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La redoute de Merville

L'embouchure de l'Orne permettant le mouillage de grands vaisseaux, la rivalité franco-anglaise au fil des siècles passés conduisit la France à mettre en place des défenses face à la mer. L'embouchure fut donc entre le XVIIe et le XXe siècle l'objet de différents travaux de fortifications. Il en subsiste une redoute et quelques blockhaus.

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L'entrée de la redoute

Au XVIIe siècle, l'embouchure de l'Orne était un passage à marée montante pour les bateaux de commerce en direction de Caen et présentait au lieu-dit "La fosse de Colleville" suffisamment de place pour y loger 35 vaisseaux. L'endroit était également jugé propice à un débarquement. Un rapport de 1678 établissait "qu'il est nécessaire de renforcer les défenses des côtes de la Manche". Vauban critiqua cependant l'idée de construire à cet endroit un bassin portuaire et des fortifications, jugeant le projet trop dispendieux. Après une visite sur place en 1699, Vauban proposa d'y construire une redoute dont il donna une description très détaillée. Le projet ne fut cependant pas concrétisé. À la place furent érigés dans les dunes des batteries de canons et un corps de garde. En juillet 1762, une troupe anglaise débarqua au niveau de l'embouchure et détruisit les canons des batteries de Merville et Ouistreham. Louis XVI autorisa en 1774 une étude pour le renforcement des défenses des côtes de la Manche. Cette étude conduisit en 1778 à proposer un projet de construction de trois redoutes en maçonnerie à Ouistreham, à Colleville et à la pointe de Merville pour verrouiller l'embouchure de l'Orne.

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La cour et l'escalier d'accès à la plateforme d'artillerie

La construction de ces redoutes se fit entre 1779 et 1780. Il s'agissait de forteresse en forme de fer à cheval d'un périmètre de 147,78 m avec des murs de 5,50 m de hauteur. La redoute était entourée d'un fossé et armée de trois canons de 24 livres, capable d'expédier un boulet de 11,7 kg à 4 200 m, et d'un mortier. Les canons étaient installés à l'air libre sur une plateforme d'artillerie accessible par un escalier en face de la porte d'entrée de la redoute. Dans la redoute se trouvaient deux logements pour 30 hommes et un officier, un magasin à poudre et une citerne à eau. La redoute de Merville fut construite sur l’estran et avait les pieds dans l'eau à marée haute. En complément, le pont et le moulin de Sallenelles furent couverts par un redan (décrochement venant briser la continuité d'un profil) et les écluses du moulin permettaient de contrôler l'inondation de la zone.

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À partir de la Révolution, la redoute fut occupée par l'armée en permanence. Napoléon 1er, en conflit permanent avec l'Angleterre, ordonna, dès sa prise du pouvoir, le renforcement des défenses des côtes de Boulogne à Cherbourg. Ayant entrepris une tournée d'inspection pour s'assurer de la bonne exécution de ses ordres, il arriva à Caen en provenance de Falaise le 22 mai 1811 vers minuit. Le lendemain matin, il visita les redoutes le long des côtes puis reçut à Ouistreham les doléances des particuliers et des autorités. Il fut de retour à Caen vers 11 h. Ayant constaté sur le terrain le bien-fondé d'un canal reliant Caen à la mer (projet souhaité depuis Henri IV), il prit un décret ordonnant les travaux. Le décret parut le 25 mai 1811, mais les crédits manquèrent et le canal ne sera mis en service que sous le règne de Napoléon III. Après la chute de Napoléon 1er, les relations entre la France et l’Angleterre s’améliorèrent. La redoute fut en 1815 mise en sommeil.

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(© Géoportail IGN)

Dans un rapport de 1840, la commission mixte d'armement des côtes fit état de "l'aspect lamentable des lieux, voûtes effondrées, murs écroulés…" et ordonna la remise en état à moindres frais de la redoute. À cette occasion, l'entrée de la redoute fut modifiée avec l'installation d'une bretèche surplombant la porte et d'un pont-levis. Dans les années 1870 et 1880, la redoute servit au service des Douanes. Ce furent les derniers occupants militaires français des lieux. La redoute et la bande dunaire furent vendues en 1890 à Albert Foulques-Desmarais. À sa mort en 1897, la propriété fut partagée entre ses neveux et nièces et finalement abandonnée.

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Vue sur la redoute depuis les dunes (avec le tobrouk pour tourelle de char Renault

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Vue sur la redoute depuis les dunes

En 1940, les Allemands occupèrent les lieux. La redoute fut incorporée au mur de l'Atlantique en devenant le Stutzpunt 05 (Stp05). Dans les dunes furent construits : un blockhaus de type R504 (537 m³ de béton), garage pour un canon antichar 75 Pak97/38 avec un abri pour une section de 10 hommes, deux blockhaus de type R506 (778 m³ de béton) pour canon antichar 47 Pak36, un blockhaus de type 669 (495 m³ de béton) pour canon antichar 75 Pak97/38 (le blockhaus 669 est parfois identifié comme étant un type 612), un blockhaus de type VF6a observatoire (95 m³ de béton), deux blockhaus de type VF2a (135 m³ de béton), abri pour une section de 10 hommes, trois blockhaus de type VF51a (100 m³ de béton), abri pour une demi-section soit 6 hommes, cinq tobrouk de type VF58c (11 m³ de béton) pour mitrailleuse ou lance-grenade de 50 mm, deux blockhaus VF pour canon antichar de 47 Pak, un blockhaus VF Unterstand et un blockhaus de type L413 (370 m³ de béton), soute à munitions pour canon Flak37. Sur la plateforme d'artillerie de la redoute furent construits deux tobrouk dont un était muni d'une tourelle de char Renault FT17. Le Stp05 était également armé de trois canons antiaériens 37Flak18 et de trois canons Flak de 20 mm. Ces canons antiaériens étaient disposés dans des encuvements à l'air libre. Deux observatoires furent également installés autour de la redoute. L'ensemble servit de poste de direction de tir (blockhaus VF6a) pour la batterie de Merville qui, construite à l'intérieur des terres, n'avait aucune vue sur la plage et la mer. Le poste de direction de tir avec les observatoires était occupé par un groupe d'observateurs du 3. Abteilung/AR1716 Artillerie Regiment sous le commandement du lieutenant Raimund Steiner. Les autres blockhaus étaient occupés par le 1. Abteilung du 736e Grenadier Regiment. Le site sera abandonné par les Allemands, sans combats, le 18 août 1944.

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Le blockhaus R506

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Le blockhaus R506

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Le blockhaus R506

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Le blockhaus R504

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Le blockhaus R504 avec l'ouverture pour le garage à canon

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Le blockhaus R504

Après la 2e Guerre mondiale, la redoute et certains de blockhaus servirent, pendant plusieurs années, de logement à des familles pauvres de pécheurs à pieds. La redoute fut ensuite laissée à l'abandon. En 1975, l'Association de Défense de l'Environnement de Merville-Franceville (ADEMF) s’investit pour la sauver. La redoute fut, en 1978, classée à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques alors que les dunes devinrent la propriété du Conservatoire du Littoral. L'ADEMF débuta la restauration de la redoute en 1983. En 2006, les vestiges en béton allemands furent démolis à l'exception des deux tobrouk sur la plateforme d'artillerie. En 2016, la municipalité engagea la phase finale de restauration. Les redoutes d'Ouistreham et de Colleville ont disparu. La redoute de Merville sera prochainement ouverte aux visites.

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Le blockhaus R506

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Le blockhaus MG Stand prés de la redoute

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Un des observatoires


Le Blockhaus VF2a à côté de la redoute

 

Ces photographies ont été réalisées en avril 2024.

 

Y ACCÉDER:

La redoute de Merville est accessible depuis la D514 reliant Merville-Franceville-Plage à Ranville. Après la sortie du village de Merville-Franceville-Plage, prendre à droite en direction de la base nautique de Franceville (panneau la Redoute). La redoute est sur la droite du parking au bout de la route.

 

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

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Cette page a été mise en ligne le 30 mai 2024

Cette page a été mise à jour le 30 mai 2024