le monument se trouve dans le cimetière de Bavilliers, le long de la route vers Héricourt.

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 11 janvier 2014

Cette page a été mise à jour le 24 février 2015