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La cathédrale de Lisbonne

La cathédrale de Lisbonne incarne neuf siècles d’histoire portugaise, unissant dans la pierre la mémoire de la Reconquête, l’élan gothique, la Renaissance maritime et la résilience post-sismique. Construite dès la reconquête de la ville sur les Maures en bordure du front musulman encore actif au sud du Tage, sa façade avec ses deux tours crénelées présente une allure de forteresse.

En 1147, après un siège difficile, les troupes du roi Afonso Henriques, premier roi du Portugal, s’emparèrent de Lisbonne avec l’aide de croisés venus d’Angleterre, de Flandre, de France et d’Allemagne, en route pour la Terre Sainte au cours de la deuxième croisade. Le roi fonda immédiatement un évêché à Lisbonne qu'il confia au croisé anglais Gilberto de Hastings. Celui-ci occupa cette fonction de 1147 à 1166. Le roi ordonna également la construction d'une nouvelle église sur les ruines de la mosquée "Al-jami" sur l’actuelle colline d’Alfama. Cette mosquée avait été érigée sur une ancienne église wisigothe, elle-même construite sur l'emplacement du forum romain. La cathédrale, dédiée à Sainte-Marie Majeure (igreja de Santa Maria Maior), communément appelée "Sé Patriarcal" est la plus ancienne église de Lisbonne. Le nom de "Sé" provient du latin "Sedes Episcopalis" signifiant siège épiscopal. La cathédrale primitive adopta un plan basilical de style roman et se composait d'une façade avec deux tours crénelées, une nef principale à six travées séparées par de massifs piliers cruciformes, un transept non saillant, un chœur semi-circulaire voûté en cul-de-four et d'une crypte. Les travaux, supervisés par l'architecte Mestre Roberto, furent achevés en 1150.

En 1173, les reliques de Saint-Vincent de Saragosse, martyr du IV^e siècle et futur saint patron de Lisbonne, furent transférées par mer depuis le cap Saint-Vincent jusqu’à la cathédrale. Ce transfert solennel, accompagné de miracles selon les chroniques, fit de la Sé un haut lieu de pèlerinage. Une châsse d’argent fut placée dans le chœur. Les sources mentionnent une chapelle Saint-Vincent dès le XIII^e siècle. Ce culte renforça le prestige de Lisbonne au sein du jeune royaume portugais et contribua à la vitalité du diocèse. En 1195 eut lieu au sein de la cathédrale (dans la capela Franciscana à gauche de l'entrée) le baptême du futur Saint-Antoine de Padoue.

À la fin du XIII^e siècle, Bartolomeu Joanes y fit construire une chapelle funéraire, la capela Bartolomeu Joanes. Entre 1261 et 1325, le roi Dinis 1er fit édifier un cloître gothique (claustro dionisino) au sud-est du chœur. Son successeur Alphonse IV fit remplacer, entre 1325 et 1357, le chœur roman par un chœur gothique à déambulatoire et chapelles rayonnantes. En 1394, le siège épiscopal fut érigé en archevêché par le pape Boniface IV et le roi Joao 1^er en fit officiellement le centre religieux et politique du royaume. C’est là que se déroulèrent les baptêmes des princes de la maison d’Avis, les mariages royaux, notamment celui du roi João I^er, et les cérémonies de départ des navigateurs. En 1498, la reine Éléonore de Viseu, avec son mari Manuel 1^er, fonda la première Misericordia (établissement de santé) de Lisbonne dans la chapelle de Nossa Senhora da Piedade. Sous le règne de Manuel 1^er (1495–1521), des interventions décoratives furent exécutées dans le style manuélin comme les portails secondaires à ornementation maritime, éléments de cordages et d’armilles. Une chapelle du Saint-Sacrement fut également construite, dans un goût maniériste.

En 1649, l'architecte Marco de Magalhâes construisit une nouvelle sacristie de style maniériste. Le chœur fut transformé en style baroque au cours du XVIII^e siècle. Le tremblement de terre, suivi d’un incendie et d’un raz-de-marée, qui ravagea Lisbonne en 1755 endommagea fortement la cathédrale. Le chœur, la chapelle du Saint-Sacrement, le toit de la nef, la tour lanterne surplombant la croisée du transept et la tour sud de la façade s’effondrèrent. Le cloître fut également détruit. La chapelle du Saint-Sacrement fut reconstruite entre 1761 et 1785. La tour sud, le toit de la nef et le chœur le furent entre 1769 et 1771. En 1781, les tombeaux royaux détruits par le séisme furent reconstitués par Joaquim Machado de Castro. Antonio Angelo reconstruit les tribunes royales en 1787.

À partir de 1902, l'architecte Augusto Fuschini débuta une campagne de restauration destinée à restituer à la Sé son caractère roman d’origine. Les voûtes de la nef furent reconstruites en ogives néo-romanes, les fenêtres furent restaurées et de nouvelles fenêtres furent rajoutées. Les crénelages des tours furent reconstitués et les ajouts baroques furent retirés. Le cloître fut partiellement reconstruit dans le style gothique primitif. La cathédrale fut classée Monument National en 1910. En 1911, Antonio do Couto Abreu reconstruisit la coupole de la nef centrale et restaura la façade et la rosace. Après ces travaux d'ampleur, la cathédrale fut rouverte au culte et au public en 1940. À partir de 1990, des fouilles entreprises dans le cloître ont révélé une superposition exceptionnelle d’occupations avec des vestiges romains (murs, mosaïques, bassins), des structures islamiques (murs en pisé, canalisation, pavements de céramique, mihrab), des sépultures chrétiennes médiévales (XII^e–XIV^e siècle) et les fondations de la mosquée sous l’abside actuelle.

La cathédrale est implantée sur les pentes occidentales du quartier d’Alfama, sur un éperon dominant le Tage. Elle occupe l’emplacement de l’ancienne mosquée de la ville musulmane, dont certains murs furent peut-être réutilisés au moment de la construction chrétienne. Son plan est celui, typique du roman portugais, d’une basilique avec un transept non saillant et un chœur profond flanqué d’un déambulatoire et de chapelles rayonnantes ajoutées ultérieurement. L’ensemble est complété par un cloître gothique accolé au chœur et d'annexes (chapelles latérales, sacristie, trésor, dépendances canoniales).

La façade, orientée vers l’ouest, est la partie la plus emblématique et la plus ancienne (vers 1150–1180). Elle présente une composition symétrique et défensive, héritée du roman normand et de la tradition militaire de la reconquête avec deux tours quadrangulaires massives, légèrement avancées, encadrant un corps central percé d’un grand portail et d’une rose. Les tours, hautes d’environ 40 m, sont crénelées et percées d’étroites baies géminées aux étages supérieurs. Entre elles s’ouvre un portail à cinq voussures en plein cintre, richement mouluré, reposant sur des colonnettes aux chapiteaux sculptés de motifs végétaux et géométriques. Au-dessus du portail s’ouvre une grande rosace à remplage roman tardif (XII^e siècle) puis remanié au XIII^e siècle. Son diamètre d’environ 3,50 m éclaire la nef centrale. La façade est construite en calcaire blond local, très dur et finement appareillé. Les pierres présentent une patine dorée caractéristique des monuments de Lisbonne. Les parties restaurées après 1755 sont plus claires, facilement identifiables.

La nef de six travées est séparée des bas-côtés par de puissantes arcades en plein cintre reposant sur des piliers cruciformes massifs à colonnes engagées. La hauteur sous voûte atteint environ 18 mètres. Les bas-côtés sont voûtés en berceau transversal, tandis que la nef centrale fut initialement charpentée avant d’être voûtée d’ogives au XIII^e siècle. L’élévation intérieure se compose de grandes arcades en plein cintre surmontées d'un triforium étroit percé de petites ouvertures jumelées elles-mêmes surmontées de fenêtres hautes étroites, typiquement romanes, laissant filtrer une lumière tamisée. L’intérieur, peu éclairé, baigne dans une pénombre dorée accentuée par la couleur du calcaire. Les effets de lumière proviennent essentiellement de la rosace occidentale et des baies hautes du chœur.

Peu saillant à l’extérieur, le transept conserve ses voûtes d’arêtes romanes du XII^e siècle. Les bras du transept abritent des chapelles latérales ajoutées au XIV^e siècle. Les arcs de communication vers la nef sont légèrement brisés, signent du passage progressif vers le style gothique. Le chœur oriental, profond et surélevé, constitue la partie la plus remaniée. Initialement, il se terminait par une abside semi-circulaire romane. Vers 1300–1350, on lui ajouta un déambulatoire gothique à cinq chapelles rayonnantes. Ces chapelles sont voûtées d’ogives et éclairées par de hautes baies trilobées. Elles furent conçues pour abriter les reliques de Saint-Vincent, patron de Lisbonne. Les voûtes actuelles, à croisées d’ogives, datent en partie de la reconstruction postérieure au séisme de 1755, mais respectent le dessin gothique primitif. Plusieurs chapelles latérales furent ajoutées au fil des siècles comme la chapelle du Saint-Sacrement, au sud du transept, de style maniériste (XVI^e siècle), la chapelle Saint-Vincent, où reposaient autrefois ses reliques ou la chapelle Saint-Antoine, rappelant le baptême du saint lisboète devenu Saint-Antoine de Padoue.

Le cloître fut commencé sous le règne de Dinis I^er (vers 1280-1320) dans un style gothique rayonnant, puis plusieurs fois remanié. Il adopte un plan carré (environ 23 m de côté), bordé de galeries couvertes voûtées d’ogives reposant sur de fines colonnettes. Les arcades brisées s’ouvrent sur un jardin central. Les chapiteaux sont sculptés de feuillages stylisés et de motifs géométriques.

Ces photographies ont été réalisées en septembre 2025.

Cette page a été mise en ligne le 10 décembre 2025

Cette page a été mise à jour le 10 décembre 2025