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La batterie du Mont Canisy

La butte calcaire du Mont Canisy, à l'ouest de Deauville, abrita, en 1944, une des trois plus importantes batteries d'artillerie du mur de l'Atlantique à l'est de la baie de Seine. Elle était armée de six canons de 155 d'une portée de 18 à 20 km.

Blockhaus R679

Le Mont Canisy est une butte calcaire de 110 m d'altitude faisant face à l’estuaire de la Seine. Elle se situe entre Deauville et Blonville-sur-Mer. Ancien oppidum celte, puis fief seigneurial, le duc de Choiseul, ministre de la Marine, y établi en 1762 une batterie de canons. Durant la 1^re Guerre mondiale, la marine y établit un poste de surveillance des sous-marins puis, de 1916 à 1918, deux batteries de deux canons. En 1935, la marine nationale installa, au sommet du mont, quatre canons de 138 et, en bord de mer, trois canons de 75 et un projecteur de 1500 mm. Le 14 juin 1940, les Français abandonnèrent la batterie après avoir neutralisé les canons. Les Allemands investirent ensuite le site qu'ils dénommèrent Stutzpunkt 13 (Stp13 ou WN13).

Les canons français furent remplacés par six canons de 155 K420 installés dans des encuvements bétonnés munis de soutes à munitions souterraines (blockhaus type H134). Ces canons d'une longueur de 7,36 m et d'un poids de 12,5 t avaient une portée de 18 à 20 km. Leur cadence de tir était d'un coup par minute. Fin 1941 fut construit en haut du flanc du mont face à la mer un poste de direction de tir (PDT). Ce blockhaus de 25 m de façade comprend six salles et trois fenêtres d'observations. Un abri souterrain situé à quelques dizaines de mètres en arrière du PDT et munis de w.c. servait probablement de casernement aux officiers affectés au PDT. Pour assurer la défense du site, une trentaine de tobrouk pour mitrailleuse et mortiers furent construits et des canons de 20 mm Flak38 (antiaériens) furent installés. Un blockhaus avec un canon de 105 antichar prenait en joue la plage de Deauville. Une centrale électrique existait également sur le site. En 1943 fut construit un blockhaus de type 501 (365 m³ de béton) de 9 m sur 9,90 m. Ce blockhaus, prévu pour servir d'abri à une dizaine d'hommes, fut complété par deux tobrouk à mitrailleuse et servi de poste de commandement. La batterie était la 2^e batterie de la HeeresKustenArtillerieAbteilung 1255 (2/HKAA1255), commandée en 1944 par le major Fritz Gunther.

Plan d'un encuvement

Au début de 1943 fut entrepris le creusement d'un casernement souterrain à 15 m de profondeur. Ce casernement était constitué de vingt-cinq chambrées pour le casernement, de vingt-quatre soutes à munitions, d'une infirmerie, de deux sanitaires et de deux citernes à eau de 50 m³ chacune. Ces citernes étaient alimentées en eau depuis le château d'eau de Tourgéville. Les différentes alvéoles du casernement étaient reliées entre elles par un grand tunnel en arc de cercle de 205 m de longueur. L'entrée du tunnel se faisait sur le flanc ouest du Mont Canisy. Un petit tunnel de 45 m de longueur doublait, au niveau de l'entrée, le grand tunnel. Les deux tunnels se rejoignaient au bout de 45 m. Le grand tunnel, qui avait une section conique sur les 45 m premiers mètres puis une section arrondie, reliait entre eux les différents encuvements pour canons. Les tunnels étaient parcourus par un réseau de wagonnets circulant sur des voies ferrées étroites. Le tunnel était relié aux encuvements par six escaliers d'une soixantaine de marches. Sur ces escaliers étaient installées deux voies ferrées pour deux wagonnets funiculaires. Les alvéoles de casernements ou de soute à munitions étaient regroupés par 3 ou 4 au niveau de chaque escalier. Les sorties en surface des escaliers 2 à 6 étaient défendues par un tobrouk. Certaines des alvéoles possédaient des séparations internes faites par des murets en maçonnerie.

Les bombardements aériens alliés visant les batteries allemandes étant de plus en plus nombreux, les Allemands décidèrent de mettre les canons à l'abri sous des blockhaus. En janvier 1944 débuta la construction, à proximité des encuvements, de blockhaus de type 679. Ce blockhaus de 15 m de façade, de 8,50 m de largeur et de 4,85 m de hauteur nécessitait pour sa construction 610 m³ de béton et 36 t de fer à béton. Les murs d'une épaisseur de 2 m étaient construits à l'aide d'un coffrage de parpaing. Le canon placé à l’intérieur de ce type de blockhaus avait un débattement axial de 120° avec un azimut de -5° à +35°. Les ouvertures de tir de ces blockhaus étaient dirigées en direction du Havre. Les soutes à munitions attenantes à la chambre de tir permettaient un stockage de 110 obus. Ce stockage réduit était un des défauts de ce blockhaus lorsque le ravitaillement devenait problématique sous les bombardements ennemis. Les blockhaus du Mont Canisy étaient également dépourvus de ventilation bien que celle-ci était prévue à l'origine. En juin 1944, seulement trois des blockhaus étaient achevés.

Plan blockhaus R679

Le 23 avril 1944 à 11 h, au cours d'un bombardement aérien, une bombe tomba à l’arrière gauche du blockhaus 679 ouest (terminé le 10 avril). Cette bombe mit ce blockhaus hors service. Ne pouvant plus être utilisé, il ne sera jamais armé. Une autre bombe tombée à une date inconnue sur l'avant droit souleva ce blockhaus. Lors du bombardement du 23 avril, une autre bombe tomba sur l'entrée du petit tunnel. Elle provoqua l'incendie et l'explosion d'un stock de munitions livré la veille et non encore rangé. Cela provoqua la destruction de l'entrée et l’affaissement de la falaise à cet endroit. Selon un rapport allemand, un militaire et une civile furent tués et 42 personnes furent brûlées. La petite galerie fut ensuite définitivement condamnée. Au cours de l'opération Ramrod 897, le 9 mai 1944, une bombe de 250 kg largués par un avion américain détruisit l'observatoire oriental du poste de direction de tir en tuant 3 hommes et en blessant 12 autres.

Plan du bombardement naval du 6 juin 1944 (© Wikipédia)

Le 6 juin 1944 à 3 h 40 les observateurs du poste de direction de tir repérèrent de nombreux navires au large. La batterie ouvrit le feu, mais la portée des canons ne leur permit pas d'atteindre les plages du débarquement. À 5 h 10, la batterie fut bombardée par 18 bombardiers Martin B26 Marauder américain. À 5 h 30, la Force "S" sous les ordres du contre-amiral Talbot se positionna en face du Havre. Cette Force "S" se composait des cuirassés HMS Warspite et HMS Ramillies, armés chacun de huit canons de 381 et de quatorze canons de 152, du cuirassé Roberts, armés de deux canons de 381 et de huit canons de 100, et du croiseur Mauritus, armé de douze canons de 152 et de huit canons de 102. S'engagea alors un duel de 80 min avec le HMS Warspite qui tira 350 obus de 381 sur la batterie du Mont Canisy. Malgré ce déluge de feu, deux des canons sous blockhaus restèrent intacts. Selon le rapport du major Gunther, commandant la batterie du Mont Canisy, les tirs allemands effectués le 6 juin endommagèrent sévèrement un croiseur et légèrement dix autres navires. Les tirs du 7 juin endommagèrent un croiseur et cinq autres navires, ceux du 9 juin coulèrent un bâtiment de secours et endommagèrent sévèrement un croiseur et six lanceurs de roquettes, ceux du 10 juin endommagèrent légèrement un lanceur de roquettes, ceux du 11 juin endommagèrent légèrement deux navires, ceux du 12 juin endommagèrent légèrement un navire et ceux du 13 juin endommagèrent légèrement trois patrouilleurs et touchèrent sévèrement trois autres. Ces informations ne sont pas vraiment confirmées par les forces alliées. La batterie du Mont Canisy fut abandonnée par les Allemands durant la nuit du 21 au 22 août 1944.

Les dégâts que l'on peut observer sur les trois blockhaus 679 sont le résultat des destructions d'explosifs réalisé après guerre par les démineurs qui y entassaient les explosifs ramassés sur le site. Le tunnel et ses alvéoles furent utilisés entre 1956 et 1958 en tant que champignonnière, mais le manque de ventilation et l'humidité excessive conduisirent à l'abandon de la production. Le site fut ensuite totalement abandonné jusqu'en 1996 où une association entreprit la sauvegarde du site. Les accès au casernement souterrain furent alors fermés au public.

Ces photographies ont été réalisées en avril 2024.

Y ACCÉDER:

L'accès à la batterie de Mont Canisy est fléché depuis Blonville-sur-Mer (chemin de Touques). La visite du site (partie aérienne) est libre. La partie souterraine se visite au travers de visites guidées organisées certains jours par l'association "Les amis du Mont-Canisy" (www. Mont-canisy.org).

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

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Cette page a été mise en ligne le 30 mai 2024

Cette page a été mise à jour le 30 mai 2024