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Après près de 1000 ans d'occupation, les derniers moines trappistes ont quitté, en juin 2024, l'abbaye d'Oelenberg. Ils laissent aux bons soins des laïques un domaine agricole de 150 ha avec un moulin dont la farine est célèbre en Alsace.
Heilwige de Dabo, comtesse d'Eguisheim, mère du pape Léon IX, fonda, en 1046, un prieuré de chanoines et de chanoinesses réguliers de Saint-Augustin sur la colline (berg), le long d'un cours d'eau (oelen), au sud-ouest du village de Reiningue. Ce prieuré, qui prit le nom d'Oelenberg, fut fondé pour le repos de l’âme de son fils Gérard, mort au cours qu’une querelle avec le comte de Ribeaupierre. Le pape Léon IX consacra l'abbatiale en 1049 et lui offrit des reliques de Saint-Romain. Les chanoinesses quittèrent les lieux en 1273 pour s'installer à Cernay. Après de nombreux haut et bas liés aux vicissitudes de l'histoire, l'abbaye passa, en 1626, au collège des Jésuites de Fribourg-en-Brisgau en Allemagne. Ceux-ci cédèrent les revenus de l'abbaye à l'université de Fribourg en 1774.
La façade de l'abbatiale
Le choeur de l'abbatiale
L'allée menant à l'abbatiale
Après la Révolution française où les moines se réfugièrent en Suisse, les bâtiments et le domaine de l'abbaye furent vendus, en 1794, comme bien national à un industriel mulhousien. La riche bibliothèque de l'abbaye fut alors dispersée. L'industriel revendit les bâtiments à un prêtre en 1821. Il y créa un pensionnat de jeunes filles confié à des moniales. Un groupe de moines cisterciens de la Stricte Observance (trappiste) suivant la règle de Saint-Benoît, en provenance de Darfeld en Rhénanie, s'y installa en 1825. Ils entreprirent petit à petit le rachat des anciennes terres de l'abbaye. La remise en exploitation agricole du domaine débuta en 1846. Au fil des ans, à la ferme se rajoutèrent un moulin, une fromagerie, une boulangerie et même une imprimerie. Dom Éphrem Van der Meulen, père-abbé de 1850 à 1864, entreprit la constitution d'une riche bibliothèque qui compte en 2024 plus de 100 000 ouvrages.
La nef de l'abbatiale (vue en direction du choeur)
La nef de l'abbatiale (vue en direction de l'entrée)
L'entrée de l'abbatiale avec les grilles séparant
la partie publique
de la partie réservé aux moines
La statue de la Vierge au dessus du choeur
L'orgue de l'abbatiale
La rosace au dessus de l'entrée de la nef
La crypte sous l'abbatiale
Un des chapiteaux de l'abbatiale
Souhaitant lancer la production de bière, Dom Éphrem Van der Meulen entreprit en 1852 la construction d'un réseau de cave de garde sous l'abbaye. Il avait prévu sept galeries, d'une longueur totale de 230 m, pour raccorder en souterrain l’hôtellerie, le bâtiment des sœurs, la porterie et le réfectoire afin d'y servir de la bière fraîche. La première brasserie, implantée sur le versant sud de la colline, débuta sa production en 1854. Entre 1852 et 1857, les moines, sous la direction de frère Boniface, creusèrent la terre argileuse de la colline pour établir quatre galeries d'une longueur totale de 150 m ventilés par trois puits de lumière. Les galeries allant vers le bâtiment des sœurs et la porterie ne furent pas réalisées. La terre argileuse extraite fut utilisée par les moines au sein d'une briqueterie pour fabriquer des briques utilisées pour leurs autres projets de construction. L'accès principal des caves se fait par un escalier monumental de 49 marches depuis le sous-sol de la grange qui ferme la cour arrière du côté ouest. Cet accès est fermé par une porte métallique. Au bas de l'escalier se trouve une première galerie partant en direction du nord-est et du sud-est. Du côté sud-est, après un coude, la galerie se poursuit en direction de l'est pour bifurquer en "T" vers le sud et vers le nord. La galerie sud débouche sur le versant sud de la colline et la galerie nord débouche sur une cheminée circulaire s'ouvrant à l'ouest de l'abbatiale. Les galeries ont un profil en berceaux avec une voûte en brique enduite. Le sol de la première galerie est constitué de dalles en grès recouvert de brique, le sol de la deuxième galerie est constitué de dalles en grès et celui des autres galeries est de terre battu. Ces galeries servirent jusqu'en 1916 de stockage à la brasserie de l'abbaye. La bière y était conservée dans 32 grands tonneaux de 800 à 1200 l et dans 1200 petits tonneaux de 15 à 57 l. À partir de 1916, les militaires allemands complétèrent ces caves par quatre galeries secondaires d'une longueur totale de 172,80 m s'ouvrant sur le versant sud de la colline. Ces galeries furent, après la 1re Guerre mondiale, rebouchées. Durant la libération de Reiningue, au cours de l'hiver 1944, la population du village s'y abrita des bombardements. Les galeries furent par la suite utilisées pour cultiver des endives. Actuellement, elles sont à l'abandon.
Un des couloirs de l'abbaye
Un des couloirs de l'abbaye
Un des couloirs de l'abbaye
L'ancien réfectoire des moines
La cour intérieure
La cour intérieure
L'ancien cimetière des moines au sein de la cour interieure
L'ancienne abbatiale
Les moines fondèrent en 1862 une abbaye fille à Mariawald en Allemagne. Le pensionnat pour jeunes filles ferma en 1865 et les sœurs quittèrent les lieux pour l'abbaye Notre-Dame d'Altbronn à Ergersheim. Depuis 2009, les sœurs de cette abbaye se trouvent à l'abbaye Notre-Dame de Baumgarden à Bernardvillé. L'abbaye d'Oelenberg connut son apogée en 1900. S'y trouvaient alors 80 prêtres et 120 frères convers. Le 26 juin 1915, l'abbaye fut en grande partie détruite par un bombardement français. L'abbatiale et les bâtiments subirent de graves dommages. Les travaux de reconstruction débutèrent en 1920 sous la direction de l'architecte Paul Kirchaker. Les stalles de l'abbatiale, sculptée par Théophile Klem, furent restaurées à l'identique. En 1925, l'abbaye reprit, en tant qu'abbaye-fille, l'abbaye de Engelszell en Autriche, fondée en 1293 par l’évêque de Passau, Bernhard de Pramsbach.
Un des couloirs de l'abbaye (avec la maquette de l'abbaye)
La chapelle des novices
La chapelle des Moines
Le plafond de la chapelle des Moines
L'abbaye fut partiellement détruite par les bombardements français lors des combats de libération de Reiningue en novembre et décembre 1944. Durant ces combats, les Allemands avaient utilisé le clocher de l'abbatiale comme observatoire. La reconstruction débuta en 1946 après que la communauté des moines, durement éprouvée par la guerre, eut reçu le renfort de moines en provenance de Zundert aux Pays-Bas. Un nouvel orgue fut installé dans l'abbatiale en 1952 par Georges Schwenkedel. En 1970 fut retrouvé dans la bibliothèque de l'abbaye le manuscrit des 54 contes collectés par les Frères Grimm. Ce manuscrit fut envoyé en 1810 à l'écrivain allemand Clemens Brentano qui ne l'a jamais rendu aux Frères Grimm. Connu sous le nom de "manuscrit de 1810" ou de "manuscrit d'Oelenberg", il s'agit de la première version des "Contes de Grimm". Il est actuellement conservé à la fondation Martin Bodmer à Cologny en Suisse.
Les stalles des moines dans l'abbtiale
Les stalles des moines
L'abbatiale et l'ancien moulin de l'Oelenberg furent inscrits aux Monuments historiques en 1992. Les moines débutèrent en 1993 la fabrication de pâtes et de gâteaux et ouvrirent un magasin de vente de leurs produits. Leurs effectifs diminuant d'année en année, les moines débutèrent en 2013, de grands travaux de restructuration des lieux de vie. En 2017, ils n'étaient à l'abbaye plus que cinq moines, un frère oblat et deux novices sous la direction du père-abbé Dom Dominique-Marie Schoch. En 2020, ils n'étaient plus que quatre moines, un frère oblat, un profes et un novice. En juin 2024, ces moines arrêtèrent la vie monastique à l'Oelenberg et s'en allèrent poursuivre leur vie monastique dans d'autres communautés.
Extérieur des bâtiments conventuels
La chapelle des moines
Façade des bâtiments conventuels donnant sur le jardin
Le cimetière des moines
Le moulin de l'abbaye
Jusqu'au bout ces moines vivaient la vie monastique en pratiquant l'Ora (prière) et Labora (travail). La journée se vivait au rythme des prières lors des Vigiles (à 4 h du matin), des Laudes (à l'aube), de Prime (après le lever du soleil), de Tierce (à 9 h), de Sexte (à midi), de None (à 15 h), des Vêpres (à 17 h) et des Complies (avant le coucher). Les journées et les repas se passent dans le silence en pratiquant des travaux agricoles (potager, verger, champs), en exploitant le moulin ou en pratiquant l'artisanat (pâtes, gâteaux, etc.). Actuellement, le domaine de l'abbaye d'Oelenberg, qui emploie une quinzaine de personnes, comprend 150 ha dont 85 ha sont plantés de blé (300 t/an), de colza, de maïs, de pommes de terre (70 t/an) et de lentilles. Le verger compte une centaine d'arbres fruitiers dont une majorité de pommiers et le moulin produit 1100 t de farine par an. Pour la production des pâtes et des gâteaux, plus de mille œufs sont cassés à la main chaque jour.
L'autel de la Vierge dans l'abbatiale
La "scène" dans l'ancien réfectoire des moines
Statue de Notre-Dame dans un couloir
Statue de Notre-Dame dans la chapelle des novices
Vitrail dans l'ancien réfectoire des moines
Le portail d'accès à la partie agricole de l'abbaye
Ces photographies ont été réalisées en septembre 2024.
Y ACCÉDER:
L'abbaye de l'Oelenberg se situe au sud-ouest du village de Reiningue. Son accès est fléché. Sur les lieux se trouve un magasin monastique. L'abbatiale et sa crypte sont accessibles à la visite. Le reste de l'abbaye est visitable (visites guidées) lors des journées du patrimoine.
Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.
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Cette page a été mise en ligne le 21 octobre 2024
Cette page a été mise à jour le 21 octobre 2024