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Le parc archéologique San Agustin

La civilisation précolombienne qui laissa de nombreux vestiges mégalithiques dans la région de San Agustín en Colombie reste encore mystérieuse. Son nom nous est même inconnu. Ils nous ont laissé plus de 600 statues monumentales et de nombreux dolmens.

La civilisation de San Agustín occupait la région sud-ouest de l'actuelle Colombie sur le versant oriental de la cordillère centrale. Le village de San Agustín est situé à 520 km de Bogota à 1700 m d'altitude dans la vallée du Rio Magdalena. Ils s'agissaient d'agriculteurs pratiquant la culture en terrasses et vivant dans des huttes en bois. Ils pratiquaient l'égalité des sexes et étaient visiblement obsédés par la vie après la mort. Bien qu'ils eussent développé des connaissances avancées en mathématique et des techniques très avancés en sculptures, ils utilisaient des outils en pierre taillée de faciès paléolithique avec quelques haches en pierre polie de faciès néolithique. Ils ne firent jamais évoluer leurs outils et utilisèrent que des poteries de forme peu variée (globulaire ou aplati). Les parures retrouvées dans les tombes sont constituées de "nurigneras", en forme de demi-lune en or, de boucles d'oreilles en forme d'anneaux en or et de colliers constitués de perles en or ou en pierre. Ils pratiquaient également le sacrifice humain.

Les conquistadors espagnols passèrent totalement à côté des vestiges de cette civilisation sans même en soupçonner l'existence. Les historiens contemporains tels que Pedro Simon, Pedro de Cieza de Léon ou Juan de Castellanos, ne les mentionnent pas dans leurs écrits. Ce n'est qu'en 1757 que le père capucin espagnol Juan de Santa Gertrudis surprenant un prêtre pillant des tombes en vue d'y trouver de l'or en fit la découverte. Son témoignage disparut cependant dans les archives d'un couvent de Majorque où il fut retrouvé en 1956. En 1797, Francisco José de Caldas publia une brève description du site dans son étude géographique de la région. Agustín Codazzi en publia une description en 1857. Ce n'est qu'en 1913 que l'ethnologue allemand Konrad Theodor Preuss fouilla sur le site. Il publia ses recherches dans le "Monumentale Vorgeschichtliche Kunst" en 1919. Ils font toujours référence. Le gouvernement colombien créa, en 1935, un parc archéologique de 116 hectares couvrant les sites les plus importants. Une nouvelle fouille fut réalisée en 1936-1937 par José Perez de Barradas. Il découvrit la fontaine sacrée de Lavapatas. Sa fouille fut reprise en 1940 par Gregorio Hernandez de Alba. José Perez de Barradas publia en 1943 (ou en 1938 ?) son "Arqueologia Agustiniana" qui permit l'identification de l'existence sur une période de 1500 ans d'une culture mégalithique septentrionale andine. Cette civilisation fut ensuite étudiée par Luis Duque Gomez. Une nouvelle fouille du site fut réalisée en 1966 par Gerardo Reichel-Dolmatoff. Le parc archéologique San Agustín est classé "Patrimoine mondial" par l'UNESCO depuis 1995.

Actuellement, une douzaine de sites sont connus, parmi lesquels se trouvent : Mesitas (A, B, C et D), Alto de Las Idolas, Estacion, Alto de Lavapatas, Alto de Las Piedras (qui sont tous les cinq dans le parc archéologique), Parada, Naranjos, Ullumbe, El Tablon et Alto de Las Guacas. Le parc archéologique contient un tiers des 600 statues connues et la moitié des 20 tumulus. Le site des Mesitas (80 hectares) contient à lui seul 8 tumulus et plus de 100 statues. Les tombes identifiées (Mesitas A et C) sont accompagnées des vestiges des résidences des familles des élites de la civilisation. Les spécialistes supposent que juste 10 % des sites ont été découverts. Ils supposent que des temples en forme de pyramides de type maya et d'autres structures restent à découvrir. Au nord de la vallée du Rio Magdalena sur la côte atlantique se trouvent les ruines de "Ciudad Perdida", identifiées comme un site d'accostage de colons maya venu par bateau du Yucatan. Les datations au C14 de ce site donnent une occupation de 555 av. J.-C. à 1630 apr. J.-C. correspondant à la période de la civilisation de San Agustín (Reichel-Dolmatoff 1972).

La civilisation de San Agustín nous a laissé des tombes d'aspect très varié. Elles peuvent être soit de simples fosses soit des dolmens, simples ou à chambres latérales, recouverts d'un cairn pouvant atteindre 5 m de hauteur et 30 m de diamètre. La diversité des tombes n'est pas liée à une évolution chronologique, mais à des différences sociales relevées par la nature et les richesses des tombes. D'autres dolmens à couloir et chambres latérales sont considérés comme étant des temples. Les chambres latérales servaient à entreposer des offrandes déterminées par la quantité de poteries brisées retrouvées. Les dolmens sont constitués d'un nombre variable de minces orthostates formant le couloir et supportant les dalles de couverture. Les différentes dalles sont brutes et assemblées sans recherche. Il n'y a que la première dalle de couverture qui est travaillée pour former un liteau au-dessus du seuil. Sous ce liteau sont placées, de part et d'autre de l'entrée, deux statues de gardien. Ces statues sont à double face pour être également vu en sortant du dolmen. Dans les temples, une statue de divinité est placée dans la chambre soit adossée à la paroi du fond (statue dont le dos n'est pas travaillé) soit écarté de cette paroi si le dos de la statue est sculpté.

Les temples sont toujours placés sous un cairn entouré d'un cercle de dalles dressées sur chant. Les dolmens servant de sépulture ont une chambre rectangulaire close de tous côtés. Le sol de la chambre peut être pavé ou en terre et contenir un sarcophage monolithique. Les corps peuvent également avoir été déposés directement sur le sol. Aucun squelette n'a cependant été découvert, n'ont été recueillis que quelques fragments d'os et de dent, car la grande humidité et l'acidité du sol ne permettent pas la conservation des corps. Les dalles des tombeaux et des temples sont largement gravées et peintes. Les gravures représentent des humains stylisés, des astres, des objets et des lignes entrecroisées ou des signes géométriques. La peinture est généralisée et complète les sculptures. Pour les peintures, très simples, n'ont été utilisés que du noir, du blanc, du jaune et du rouge. En 1937, Hermann von Walde Waldegg, du Boston Collège, a vu dans ces gravures des calendriers, théorie qui n'a pas été confirmée par d'autres chercheurs.

Un temple

Les statues monolithiques, caractéristique de la culture San Agustín, ont une hauteur comprise entre 0,50 m et 2 m. Certaines ont même jusqu'à 4 m de hauteur. Leurs poids peuvent atteindre 15 tonnes. Elles ont été sculptées sur place dans de la pierre volcanique disponible en abondance sur place. Elles possèdent une tête énorme, un corps trapu et massif et des membres courts et raides. Les sculpteurs se sont surtout intéressés au visage représenté avec une bouche armée de longues canines figurant des hommes félins. Elles tirent souvent la langue, un détail également présent dans les cultures des iles du Pacifique et des Amérindiens du Nord-ouest canadien. Certaines des statues ont un petit personnage sur leur épaule qui représente un curieux dédoublement du sujet. Les statues font partie du mobilier funéraire et furent donc inhumées avec les défunts. Seules quelques-unes d'entre elles sont disposées à leur emplacement d'origine (les tombes les plus récemment découvertes), les autres ont été exhumés et disposés au hasard sur le site, parfois assez loin du lieu de la découverte.

À proximité du site funéraire se trouve la source Lavapatas. Dans le lit de la rivière ont été sculptés plusieurs canaux distribuant l'eau par de multiples méandres dans trois bassins. Ceux-ci sont entourés de multiples sculptures de serpents, de têtards de grenouille, de lézards, de quadrupèdes, de singes, d'hommes et de têtes humaines. L'ensemble démontre que la civilisation de San Agustín vouait un culte à l'eau. L'eau étant indispensable à une civilisation d'agriculteurs.

Luis Duque Gomez et Julio César Cubillos au cours de leurs études ont déterminé que la civilisation de San Agustín s'est développée en plusieurs périodes. Ils ont reconnu une période archaïque, allant de 3300 à 1000 av. J.-C., une période formative, allant de 1000 av. J.-C. à 200 apr. J.-C., une période classique, allant de 400 à 1200 apr. J.-C., et une période récente, allant de 1400 à 1650 apr. J.-C.. La période formative est caractérisée par les tombes à chambre latérale, l'utilisation de cercueil en bois et l'apparition du travail de l'or. Durant la période classique apparaissent les tumulus (cairn), les sarcophages monolithiques (certains en forme de crocodile) et les statues monolithiques (entre 300 et 800 apr. J.-C.). La période récente correspond au déclin de la civilisation préalable à sa disparition qui est antérieure à la conquête espagnole. Les datations au C14 ont montré que le site de San Agustín fut occupé à partir de 500 av. J.-C. et abandonné vers 1350 apr. J.-C..

José Perez de Barradas a résumé la civilisation de San Agustín ainsi : "Pour sa vie quotidienne, l'homme de San Agustín se contentait d'habiter des huttes de paille. Mais pour ses dieux, il édifiait des temples faits de lourdes pierres qu'il amenait de la carrière et travaillait au prix d'efforts titanesques. Pour lui, il fabriquait de grossiers outils de pierre qu'il ne perfectionna pas au cours des âges ; mais, inspiré par l'amour des dieux, il usa de ses outils grossiers pour sculpter, avec une patience infinie, au prix d'un labeur opiniâtre, les statues de divinités dont l'aspect monumental et l'expression d'un art qui touche à la perfection nous surprennent tant…"

Ces photographies ont été réalisées en 2015 par la famille Pottier.

Y ACCÉDER:

Le parc archéologique de San Agustín est situé près de la municipalité de San Agustín dans le département de Huila à 520 km de Bogota dans le sud-ouest de la Colombie.

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Cette page a été mise en ligne le 24 septembre 2017

Cette page a été mise à jour le 24 septembre 2017