La cathédrale San Martino de Lucca abrite deux chefs-d'œuvre, l'un du Moyen-âge et l'autre de la Renaissance. Le Volto Santo, la Sainte Face, est un grand crucifix du XIIIe siècle, objet d'une profonde dévotion et le symbole de la ville. Le tombeau d'Ilaria del Carretto est le plus bel exemple de l'art funéraire italien du XVe siècle.
La première église érigée à cet endroit aurait été fondée par St-Frediano au VIe siècle. Elle est devenue cathédrale, en 780, lorsque l'évêque Jean 1er y installa les reliques de St-Regalus qu'il rapporta de l'antique ville de Populonia. Auparavant, la cathédrale était l'église San Giovanni e Reparata. En 782, la cathédrale accueillit en son sein le Volto Santo. L'évêque Anselmo da Baggio estimant que le bâtiment n'était pas à la hauteur des reliques qu'il abritait le fit reconstruire en 1060. Devenu pape sous le nom d'Alexandre II, il consacra la nouvelle cathédrale en 1070. Le bâtiment était une basilique dont la nef était séparée par quatre rangées de colonnes et surmontées de galeries réservées aux femmes. En 1196 fut décidée la reconstruction de la façade. Celle-ci était constituée d'un porche construit en 833 puis détruit en 905 et reconstruit en 928. Le nouveau porche fut construit en 1204 par l'architecte Guidetto di Como, sculpteur et architecte de la cathédrale de Pise. La décoration interne du porche ne fut réalisée qu'en 1233. Durant le Moyen-âge, ce porche était occupé par les changeurs d'argent attiré par les nombreux pèlerins de la Via Francigena. Une inscription au sein du porche rappelle l'engagement des changeurs de ne pas frauder les clients et invite ceux-ci à faire confiance au clergé de la cathédrale et à Saint-Martin.
En 1308 débutèrent les travaux de reconstruction du transept et de l'abside. Ces travaux sont repris en 1320 par Rolenzi Bonaventura comme l'atteste une plaque qu'il apposa à la limite des travaux effectués par ses prédécesseurs. Lorsque ces travaux s’achevèrent en 1372, il fut constaté l'instabilité des piliers de la nef. Le conseil de la ville fit alors venir des architectes qui travaillaient à la basilique Santa Maria del Fiore à Florence en cours d'achèvement. Ceux-ci considérèrent que les piliers réalisés jusqu'à présent étaient trop petits et pas assez solides et qu'il fallait reconstruire les piliers, les galeries et tout le haut de la nef. Les crédits accordés à ces travaux seront cependant insuffisants et Bartolomeo di Nicolao Bacchini demandera de nouveaux fonds à la ville en 1379, puis à nouveau en 1384. En 1387, le pape Urbain VI accorda également des crédits. Les travaux s'achevèrent finalement en 1390.
La cathédrale actuelle rassemble un style roman pisan à l'extérieur avec un aménagement intérieur de style gothique du XIVe et du XVe siècle. Son plan est une croix latine constituée d'une nef dont les deux bas-côtés sont surmontés de galeries, d'un transept de même hauteur que la nef centrale et d'une abside semi-circulaire éclairé par trois fenêtres romanes. À la façade, en marbre blanc et vert, est accolé un campanile haut de 69 m. Ce campanile de cinq étages est composé en partie basse de murs en brique et en partie haute de marbre. La nef, séparée par de robustes piliers rectangulaires, a une largeur de 27 m. La nef est haute de 27,50 m et la longueur de la cathédrale est de 84 m. Le sol de la nef est en marbre.
La voute du choeur
Le tympan d'une des trois portes du porche d'entrée
La cathédrale abrite depuis 782 le Volto Santo, la Sainte Face. Ce grand crucifix aurait, selon la légende, été sculpté par Nicodème. Nicodème aida Joseph d'Arimathie à descendre le corps du Christ de la croix après sa crucifixion pour le déposer dans le tombeau. Il sculpta ensuite le Volto Santo sauf le visage, car il craignait de ne pouvoir rendre justice à la face du Christ. Il s'endormit laissant son œuvre inachevée. À son réveil, il constata que le visage avait été miraculeusement sculpté par un ange. L'œuvre fut par la suite cachée dans une grotte pour la soustraire aux musulmans. Elle fut retrouvée par l'évêque Gualfredo, en pèlerinage en Terre Sainte, après que l'emplacement lui fut relevé en rêve. Pour que Dieu décide de l'emplacement où devait être vénérée la sainte relique, il la déposa sur un bateau sans pilote et sans voile. Celui-ci aborda sur la côte d'Italie du Nord. L'évêque de Lucca, informé par un rêve (lui aussi), retrouva le bateau et fit transporter la croix par un chariot tiré par deux bœufs qui s'arrêtèrent miraculeusement à Lucca (comme par hasard). Le crucifix fut alors placé à l'église San Frediano. Le lendemain au lever du soleil, le crucifix fut retrouvé dans la cathédrale San Martino. La main divine avait désigné l'endroit où il devait être exposé.
La chapelle du Volto Santo
Le Volto Santo
Voici pour la légende, dans les faits aucun document ne fait mention de la Volto Santo avant le XIe siècle. Les spécialistes s'accordent sur le fait que le crucifix actuel est une copie du XIIIe siècle d'une œuvre du XIe siècle peut-être elle-même une copie d'une œuvre syrienne du VIIIe siècle. Il s'agit d'une sculpture en bois de noyer dont le personnage est plus grand que nature. Il fait 2,45 m de haut et son envergure est de 2,65 m. Il est revêtu d'un colombium, robe spéciale portée par les prêtres au Moyen-âge, lié à la taille par un double nœud caractéristique de la prêtrise de l'époque. Cette robe, actuellement noire, porte des traces rouges, symbole des martyrs. Les pieds sont représentés droits contrairement aux représentations habituelles des crucifix où ils sont croisés. Autre particularité, les yeux sont représentés ouverts pour symboliser le Christ triomphant de la mort contrairement aux crucifix où ils sont fermés en signe du Christ mort sur la croix. Ces yeux, réalisés en poudre de verre et feuille d'argent, forment un regard qui suit le visiteur tournant autour du crucifix. La face et les mains du Christ sont noires contrairement aux pieds qui sont clairs. Il s'avère que le visage et les mains sont noircis par la fumée des cierges alors que les pieds sont nettoyés par les attouchements des nombreux fidèles. La statue possède également à l'arrière de la tête un petit tiroir ayant contenu une relique. Nul ne sait de quelle relique il s'agissait.
Le Volto Santo (© Wikipédia)
Le Volto Santo fait l'objet d'une fête religieuse le 3 mai et surtout les 13 et 14 septembre. Jusqu'en 1921, une procession transportait le crucifix entre l'église San Frediano et la cathédrale. La participation à la procession était obligatoire sous peine de sanctions pour tous les hommes âgés de 14 à 70 ans durant tout le Moyen-âge. En 1484, le secrétaire du Vatican, Domenico Bertini fit construire une chapelle à l'intérieure de la cathédrale pour abriter le Volto Santo. La chapelle a été réalisée, pour un montant de 750 ducats, par Matteo Civitali (1436-1501). C'est une enceinte octogonale en marbre. Huit colonnes soutiennent des chapiteaux en plein cintre surmonté chacun d'une architrave décorée de frises de fruit avec au centre un bouclier portant les armoiries de Bertini. L'espace entre les colonnes est fermé par des grilles en fer forgé sauf les trois espaces situés derrière le crucifix, qui sont clos par des miroirs. L'ensemble est surmonté d'un dôme hémisphérique couvert de plaques multicolores couronné d'une lanterne portant la devise de Bertini.
La chapelle du Volto Santo
Le tombeau d'Ilaria Del Carretto est un magnifique gisant en marbre réalisé entre 1406 et 1408 par Jacopo della Quercia. Ilaria était la jeune épouse de Paolo Guinigi, seigneur de Lucca entre 1400 et 1430. Leur mariage fut célébré en février 1403 et elle donna naissance à un fils nommé Ladilao en 1404. Elle décéda le 8 décembre 1405, à 25 ans, en donnant naissance à son second enfant nommé comme elle, Ilaria. Son corps reposant dans la chapelle privée de la Villa Guinigi, le sarcophage de la cathédrale n'est donc qu'un cénotaphe. Quercia s'est inspiré de l'art funéraire gothique français notamment bourguignon pour réaliser un gisant couché sur un catafalque. Le personnage est habillé d'une élégante robe avec de larges manches se terminant sur les poignets et avec une haute guimpe qui enserre le cou. Une bande de tissu enserre le buste sous la poitrine. Elle porte une coiffure typique de l'époque avec un arceau rembourré et sa tête repose sur deux oreillers. Au pied d'Ilaria se trouve un chien, symbole de la fidélité conjugale.
Le tombeau d'Ilaria del Carretto
Le tombeau d'Ilaria del Carretto
Le visage d'Ilaria (© Wikipédia)
Le visage d'Ilaria (© Wikipédia)
En 1408, le sarcophage a été placé au centre de la cathédrale. Lorsque Paolo Guinigi fut renversé et chassé de la ville en 1430, ses biens furent confisqués et le sarcophage fut dépouillé de ses décorations latérales. Il fut ensuite relégué dans un endroit isolé de la cathédrale. En 1488, des artistes locaux reconstituèrent les décors du sarcophage. Actuellement, le sarcophage, rééquipé des décors originaux, qui furent retrouvés, est exposé dans la sacristie de la cathédrale.
St-Martin partageant son manteau avec un mendiant
Le porche d'entrée
L'église San Giovanni e Reparata, l'ancienne cathédrale, a été construite au cours du IVe siècle. Il s'agit d'une nef séparée des bas-côtés par des colonnes. Les murs et les colonnes contiennent de nombreux matériaux romains en réemploi. Elle possède un plafond en caisson de bois réalisé durant le XVIIe siècle, à l'initiative de César Tarrettini (1598-1622). Il fit également reconstruire la façade dans un style Renaissance en conservant le portail roman du XIIe siècle. À l'église sont accolés le baptistère St-Jean et le Campanile. Le baptistère a été couvert d'une coupole octogonale sur une base carrée en 1393.
L'église San Giovanni e Reparata
D'importantes fouilles furent entreprises sur le site en 1969. Elles ont mis à jour un important site archéologique qui fut aménagé pour la visite et ouvert au public en 1992. Enfouis sous l'église actuelle, fut mis à jour la basilique paléochrétienne du IVe/Ve siècle, situé à 2,20 m sous le niveau de la rue. Sous le baptistère St-Jean furent dégagés cinq niveaux de constructions successives. La plus ancienne couche correspond à des fragments de chaussée d'une domus romaine du 1er siècle apr. J.-C.. Elle est surmontée de vestiges de thermes romains datés du 1er et du IIe siècle. Un premier baptistère chrétien apparait au IVe siècle. Il est remplacé par un deuxième baptistère puis par un troisième qui fut utilisé du IXe au XIIe siècle.
Le baptistère
Le baptistère
Le dôme du baptistère
L'église du XIIe siècle a été construite sur la basilique du Ve siècle en respectant les mêmes dimensions. Sous l'abside actuelle sont visibles l'abside originelle du IVe et du Ve siècle ainsi qu'une crypte carolingienne des VIIIe et IXe siècles. Cette crypte abritait les reliques de St-Panteléon de Nicomédie qui était conservé dans une urne romaine du IIe siècle. Sous la nef a été retrouvée une zone de travail utilisé lors de la reconstruction du XIIe siècle. Elle comprend quatre fours à chaux et une zone de coulée utilisée pour la fabrication des cloches en bronze. Cette zone fut recouverte, avec les vestiges de la basilique du IVe siècle, par le sol de l'église du XIIe siècle.
Sous le baptistère
Sous la nef
La mosaïque antique
Un des fours à chaux
Dans la nef de l'église San Giovanni e Reparata est exposé un sarcophage romain de la seconde moitié du IIe siècle apr. J.-C.. La provenance de ce sarcophage reste mystérieuse. Selon une version, il aurait été découvert en 1692 lors des travaux de fondation de la chapelle St-Ignace construite par Domenico Martinelli. Le professeur Charles Robert Chiarlo pense cependant qu'il provient de l'église San Frediano où il était utilisé comme baptistère ou reliquaire. Il fonde son hypothèse sur deux lettres de Nanni di Miniato à Matteo Strozzi, daté de 1428 et 1430, qui parlent de deux "Sippolterri", l'un situé à Vicopelago (détruit depuis) et l'autre à San Frediano. Les descriptions figurant dans les lettres ne correspondant à aucun sarcophage connu à San Frediano, le professeur suppose qu'il s'agit de celui exposé à San Giovanni.
Le sarcophage romain du IIe siècle
Ces photographies ont été réalisées en mars 2016.
Y ACCÉDER:
L'accès à la cathédrale et à l'église San Giovanni e Reparata sont payant. Les visites sont possibles de mars à octobre de 10 h à 18 h et de novembre à février de 10 h à 17 h.
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Cette page a été mise en ligne le 16 mai 2016
Cette page a été mise à jour le 16 mai 2016