La tombe de Saint-Euchaire

La petite ville médiévale de Liverdun possède, au sein de son église, un étrange gisant dont le personnage porte sa tête dans ses mains. Il s'agit de la tombe de Saint-Euchaire, un des saints céphalophore de Lorraine.

Euchaire ou Eucaire serait un des enfants de Baccius et de Lientrude, souverains ou gouverneurs d'Apollogranium (Grand dans les Vosges). Il avait un frère, Elophe, et trois sœurs, Libaire, Menne et Suzanne. Euchaire était un évêque chrétien officiant à Apollogranium. En 351, l'empereur romain Constance II nomma Julien (331-363) César en Gaule. Entre 356 et 362, Julien mena sept campagnes contre les barbares en Gaule du Nord et en Germanie. À la mort de Constance, en 361, Julien devint empereur sous le nom de Julien l'Apostat. Il fit alors renaître l’idolâtrie et ordonna la persécution des chrétiens. Il fit décapiter Libaire le 7 octobre 361 à Apollogranium. Selon la légende, Libaire prit sa tête et alla la laver à la source sacrée puis s'endormit dans le Seigneur. Le 8 octobre, ce fut au tour de Suzanne d'être décapitée. Elophe subit le martyre de la décapitation le 16 octobre 362 à Solimariaca. Euchaire s'éloigna alors d'Apollogranium en remontant vers le nord. La guerre appela Julien en Orient. Des trois légions qui l'accompagnaient en Gaule, deux prirent la direction de l'Orient par le sud, la troisième avec Julien à sa tête, prit au nord la vallée de la Moselle. Lorsqu'il arriva à Pompey pour embarquer sur la Moselle, Julien retrouva Euchaire. Il le fit arrêter, juger et condamner à la décapitation avec 2200 de ces fidèles.

La sentence aurait été exécutée le 22 octobre 362 au Champ des Tombes à Pompey à proximité de la confluence entre la Moselle et la Meurthe. Selon la légende, Euchaire ramassa sa tête, remonta à cheval et retourna à Liverdun avec sa tête sous son bras.

Les reliques de Saint-Euchaire furent données à la chapelle du château de Liverdun par l'évêque de Toul, Saint-Ganzelin (922-962). Des religieux prémontrés, venus du monastère de Rangéval, construisirent à Liverdun une nouvelle église remplaçant la chapelle du château en 1177-1178. L'évêque de Toul, Pierre de Brixey érigea cette église en collégiale réservée au chapitre des chanoines séculiers de Toul en 1184. Pour abriter les reliques de Saint-Euchaire, dont le sarcophage initial était fort usé, Pierre de Brixey offrit une somptueuse châsse. Une nouvelle châsse encore plus somptueuse fut offerte en 1270 par l'évêque de Toul, Gilles de Soray. L'église fut incendiée en 1467 lors d'un siège de la ville de Liverdun.

C'est de l'époque de la reconstruction de l'église que daterait le tombeau de Saint-Euchaire actuellement visible. Selon l'historienne de l'art, et ancienne directrice du CNRS, Lilianne Brion-Guerry (1917-2006), le tombeau serait une œuvre du chanoine de Toul, Jean Pelerin dit le Viator (1435 ou 1440-1524). En 1587 ou en 1590, des soudards de l'armée protestante du duc de Bouillon brisèrent la châsse et jetèrent les ossements s'y trouvant au feu. Les cendres et charbons récupérés sur le bûcher seraient les ultimes reliques de Saint-Euchaire. Selon une autre source, les ossements furent dispersés. Ils auraient été retrouvés il y a quelques années à l'évêché de Nancy-Toul qui les donna à l'église de Pompey. Le tombeau de Saint-Euchaire fut, à une date indéterminée, dissimulé derrière des boiseries et l'escalier d'accès à la tribune de l'orgue. Il fut redécouvert en 1887 par l'abbé Mirguet.

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L'épitaphe de Saint-Euchaire

Traduction de l'épitaphe d'après Léon Germain.

L'amy de Dieu et vray martir Euchaire,
Jadis de Grand évêque débonnaire,
Noble de sang, filz de Baccil réal,
L'an de salut trois centz soixante et deux égal,
Par Julian jadis empereur des Romains,
Dit l'apostat pour ses fais inhumains,
Fit mectre à mort, par Wandres (Vandales) et par Paiens,
Vingt deux centz chevaliers xptiens (chrétiens),
Près de Pompain (Pompey) au lieu con dit Aux Tombes,
Des dessusdis le benoît saint Euchaire,
Estoit guidon, miroir et exemplaire.
Par grâce de Dieu, son chief (sa tête) il apportat
A Liverdun, comme sa vie le tesmoigne,
Duquel le corps sans quelque doute aucune.
Fut inhumé et mis en cette place.
Jésus nous doint (donne) en paradis la place.

Le portail de l'église de Liverdun fut remplacé au cours du XVII^e ou du XVIII^esiècle par le portail visible actuellement et représentant le couronnement de la Vierge. En 1854, l'ancien chevet du chœur fut remplacé par un chevet plat muni d'une grande rosace refaite selon les plans initiaux. L'église fut classée Monument historique en 1924. Les vitraux du chœur datent de 1950.

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