Les meulières de Vouan

Le grès du Mont de Vouan fut exploité de la période romaine jusqu'au XIX^e siècle pour produire des meules à grains. Les soixante-douze carrières recensées par la campagne de prospection du CNRS en font la plus grande meulière du sud-est de la France.

L'exploitation, débutée à l'antiquité, prit un essor industriel au cours du XIII^e siècle. En 1750, la production alimentait le bas Faucigny, le Genevois et tous les environs à 50 km à la ronde. La pierre extraite avait cependant deux défauts. Le premier était sa couleur, jaune à grise, qui ne lui permettait de moudre que du seigle dans ce qui fut nommé des moulins bruns. Le deuxième défaut était qu'elle était moins résistante que les meules d'autre provenance. Les meules de Vouan finirent donc par n'être utilisées dans les moulins uniquement comme meule dormante, la meule tournante étant constituée de pierre en provenance du Chablais. L'arrivée par train de meules plus résistantes et de couleur blanche en provenance de La Ferté-sous-Jouarre sonna peu à peu la fin des meulières de Vuan. La dernière exploitation, la Molière de la Corbière fut abandonnée en 1908. Durant la période d'exploitation, environ 200 000 meules auraient été produites. Au XVII^e siècle, le prix d'une meule avoisinait celui d'une maison ou d'une parcelle de terre. Les fronts de taille, mis bout à bout, présentent une longueur de 2,4 km pour une hauteur de 5 à 8 m. En 2009, la Molière à Vachat, les meulières de Grand'Gueule, Noire et Longue furent classé Monuments historiques.

Le Mont de Vouan fait partie de l'unité tectonique du massif du Chablais. Il s'agit d'une accumulation de grès, de conglomérat et de marne formant un flysch d'âge éocène (56 à 34 millions d'années). Les meulières sont creusées dans les niveaux gréseux dépourvus de galets. Ces niveaux présentent une inclinaison vers le sud-est. Les meulières se situent sur le versant nord du Mont de Vouan et sur le versant sud-est des Voirons. Les carrières sont en bord de falaise formant des fronts de taille d'environ 200 m de longueur et de 5 à 8 m de hauteur.

Les meules extraites avaient un diamètre de 900 à 2000 cm et une épaisseur allant de 30 à 40 cm. Le poids maximum était de deux tonnes. Pour fabriquer une meule, les ouvriers traçaient à l'aide d'un compas le pourtour puis creusaient avec une pointerolle (à partir du XIII^e siècle) ou un pic (à partir du XVII^e siècle) une tranchée circulaire de 30 cm de large et profonde de x centimètres. La meule était ensuite détachée de la roche selon deux méthodes. Au début, les ouvriers taillaient une longue saignée, nommée encoignure linéaire, à la base de la meule puis y inséraient des coins en bois qu'ils arrosaient avec de l'eau. Le gonflement du bois provoquait la cassure de la pierre. À des temps plus modernes, les ouvriers taillaient des petits logements rectangulaires, nommés emboiture, à la base de la meule puis y inséraient de force des coins en fer pris en sandwich entre deux plaques en fer qui provoquait la cassure de la pierre. Le creusement des meules provoquait la formation d'alvéoles formant ainsi des tubes verticaux de 2 à 3 m de hauteur et jusqu’à une dizaine de mètres à la meulière Longue. Les meules y étaient extraites horizontalement comme des piles d'assiettes. À la Molière à Vachat ou à Grand'Gueule, les meuliers ont d'abord creusé horizontalement puis dans des puits verticaux allant jusqu'à 15 m de profondeur. Le détachement des meules provoquait cependant de nombreux déchets dus à la mauvaise cassure de la pierre. L'ébauche ainsi obtenue était évacuée vers un atelier de finition où s'opéraient le surfaçage des faces actives et le percement du trou central. Les meules partaient ensuite sur des chariots renforcés (fardier) ou sur des traineaux tirés par un attelage de bœufs ou de chevaux.

En 2010 et 2011, le CNRS réalisa une prospection des sites. Soixante-douze carrières de meules à moulins et à mains furent reconnues. Certaines d'entre elles n'étant plus accessibles aujourd'hui que par des techniques d'escalade (descente en rappel le long de la falaise). Quatre carrières furent ensuite fouillées par les archéologues, la meulière de Grand'Gueule ou caverne des fées, la meulière longue ou des 73 mètres, la Molière à Vachat et la Molière de la Corbière.

La meulière de Grand'Gueule fut exploité du Moyen-âge au XV^e ou XVI^e siècle. La chambre d'extraction a une longueur de 54 m, une largeur de 30 m et une hauteur de 15 m. Elle produisit entre 10 000 et 20 000 meules d'un diamètre de 110 à 160 cm. Au sud de cette meulière se trouve une exploitation aérienne où les meules furent extraites selon un plan subhorizontal. Cent vingt-neuf tubes d'extraction se suivent sur une longueur de 300 m. La meulière Longue fut exploitée du Moyen-âge au XVIII^e siècle.

La Molière à Vachat, abandonné à la fin du XIX^e siècle, produisit entre 2000 à 10 000 meules d'un diamètre compris entre 135 et 148 cm et épais de 20 à 45 cm. La carrière s'étend sur une longueur de 300 m. La chambre d'extraction s'enfonce selon un angle de 45° sur 30 m de profondeur. L'exploitation se faisait selon un plan vertical au travers de 185 tubes. L'exploitation était confiée à différentes communautés, les concessions étant séparées par de minces parois de roche.

La Molière de la Corbière, située sur la commune de Saint-André de Boëge, fut exploité entre le XIII^e siècle et 1908. La falaise entamée sur 200 m de longueur et sur une profondeur de 15 m produisit entre 3000 et 5000 meules d'un diamètre de 1 à 2 m.

Sauf indications contraires, les photographies ci-dessus sont de la Molière à Vachat et ont été réalisées en janvier 2023.

De Boisinges, prendre la D292 (route de Vouan) en direction du Pont de Fillinges. À la sortie du village, prendre à droite le chemin "VC1 du pont de Buquigny à la limite de Fillinges". Au bout du chemin, prendre à droite jusqu'a à la "Fontaine qui rit". De là, suivre à pied le fléchage (environ 2 h de marche).

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