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Le fort de Montfaucon

Le fort de Montfaucon est parfois appelé Fort Neuf de Montfaucon du fait de la présence à proximité de la redoute dite "vieux fort". Officiellement, il reçut, en 1887, le nom de Fort Woirol en l'honneur du général de division Théophile Woirol dit Voirol, commandant militaire de la place de Besançon de 1840 à 1848.

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L'entrée du fort

Les défenses de la ville de Besançon ne connurent aucune modification notable depuis la construction de la citadelle et des fortifications de la ville par Vauban. Avant la guerre franco-prussienne de 1870, plusieurs ingénieurs militaires firent état de la vulnérabilité de la ville à cause de sites comme le Mont de Brégille ou la colline de Chaudanne où les systèmes de défense pouvaient être considérés comme obsolete. Ces sites stratégiques furent, au cours de l'histoire de la ville, le théâtre de combat. L'armée française y construisit donc dans l'urgence de nouvelles redoutes et des batteries d'artillerie. Après la défaite de 1871, le général Séré de Rivières entreprit la construction d'une nouvelle ligne de défense des frontières nord et est de la France. Cette ligne était constituée d'une série de forts censés canaliser les troupes ennemies vers des points de passage fortement défendu. Les villes situées sur ces lieux de passage furent dotées de nombreux forts comme Verdun, Épinal ou Belfort. À Besançon furent établis 25 ouvrages dans un rayon de 50 km autour de la ville.

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L'entrée du fort

La mission du fort de Montfaucon était de tenir sous son feu la plaine de Thise, de bloquer les infiltrations le long du Doubs et d'interdire les invasions par le plateau de Saône. La crête dominant à l'ouest la plaine de Thise et à l'est le plateau de Saône-Bouclans était occupé par une redoute qui fut jugée non remaniable, du fait de l’absence d'une surface plane suffisante. Celle-ci étant cependant jugée par les militaires comme opérationnelle, elle fut complétée sur le point haut de la crête (617 m) par le nouveau fort construit entre 1874 et 1878. La redoute existante fit l'objet de travaux jusqu'en 1886. L'ensemble auquel furent adjointes trois batteries annexes constitua le puissant "mole défensif de Montfaucon". Les travaux reçurent le 13 septembre 1876 la visite du président de la République, le maréchal de Mac-Mahon. La réalisation du fort coûta la somme de 2 099 583 francs-or.

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Le débouché du fossé sur la falaise au saillant I

Le fort de Montfaucon, comme de nombreux forts Séré de Rivières, ne résista pas à la crise de l'obus-torpille apparue à la suite de l'invention de la mélinite (explosif remplaçant la poudre noire) en 1885. Les nouveaux obus apparus à cette époque rendirent les constructions de défense en pierre de taille et maçonnerie obsolète. À la suite de cette crise, le fort de Montfaucon fut modernisé.

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Le fossé (vue en direction du saillant V)

Durant l'après-midi du dimanche 16 septembre 1906, un orage violent éclata au-dessus de Montfaucon. Vers 16 h, plusieurs témoins virent la foudre frapper le fort. Un des éclairs toucha la poudrière dont le système de paratonnerre était en cours d'installation. Les 95 t d'explosifs qui y étaient entreposées détonnèrent. Le souffle de l'explosion brisa la plupart des vitres du village distant de 1200 m. Une partie du fort neuf n'était plus que ruines, dans lequel gisaient des corps. Les secours travaillèrent sans relâche pour tenter de retrouver des survivants. Il y eut 8 morts, dont 6 civils (des promeneurs) et de nombreux blessés, dont cinq soldats. Par chance ce jour, le fort n'était occupé que par un détachement d'une trentaine d'hommes assurant la garde et l'entretien de l'ouvrage. Un sergent eut le réflexe de crier "À moi les hommes dans la gaine !" anticipant ainsi le déluge de pierres qui allait retomber sur le fort. Ce qui explique le faible nombre de victimes militaires. Récemment désaffecté, le fort était jusqu'à l'automne 1905 occupé par les 300 soldats du 60e régiment d'infanterie.

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Les vestiges de la poudrière

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Les vestiges de la poudrière

La ligne de front lors de la 1re Guerre mondiale passant très loin de Besançon, il ne connut pas l'épreuve du feu. Il fut désarmé et ses canons envoyés au front, il fut ensuite déclassé. Au cours de la 2e Guerre mondiale, il fut, comme les forts de la place de Besançon, occupé par les Allemands qui en ferraillèrent une grande partie, dont, notamment, la tourelle Mougin qui dût pour cela être dynamitée. Les résistants des groupes Guy Mocquet et Marius Vallet tenteront vainement de subtiliser des explosifs les 23 mars et 16 avril 1943. Après la 2e Guerre mondiale, le fort est resté la propriété de l'armée. Elle y a installé un pylône de télécommunications et ses bâtiments techniques dans une partie de la cour. L'emprise extérieure du fort et les installations extérieures : poste optique, magasin à poudre, abris sous roc, batterie de la Carrière, etc. sont devenus en 2013 la propriété de la commune de Montfaucon. La redoute de Montfaucon, le fort ancien, est occupée par les installations de Télé Diffusion de France (TDF).

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Le fossé vu du saillant IV vers le saillant V

Le fort de Montfaucon a une forme pentagonale dont le front construit en bord de falaise a une longueur de 330 m. Le front de gorge, où se situe l'entrée, à une longueur de 170 m. Le fort, avec une superficie de près de 6 ha, est l'un des plus vastes forts Séré de Rivières. Il était prévu pour 762 hommes, 21 officiers et 54 sous-officiers. Le fort adossé à la falaise est entouré sur les autres côtés de larges et profonds fossés. Le fort de Montfaucon possède une cour centrale de plus d'un hectare flanqué de deux casernements, l'un long de 150 m et l'autre long de 120 m. Ils sont situés à faible distance des fossés nord-est et sud-est. Ces casernements, en partie sur deux niveaux, abritent les chambrées de la troupe et des sous-officiers, mais également des magasins (890 m2), des bureaux, la boulangerie (2 fours de 300 rations/jours), etc. Sur le cavalier en terre qui recouvre les casernements ont été aménagées les plateformes d'artillerie séparées par neuf abris-traverses et quatre casemates à canons dont les cuirassements en fonte dure ne furent pas réalisés. La rue du rempart, située entre le cavalier et le fossé nord-est, dessert les positions d'artillerie, des parapets d'infanterie et, à son extrémité, la tourelle cuirassée. Le bloc d'entrée possède un corps de garde défensif. Le porche d'entrée débouche sur une cour intérieure ayant à sa droite les locaux disciplinaires et les écuries (6 chevaux) et à sa gauche le casernement des officiers. À droite du couloir de sortie situé dans le prolongement du porche, une gaine de communication dessert un corps de bâtiment hébergeant l'infirmerie (capacité de 43 malades) puis la poudrière d'une capacité de 112 t. La poudrière, protégée par 6 m de terre, a été totalement soufflée par l'explosion en 1906. Elle n'a pas été reconstruite. L'alimentation en eau est assurée par quatre citernes enterrées, d'une capacité totale de 1159 m³, recueillant les eaux de ruissellement.

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Vue aérienne du fort en 2017 (© IGN)

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Vue aérienne du fort en 1951 (© IGN)

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Vue aérienne du fort en 1963 (© IGN)

L'accès au fort se faisait par un pont-levis, à bascule par en dessous, qui a été remplacé par un pont qui enjambe actuellement le fossé. Les fossés sont larges et profonds de 8 à 10 m et possèdent des murs maçonnés, comportant sur certaines sections des arcs de décharge. Le rocher naturel est apparent aux endroits où sa compacité a rendu inutile la réalisation de maçonnerie. Les fossés sont protégés par un coffre simple au saillant III et par un coffre double au saillant IV. Les embrasures de ces coffres, protégées par leurs fossés surbaissés, sont repérables en bas des contrescarpes. Ces coffres sont accessibles depuis les casernements par des tunnels passant sous les fossés. La défense du fossé de gorge se fait depuis une caponnière située sous le pont d'entrée. Depuis cette caponnière, une position d'infanterie flanque la section gauche du fossé tandis que la section droite l'est par une position d'artillerie. Un petit coffre de contrescarpe vient compléter l'ensemble.

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Vu sur le cavalier du fort

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Le saillant IV

L'armement initial du fort se composait de 32 canons et 7 mortiers, 8 autres pièces servant à la défense des fossés. En 1885, il fut équipé d'une tourelle cuirassée de type Mougin. Le fort était alors armé de 22 canons, 2 mortiers et 7 pièces de flanquement des fossés. Les deux mortiers et deux des canons étaient positionnés pour tirer vers le nord. Des autres canons, onze canons étaient pointés vers le nord-est, six vers le sud-est, un vers le sud et deux (la tourelle Mougin) tous azimuts. La tourelle Mougin, modèle 1876, fut réalisée par la société Commentry-Châtillon en 1878. Elle arriva à la gare de Besançon le 20 juin 1881. Son poids de 200 t posa de nombreux problèmes logistiques. Le montage dura jusqu'en octobre 1881. Les réglages et essais durèrent ensuite plus de deux ans, de sorte que les artilleurs ne purent en prendre possession que le 12 janvier 1885. Elle était équipée de 2 canons 155L de Bange d'une portée de 8 km. Des observatoires en béton situés à la partie supérieure de trois des casemates à canons communiquaient avec les servants de la tourelle par tuyaux acoustiques. Un blockhaus-observatoire fut construit à la fin des années 1930 à l'angle nord-est du fort.

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Coffre de défense des fossés au saillant IV

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Coffre de défense des fossés au saillant IV

À l'extérieur du fort fut construit la batterie de la Carrière, située 300 m en avant du front est. Elle est positionnée en bordure du front de taille d'une carrière qui fut ouverte lors de la construction du fort. Elle avait pour mission de battre la zone située en dessous d'elle, non visible depuis le fort. Construite en 1878, elle comporte une traverse-abri encadrant deux plateformes d'artillerie pouvant accueillir quatre canons. L'ensemble est prolongé latéralement par deux parapets d'infanterie. La traverse a été réaménagée entre 1937 et 1940. Un blockhaus accessible par un escalier qui part de l'intérieur de l'abri a été creusé en dessous, son embrasure s'ouvrant dans le front de la carrière et un observatoire bétonné a est érigée sur le sommet de la traverse. Sur le flanc est du fort, entre 1937 et 1940, l'armée française a mis en place une organisation défensive constituée de blockhaus pour mitrailleuse ou fusil-mitrailleur, de postes d'observation et d'emplacement pour groupe de combat reliés entre eux par des tranchées et gaines bétonnées. Une batterie contre aéronefs composés de six cuves circulaires situées entre la route d'accès et le poste optique a été installée vers 1929. Entourée de murets de protection, elle était armée de canons de 75 mm, modèle 1897 sur plateforme modèle 1915.

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Encuvement pour canon antiaérien

Un poste optique se trouve à 50 m du fossé de gorge et est constitué d'une casemate maçonnée en forme de quart de sphère recouverte d'une épaisseur de terre la protégeant des obus. Le mur, où se situait la porte, a disparu de sorte que l'intérieur est directement visible. La source lumineuse était fournie par une lampe à pétrole (électrique au début du XXe siècle) ou de jour par un héliostat qui captait les rayons solaires via une cheminée ouverte dans la voûte. Ce poste permettait la communication avec la redoute de Grelimbach à Salins, avec le fort du Larmont supérieur à Pontarlier et avec le môle défensif du Lomont à Saint-Hippolyte.

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Le poste optique

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Un des conduits de l'appareil optique visant la direction de Pontarlier

L'abri sous roc de Montfaucon fut creusé entre 1890 et 1893 dans la falaise bordant le chemin stratégique en contrebas du front nord de la redoute. Composé de cinq chambrées desservies par deux couloirs latéraux et une gaine arrière, il pouvait héberger 230 hommes, dont 2 officiers. Il dispose d'une cheminée pour la ventilation et est doté de locaux pour la cuisine, de latrines, deux chambres d'officiers et vraisemblablement d'une citerne. Il fut en partie dynamité par les Allemands au cours de la 2e Guerre mondiale. Une poudrière sous roc est située un peu plus bas, le long du chemin stratégique. Cette poudrière est composée à gauche d'un magasin de stockage de 10 m sur 7 m deux vestibules permettant l'accès et l'éclairage par lampes, et à droite d'un atelier de chargement des gargousses. Trois couloirs desservent l'ensemble. Le site ayant été adopté par une colonie de Grands Rhinolophes, les entrées ont été condamnées par des grilles.

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Le fossé entre le saillant V et le saillant I

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Le débouché du fossé sur la falaise au saillant II

La redoute de Montfaucon fut réalisée à la hâte durant l'hiver 1870-1871 afin d'accueillir 24 pièces d'artillerie. On l'entoura d'un fossé de quatre à six mètres de section constitué de cinq tronçons rectilignes d'une longueur totale de 320 m avec un chemin couvert. La défense des fossés fut confiée à six mortiers et cinq canons-révolver, mais on n'aménagea pas de coffres pour les flanquer. On creusa une citerne et un chemin stratégique fut aménagé depuis Morre. En 1872, une caserne à l'épreuve, longue de 26 m et constituée de cinq chambrées, fut construite dans la partie nord-est ainsi que deux abris-traverses. Au sud-ouest, peu après l'entrée, un bâtiment du temps de paix vint compléter le casernement. Ce n'est qu'en 1885-1886 qu'une poudrière fut implantée dans la partie centrale, permettant de stocker 55 tonnes de poudre. Ce local n'était pas à l'épreuve des obus-torpille qui apparurent à cette époque. À l'extérieur de la redoute, entre elle et le fort neuf, se trouvaient deux hangars d'artillerie (communs aux deux forts), ainsi qu'une mare (réserve d'eau) bordée de deux bâtiments aménagés en écurie et remise. L'accès à la redoute fut modifié lors de l'aménagement de la partie terminale du chemin stratégique du fort neuf qui longe la base de la falaise.

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Les vestiges de la poudrière

Ces photographies ont été réalisées en février 2020.

 

Y ACCÉDER:

L'accès au fort et à son belvédère est fléché dans le village de Montfaucon. Le fort ne se visite pas, seuls les extérieurs sont visibles.

 

 

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Cette page a été mise en ligne le 14 novembre 2020

Cette page a été mise à jour le 18 septembre 2021