Les tours de Mont-St-Eloi

Les tours de Mont-St-Éloi

L'abbaye du Mont St-Éloi, après avoir connu la puissance au cours du XVIII^e siècle puis la ruine à la Révolution, devint au cours de la 1^re Guerre mondiale un lieu d'observation stratégique pour les Français et les Anglais. Situées à quelques kilomètres du front, les deux tours de son église offraient une vue imprenable sur les lignes allemandes des collines de Lorette et de Vimy.

La date de création de l'abbaye reste floue. Selon la biographie de la vie de saint Éloi et la chronique rédigée, en 1786, par Dom Wartel, chanoine à cette abbaye, saint Éloi, évêque de Noyon, venait, au cours du VII^e siècle, prier à cet endroit. Il y aurait érigé un oratoire fréquenté par la suite par des ermites. Saint Vindicien, évêque de Cambrai et disciple de saint Éloi, aurait demandé à être inhumé sur les lieux de l'oratoire. Il est considéré par la plupart des historiens comme le fondateur de l'abbaye. En 880 et 881, la région eut à subir les raids des Normands et comme beaucoup d'autres l'abbaye fut dévastée par les barbares puis laissée à l'abandon. Le tombeau perdu de saint Vindicien fut retrouvé en 929 par un enfant qui ayant commis des péchés fut frappé de cécité à cette occasion. Il retrouva la vue en implorant le saint. Ayant eu connaissance de ce miracle, l'évêque Fulbert fit ériger sur le mont une basilique pour y abriter les reliques de saint Vindicien.

En 1004, les troupes de Richard II, duc de Normandie, traversèrent la région pour rejoindre les troupes du roi Robert le pieux. Des retardataires ou des déserteurs en profitèrent pour piller l'abbaye et passèrent les moines par le fils de l'épée. Les richesses pillées furent rendues à l'abbaye par le duc Richard II en personne. Le pape Grégoire VII instaura en 1068 une abbaye de chanoines réguliers en ce lieu et l'évêque de Cambrai, Liébert, imposa un abbé et la règle de St-Augustin. L'abbé Hugues éleva en 1140 les murs de l'abbaye. L'abbé Désiré fit reconstruire, entre 1208 et 1221, l'église dans un style gothique. Lors du siège d'Arras en 1477, le roi Louis XI y installa son campement. Le Grand Condé, qui convoitait la couronne de Louis XIV, fit de même en 1654 avant d'être délogé par Turenne.

En 1750, l'abbé Roussel fit reconstruire l'église dans un style classique alliant la stabilité et l'équilibre des formes. C'est à lui que nous devons les deux tours actuellement visibles. Les deux tours de l'église possédaient initialement cinq étages pour une hauteur de 53 m. Les deux premiers étages, ainsi que la façade de l'église, sont en grès, les autres éléments sont en pierre blanche de la région (craie). Dom Wartel, chanoine de l'abbaye, rédigea les chroniques de l'abbaye en 1786 à peine trois ans avant que la Révolution française imposa la fermeture en 1789. Le dernier abbé fut guillotiné en 1791. Depuis le renouveau de l'abbaye au XI^e siècle, 46 abbés s'étaient succédé à la tête de cette puissante abbaye qui rayonna dans tout l'Artois. En 1792, les bâtiments de l'abbaye furent vendus comme bien national. L'acheteur transforma le site en carrière de pierre pour les constructions alentour. En 1836, ne subsistèrent de la puissance abbaye que la façade de l'église et les deux tours. L'état et le département rachetèrent alors les vestiges afin de les préserver.

Après la guerre de mouvement en août 1914, le site se trouva à quelques kilomètres de la ligne de front. Ce fut pour les Français un formidable observatoire des positions allemandes établies sur les collines de Lorette et de Vimy. Les hautes tours de l'abbaye devinrent donc une cible de choix pour l'artillerie allemande. En 1915, ces tirs détruisirent le dernier étage et réduisirent la hauteur des tours à 44 m. Comme l'artillerie allemande ne tirait sur les tours que lorsqu'elles abritaient des observateurs, les Français soupçonnèrent la présence d'un espion à proximité. Ils cherchèrent longtemps en vain cet espion avant de comprendre qu'à chaque fois que les observateurs grimpaient dans les tours, ils provoquaient l'envol des centaines d'oiseaux qui y nichaient. Ce qui n'avait pas échappé aux observateurs allemands. Les troupes françaises furent remplacées en 1916 par les Britanniques. Ceux-ci établirent à proximité un centre de secours ainsi qu'un cimetière militaire à Écoivres. Le carré militaire, incorporé au cimetière civil, abrite la dernière demeure de 786 soldats britanniques et canadiens. Les vestiges de l'abbaye furent classés Monument historique en 1921. Une restauration fut réalisée en 1990 et une autre en 2008.

Les tours de l'abbaye sont situés au centre du village de Mont St-Éloi à proximité d'Arras.

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