Suivez les Cicatrice de Guerre sur INSTAGRAM logo instagram

La citadelle de Lille

La citadelle de Lille fut la première construction de Vauban. Lors de sa construction en 1668, Vauban n'avait que 34 ans, mais avait déjà toute l'estime du Roi Soleil Louis XIV. Peu après l'achèvement des travaux, Vauban fut nommé gouverneur de la "Reine des citadelles" comme il la dénommait lui-même, avant de devenir gouverneur de Lille.

citadelle 23
Vue sur la porte Royale depuis la contre-garde du bastion du Roi

citadelle 28
Le fossé devant le bastion d'Anjou

À la mort du roi d'Espagne, Philippe IV, en 1665, Louis XIV réclama en héritage au nom de son épouse l'Infante Marie-Thérèse le territoire de Flandre (sous domination espagnole). L'Espagne refusant catégoriquement de céder une partie de son empire, Louis XIV leva une armée de 50 000 hommes. Cette armée progressa rapidement dans les terres du nord et après avoir conquis Tournai et Douai mit le siège devant Lille. Après neuf jours de siège, Lille capitula le 27 août 1667. Le traité d'Aix-la-Chapelle, signé le 2 mai 1668, confirma le rattachement de Lille et des Flandres wallonnes au royaume de France. Dès la prise de Lille, Louis XIV ordonna la construction d'une citadelle pour la défendre. Les ingénieurs Nicolas de Clerville et Vauban présentèrent des projets à Louis XIV et à son ministre Louvois en octobre 1667. Le projet à cinq bastions de Vauban fut retenu et dès décembre 1667 les travaux de terrassement furent entrepris.

citadelle 25
Le bastion du Roi

citadelle 27
Le bastion du Dauphin

Pour leurs projets, les deux ingénieurs avaient choisi de construire la citadelle à l'ouest de la ville sur un terrain marécageux au niveau de la confluence entre les rivières Deûle et Bucquet. Cet emplacement offrait, par la présence des marécages, une défense naturelle pour la citadelle. Un système d'écluses et de portes d'eau permettait d'inonder, sur 55 cm de hauteur, 1700 hectares de terrain. De l'autre côté, la ville faisait office de zone tampon, car un assaillant devait d'abord se rendre maitre de la ville avant d'attaquer la citadelle. Une zone libre de tous obstacles pouvant servir de protection, le champ de Mars, fut aménagée entre la ville et la citadelle. La construction de la citadelle débuta en 1668 sous la surveillance du maitre maçon lillois Simon Vollant. Elle nécessita 3,3 millions de parpaings, 60 millions de briques et 67 000 pieds de grès. Vingt-huit mille pieux en bois furent utilisés pour construire les palissades.

citadelle 22
Le bastion du Roi

citadelle 34
Bastion Turenne

Vauban conçut un système de défense de sorte qu'aucun mur ne pouvait être approché par un ennemi sans que celui-ci ne se trouve sous le feu d'un mur voisin. Le centre de la citadelle forme un pentagone dont chaque pointe est occupée par un bastion. Ils sont nommés Anjou (bastion le plus important et qui sert de soute à munitions), La Reine, Turenne, le Dauphin et le Roi. Les bastions sont reliés entre eux par un mur, la courtine, de 49 m de longueur. Les murs sont constitués d'un parement en brique et bloc de granite et d'un épais remblai de terre de 20 m d'épaisseur. L'enceinte fait 2 km de circonférence. Sur le haut de cette enceinte furent plantés des arbres. Ils avaient pour fonction de masquer les fumées des canons et donc de dissimuler leur emplacement à l'ennemi. Ces arbres fournissaient également le bois nécessaire au fonctionnement de la citadelle (chauffage et fours de la boulangerie) et pouvaient servir à combler d'éventuelles brèches créées par les canons ennemis dans les courtines. Vauban a conçu cette partie centrale de la citadelle comme une ville à part entière. Autour d'une place centrale en étoile, il a reparti les rues et les différents édifices. Il innove en logeant les soldats dans des casernes au lieu de les loger chez l'habitant comme cela était le cas jusqu'à cette date. Pour le logement des soldats, douze bâtiments de style lillois furent érigés. À chaque extrémité se trouve un pavillon carré destiné aux officiers. Les combles étaient prévus pour loger les domestiques. La citadelle comprenait un moulin à eau avec un canal souterrain, une boulangerie, un barbier, des magasins pour les vivres et les munitions et des logements pour l'intendance, l'état-major et le gouverneur. Une chapelle jésuite dont le fronton est décoré par des volutes baroques fut également érigée au sein de la citadelle. Ce fut la première dans les Flandres. La citadelle pouvait abriter 3000 soldats auxquels s'ajoutaient les serviteurs et les ouvriers.

plan

Pour protéger la citadelle, plusieurs lignes de défense concentrique furent mises en place sur une profondeur de 300 m. À l'avant des bastions et des courtines se trouve le grand fossé large de 40 m et profond de 4 m. Dans ce fossé, devant chaque courtine, se trouve un mur de protection, la tenaille, en forme de "V" ouvert vers l'extérieur. Il protège la courtine des tirs de canon. Au-delà du fossé, devant la tenaille, est construite une demi-lune, un ouvrage en forme de "V" inversé par rapport à la tenaille. La demi-lune est munie d'un chemin couvert permettant à l'infanterie de se mettre à l'abri des tirs ennemis. Des ouvrages identiques, mais nommés contre-garde sont disposés devant les bastions. À l'avant de ces ouvrages se trouve un glacis d'une largeur de 36 m. Le glacis est dépourvu de tous obstacles pouvant présenter un abri pour les assaillants. À l'avant de ce premier glacis se présente l'avant-fossé large de 24 m. Au sein de l'avant-fossé sont disposées les lunettes, ouvrages munis de chemin couvert pour l'infanterie. Les côtés extérieurs des fossés sont également munis de chemins couverts avec parapets de tir pour l'infanterie. À l'avant de l'avant-fossé se trouve un nouveau glacis réalisé en pente. Cette pente empêche le pointage des canons, à l'époque les canons étaient à tir tendu (droit), vers les différents ouvrages constituant les lignes de défense. Les contre-gardes à l'avant des bastions et les lunettes de l'avant-fossé sont des rajouts à l'œuvre de Vauban réalisé entre 1730 et 1750. Les contre-gardes possèdent deux galeries, percées de meurtrières, accessibles par des portes situées au fond d'un couloir de retranchement.

citadelle 13
La porte Royale vu depuis le bastion d'Anjou

citadelle 16
La porte Royale

L'accès principal à la citadelle s'effectue par la porte Royale percée au centre de la courtine faisant face à la ville. Cette porte était à l'origine fermée par un pont-levis à crémaillère. La porte est un ouvrage large de 14,20 m et haut de 15,50 m. Au-dessus de la porte est apposée une inscription à la gloire de Louis XIV écrite par le baron Michel-Ange Vuorden, l'ancien bailli de Lille. "Lille, couronnement grandiose des victoires de Louis XIV, conquérant les provinces héritées par Marie-Thérèse, son épouse, et contraintes par lui-même, en neuf jours, à capituler, à l’étonnement de l’Univers, elle qui eût arrêté ou retardé longtemps l’élan de tout autre, a pu apprécier la sagesse et la bonté de Celui qu’elle avait reconnu invincible. Grâce à la protection de cette Citadelle érigée par la magnificence du Roi, déjà supérieure par ses richesses et le nombre de ses habitants aux autres cités de la Belgique catholique, elle ne le cède maintenant en rien à aucune d'elles pour la gloire de ses fortifications, seule chose qui lui manquait auparavant. Année 1670". L'inscription est surmontée d'un cartouche fait de trophées militaires, de guirlandes et des armes de France (trois fleurs de lys surmontées de la couronne royale et du cordon du St-Esprit). Le pont-levis fut remplacé par un pont en pierre au cours du XVIIIe siècle. À l'opposé de la porte Royale se trouve la porte Dauphine. Elle servait de porte de secours pour les troupes arrivant en renfort ou pour l'évacuation de la place. Elle était également munie d'un pont-levis. Sa décoration, plus simple, est constituée d'un cartouche de guirlandes de feuillage et de trophée militaire. Le symbole de Louis XIV est entouré de décorations symbolisant la Guerre et les Arts. La représentation du roi a été détruite à la Révolution puis restaurée après la 2e Guerre mondiale. Les trois autres courtines sont munies de poternes murées. Ces poternes sont dénommés St-Georges, St-Sébastien et Ste-Barbe. Elles étaient destinées à être ouvertes à la masse pour permettre une sortie de la garnison pour attaquer par surprise un assaillant.

citadelle 36
La porte Dauphine

citadelle 38
La porte Dauphine

La construction de la citadelle monopolisa d'importantes ressources. Deux mille ouvriers s'y affairèrent quotidiennement. Selon une étude, faite en 1911 par l'historien Maurice Sautai, les forêts de Nieppe, de Phalempin, de l'abbaye de Cysoing et de Loos furent mises à contribution pour fournir le bois des charpentes et les pieux des palissades. Les carrières de Lezennes, Templemars, d'Ennequin et de la Porte des Malades à Esquernes ne purent fournir que 8000 parpaings par jour alors qu'il en fallait 12 000. Humières, l'intendant de Vauban, ordonna donc la démolition des châteaux de Warneton et d'Erquinghem sur la Lys pour récupérer les pierres. Les pierres stockées à l'abbaye de Loos furent également réquisitionnées, etc. La citadelle fut opérationnelle en 1671 et totalement achevée en 1673. À partir de 1671, Vauban entreprit l'agrandissement de l'enceinte de la ville d'un tiers et qu'il rattacha à la citadelle par le mur "d'en haut" et par le mur "d'en bas". Il construisit également un nouveau quartier, le quartier Royal, dont la revente des terrains viabilisés et lotis était destinée au financement de la citadelle. Il modernisa l'ancienne enceinte du temps des Espagnols et construisit des ouvrages à cornes à l'est de la ville. Entre 1671 et 1674, il érigea sur la partie sud de l'enceinte le bastion du Réduit dont ne subsiste à l'heure actuelle que la chapelle.

citadelle 20
Demi-lune entre les bastions de Roi et du Dauphin

citadelle 37
Le bastion de la Reine

Au cours de la guerre de succession d'Espagne, en 1708, la citadelle subit l'épreuve du feu. Le 13 août 1708, 45 000 soldats anglais, hollandais et autrichiens prirent position devant Lille défendu par 9000 hommes. Le 25 octobre 1708 après 62 jours de siège, ils prirent la ville. Le Maréchal de Boufflers se retrancha alors dans la citadelle avec les 4500 hommes qui lui restait. Après 41 nouveaux jours de siège, il se rendit, le 8 décembre 1708, à la demande de Louis XIV. Le 11 décembre 1708, les Français quittèrent la citadelle avec les honneurs militaires. Débuta alors une occupation de 5 ans par les Hollandais. La citadelle et la ville connurent un nouveau siège à partir du 29 septembre 1792. Ce jour, 35 000 Autrichiens prirent place autour de la ville. Ils levèrent le siège le 6 octobre 1792 sans avoir vaincu la résistance des Lillois.

citadelle 11
Le passage de la demi-lune devant la porte Royale

citadelle 18
Demi-lune devant la porte Royale

En 1750, un canal longeant l'esplanade fut creusé selon les plans de Vauban. À peu près à la même période, les tuiles flamandes des toits furent remplacées par des ardoises plus faciles à entretenir. Le grand fossé fut également partiellement comblé. En 1834, les militaires bouleversèrent leurs habitudes en autorisant la plantation d'arbres sur les glacis de la citadelle. En 1858 fut décidé un agrandissement de l'enceinte de la ville. Celle-ci sera détruite par la suite devant l'urbanisation galopante du XIXe siècle. Par la suite, les militaires déclassèrent les terrains entourant la citadelle en les cédants à la ville. En 1863 fut créé le jardin de la citadelle (bois de Boulogne) le long de la Deûle. En 1870, ce sera le tour du jardin de l'Impératrice (jardin Vauban) puis en 1875 le jardin de la Deûle. Depuis 1880, le terrain entourant la citadelle fut petit à petit transformé en parc de loisirs pour le plus grand bonheur des Lillois. Surtout après 1919 et le déclassement des fortifications de Lille de leur rôle militaire. Entre 1930 et 1937, fut creusé à l'extérieur des contre-gardes et demi-lunes du bois de la Deûle, le fossé des pécheurs qui depuis fait le bonheur des amateurs de poissons. À partir de 1967, la ville de Lille entreprit la réhabilitation des extérieurs de la citadelle pour en faire un des poumons verts de l'agglomération. La citadelle elle-même fut toujours utilisée par les militaires. Entre 1871 et 2007, le 43e régiment d'infanterie occupa les lieux. Depuis 2005, les installations de la citadelle abritent l'état-major du corps de réaction rapide (structure OTAN) et les 430 militaires de treize nationalités qui y sont rattachés. L'ensemble de la citadelle est classé Monument historique depuis 2012 après des classements partiels en 1914, 1921 et 1934.

citadelle 42
Bastion de la Reine

citadelle 41
Fossé humide de la demi-lune de la porte Dauphine

Monument aux Pigeons voyageurs

 

La fédération nationale des sociétés colombophiles fit ériger en 1936 un monument aux 20 000 pigeons voyageurs et aux nombreux colombophiles morts pour la France au cours de la 1re Guerre mondiale. Sur la face de l'obélisque, devant lequel se dresse l'allégorie de la paix entourée d'une nuée de pigeons voyageurs, est inscrite la liste des champs de bataille où les transmissions furent assurées par les unités colombophiles.

monument pigeons

Mémorial Léon Trulin

citadelle 31

Au début de la 1re Guerre mondiale, le jeune Belge Léon Trulin se voit refuser d'entrer à l'armée du fait de sa faible constitution et de la charge de ses sept frères et sœurs. Sa détermination a servir son pays lui vaut de se faire confier, de la part des Britanniques, la tache de monter un réseau de renseignements derrière les lignes allemandes. Il créa en 1915 le réseau Noël Lurtin avec ses amis. Après avoir transmis nombre de documents et d'informations sur les installations militaires allemandes, il est arrêté au poste-frontière de Putte-Cappelen près d'Anvers. Jugé à Lille avec ses amis Derain et Gotti, il est condamné à mort le 5 novembre 1915. Il fut fusillé dans le fossé de la citadelle le 8 novembre 1915. Il avait 18 ans.

Monument aux fusillés lillois

Le monument du sculpteur Félix Desruelles représente cinq des plus célèbres condamnés à mort de Lille durant la 1re Guerre mondiale, Georges Maertens, Ernest Deconninck, Silvère Verhulst, Eugène Jacquet et Léon Trulin. Les quatre premiers, membres du comité Jacquet, furent fusillés par les Allemands le 22 septembre 1915, Léon Trulin le fut le 18 novembre 1915. Sur le monument, Maertens, Deconninck et Jacquet (secrétaire départemental de la ligue des droits de l'homme) sont représentés, fiers, défiant leurs bourreaux. L'ouvrier belge Verhulst est représenté tête baissée, brisé par son sort. Léon Trulin git à terre. Le monument détruit par les Allemands le 25 août 1940 fut reconstruit en 1960 par Germaine Oury-Desruelles la veuve du sculpteur.

monument fusilles

Ces photographies ont été réalisées en juin 2016.

 

Y ACCÉDER:

L'accès à la citadelle se fait depuis le parking du champ de Mars accessible par le boulevard Vauban ou le boulevard de la Liberté.

Les extérieurs de la citadelle notamment le grand fossé sont librement accessibles et aménagés en promenade.

L'intérieur de la citadelle étant toujours une zone militaire, la visite n'est possible que sous certaines conditions. L'office de tourisme de Lille organise des visites guidées à certaines dates.

 

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 29 septembre 2016

Cette page a été mise à jour le 29 septembre 2016