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L'hôpital-commanderie
de Lacommande

Les aléas de neuf siècles d’histoire ont miraculeusement préservé à Lacommande ce qui peut être considéré comme le seul témoin encore en élévation d’un élément du réseau de Sainte-Christine-du-Somport sur le versant nord des Pyrénées. Nous y trouvons une église et un hôpital du XIIe siècle, tous deux classés Monuments historiques en 1958, un ancien cimetière contenant une cinquantaine de stèles funéraires discoïdales des XVIIe et XVIIIe siècles et une maison qui fut vraisemblablement celle du commandeur avant de devenir presbytère, puis propriété d’un particulier à la Révolution, et enfin mairie.

À cet ensemble patrimonial sont venus s’ajouter récemment des installations destinées à l’accueil des touristes, randonneurs et pèlerins. En 1986, l’ancienne maison Loustaunau a été transformée en Maison des Vins et du Terroir du Jurançon. Elle constitue une vitrine pour une soixantaine de vignerons sur la Route des Vins de Jurançon, renouant avec un témoignage de 1297 qui cite deux vignobles et un pressoir en ce lieu. En 1997, un gîte a été aménagé pour les pèlerins qui empruntent le chemin d’Arles ou GR653 entre Lescar et Oloron.

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L'histoire de Lacommande débute en 1115 lorsque Gaston IV de Béarn, de retour de la première croisade, entreprend la construction d'un hôpital nommé "Espitau deu Faget d'Aubertii" au Faget d'Aubertin, entre Lescar et Oloron-Sainte-Marie. Mais une longue bataille juridique s’ensuit avec le seigneur de Bedosse qui revendiquait les terres. Un accord (la charte albertine) n’est conclu qu'en 1128 avec les successeurs du seigneur de Bedosse qui sont dédommagés par 90 brebis pleines.

Dès sa fondation, l’hôpital est placé sous le contrôle du prieuré de Sainte-Christine-du-Somport, centre d’un réseau canonial qui s’étend de part et d’autre des Pyrénées et progresse en Aragon dans le sillage de la Reconquête. L'église attenante à l'hôpital est construite dans la période 1135-1140. Les bulles des papes Eugène III, en 1151, et Innocent III, en 1216, prennent le réseau de Sainte-Christine sous leur protection et citent en premier l’église et l’hôpital d’Aubertin parmi ses possessions.

Au début du XIIIe siècle, de nombreux hôpitaux du réseau de Sainte-Christine, dont Aubertin, deviennent des commanderies. En 1208, le commandeur d'Aubertin A. de Maurinis reçoit en fief l'église et le village de Castejon de Valdejasa en Aragon. En 1297, un contrat de paréage entre le vicomte Roger Bernard III de Foix et le commandeur Fortaner de Pimbo définit en 17 articles les règles administratives et les limites des territoires de la commanderie. En 1385, lors du dénombrement ordonné par Gaston III de Foix-Béarn, l’hôpital et ses dépendances sont englobés dans la paroisse d'Aubertin, mais c’est la commanderie qui possède l’église et le cimetière où se rendent les habitants d’Aubertin, pourtant beaucoup plus nombreux.

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Façade est de l’hôpital et sud de l’église

En 1538, au cours d'un autre dénombrement, le commandeur Jean de Borau présente une liste de 25 villages dans lesquels il peut lever des sommes et fiefs, attestant ainsi d'un domaine prospère. À la veille de la Réforme, introduite en Béarn par Marguerite de Navarre (1492-1569) et Jeanne d'Albret (1555-1572), la commanderie avait plus de 2500 livres de rentes. Cependant, vers 1569, les chanoines de St-Augustin sont chassés de tous les établissements de l'ordre de Sainte-Christine-du-Somport. En 1571, les biens ecclésiastiques des catholiques sont saisis par l'État. La gestion de la commanderie est alors confiée au capitaine Bernard d'Espalungue par Jeanne d’Albret. En 1603, lors de la reprise des biens des protestants par les catholiques, le roi Henri IV place Pierre de Licerasse à la tête de la commanderie.

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L'église

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La nef de l'église

En 1610, les possessions de l'ordre de Sainte-Christine-du-Somport situées en France sont données aux Barnabites. Ils ne prennent possession des lieux qu'en 1640 et ils trouvent un site très délabré. Les Barnabites restaurent l’hôpital, agrandissent l’église et reconstruisent le clocher en 1698. À la Révolution, les Barnabites quittent les lieux et la Commande d’Aubertin devient la commune de Lacommande. Les terres sont partagées entre les habitants qui étaient jusque là métayers des Barnabites. L'hôpital est acheté par un particulier et utilisé comme chai et grange. L'église et le cimetière deviennent propriété de la commune. Aubertin devient aussi une commune indépendante, mais ces deux communes continuent à ne former qu’une seule paroisse. Il faudra attendre 1867 pour qu’Aubertin ait sa propre église et que les deux communes deviennent deux paroisses distinctes. L’entretien de l’église Saint-Blaise est désormais de la seule responsabilité des Lacommandais et ils ont du mal à l’assumer. Une importante campagne de restauration de la toiture, de la charpente et du sol de l'église a lieu de 1925 à 1932. En 1938 est effectuée la réfection du clocher. Suite à un effondrement partiel de l'abside, une nouvelle restauration de l'église est entreprise de 1970 à 1974. Le mur sud, la couverture de la chapelle sud et la galerie du cloitre sont restauré en 1983.

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Dans l'église

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Dans l'église

L’église, consacrée à Saint-Blaise au XVIe siècle, constitue le fleuron du patrimoine architectural de Lacommande. De l’église originelle, construite dans les années 1135-1140, subsistent les colonnes de l’arc triomphal et l’abside. L’ensemble des sculptures, attribuées à celui que l’on nomme le Maître d’Oloron, compte parmi ce que l’historien de l’art Jacques Lacoste décrit comme « Les grandes œuvres de la sculpture romane en Béarn ». Dans les chapelles latérales, d’autres éléments de décoration, de style baroque, ne sont pas sans intérêt.

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L'abside de l'église Saint-Blaise (© J-Cl Lassègues)

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Sur la colonne de gauche de l’arc triomphal, les Mages en route vers Bethléem.  (© J-Cl Lassègues)

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Sur la colonne de droite de l’arc triomphal, l’adoration des Mages.
 (© J-Cl Lassègues)

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La danseuse contorsionniste et les musiciens.  (© J-Cl Lassègues)

L'hôpital est un bâtiment rectangulaire, orienté nord-sud, constitué de trois niveaux. La couverture en double pente est en bardeaux de chêne fixé par des pointes en buis. La partie la plus ancienne correspond au rez-de-chaussée peu élevé et éclairé uniquement par six meurtrières. L'entrée se faisait sans doute sur la façade nord. Les pierres de taille visible en partie basse de la façade sont le témoin de cette période. Le deuxième niveau a été réalisé à l'aide de huit assises de brique plate surmontée de cailloux mélangés avec de la brique. La brique ayant été introduite en Béarn par Gaston Phébus (1331-1391) depuis le pays de Foix, il est donc possible de dater le deuxième niveau du XIVe ou du XVe siècle. Ce deuxième niveau est 4 m plus long que le rez-de-chaussée et ne possède que deux ouvertures. On suppose qu’il servait de grenier pour le stockage des récoltes et les produits des impôts. Le troisième niveau est antérieur à la Révolution. La restauration lui conféra six fenêtres de chaque côté. Il n'en avait conservé qu'une seule après l’effondrement du toit et d’une partie du mur.

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L’ancien hôpital rénové, communément appelé commanderie

Le site possède un étonnant cimetière. Il fut aménagé par les Barnabites, à partir de 1640, sur l'emplacement supposé du cloitre détruit après le départ des chanoines de St-Augustin en 1569. Il fut utilisé jusqu'en 1867 puis laissé à l'abandon. La stèle la plus ancienne date de 1640, la plus récente de 1770. Les noms relevés correspondent aux noms des familles d'Aubertin et de La Commande, tel que figurant sur le cadastre de 1833.

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L'église

Le cimetière a été nettoyé et réaménagé en 1987. Il contient actuellement 48 stèles discoïdales, 6 stèles cruciformes et 2 stèles en forme de borne. De nombreuses stèles ont été brisées, ont disparu ou ont été réemployées dans le mur de la chapelle nord de l'église. Les stèles discoïdales sont très présentes des deux côtés des Pyrénées avec une concentration élevée au Pays basque. Ce type de monument est apparu avant la christianisation. Le socle pourrait représenter la terre et le disque le soleil. Ce type de stèle peut également être une représentation anthropomorphe ou un monument solaire, une synthèse entre le cercle (le ciel et l'incommensurable) et le carré (symbiose entre le monde créé et la terre). Ces stèles furent peut-être fabriquées à partir des pierres du cloître détruit. Elles subissent actuellement une dégradation rapide de leur surface rendant les inscriptions illisibles.

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Le cimetière

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Le cimetière

Lors de l’aménagement du cimetière, dans les années 1990, un sarcophage fut mis à jour près du mur sud de la sacristie. Il contient trois squelettes et a été installé à quelques mètres de son lieu de découverte. Il est constitué d'une cuve rectangulaire sans inscription et d'un couvercle en bâtière taillé dans une pierre différente. Ce sarcophage a pu être prélevé sur un site antique voisin et réutilisé ou réalisé sur place. Dans ce dernier cas, il pourrait être l’indication d'une nécropole tardo-antique du IVe ou Ve siècle apr. J.-C..

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Une petite maison, séparée de l’hôpital par un portique couvert, portait le nom de maison Lassalle sur le cadastre napoléonien de 1833. Achetée par le département 64, elle a été transformée en 1997 en gîte pour les pèlerins qui empruntent le chemin d’Arles entre Lescar et Oloron.

Ce gîte comporte 6 couchages et accueille une moyenne annuelle d’environ 400 pèlerins.

Pour tous renseignements : 06 25 59 14 17

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Le gîte pour les pèlerins (maison à gauche) est relié à
 l’hôpital par un portique couvert.  (© J-Cl Lassègues)

Ces photographies ont été réalisées en septembre 2014.

Je remercie Monsieur J-Cl Lassègues pour son aide pour la rédaction de cette page et pour ces photographies.

 

Y ACCÉDER:

La commanderie est située au centre du village de La Commande.

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 13 décembre 2014

Cette page a été mise à jour le 1er juillet 2015