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La batterie Dollemard

Afin d'assurer la protection de l'estuaire de la Seine et l'approche du port du Havre, fut construite, entre 1892 et 1894, au nord du cap de la Hève, une batterie d'artillerie. Celle-ci croisait ces feux avec la batterie de Villerville ou Criqueboeuf implanté sur la rive sud de l'estuaire.

Sur une ligne de front longue de 150 m furent aligné quatre plateformes pour mortier G de 270 mm modèle 1889 et, avec un angle rentrant de 15 °, quatre plateformes pour canon de 95 modèle 1888. Les mortiers étaient installés sur des affuts à châssis circulaire type G disposés dans des alvéoles maçonnés en brique et séparés entre eux par des traverses en terre contenant des niches à munitions. Les canons de 95 étaient installés sur des affuts de type C modèle 1904 également disposés dans des alvéoles en brique. Les canons de 95 disposaient d'un magasin à projectiles souterrain situé à droite des alvéoles. À l'arrière de la crête de feu, en contrebas, étaient installés, au sein d'une cour, deux bâtiments, servant de "magasin du temps de paix", une citerne, des latrines et, à l'extérieur du périmètre de la cour, une maison pour le gardien de la batterie.

Plan de la batterie Dollemard en 1914

Le bâtiment adossé à la crête de feu servait au stockage des projectiles. Depuis ce bâtiment, une galerie donnait accès au magasin sous roc creusé dans le rocher sous les plateformes des mortiers. Dans ce magasin sous roc dont les murs étaient revêtus de briques était entreposée la poudre. Deux monte-charges reliaient la galerie du magasin sous roc aux plateformes des mortiers. L'un se trouvait entre les deux plateformes centrales et l'autre se trouvait entre la plateforme droite et les canons de 95. En 1900 fut construit, à chaque extrémité de la ligne de plateforme des mortiers, un magasin de combat en béton armé. La batterie était complétée, au nord, par un projecteur de 120 mm installé en bordure de la falaise. Les différentes positions étaient reliées aux magasins en contrebas par un réseau de voie de 60 et un grand escalier, disposé à droite du magasin des projectiles, reliait la cour à la crête de feu.

À la fin de la 1^re Guerre mondiale, l'ensemble de l'armement, sauf un canon de 95, était présent à la batterie. Le programme de modernisation des forts français de 1922 prévoyait la reconstruction de la batterie Dollemard pour l'équiper de quatre canons de 138 modèle 1910 sur des affuts modèle 1919. La reconstruction de la batterie débuta en 1925. Pour installer les canons, des plateformes type BA modèle 1926, constituées d'une cuve circulaire de 7,60 m de diamètre, furent construites. Le premier encuvement fut installé contre le magasin souterrain de l'ancienne batterie de canons de 95. Le magasin, qui ravitaillait désormais la nouvelle plateforme, fut à cette occasion recouvert d'une couche de 1 m de béton armé. Le 2^e encuvement fut installé à la place de l'alvéole de droite de la batterie de mortier. Le magasin de combat de droite servit à son alimentation en projectiles. Le 3^e encuvement fut construit à gauche de l'alvéole de gauche de la batterie de mortier et le magasin de combat de gauche fut utilisé pour l'alimenter en projectiles. Le 4^e encuvement fut construit à 112 m au sud du 3^e encuvement. Il bénéficia de son propre magasin à projectiles. Deux encuvements pour deux canons de 75 modèle 1897 furent construits à 135 m au sud de l'encuvement 4. Ces canons étaient destinés à tirer des projectiles éclairants.

Plan de la batterie en 1939

Un poste de direction de tir fut construit à 230 m au sud de l'encuvement 4. Construit en béton et possédant deux étages, il était recouvert d'une plaque de blindage en acier épaisse de 20 cm. Le créneau d'observation inférieur était dédié aux canons de 138 et le créneau d'observation supérieur servait à la section éclairante. La conduite de tir était confiée à un calculateur type C modèle 26 et le télémètre était un appareil à dépression type H modèle 1934. La batterie fut également équipée en 1936 d'un projecteur de 150GP installé au nord, à l'emplacement de l'ancien projecteur. Les 147 hommes de troupe et les 3 officiers qui servaient la batterie étaient logés dans des baraquements extérieurs et des abris en tôle métro.

Le 8 août 1939 eut lieu un éboulement de falaise qui mit en évidence la proximité de la batterie avec le bord de la falaise. Le poste de direction de tir se trouvait à présent à 6 m du vide et l'encuvement 4 à 8 m du vide. Le capitaine de vaisseau De Villaine, commandant du secteur du Havre, demanda la construction d'un nouveau poste de direction de tir, 25 m en arrière. Le déclenchement de la 2^e Guerre mondiale ne permit pas d'entreprendre les travaux.

Les 11 et 12 juin 1940, la batterie fut sabordée et son personnel fut évacué sur Cherbourg. Selon le lieutenant de vaisseau Mounier, commandant de la batterie, les culasses des canons de 138, les appareils de visées et le projecteur furent jetés du haut des falaises. Deux des canons de 138 eurent leur fût coupé et les deux autres eurent les filets de vissage des culasses matés. Les culasses des canons de 75 furent démontées et les filets de vissage matés. Le poste de direction de tir fut incendié. Malgré ce sabordage, les Allemands remirent rapidement la batterie en état et la baptisèrent MKB Dollemard. Les canons furent démontés et transférés au môle à pétrole du port du Havre en 1944 pour constituer la MKB Petrolhaffen. En 1941, les Allemands construisirent, entre le cap de la Hève et la batterie Dollemard, une nouvelle batterie, la MKB Sainte-Adresse. Celle-ci devait être équipée de quatre canons de 150 installés dans des encuvements circulaires. La construction et le site furent finalement abandonnés en 1942. Lors de l'opération Astonia, conduisant à la libération du Havre, le site fut pratiquement épargné par les bombardements alliés.

Aujourd'hui subsistent de la batterie Dollemard les encuvements 1, 2 et 3 avec leur magasin souterrain, bien qu’extrêmement tagués et transformés en dépotoirs. L'encuvement 4 a été remblayé et le poste de direction de tir est en train de disparaitre du fait de l'éboulement de la falaise. L'encuvement situé à 45 m au sud-ouest de l'encuvement 3 est un encuvement pour canon de 150 de la MKB Sainte-Adresse. Les autres encuvements de cette batterie ont été remblayés. Les bâtiments et le magasin sous roc de la batterie Dollemard sont gérés et réhabilités depuis 1988 par l'association "Remenber Le Havre 1944" et le site appartient au conservatoire du littoral. Dans la cour de la batterie sont visible un canon de 50 antichar, récupéré dans un bunker type R600 de la ceinture de défense du Havre, et un canon de 88, provenant d'un U-boat et récupéré sur le port du Havre. La maison du gardien de la batterie et les latrines ont également disparu.

Ces photographies ont été réalisées en juillet 2018.

Y ACCÉDER:

Les encuvements de la batterie Dollemard sont librement accessibles en suivant le sentier côtier depuis le phare de la Hève.

L'association gérant la batterie organise périodiquement des visites des bâtiments et du magasin sous roc réhabilité. Ceux-ci sont fermés en dehors de ces visites.

Les encuvements et magasins à projectiles sont passablement tagués, servent de dépotoirs et sont enfouis sous la végétation en été.

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

Cette page a été mise en ligne le 20 octobre 2018

Cette page a été mise à jour le 20 octobre 2018