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La station radar de la Pointe du Raz

La Pointe du Raz fut transformée par l'armée allemande en nid de radars exploité par la Kriegsmarine et la Luftwaffe à partir de 1942 et desservi par plus de 350 militaires.

Les Allemands entamèrent les recherches sur les systèmes radars dès 1934. Les docteurs Rudolf Kuhnhold et Hans Hollmann firent une présentation de leurs recherches sur un système de détection par ondes radio pour la veille lointaine au directeur de recherche de la société Téléfunken, le docteur Wilhelm Runge. Devant son manque d'intérêt, les chercheurs se tournèrent vers la nouvelle société Gema, créée par Paul Gunther Erbslöh et Hans Karl von Willisen. En 1935 devant le succès de Gema, Runge changea d'avis et lança son propre projet. Un système expérimental obtint très rapidement des résultats en détectant très nettement un Junkers JU52. Les différents projets se développèrent rapidement lorsqu'en 1938 l'armée allemande passa une commande pour un système radar. Un système opérationnel fut livré à la Kriegsmarine par la société Gema en 1938. Mais le développement des radars en Allemagne sembla avoir été moins prioritaire qu'il ne le fut pour les Anglais.

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Radar Wurzburg Riese (© Wikipédia)

Les Allemands développèrent cependant plusieurs types de radars et pour chaque type, plusieurs versions. Le radar Wassermann, développé par Siemens, permettait la détection des avions avec une portée de 200 km. Il pouvait fournir la distance, le relèvement et le site de l'objectif. Il permettait également d'interroger un transpondeur IFF (amis/ennemis) installé dans les avions. Il était constitué d'une antenne plate haute de 37 m et d'un poids de 200 tonnes. Il était installé sur un bunker de type L480 d'un volume de béton de 1460 m3. Le radar Freya, fabriqué par Gema à partir de 1938, permettait la détection des avions avec une portée de 160 km. Il fournissait la distance et le relèvement des objectifs. Il était constitué d'une antenne plate large de 6,20 m et haute de 7,50 m. Sa puissance était de 20 kW. L'antenne était montée sur un socle rotatif lui permettant de couvrir toutes les directions.

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Radar Wassermann à Bergen-aan-Zee (© Wikipédia)

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Radar Freya (© Wikipédia)

Le radar Mammut fut développé par la société Gema en 1944 en combinant six à huit antennes de radar Freya pour former une antenne plate de 30 m de largeur et de 16 m de hauteur et d'un poids de 150 tonnes. L'antenne étant fixe, le faisceau radar était dirigé électroniquement faisant du Mammut le premier radar à commande de phase au monde. D'une puissance de 200 kW, il pouvait détecter une cible à 300 km de distance et à une altitude maximale de 8000 m. Comme le Freya, le Mammut ne pouvait déterminer que la distance et le relèvement de la cible. Le modèle Mammut Gustav FuMO51 était destiné à la détection des navires et le radar Mammut Cäsar FuMO52 était destiné à la détection des avions. Les radars Mammut étaient installés sur un bunker de type V143 d'un volume de 1800 m3 de béton ou sur un bunker de type L485 d'un volume de 2520 m3 de béton. Les deux types de bunkers disposaient d'une quinzaine de pièces.

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Radar Mammut (© Wikipédia)

Le radar Wurzburg Riese fut construit à partir de 1940 par les sociétés Gema et Téléfunken. Il était constitué d'une antenne parabolique d'un diamètre de 3 m pour la version mobile et de 7,50 m pour la version fixe. Dans la version la plus grande, l'antenne avait un poids de douze tonnes. L'antenne était rotative et pouvait couvrir un azimut de 360 °. Fournissant le site, la distance et le relèvement de la cible, sa portée était de 70 km pour le FuSE65 et de 40 km pour le FuSE62 Anton. Fixé sur une embase en béton conique de type V229, il était utilisé pour guider les avions de chasse et la Flak vers leurs objectifs.

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Radar Wurzburg Riese (© Wikipédia)

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Radar Wurzburg Riese (© Wikipédia)

Les différents radars étaient codés FuMG (FunkMessGerät) pour appareil radio de mesure, FuMO (FunkMessOrtung) pour appareil radio de localisation, FuMB (FunkMessBeobachtung) pour appareil radio détectant les balises radio ou FuSE (FunkMess Siemens Erkennung) pour appareil radio de reconnaissance ami/ennemi.

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Encuvement pour canon Flak type L409A

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Support du radar Mammut FuMO52 de la station QU13

Afin de contrer les raids nocturnes des alliés sur la France et l'Allemagne, le Feldmarschall de l'air Goering confia au général Joseph Kammhuber le soin de mettre en œuvre une défense antiaérienne plus efficace. Le général Kammhuber développa et organisa un réseau de détection allant du Danemark à la France. Il s'agissait d'une chaine de radars constitués de zones de 32 km de longueur (sens nord/sud) et de 20 km de largeur (sens est/ouest). Chaque zone comportait un radar Freya d'une portée de 100 km, d'un projecteur antiaérien commandé par le radar et deux groupes de chasse constitués de chasseurs Dornier DO17 ou Messerschmitt ME110 ou Junkers JU88. Par la suite, le dispositif intégra également deux radars Wurzburg Riese.

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Le blockhaus L485 supportant le radar Mammut FuMO52 de la station QU13

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À la Pointe du Raz, les Allemands installèrent, à partir d'aout 1942, trois stations radars dénommées QU300, QU500 et QU13 (QU pour commandement de Quimper). La première à être mise en service fut la QU300 installée par la Kriegsmarine près de l'actuel sémaphore. Elle mettait en œuvre un radar Freya Seetakt FuM02 d'une portée de 32 km installé sur un socle en brique et un radar Wurzburg SeaRiese FuMO214 d'une portée de 40 km installé sur un socle en béton. Aucun blockhaus n'a été construit pour cette station.

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Le semaphore de la Pointe du Raz

La station QU500, exploité par la Luftwaffe qu'elle désigna sous le nom de code "Rentier" (Renne), se trouvait au niveau de l'actuel site d'accueil de la Pointe du Raz. Elle était équipée de deux radars Wurzburg Riese Fu SE65 d'une portée de 80 km et d'un radar Freya FuMG401LZ d'une portée de 200 km. L'embase de ce Freya a été depuis transformée en belvédère pour les touristes. Les informations en provenance de ces radars furent exploitées dans un blockhaus type L486 (1300 m3 de béton). Un blockhaus de commandement de deux étages type L479 Anton (2610 m3 de béton) coordonnait les informations et guidait les avions d'interception de la Luftwaffe. Les hommes de cette station étaient abrités dans un blockhaus type R502 (630 m3 de béton) et deux blockhaus type R622 (630 m3 de béton) avec Tobrouk de défense rapprochée attenant. La défense antiaérienne du site était confiée à des canons Flak de 20 ou 37 mm installés dans deux encuvements de type L409A (635 m3 de béton) et un encuvement type L410 (700 m3 de béton). Tous ces blockhaus ont été remblayés et enfouis lors de la renaturation de la Pointe du Raz. Seules quelques dalles de couverture sont encore visibles dans la végétation.

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La dalle superieure d'un blockhaus

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Encuvement pour canon Flak type L409A

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Encuvement pour canon Flak type L409A

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Encuvement pour canon Flak type L409A

La station QU13, située entre le village de Lescoff et le bord de la falaise, exploitait un radar Mammut FuMO52 d'une portée de 300 km. Ce radar, large de 30 m et haut de 15 m, était installé sur un grand blockhaus type L485 long (2520 m3 de béton). Pour abriter les hommes, la station disposait de deux abris type R622 avec Tobrouk de défense rapprochée (356 m3 de béton), d'un abri type VF2A (135 m3 de béton), de deux abris type VF1B (315 m3 de béton) et de quatre abris en tôle métro bétonné. Pour sa défense, le site disposait d'un encuvement de campagne pour un canon Flak, d'un blockhaus type R667 (165 m3 de béton) abritant un canon antichar de 50 mm et de deux Tobrouk de type VF58C (11 m3 de béton) pour mortier. L'ensemble était complété avec un blockhaus de type L411 (600 m3 de béton) abritant un projecteur de 60 cm de diamètre.

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Le blockhaus L485

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Support du radar du blockhaus L485

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Plan du blockhaus L485

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L'entrée du blockhaus L485

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Embrasure de tir de défense de l'entrée du blockhaus L485

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Salle dans le L485

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Salle dans le L485

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Salle dans le L485

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Salle dans le L485

Le 9 juillet 1944 vers 20 h, le site fut attaqué par sept chasseurs bombardiers du 234 SQN de la RAF (Royal Air Force britannique) qui larguèrent des bombes de 500 livres. Mais gênée par les nuages, l'une des bombes tomba au centre du village de Lescoff. Six autres avions menèrent une deuxième attaque un peu plus tard et réussirent à placer six bombes sur les cibles. Une autre attaque mit hors service le radar Mammut le 24 juillet 1944. Lors de la libération de la Bretagne, le général allemand Fahrmbacher, commandant en chef interarmes de Bretagne, ordonna le repli des différentes unités sur les forteresses de Brest et de Lorient, le 3 aout 1944. Le 4 aout 1944 à 16 h, les Allemands détruisirent les installations.

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Blockhaus type R667

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Partie superieure d'un blockhaus type VF2A

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Blockhaus type R667

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Un blockhaus type VF1B

Ces photographies ont été réalisées en juin 2021.

Sources consultées pour cet article :

Consulter la page "Bibliographie" de ce site
Site internet Wikipédia
Article "Radars allemands de la seconde guerre mondiale" par Jean Cotrez paru dans Histomag'44

 

Y ACCÉDER:

Les installations de la QU300 n'existent plus. De ceux de la QU500, ne sont plus accessibles que les dalles de couverture des encuvements des canons Flak. Les autres blockhaus ont été remblayés lors des travaux de réhabilitation de la Pointe du raz.

Les blockhaus de la QU13 sont accessibles entre le village de Lescoff et le bord de la falaise au nord-ouest. Emprunter la rue de Laoual jusqu'au croisement avec la rue des Ajoncs d'Or. Puis suivre l'impasse du Men Tan partant à gauche.

 

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

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Cette page a été mise en ligne le 26 septembre 2021

Cette page a été mise à jour le 26 septembre 2021