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Le sanctuaire de Grannus

L'amphithéâtre

Grannus était vénéré par les Gaulois comme dieu guérisseur. Il présidait au jaillissement des sources. Le dieu Grannus (le brillant) a été associé par les Romains au dieu Apollon. C'est de Grannus que dérive le nom de ce village, "Gran" devenu "Grand".

En vous rendant dans ce petit village, situé sur le plateau lorrain à la limite des départements des Vosges et de la Haute-Marne, vous y découvrirez un des plus importants sanctuaires romains du nord de la Gaule. Vous pourrez visiter un des dix plus grands amphithéâtres du monde romain et voir la plus grande mosaïque romaine d'Europe.

L'occupation du site est attestée bien avant la conquête de la Gaule par les Romains en 52 av. J.-C. La présence de résurgence temporaire sur ce plateau calcaire a dû donner lieu à des cultes de la part des tribus gauloises. Les Gaulois vénéraient en effet les sources comme étant le lieu de résidence de nombreuses divinités.

La construction d'un sanctuaire dédié au dieu Grannus-Apollon est attestée à partir de 70 apr. J.-C. Le sanctuaire était construit au sud-ouest de l'église actuelle. Celle-ci occupe l'emplacement d'un lac sacré comblé au Moyen-âge. Il ne reste rien de visible de ce sanctuaire à l'heure actuelle.

l'arene
L'arène de l'amphithéâtre

L'amphithéâtre est la construction la plus importante visible dans le village. Il a été construit à partir de 80 apr. J.-C. au fond d'un petit vallon, à l'est du sanctuaire. Il est bâti autour d'une arène de forme ovale de 52 m sur 34,50 m. Il s'agit en réalité d'un semi-amphithéâtre pourvu au sud de trois rangées de gradins et au nord d'une seule rangée. Ces gradins pouvaient accueillir 17000 spectateurs. Son grand axe (est-ouest) a une longueur de 148 m, ce qui le place parmi les dix plus grands du monde romain. Le "Colisée" à Rome fait 188 m de longueur et les "Arènes" de Nîmes ne font que 134 m. L'arène était séparée des gradins par un mur de 3 m de hauteur dénommé "podium". Les gradins inférieurs (ima cavea) étaient réservés aux personnalités, les gradins médians (media cavea) aux hommes et les gradins supérieurs (summa cavea) aux femmes et aux enfants.

Les arcades
Les arcades aveugles de la façade

La façade de l'amphithéâtre, donnant au nord, était constituée de part et d'autre de l'arène de cinq arcades aveugles. Ces arcades, de hauteur croissante, supportaient les extrémités des gradins supérieurs. A l'arrière de ces arcades, sont disposées de chaque côté de l'arène, deux corridors flanqués chacun de dix loges (carceres). Ces loges servaient de cages pour les animaux sauvages, de remises pour les accessoires et de vestiaires pour les gladiateurs. Au sud et au nord de l'arène étaient aménagées deux salles de prières (sacella) où les gladiateurs venaient demander les faveurs des dieux des jeux.

Le corridor Est
Le corridor avec les loges

le corridor Ouest
L'entrée du corridor ouest

L'amphithéâtre fut construit à l'origine en moellons et en petites pierres. A l'occasion de la visite de l'empereur Caracalla en 213 apr. J.-C., la façade et les corridors ont été reconstruits à l'aide de pierres de grande taille. Une autre réfection importante eut lieu lors de la visite de l'empereur Constantin en 309 apr. J.-C.

les loges
Les loges

Au sein de l'amphithéâtre furent organisées des chasses aux animaux sauvages. Pour cela des paysages avec des forêts furent reconstitués dans l'arène. Il semble que les chasses ne se faisaient qu'aux animaux locaux tels que les ours ou les loups. Aucune trace ne permet d'affirmer que des animaux exotiques tels que des lions ou des tigres furent utilisés. Un autre spectacle consistait en des combats de gladiateurs. Contrairement à la croyance populaire, le perdant d'un combat n'était pas mis à mort. Les gladiateurs étaient des professionnels dont la formation et l'entrainement étaient fort coûteux. Les gladiateurs qui mourraient dans l'arène se suicidaient après une défaite particulièrement déshonorante. Les gladiateurs qui survivaient à leurs blessures pouvaient devenir très riches et certains d'entre eux devenaient entraîneurs.

l'arene

Après avoir été abandonné vers 360 apr. J.-C., l'amphithéâtre fut redécouvert en 1820 par Monsieur Jollois. Au cours du XIXe siècle, il sert de carrière aux habitants du village avant d'être peu à peu enseveli sous la terre. A partir de 1963, les archéologues Salin et Billaret procèdent au dégagement complet de l'amphithéâtre. Mais le monument, dégagé de 50000 m3 de remblais, se dégrade sous l'action des intempéries. La pluie et le gel font éclater les pierres. En 1993, il devient urgent de protéger l'ouvrage. Il fut décidé de recouvrir la majeure partie de l'amphithéâtre avec de nouveaux gradins. Le choix s'est porté sur des gradins en bois lamellé-collé en iroko imitant au mieux l'aspect antique de l'édifice. L'iroko fut choisi, car en vieillissant, il prend une couleur proche des pierres constituant l'amphithéâtre.

La partie Est de l'amphithéâtre

Le deuxième lieu de visite est la mosaïque. Elle fut découverte en 1883 sous deux mètres de terre par Félix Voulot. Cette mosaïque couvre une surface de 224 m2 d'un seul tenant. Elle est une des plus grandes du monde romain.

la mosaïque
La mosaïque

La mosaïque ornait le sol de la partie centrale d'un bâtiment public. Ce bâtiment fut construit selon un plan qui correspond au modèle basilical défini par l'architecte romain Vitruve. D'où le nom de basilique. Ce bâtiment était destiné à la réunion des assemblées civiles qui traitait les affaires de commerce et la justice. La basilique construite à la fin du 1er siècle apr. J.-C., se composait d'une salle rectangulaire de 35,50 m sur 22 m complétée par une abside de 7,22 m. Cette grande salle était prolongée par une autre de 14 m sur 13 m. De la basilique ne subsiste que les murs de soubassement. Ceux-ci supportent actuellement la charpente du bâtiment protégeant la mosaïque.

la mosaïque

La mosaïque est constituée de petits cubes de calcaire et pâte de verre. Au centre de la mosaïque se trouve un tableau (emblema) de 4,80 m sur 2,80 m représentant deux personnages en pleine discussion. Ce tableau représenterait un pèlerin demandant une audience à un prêtre d'Apollon. Il ne reste malheureusement qu'un tiers de cette scène. A chaque angle de ce tableau, figure un animal. Deux sont des animaux locaux, un ours et un sanglier, et les deux autres sont des animaux exotiques, panthère et tigre. Ils représentent soit les quatre saisons soit les jeux de l'amphithéâtre. Le décor de cette mosaïque est identique à celle ornant les thermes de l'empereur Caracalla à Rome. Les spécialistes datent donc la mosaïque entre 200 et 275 apr. J.-C. soit largement après la construction de la basilique. Elle remplace donc certainement une mosaïque plus ancienne.

détail de la mosaïque

Les bords de la mosaïque

Autour de la mosaïque sont exposée dans des vitrines, différents objets découverts lors des fouilles. Ces fouilles ont notamment mis à jour le temple d'Apollon qui était un grand bâtiment de 62 m sur 31 m. Ce bâtiment était très richement décoré, comme l'indiquent les nombreux fragments retrouvés. Les constructions étaient très riches, plus d'une soixantaine de marbres de différente provenance étaient utilisés. Ces marbres provenaient de tout l'Empire romain notamment d'Égypte, de Grèce, d'Afrique du Nord et d'Italie.

bol romain
Bol romain trouvé sur les lieux

statuaire romain
Représentation d'un artisan gallo-romain

Le culte d'Apollon était pratiqué par l'incubation. Les pèlerins étaient invités à passer la nuit sous le portique donnant accès au sanctuaire. Le dieu devait leur apparaître dans leurs songes. Un ex-voto retrouvé porte l'inscription "Sommo Jussus" qui est traduite par "il m'a été ordonné pendant mon sommeil".

Les fouilles ont permis de repérer quatre thermes. L'alimentation en eau fut donc un problème crucial sur ce plateau connu pour être parmi les endroits le plus aride de Lorraine. Les recherches effectuées à l'aide des techniques de sondage du sol d'EDF (action de mécénat) permirent de retrouver 313 puits et un réseau de galeries souterraines sillonnant le sous-sol de Grand jusqu'à 12 m de profondeur. Ces galeries, conçues pour permettre le passage d'un homme debout, sont soit voûtées, soit dallées, soit directement taillées dans la roche. Les fouilles ont permis de dater ces galeries de 50 à 70 apr. J.-C. Les galeries étaient destinées à collecter les eaux souterraines circulant dans les différentes diaclases fracturant le massif calcaire.

ex voto romain
L'ex-voto "Somno Jussus"

Le sanctuaire était entouré d'un rempart d'une longueur de 1760 m délimitant une zone à six côtés. Ce rempart construit au 1er siècle était flanqué tous les 80 m par une tour, soit 22 au total. Il avait une épaisseur de 2,70 m et on estime sa hauteur à 6 m. Le rempart était percé de quatre portes. Sur le côté est, se trouvait une porte monumentale. Elle permettait de relier le sanctuaire à l'amphithéâtre. Les trois autres portes bien plus petites étaient alignées au nord-est. Ce rempart n'avait pas de rôle défensif. Ce rempart n'entourait que les 18 hectares du sanctuaire. Aucune habitation n'existait dans cette enceinte.

triade de dieux

Le christianisme commence à s'installer à la fin du IVe siècle. En 362 a lieu ici le martyr de Sainte Libaire sous le règne de l'empereur Julien l'Apostat. Fille d'une famille patricienne, convertie au christianisme, elle fut décapitée à l'extérieur du sanctuaire pour avoir refusée de sacrifier aux dieux païens. La légende nous rapporte que Libaire prit sa tête et alla la laver à la source sacrée puis s'endormit dans le Seigneur. La légende dit également qu'un infirme buvant l'eau de la source, où Sainte Libaire avait lavé sa tête, était guéri.

Trois chapelles, malheureusement fermées, commémorent le martyr. La première, à côté de l'église, marque l'emplacement de la source. La deuxième, située dans le cimetière, marque l'endroit de la sépulture et la troisième, en dehors du village, marque l'emplacement de la décapitation. Le martyr de Sainte Libaire perpétue à l'heure chrétienne, le culte de l'eau qui faisait la renommée du sanctuaire de Grannus.

Ces photographies ont été réalisées en avril 2007.

 

Y ACCÉDER:

Le village de Grand est situé sur le plateau lorrain à la limite des départements des Vosges et de la Haute-Marne.

 



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Cette page a été mise en ligne le 7 mai 2007

Cette page a été mise à jour le 23 février 2015