Suivez les Lieux-Insolites en France sur INSTAGRAM logo instagram

La forteresse romaine de Jublains

Le village de Jublains recouvre un site gallo-romain exceptionnel. En plus d'un théâtre, d'un forum, d'un temple et de thermes, le site possède les vestiges exceptionnellement bien conservés d'un castellum ou forteresse. Il s'agit du castellum le mieux conservé de France.

forteresse 48
L'enceinte extérieure de la forteresse

forteresse 5
L'enceinte intérieure de la forteresse

La présence d'un sanctuaire celte sur le site de l'actuel village de Jublains est attestée depuis le IVe siècle av. J.-C. (époque de La Tène) comme en témoigne un dépôt votif d'épée découvert lors des fouilles fait au XIXe siècle. À l'époque, la région était occupée par le peuple des Aulerques-Diablintes. Le grand oppidum de Moulay, d'une superficie de 135 hectares dominant la Mayenne, se trouvait à proximité. C'est vers 20 apr. J.-C. que débuta l'urbanisation du site. Celle-ci s'accéléra en 50 apr. J.-C. avec l'intégration du territoire dans le monde romain. Cette agglomération, nommée Noviodunum (Nudionnum sur la table de Peutinger), devint la capitale romaine du territoire des Aulerques-Diablintes.

forteresse 22
Une des portes de la partie centrale de la forteresse

forteresse 26
Un des accès à la partie centrale de la forteresse

En 65 apr. J.-C. débuta la construction des grands monuments publics (thermes, théâtre, forum, etc.) de l'agglomération et le plan d'urbanisme fut mis en place. Un réseau de rues perpendiculaires fut conçu. Celui-ci se releva cependant surdimensionné, car les fouilles montrent que la ville n'occupa jamais le quadrillage de rues mis en place. Le temple en bois fut reconstruit en pierre. Le castellum fut érigé à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle. Au cours du IVe siècle, la cité déclina. Elle se trouva alors loin des nouvelles voies de circulation romaines, orientées vers le Limes germanique, et se trouva concurrencé par les autres cités de la région comme Vindunum qui devint la ville du Mans. À la fin du IVe siècle ou au début du Ve siècle, la cité, intégrée au territoire des Aulerques-Cénomans, devint un simple vicus. Les thermes furent alors transformés en église. Entre le VIe et le VIIIe siècle, le site resta un relais militaire face aux Bretons. À l'époque mérovingienne se développa un nouvel habitat sur les ruines des villas romaines et du théâtre. Le site perdit son caractère urbain au Xe siècle. Les ruines, notamment ceux du castellum, servirent alors de carrière entre autres pour la construction du château de Mayenne. Le site tomba ensuite dans l'oubli.

musee 11
Vaiselles gallo-romaine

musee 12
Statuette votive retrouvée sur le site

À la fin du XVIe siècle, les commentateurs des œuvres de Jules César tentèrent de localiser la cité. Celle-ci fut identifiée par le chanoine Jean Lebeuf en 1739. Le caractère romain du site fut confirmé en 1776 par la découverte d'une vaste mosaïque. Vers la fin du XVIIIe siècle, les fouilleurs exhumèrent les imposants vestiges. Ceux-ci furent ensuite fouillés par François-Jean Verger, Augustin Magdelaine et Henri Barbe entre 1834 et 1870. Le classement aux Monuments historiques intervint en 1840, ce qui n’empêcha pas son pillage pour la récupération de matériaux au début du XXe siècle. En 1942, Robert Boissel et René Diehl reprirent les fouilles au niveau du sanctuaire et des thermes. Les différents travaux de voiries entreprises entre 1957 et 1969 permirent d'établir un plan minutieux du site. La nécropole située au nord-ouest du site fut fouillée en 1970. René Rebuffat débuta l'étude du castellum en 1975. Le département de la Mayenne procéda à l'aménagement du site dans les années 1980 et acquit entre 1990 et 1996 de vastes terrains destinés à l'aménagement et à la conservation du site.

forteresse 6
Partie centrale de la forteresse

forteresse 11
Partie centrale de la forteresse

La ville gallo-romaine possède un plan orthogonal d'une superficie de 25 hectares divisé en quarante ilots. Cet aménagement, daté du règne des Flaviens (69 à 96 apr. J.-C.), présente deux axes principaux larges de 7 m orientés nord-sud recoupés par des rues secondaires larges de 4 à 4,50 m. La ville ne possédait pas d'égouts ni d'aqueduc sauf pour les thermes alimentés par un aqueduc souterrain. Le village actuel recouvre au 1/3 la ville gallo-romaine.

plan jublains

Le forum fut fouillé en 1864 par Henri Barbe puis entre 1865 et 1870 par Jean-Charles Chedeau et Charles de Sarcus. Il s'agit d'un vaste espace entouré de portiques de 52 m de longueur (sens nord-sud) et de 55 m de largeur (sens est-ouest). Sur le côté septentrional, le forum est bordé d'une série de petites pièces.

temple 13
Vue sur la ville gallo-romaine (emplacement du forum)

Le théâtre fut fouillé en 1843 par Augustin Magdelaine puis par Henri Barbe en 1865. Acquis par le département de la Mayenne en 1915, il fut classé Monument historique en 1917. Les services des Monuments historiques reprirent les fouilles entre 1926 et 1928. Le théâtre fut entièrement dégagé en 1980 et refouillé en 1985 par Bernard Debien puis par Françoise Dumasy entre 1991 et 1995.

theatre 7
Le théâtre

theatre 4
Gradins du théâtre

1

theatre 3
Partie haute du théâtre

Le premier théâtre fut construit entre 81 et 83 apr. J.-C. par un riche commerçant du nom d'Orgétorix comme l'atteste une dédicace à l'empereur retrouvée lors des fouilles. Ce premier théâtre avait un plan circulaire et ne possédait pas de mur de scène qui était remplacé par un petit bâtiment axial demi-circulaire. Au IIe siècle, le théâtre fut reconstruit selon un plan en demi-cercle plus vaste et utilisant la pente naturelle du terrain pour y adosser les gradins.

plan theatre

theatre 8

theatre 11

theatre 9

Les thermes furent construits sous le règne de Trajan (98-117 apr. J.-C.) et transformés en église à la fin du IVe siècle ou au début du Ve siècle. Ils furent redécouverts en 1842 lors de travaux de voirie et étudiés en 1878 lors de la reconstruction de l'église qui en recouvre les vestiges. La partie située sous l'église fut fouillée en 1973 et 1974 par René Diehl et la partie externe à l'église le fut en 2000 avant leur mise en valeur pour le public.

thermes 1
Le frigidarium des thermes

thermes 5
Le frigidarium des thermes

Les thermes, larges de 60 m, occupaient un ilot urbain complet. Le complexe se trouvait au milieu d'une enceinte de portiques. L'alimentation en eau se faisait par un aqueduc souterrain long de 8 km et les bassins possédaient deux égouts s'écoulant en direction du théâtre. Les vestiges actuellement visibles sont constitués du frigidarium (bain froid) avec une piscine en abside, la salle tiède avec son chauffage par hypocauste en périphérie et les bains chauds entourés par deux absides.

plan thermes

thermes 7
Les thermes

Le sanctuaire, dit "temple de la fortune", fut identifié en 1835 lors des fouilles effectuées entre 1835 et 1839 par François-Jean Verger. Ils furent également fouillés par Augustin Magdelaine en 1843, par Henri Barbe en 1855, 1867 et 1903, par Julien Chappée et Reboursier entre 1906 et 1912, par Robert Boisel et Yves Lavoquer en 1942, par Robert Boisel entre 1943 et 1946, par André Pioger entre 1952 et 1957 et par Jacques Naveau entre 1986 et 1991. Il fut acheté par le département de la Mayenne et classé Monument historique en 1912.

temple 3
Le temple

temple 5
La base de la cella

Le sanctuaire est constitué d'une vaste enceinte carrée de 80 m de côté et d'une hauteur minimum de 3,60 m, dont les vestiges sont conservés au sud-ouest. Dans cette enceinte se trouve une cour, constituée de deux portiques, dans laquelle est disposé, décentré vers le sud-ouest, le temple. Celui-ci, de 30 m sur 20 m, est placé sur un podium haut de 3 m et muni d'un escalier sur le côté oriental. La cella était entourée sur toutes ses faces d'une galerie constituée sur chaque face de huit colonnes cannelées et coiffée de chapiteaux à feuille d'acanthe. Sa hauteur est estimée entre 15 et 20 m. L'enceinte possédait trois accès dont la principale était constituée d'un couloir précédé d'un escalier. À l'extérieur se trouvait une construction alimentée en eau par une canalisation en provenance du temple et certainement destinée aux ablutions.

plan temple

temple 8

temple 15
Le sanctuaire

musee 2
Statue du dieu de la mer Neptume

Un temple primitif est attesté depuis le IVe siècle av. J.-C., mais le temple en pierre fut construit à une date postérieure à 65 apr. J.-C.. Cette datation fut établie par une pièce de monnaie de l'empereur Néron identifiée comme un dépôt de fondation. Des travaux furent réalisés sous le règne des empereurs Sévères (193 à 235). Les porches d'entrées furent condamnés à la fin du IIIe siècle et le sanctuaire fut totalement abandonné vers 350. La divinité honorée dans ce temple ne fut pas formellement identifiée, mais la plupart des archéologues penchent pour le dieu Mars, une déesse-mère ou la déesse Vénus.

temple 10
Le sanctuaire

temple 14
Le sanctuaire

Le castellum est une vaste enceinte en forme de trapèze de 117,50 m sur 104,25 m. Cette enceinte est flanquée de douze tours et son accès se fait au travers de deux portes et de trois poternes. Il fut fouillé une première fois en 1834 par François-Jean Verger. Acquis par le département de la Mayenne sur intervention de Prosper Mérimée en 1839, il fut fouillé la même année par Augustin Magdelaine. Une nouvelle fouille eut lieu en 1867 par Henri Barbe et René Rebuffat en fit une étude détaillée entre 1975 et 1980.

forteresse 13
La zone entre le rempart de terre et la muraille d'enceinte

forteresse 40
La zone entre le rempart de terre et la muraille d'enceinte

forteresse 43
Le côté sud de la partie centrale de la forteresse

forteresse 47
La zone entre le rempart de terre et la muraille d'enceinte

Quatre phases de construction furent identifiées. Entre 185 et 210 apr. J.-C., fut construit le bâtiment central long de 36 m (sens nord-sud) et large de 34 m (sens est-ouest). Ce bâtiment est flanqué de quatre tours carrées et possède une porte et deux poternes. Il possède une cour dallée à ciel ouvert au centre de laquelle se trouve une tour prétorienne de 22 m sur 23 m à un étage. Ces éléments sont complétés par des bâtiments annexes (silos, bassins, citernes). À l'extérieur se trouvent deux thermes (au nord-est et au sud-ouest). Les petits thermes (10,25 m sur 6 m), au nord-est, sont constitués de deux pièces dont l'une était chauffée par hypocauste, l'autre servant probablement de vestiaire. Les grands thermes (12 m sur 6 m), au sud-ouest, possédaient un vestibule, un frigidarium et trois pièces sur hypocauste avec une chaufferie. Le bâtiment central possède des murs au parement extérieur réalisé en gros appareil en granit. Les portes d'accès pouvaient être bloquées par des poutres transversales.

forteresse 16
Les grands thermes

forteresse 18
Les grands thermes

forteresse 19
Les grands thermes

forteresse 20
Les grands thermes

forteresse 7
Les petits thermes

forteresse 46
Les petits thermes

À la fin du IIIe siècle, ce bâtiment fut entouré par un rempart de terre précédé d'un fossé large de 10 m. Ce rempart est percé d'une porte au sud-est. La construction de ce rempart est datée par des monnaies retrouvées en son sein de 274 à 285 apr. J.-C.. Dans une troisième phase, le bâtiment central fut remanié par l'adjonction sur sa face ouest de trois annexes utilisée comme silos.

plan forteresse

forteresse 17
Une des annexes de la partie centrale

forteresse 14

forteresse 24
Le puits dans la partie centrale

forteresse 38
La porte du rempart en terre

forteresse 33
Une des poternes de la partie centrale

ign
(© IGN Géoportail)

Entre 285 et 306 (probablement en 290), le fossé fut comblé et l'ensemble fut entouré par une muraille épaisse de 5 m. Cette muraille est flanquée de tours rondes pleines de 6 à 7 m de diamètre. Une tour occupe chaque angle et les faces ont jusqu’à quatre tours régulièrement espacés. Cette enceinte défensive ne fut cependant pas terminée, car les défenses des entrées n’ont pas été réalisées. L'arrêt des travaux est peut-être dû à la perte de l'importance stratégique de la cité au cours du IVe siècle.

forteresse 12
Une des tours d'angle de la partie centrale

forteresse 23
Une des poternes

forteresse 30
Enfillade des portes de la tour centrale et de l'enceinte centrale

forteresse 32
Une des poternes

forteresse 45
Le rempart en terre

forteresse 42
Le rempart en terre avec sa porte

Certains archéologues contestent le rôle défensif attribué à cette forteresse. Bien que fortifié, le site ne présente pas les caractéristiques d'une forteresse militaire et n'a pas la capacité d'abriter une garnison. Le site servait donc probablement de stockage de grains ou autres biens précieux (or ou étain) et était un bâtiment administratif impérial lié au service de l'Annone (approvisionnement de Rome en grains) et était donc un "cursus publicus", un poste impérial.

forteresse 35
Une des silos annexe de la partie centrale

forteresse 36
La partie centrale

forteresse 2
Coupe de la muraille extérieure

forteresse 10
Le mur de la partie centrale

Ces photographies ont été réalisées en septembre 2022.

 

Y ACCÉDER:

Les différents vestiges sont accessibles dans le village de Jublains. Le théâtre, le sanctuaire, le forum et les thermes sont librement accessibles. Le castellum n'est visible qu'en passant par le musée (entrée payante).

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 27 février 2023

Cette page a été mise à jour le 27 février 2023