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L'église du Dompeter, près d'Avolsheim, est une des plus anciennes églises d'Alsace. Sa fondation se perd dans la nuit des temps, et est directement liée à saint-Materne, l'évangélisateur de l'Alsace, bien qu'aucun document historique ne soit en mesure de confirmer cela.
La légende de Saint-Materne fut transcrite par le moine de Trèves, Eberhard, au cours du IXe siècle. Elle fut rendue populaire par les moines bénédictins de l'abbaye d'Ebermunster à partir du XIIe siècle. Materne y est présenté comme étant le fils de la veuve Naim, ressuscité par Jésus. Il suivit l'apôtre Pierre à Rome. Lorsque Pierre sentit que l'heure de son martyr allait sonner, il envoya ces disciples évangéliser le monde. Materne, accompagné de Valère et d'Euchaire, entreprit de convertir les tribus païennes établies le long du Rhin. Il prêcha sous les tilleuls la parole du vrai Dieu aux habitants, mais plus que ses paroles ce furent ces actes qui convertirent les rudes vignerons des collines. Dieu lui ayant donné la force de faire des miracles, c'est entouré de nombreux chrétiens qu'il descendit dans la plaine. Il y renversa les idoles grossièrement taillées dans la pierre et les habitants de la plaine, effrayés par une telle force qui ne pouvait venir que de Dieu, se convertirent en masse. De leur temple situé près d'Ebersmunster, il fit la première église consacrée au vrai Dieu. Accompagné de nombreux convertis, il entreprit alors d'évangéliser les habitants d'Argentoratum (Strasbourg). Lorsque Materne et ses disciples voulurent ériger une église en ville, les habitants les chassèrent. Cet échec provoqua chez Materne un tel dépit qu'il en mourut de fièvre. Valère et Euchaire crièrent leurs douleurs devant cette perte et cachèrent son corps en un lieu qu'ils appelèrent Eley (ce qui signifie : grand hurlement). Ils retournèrent à Rome pour en faire part à Pierre. Ils le trouvèrent emprisonné, mais celui-ci les réconforta dans leur foi. Il leur confia son bâton de berger et leur ordonna de retourner auprès de Materne et de le lui remettre. De retour en Alsace, les disciples firent ouvrir le tombeau. Ils y trouvèrent le corps de Materne encore souple et chaud. Ils lui mirent le bâton de Pierre dans les mains. Materne se réveilla et partit sur le camp poursuivre sa mission. L'annonce de ce miracle provoqua de nombreuses conversions à travers la contrée et particulièrement à Argentoratum où la nouvelle de ce miracle fut rapportée par une personne de grande lignée qui, chassant dans la région, y avait assisté. Les nouveaux chrétiens construisirent rapidement à Argentoratum une église dédiée à Saint-Pierre (Saint-Pierre-le-Jeune).
Après le martyr de Pierre, sa fille spirituelle, Pétronille, fut amenée à Materne par un centurion romain converti au christianisme et condamné à l'exil par l'empereur. Ils s'établirent en un lieu situé au carrefour des voies romaines allant vers Altitona (le mont Saint-Odile) et la Gaule, vers Trestabernae (Saverne) et la Germanie et vers Argentoratum. C'est non loin de là que se trouvait une fontaine à laquelle étaient attribuées des vertus bienfaisantes dans le traitement des fièvres, elle est appelée aujourd'hui fontaine Sainte-Pétronille. À une centaine de mètres de cette fontaine se trouvait un superbe tilleul au pied duquel Materne avait l'habitude de prêcher. C'est à cet endroit que Materne choisit d'édifier la troisième église dont il fut à l'origine et la nomma "Domus Petri", la maison de Pierre, le Dompeter.
Après avoir prêché à Trèves et à Tongern, Saint-Materne fut le premier évêque de Cologne où ces reliques sont conservées dans la cathédrale. Saint-Euchaire et Saint-Valère furent les premiers évêques de Trèves où leurs tombeaux sont dans la crypte de l'église Saint-Mathias de cette ville.
Le tilleul millénaire
Un sarcophage, datant de l'époque romaine, fut désigné comme le tombeau de Sainte-Pétronille. En souvenir de la résurrection de Saint-Materne, les pèlerins du Moyen-âge y plaçaient leur malade. La tradition perdura jusqu'au XVIIIe siècle où l'inscription "Memoriae Terentiae augustulae Conjugi Sanctissimae Justus Justinus Maritus Justi Oceanus Florida Matri Pietissimae" (à la mémoire de la très sainte épouse, Terentia Augustula, Justus Justinus, son époux, et les enfants de Justus, Oceanus et Florida, à leur très pieuse mère) qu'il portait fut traduite. Cette traduction prouvant qu'il n'était pas le tombeau de Sainte-Pétronille, le cardinal Constantin de Rohan ordonna alors qu'il soit retiré. Le sarcophage fut donné à l'historien Schoepflin qui le fit transporter à Strasbourg. Il disparut ainsi que toute la collection archéologique de Schoepflin lors du bombardement de la ville en 1870.
Le source de Sainte-Pétronille
La source de Sainte-Pétronille
Une croyance populaire attribuait une vertu bienfaitrice pour les couples en mal d'enfants à la fontaine Sainte-Pétronille. Le couple devait déposer un sucre dans l'encadrement de la petite fenêtre et si le sucre disparaissait, le vœu était exaucé.
Pierre tombale installée au pied de la tour du Dompeter
Pierre tombale dans le cimetière du Dompeter
La construction de l'église actuelle se fit entre l'an 1000 et 1160 à l'emplacement d'une ancienne agglomération gallo-romaine. Des fouilles effectuées en 1914 par l'archéologue allemand Weise établirent qu'elle fut érigée sur un bâtiment du Ve ou VIe siècle dont ne subsistent que les fondations. L'église fut consacrée en 1049 par le pape alsacien Léon IX qui lui fit don de reliques de Saint-Pierre et de Sainte-Pétronille. L'historien Spechlin, mort en 1589, releva des inscriptions sur l'église citant parmi les princes auxquels incombaient les frais de constructions et de réparation les noms de Clovis, Charlemagne et Pépin. À la construction initiale fut rajoutée, en 1065, au niveau de l'entrée, une tour carrée à deux étages. L'église nommée alors "Dumpfieter" fut citée en 1337 comme étant l'église mère de la ville de Molsheim. Après leur installation à Molsheim en 1580, les jésuites prirent en charge l'église. La guerre de Trente Ans la laissa ruinée. Reconstruite, elle fut endommagée en 1746 par la foudre qui incendia la tour. Le drame est représenté sur une gravure de Silbermann et est relaté par les chroniques du collège des Jésuites de Molsheim. La tour fut reconstruite en 1750 et le porche en 1767. En 1829, le Dompeter devint l'église paroissiale d'Avolsheim. À cette occasion, le chœur en demi-cercle fut remplacé par un chœur polygonal et les fenêtres des collatéraux furent agrandies.
Pierre tombale dans le cimetière du Dompeter
Pierre tombale dans le cimetière du Dompeter
Après la construction, au centre d'Avolsheim, d'une nouvelle église néo romane dédié à Saint-Materne, le Dompeter fut délaissé à partir de 1911. L'ayant trouvé totalement délabré en 1933, un prêtre, aidé par les scouts et les habitants d'Avolsheim, la remit en état. Le 12 octobre 1933, l'évêque de Strasbourg, Mgr Ruch, la rendit au culte et la confia à la garde des Scouts de France d'Alsace. Le 1er juillet 1934, les scouts procédèrent à la translation en provenance de différents lieux d'Alsace, de reliques des saints alsaciens Saint-Materne, Saint-Florent, Saint-Léon, Saint-Amand, Saint-Morand, Saint-Léger, Sainte-Odile, Sainte-Eugénie, Sainte-Aurélie, Sainte-Hunne et Sainte-Richarde.
Une des chapelles latérale du choeur
En 1946, la statue de Notre-Dame de Strasbourg, sculptée par les scouts et cachée en Auvergne durant la 2e guerre mondiale, fut remise au cours d'une grande procession au Dompeter. Y fut également inauguré à cette occasion le mémorial aux 185 scouts d'Alsace tombés lors de la guerre. La même année fut construite par les habitants d'Avolsheim la grotte de Lourdes en reconnaissance de sa protection durant la guerre. L'intérieur de l'église fut entièrement rénové et six vitraux furent posés en 1968. Cinq autres vitraux furent posés en 1976. Les statues en bois polychrome de Saint-Pierre, de Saint-Paul et de Saint-Jacques, datées du XVIe siècle, ainsi que la statue de Notre-Dame de Strasbourg furent volées en 1972. La statue de Saint-Christophe et les reliquaires des saints alsaciens le furent en 1978. Les autres statues, la Vierge dorée, le buste de Sainte-Petronille contenant ses reliques et les reliques de Sainte-Apolline et de Sainte-Catherine purent être mis en sécurité. Le crépi extérieur et la toiture furent restaurés en 1994 et la nef en 1996. En 1998, les panneaux en bois du mémorial des scouts furent remplacés par des plaques en grès des Vosges et une nouvelle statue de Notre-Dame de Strasbourg fut installée.
La nef
Le choeur
Le Dompeter est constitué d'une nef principale, large de 5 m, flanqués de deux collatéraux. Le bâtiment est large de 13 m et long de 25 m. La nef est séparée des collatéraux par deux rangées de cinq piliers carrées supportant des arcades en plein cintre. Les murs de la nef sont percés en hauteur d'une douzaine de petites fenêtres romanes. Les fenêtres basses des collatéraux ont été agrandies au XIXe siècle. La nef principale se termine sur un chœur polygonal sans présence d'un transept. Le chœur est très largement éclairé par deux grandes fenêtres. Ces larges fenêtres sont en contradiction avec le style roman qui privilégie plutôt un éclairage plus intimiste. L'entrée dans la nef se fait au travers du narthex surmonté par la tour, carrée en partie basse et octogonale à partir du deuxième étage. De petites ouvertures romanes sont présentes sur trois des faces de cette tour. Le deuxième étage de la tour, percé de quatre fenêtres, supporte la flèche. Le portail au fond du narthex est séparé en deux par un trumeau qui avec les deux colonnes latérales supporte un linteau plat. Sur ce linteau se trouve la statue de Saint-Pierre. Cette statue en grès des Vosges représente l'apôtre assis vêtu d'une chasuble et tenant dans sa main droite une clé et dans sa main gauche une crosse.
Le narthex
La statue de Saint-Pierre
Le baptistère Saint-Ulrich
Cette chapelle s'élève au centre du village d'Avolsheim à côté de l'église Saint-Materne. Elle est dédiée à Saint-Ulrich et est reconnue comme étant le baptistère de la région. Sa construction remonte à l'an 1000. Elle est le deuxième témoin de l'architecture religieuse carolingienne en Alsace après le Dompeter. Elle se compose d'une rotonde tetraconque flanquée de quatre absidioles en forme de fer à cheval. La rotonde est coiffée d'une coupole qui fut surmontée en 1160 d'une tour octogonale avec une flèche.
En 1774, la chapelle fut transformée en église paroissiale. L'absidiole est fut remplacée par une nef et un chœur. Afin de les aligner sur les murs de la nef, les absidioles furent tronquées et leurs fenêtres furent agrandies. L'entrée ouest (l'entrée actuelle) est sobrement ornée d'un fronton triangulaire portant deux pots à feu. Après la construction de l'église Saint-Materne en 1911, la nef et le chœur furent démolis et l'absidiole reconstituée. Le sol de la chapelle fut remplacé par des dalles en terre battue. À partir du XIXe siècle, les historiens émirent l'hypothèse que la chapelle était un baptistère des premiers temps du christianisme. En 1937, des sondages archéologiques furent effectués pour vérifier cette hypothèse. Elles relevèrent l'existence de remblais et de sols anciens ainsi que les fondations de la nef détruite, mais ne trouvèrent aucune preuve formelle d'un baptistère. En 1967, les services des Monuments historiques mirent à jour des fresques datées du XIIe siècle ornant la coupole et qui avaient été recouvertes d'un crépi. L'ensemble de la chapelle fut restauré en 1981.
Bien que restauré, l'état des fresques rend difficiles leurs lectures. Elles sont majoritairement constituées de trois couleurs, le vert, le rouge et l'ocre. Le centre de la coupole est occupé par un ciel étoilé avec une représentation particulière de la Sainte Trinité. Dieu le père, sans barbe, est en majesté. Il bénit de sa main droite et tient l'évangile dans sa main gauche. Le Christ en croix lui est superposé et une tache blanche sur la poitrine de Dieu symbolise le Saint-Esprit. Sous cette représentation sont visibles, dans des demi-cercles, les quatre évangélistes. Ils sont reconnaissables à leurs attributs, l'ange pour Saint-Luc, l'aigle pour Saint-Jean, le lion pour Saint-Marc et le taureau pour Saint-Mathieu. Entre les demi-cercles se trouvent des chœurs de trois anges.
En partie inférieure séparée par les quatre fenêtres se trouvent quatre scènes bibliques. En face de l'entrée est représenté un roi se tenant devant un trône. Il est accompagné d'un ministre et montre du doigt un jeune homme. Il pourrait s'agir du roi Saül envoyant David affronter le géant Goliath. La scène de droite montre un homme, pieds et mains liées, qui glisse à travers les eaux vers une porte. Une représentation de Jonas, jeté à la mer lors d'une tempête cherchant son salut dans la gueule de la baleine (la porte) ? Sur la gauche, un homme habillé est plongé jusqu'à la poitrine dans l'eau symbolisée par sept ondes. Il est entouré par trois personnages (des anges ?). La scène pourrait symboliser Naaman qui en se plongeant sept fois dans le Jourdain fut guéri de la lèpre ou le baptême du Christ. Au-dessus de la porte se trouvent deux saints dont celui du centre (un être puissant) tend une clé à l'autre (un être plus frêle). Cela pourrait être Saint-Pierre ordonnant à Saint-Materne d'évangéliser l'Alsace ?
Ces photographies ont été réalisées en 2015.
Y ACCÉDER:
De Molsheim, prendre la direction de Saverne par la D30 ou la D422. À Avolsheim, prendre, au feu tricolore, à droite. Après le passage au-dessus de la Bruche, prendre à gauche pour le Baptistère ou à droite pour le Dompeter. Le Dompeter est situé à l'extérieur du village.
Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.
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Cette page a été mise en ligne le 7 avril 2020
Cette page a été mise à jour le 7 avril 2020