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L'abbaye Saint-Jean-aux-Bois

En forêt de Compiègne se trouve un petit village dont l'origine est une abbaye fondée au XIIsiècle. De cette abbaye, supprimée avant la Révolution, il ne reste actuellement que l'abbatiale, devenu église paroissiale, la salle capitulaire et le portail d'entrée fortifié de l'ancienne enceinte.

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L'ancienne maison royale de Cuise (l'ancien nom de la forêt de Compiègne) fut donnée, en 1060, par le roi des Francs, Philippe 1er, au prieuré Saint-Adrien de Béthisy-Saint-Pierre. Cette donation fut confirmée en 1137 par le roi de France, Louis VI le Gros, qui y rajouta des terres. En 1152, la veuve de Louis VI le Gros, la reine Adélaïde de Savoie, racheta la maison et les terres pour y installer une communauté de bénédictines (règle de Cluny) dirigée de 1152 à 1190 par l'abbesse Rosceline. L'abbaye Saint-Jean-aux-Bois était née. Le roi Louis VII visita l'abbaye en 1155. Ému par la pauvreté de cette abbaye, il lui accorda la dîme du pain et du vin de la table du roi à Compiègne, à Béthisy-Saint-Pierre et à Verberie pour les périodes où la cour résidait dans ces villes. C'est sous la direction de l'abbesse Rosceline que fut construite, entre 1160 et 1170, la salle capitulaire que nous pouvons visiter. C'est également à cette période qu’apparurent à l'abbaye des reliques de Sainte-Euphrosyne d'Alexandrie. Ceux-ci attirèrent alors environ trois mille pèlerins par an qui venait prier cette sainte réputée pour combattre les fièvres. La façon dont l'abbaye entra en possession de ces reliques reste mystérieuse. Selon une version, un convoi transportant les reliques de la sainte, rapportées de Terre-Sainte par Louis VII, vers Reims aurait passé la nuit à l'abbaye. Les nonnes en auraient alors profité pour en dérober une partie.

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Le comte de Soissons et seigneur de Pierrefonds, Conon de Nesle, accorda, en 1173, à l'abbaye les droits annuels sur le moulin et la ferme de Pierrefonds. La présence des reliques et la renommée de l'abbesse Rosceline provoquèrent une telle demande d'admission que le roi limita, en 1175, à 40 le nombre de moniales. En 1177, l'abbaye bénéficia des droits d'usage, de pâturage et de passage en forêt de Compiègne. Par une charte publiée en 1187, le roi Philippe Auguste accorda à l'abbaye la dîme du pain et du vin lors des visites de la cour au château de Choisy. Il en sera de même pour le château de Pierrefonds à partir de 1194. Afin d’héberger les novices refusés à Saint-Jean, l'abbesse Pétronille rétablit en 1190 le prieuré de Sainte-Perrine où la communauté vivait avant la fondation de Saint-Jean-aux-Bois. La communauté débuta les travaux de construction de son abbatiale en 1220. L'abbesse Odette d'Offemont y rajouta en 1273 le clocher. Le roi Louis IX, dit Saint-Louis, accorda par une charte en 1260 de nouvelles sources de revenus à l'abbaye. Philippe le Bel fit de même en 1285, Louis le Hutin le fit en 1315 et Philippe VI de Valois en 1334. Le comte de Tancarville, Jean II de Melun, légua en 1382 deux maisons situées à Compiègne, maisons qui furent démolies en 1430.

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Les abbesses dirigeant cette abbaye étaient pour la plupart issues de vieilles familles picardes comme Marie de Marle (1425), Marie de Billy (1449) ou Renée de Mailly (1551). En 1546, le roi François 1er réduisit notablement les privilèges accordés à l'abbaye et mit en place un contrôle de ces revenus. Ce qui amena, en 1548, le représentant des moniales à déclarer que l'abbaye pouvait à peine faire vivre vingt personnes alors qu'elle hébergeait trente-huit nonnes, deux pères, un homme d'Église et six serviteurs. L'abbaye soufra notamment du délaissement des rois de France des châteaux de la région au profit de la vallée de la Loire. À partir de 1546, l'abbaye connut d'incessantes querelles avec l'administration des Eaux et Forêts à propos de la gestion du domaine. L'affaire se calma un peu lorsque Henri III confirma en 1584 les privilèges de l'abbaye. Privilèges reconfirmés en 1612 par Louis XIII. Ces querelles se sont ainsi apaisées puisqu'en 1614 l'abbesse Diane de Clausse et son frère Hubert furent la marraine et le parrain de la petite fille du grand maître des Eaux et Forêts.

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choeur

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Les religieuses vivant au prieuré de Sainte-Perrine au cœur de la forêt abandonnèrent le prieuré en 1625 pour s'installer à Compiègne. À partir de 1629, la destinée de l'abbaye fut dirigée par l'abbesse Gabrielle de l'Aubespine, la file de Guillaume de l'Aubespine, baron de Châteauneuf. Estimant que leurs sécurités n'étaient plus assurées à cause de l'éloignement de l'abbaye de la ville, les religieuses demandèrent en 1631 à l'évêque l'autorisation de quitter la forêt de Cuise. L'évêque donna son accord en septembre 1631 à condition d'obtenir également l'accord du roi et du gouvernement de Compiègne. Le gouvernement donna son accord trois jours plus tard, mais il fallut attendre mars 1634 pour que Louis XIII approuve le déménagement. Pour réduire les frais, l'évêque de Glandeves, René Le Clerc, abbé commendataire de l'abbaye de Royallieu (chanoines de Saint-Augustin), proposa l'échange des deux communautés.

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La salle capitulaire

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La salle capitulaire

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La salle capitulaire

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La salle capitulaire

Après 482 ans de présence de nonnes, l'abbaye de Saint-Jean-aux-Bois fut donc occupée à partir de 1634 par des hommes. Ceux-ci durent faire face en 1654 au pillage et à la destruction par un détachement des troupes du maréchal de Turenne. En 1706, pour sauver l'abbaye de Saint-Jean-aux-Bois de la ruine, les moniales de Royallieu demandèrent au roi de réunir les revenus des deux abbayes. Le roi donna son accord et la réunion fut faite le 9 mars 1712. Afin de loger les serviteurs de l'abbaye, des maisons furent construites à partir de 1720 créant ainsi le village existant actuellement sur les lieux. En 1762, le village comptait une vingtaine de maisons. En 1760, une femme chargée de la basse-cour fut assassinée dans le clocher et enterrée clandestinement. Ce drame fut considéré par de nombreux auteurs comme une des causes ayant contribué à la suppression de l'abbaye, mais c'est les difficultés financières et l'effectif trop faible (trois chanoines et un prieur) qui en sont la véritable cause. Cette communauté dépendait alors et depuis une date non connue de l'abbaye Saint-Léger de Soissons. Le 25 juin 1761, le prieur Leclerc de Soissons demanda une enquête préalable à la suppression. Cette enquête fut confiée au vicaire général Gosset. Les habitants de Saint-Jean-aux-Bois ne s'opposant pas à la suppression à condition de garder un curé et un vicaire pour donner deux messes dominicales, le roi Louis XV confirma la suppression en août 1761. En 1766, le processus administratif arriva à terme et l'abbaye fut déclarée éteinte. La manne abbatiale fut réunie avec Saint-Léger de Soissons, l'abbatiale devint église paroissiale. Après le départ des chanoines, les bâtiments, non entretenus depuis des années, tombèrent en ruines.

vue depuis croissilon sud

transeprt vue sud

Lors de la Révolution, en 1792, la communauté des moniales établie à Royallieu et dirigée par l'abbesse Françoise Paris de Soulange fut dissoute. Entre 1791 et 1793, les bâtiments de l'ancienne abbaye Saint-Jean-aux-Bois furent vendus comme bien national. Les maisons du village furent toutes rachetées par leurs habitants, les bâtiments de l'abbaye furent rachetés par l'ancien intendant de marine Charles Augustin Poulletier et le moulin de l'abbaye fut acheté par monsieur Leduc, ancien officier de cavalerie. Les archives de l'abbaye furent détruites en 1793 et Saint-Jean-aux-Bois fut rebaptisé "Solitude". À la mort de Charles Augustin Poulletier en 1817, le "clos de Solitude" (l'ancienne abbaye) fut racheté par un entrepreneur de transport de Cuignières qui hébergea vingt et une mules dans la salle capitulaire. Un presbytère fut construit au niveau de l'ancienne abbatiale en 1835 et le village reçut une école en 1845. En 1846, le clos de Solitude fut racheté par messieurs Lyon-Vivenel et Lebrun de Compiègne qui le revendirent en petits lots. La commune racheta la salle capitulaire afin de la préserver.

croisillon sud

croisilon sud côté ouest

choeur coté nord

En 1848, le clocher de l'ancienne abbatiale avait disparu, la façade, la toiture et les vitraux étaient en mauvais état, la sacristie et la salle capitulaire étaient ruinées. L'architecte en chef des Monuments historiques, Émile Boeswillwald, demanda en 1849 à l'architecte Max Mimey d'établir un projet de restauration et d'établir un devis, qu'il remit en 1853. Le classement aux Monuments historiques en 1862 de l'église permit le début des travaux de restauration qui furent cependant interrompus par la guerre de 1870. En 1877 fut reconstruit le pignon occidental. Max Miney, à qui l'on reprocha un manque de soins dans les travaux, fut remplacé en 1879 par l'architecte Maurice Ouradon qui travaillait à la restauration du château de Pierrefonds. À la mort de Maurice Ouradon en 1884, le chantier fut repris par Juste Lisch. En 1881 fut refaite la toiture. Les travaux de restauration prirent fin en 1888, la rosace et la façade occidentale sont cependant des réinventions complètes. Après le classement aux Monuments historiques en 1889 de la salle capitulaire et de la porte fortifiée de l'abbaye, eurent lieu, entre 1892 et 1893, la restauration de la salle capitulaire.

croisillon sud voute

L'abbatiale a un plan cruciforme. La nef de trois travées sans bas-côtés est longue de 38 m et large de 8,40 m. La hauteur sous voûte est de 15 m. La nef est prolongée par un transept débordant et un chœur à chevet plat d'une travée. À l'origine, les murs de la nef étaient recouverts d'un décor peint de figures géométriques et d'une couche de chaux de couleur ocre. Le sol avait un carrelage en terre cuite émaillée. Le décor et le carrelage furent retrouvés lors de la restauration de 1853, mais ils étaient trop fragmentaires pour être restitués.

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La porte fortifiée de l'abbaye

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Croix dans le cimetière

L'occupant du "tombeau gothique" n'est pas identifié de manière officielle. Le tombeau, ouvert le 14 juillet 1817, contenait le squelette d'une femme d'une quarantaine d'années, mais le rapport d'exhumation, établi à l'époque, reste introuvable. Selon la tradition, le tombeau serait celui d'Agathe de Pierrefonds, veuve de Conon de Nesle, seigneur de Pierrefonds et comte de Soissons. Agathe, décédée en 1202, était une grande bienfaitrice de l'abbaye. Le tombeau est officiellement daté du dernier quart du XIIIe siècle.

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Le tombeau gothique

Ces photographies ont été réalisées en aout 2013.

 

Y ACCÉDER:

De Compiègne, prendre la direction de Crépy-en-Valois par la D332. Prendre ensuite la direction de Pierrefonds par la D85 qui traverse le village de Saint-Jean-aux-Bois.

 



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Cette page a été mise en ligne le 22 décembre 2024

Cette page a été mise à jour le 22 décembre 2024