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Le pèlerinage de la petite grotte de saint Vit près de Saverne a des origines qui se perdent entre vérité historique et légendes. Nous allons essayer d'en démêler les fils.
Vit aurait été le fils d'un noble sicilien. Né à la fin du IIIe siècle apr. J.-C., il fut instruit dans la religion chrétienne par sa nourrice Crescentia et son mari Modestus. Lorsque son père Hylas apprit son aversion pour l'idolâtrie, il fut pris d'une grande colère. Il fit torturer son fils avant de le remettre au juge Valerianus. Crescentia parvint cependant à délivrer Vit et se réfugia avec lui et son mari à Lucarie (Italie du Sud). Ayant acquis une réputation de guérisseur, Vit fut appelé à Rome afin de délivrer la fille de l'empereur Diocletan du mauvais esprit. Après la guérison de sa fille, l'empereur Diocletan harcela Vit par de nombreuses promesses pour qu'il abjure sa foi. N’y parvenant pas, Diocletan fit plonger Vit dans de la poix et du plomb fondu. Comme Vit sorti indemne de cette épreuve, il le fit jeter aux lions. Ceux-ci n'en voulurent point. Diocletan fit ensuite mettre à mort Vit en compagnie de Crescentia et de Modestus. Vit serait mort le 19 juin 305. La vénération de saint Vit se développa au Moyen-âge à partir de l'abbaye de Corvey en Westphalie. Au XIVe siècle, il faisait partie des quatorze saints guérisseurs. Il était invoqué pour la danse de St-Guy et les enfants atteints d'énurésie (pipi au lit). La cathédrale de Prague est dépositaire de ses reliques depuis 1535.
Une légende nous apprend qu'au cours du XIVe siècle, époque propice à la persécution des juifs, le corps d'un jeune homme nommé Fix fut découvert sur le rocher au-dessus de la grotte. Les juifs furent immédiatement accusés du forfait. La famille Mösselin, seule famille juive vivant à Saverne, fut chassée de la ville. Le corps de Fix fut ensuite déposé dans une tombe creusée dans le roc. Comme des miracles se produisirent au-dessus de la tombe, une chapelle fut construite en ce lieu. Celle-ci fut dédiée à saint Vit. Aucun document connu n'atteste cependant la véracité de cette légende.
Une première mention de l'existence de la grotte apparait en 1338. L'origine du pèlerinage est inconnue, mais il est antérieur au XVe siècle. Un livre de donation "Registrum Sancti Viti onirifici martiris" daté de 1508 mentionne le pèlerinage. Ce livre fait référence à un document plus ancien par la mention "Renovatum per me Jeronimum Crattenhover anno XVVIII (1508)". La plus ancienne mention concerne Ludwig et Jacques de Lichtenberg décédé en 1471 et 1480. La première mention de la chapelle figure en 1518 dans les annales de S. Brant. Les chroniques de Jacques de Königshoffen, rédigé au XVIe siècle, mentionnent qu'en 1518, une centaine de malades de la Danse de St-Guy furent conduits de Strasbourg à Saverne jusqu'au Holenstein ou Veitsberg. D'après le chroniqueur Daniel Specklin, les malades, chaussés de rouge, devaient tourner autour de l'autel pendant qu'on les aspergeait d'eau bénite. On les signait ensuite avec le Saint-Chrême et l'on disait une messe. Ce traitement assurait la guérison de presque tout le monde.
En 1520, Diebold de Furchhausen est signalé comme étant le premier ermite occupant les lieux. En 1541 est mentionnée la présence d'une maison servant d'ermitage. En 1542 est mentionnée la mise en place d'une nouvelle porte à l'ermitage et la présence d'une chapelle au sein de la grotte. Une mention de 1554 parle d'une chapelle basse (peut-être la grotte ?). En 1557 et en 1567 sont mentionnées des réparations de toiture et d'un clocheton. L'évêque de Strasbourg, Johann de Manderscheid, fit reconstruire la chapelle en 1581. L'ermitage fut reconstruit en 1590. Le registre des dons fait état qu'au XVIe siècle le lieu était connu par plus de 130 paroisses en Alsace, Lorraine et au Pays de Bade.
La grotte fut dénommée chapelle sainte Aurélie de Strasbourg en 1604. Sainte Aurélie était une compagne de sainte Ursule et comme elle une rescapée du massacre des Onze mille Vierges. En plus du pèlerinage de saint Vit invoqué pour la maladie de la Danse de St-Guy, les femmes atteintes de problèmes gynécologiques ou en mal d'enfant y déposaient des ex-voto en forme de crapauds. Cette coutume d'origine inconnue subsista jusqu'à la fin du XIXe siècle. La pratique fut cependant interdite en 1758 par le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg. Il demanda la purification de l'oratoire de sainte Aurélie, interdit la messe dans l'oratoire (la grotte) et fit enlever les statues et ex-voto s'y trouvant.
En 1792, le site, propriété de l'évêque de Strasbourg, comprenait deux chapelles (l'une dans la grotte et l'autre sur le rocher) et un ermitage. La chapelle était constituée d'une nef rectangulaire de 16 m sur 9,80 m et d'un chœur de 9,45 m sur 8,90 m. Le mur sud de la nef comprenait cinq fenêtres et une porte et le chœur était éclairé par deux fenêtres. Le toit était surmonté d'un campanile à flèche octogonale. Un petit cimetière était implanté au sud du site.
À la Révolution française en 1793, le site fut transformé en exploitation agricole. Une grange avec une cave voûtée y fut érigée. En 1796, l'ensemble fut vendu comme bien national à Maurice Kolb, inspecteur des forêts. Le pèlerinage fut rétabli en 1818. En 1865, un incendie détruisit la ferme et la chapelle utilisées comme grange. Le site actuel a été aménagé par Joseph Klein et l'association des amis de la grotte St-Vit entre 1946 et 1948. Le clocheton qui se dresse au-dessus de la grotte date de 1994. La cloche qui s'y trouve date de 2006, date à laquelle elle remplaça l'ancienne qui s'était fêlée.
Une
stèle gauloise
Le porche de la grotte a une largeur de 10 m et une hauteur de 8 à 10 m. La grotte, d'une profondeur de 26 m, se rétrécit progressivement en largeur et en hauteur. Le sol a été égalisé et est dallé avec des dalles en grès. Au trois quarts de la grotte se trouve un autel moderne.
À quelques centaines de mètres de la grotte de St-Vit se dressent les ruines des châteaux du Grand (Vieux) Greifenstein et du Petit (Nouveau) Greifenstein. Les deux châteaux occupent le même éperon rocheux et leurs histoires sont liées.
La tour médiane
La première mention du château figure dans une charte conclue, en 1156, entre Merboto Von Greifenstein et l'évêque de Strasbourg. Merboto était peut-être à cette période sans héritier. En 1217, le château passa entre les mains de la famille des Ochsenstein qui à cette occasion prit le nom de Greifenstein. En 1240, le château appartenait au chevalier Eberhard Von Greifenstein. De cette période date le début de la construction du Petit Greifenstein. Lors de sa construction, le Grand Greifenstein possédait le plus important donjon de la région avec ses 13 m de côté. En 1316, les châteaux sont des fiefs de l'évêque de Strasbourg.
Le passage (ancien pont levis) entre les deux château
L'entrée du château
Les frères Petermann et Eberlin Von Greifenstein furent obligés d'engager les châteaux auprès des Lutzelbourg et des Wildsperg en 1397. Les difficultés financières des Greifenstein firent que les châteaux connurent, en cette première moitié du XVe siècle, de nombreux copropriétaires. Outre les Greifenstein, dont la famille s'éteignit en 1457, nous trouvons l'évêque de Strasbourg, Munch de Wilsperg, les Lutzelbourg, les Fénétrange (en 1441), le comte de Saarwerden (en 1444) et les Hohenbourg (en 1444). En 1457, l'évêque Ruppert céda le fief à son frère, le comte Palatin Louis de Deux-Ponts-Veldenz dit Louis le Noir. Celui-ci entra en conflit avec l'électeur Palatin Frédéric le Victorieux en 1468 ce qui fit que les troupes de Louis de Lichtenberg, l'allié de Frédéric occupèrent les châteaux en 1470. Un arrangement, conclus avec l'aide de la ville de Strasbourg, permit à l'évêque Ruppert de retrouver son fief en 1471. Richard Puller de Hohenbourg, ennemi de Louis le Noir et de l'évêque Ruppert, s'installa au château en 1474. Il fut capturé peu après et emprisonné au château du Haut-Barr. En 1482, les châteaux furent inféodés aux Kirchheim.
Vestige du mur d'enceinte
Le grand donjon carré
L'évêque de Strasbourg racheta les parts des autres copropriétaires en 1516. La famille de Linange ne céda ses droits qu'en 1541. À partir de cette date, les châteaux, délaissés, tombèrent peu à peu en ruine. Les pierres à bosses du donjon furent utilisées en 1670 pour la construction du palais épiscopal de Saverne. Turenne conçut le projet de reconstruire les châteaux, mais le projet fut abandonné et les châteaux furent démantelés en 1675.
Si le temps est propice, peut-être allez-vous, lors de votre visite, rencontrer la Dame Blanche du Greifenstein. Son existence nous est connue par un vitrier qui avait pris l'habitude de monter au château tous les dimanches matin. Il s'asseyait sur un rocher et jouait un air avec son flageolet (flûte à bec). Plusieurs fois, il aperçut sur la tour en face de lui une dame toute de blanc vêtue qui l'accompagnait avec sa flûte. Au début, il fut surpris, mais s'habitua vite à sa présence. Il finit par s'enhardir et un jour voyant la dame sur le bord vertigineux de la tour lui dit "Prenez garde de tomber". La dame soupira "Plut à Dieu que je puisse me précipiter au fond de cette vallée pour mettre fin à mon tourment". "Êtes-vous donc si malheureuse ?" lui demanda notre homme. "Plus que vous ne pouvez l'imaginer. Je ne trouve point de repos dans ma tombe. Du temps où je vivais sur cette terre, j'étais pleine de vanité et d'avarice. J'entassais trésor sur trésor et les cachais dans ce château. J'ai acquis injustement cette prairie qu'on appelle maintenant Helematt d'après mon prénom Helena. La malédiction qui me frappe me change chaque vendredi en un hideux crapaud. Je serai racheté si quelqu'un a le courage de m'embrasser alors et de prendre la clé d'or que j'ai dans la bouche. Il aura en récompense un tiers du riche trésor et devra donner le reste aux bonnes œuvres."
Vestige de la voute d'une cave
Le vitrier promit de revenir le vendredi pour racheter la Dame. Il vint à l'heure convenue, mais à la vue de l'immense et hideux crapaud aux gros yeux luisant, il perdit tout courage et s'enfuit. Il ne retourna jamais au château et ne joua plus de son instrument préféré.
Le fossé séparant le château du reste de la montagne
Ces photographies ont été réalisées en mai 2015.
Y ACCÉDER:
À Saverne, prendre la direction de Phalsbourg. Après avoir franchi le col de Saverne, prendre le 3e chemin sur la gauche au niveau de la maison forestière du Haltweiller (juste avant l'embranchement entre la N4 et la D122). Suivre ce chemin en allant toujours tout droit jusqu'à la maison forestière du Schweitzerhof et son parking. Suivre ensuite à pied le chemin en allant tout droit jusqu'au site de la grotte de St-Vit.
De la grotte, suivre le sentier balisé d'un rectangle bleu jusqu'aux châteaux du Greifenstein. Le sentier présente, juste avant les châteaux, un fort dénivelé qui est difficile à franchir pour les personnes ayant des difficultés à marcher.
Compter environ 2h pour l'aller-retour.
Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.
Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.
Cette page a été mise en ligne le 15 août 2015
Cette page a été mise à jour le 15 août 2015