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La ligne Maginot aquatique

Après la 1re Guerre mondiale, la région allemande de la Sarre fut placée sous l’administration de la Société des Nations et considérée par la France comme un territoire neutre. En 1927, la France retira de ce territoire l’essentiel des troupes d’occupation en espérant ainsi que les Sarrois allaient opter pour le maintien du statut de neutralité. De ce fait, la Trouée de la Sarre, région située entre Saint-Avold et Sarralbe, ne fut pas considérée comme prioritaire lors de la construction de la ligne Maginot.

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Le réservoir de Hoste-Bas

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Le réservoir de Hoste-Bas

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Casemate près du réservoir de Hoste-Bas

À partir de 1930, la 20région militaire, sous le commandement du général Mittelhauser, étudia, en collaboration avec l’ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées en retraite, monsieur Pariset, une solution peu coûteuse pour interdire le passage de troupes ennemies dans cette Trouée de la Sarre. Entre 1931 et 1935 fut donc réalisée une zone inondable en tenant compte de la configuration géographique des lieux. Avec des réservoirs artificiels, des biefs inondables et quelques casemates tenant sous leurs feux les digues fut obtenue une zone inondable difficilement franchissable dans les vallées du Moderbach, de l’Albe et de la Sarre. Le côté ouest du secteur, la vallée de la Nied, ne put, pour des raisons techniques, être protégé par des inondations. On y avait seulement transformé quelques ruisseaux parallèles au front en fossé.

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Casemate pour canon antichar tenu par les hommes du 41e et 51Régiment de Mitrailleurs d’Infanterie Coloniale (RMIC).

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Cette casemate est devenue le mémorial des Marsouins à Holwing

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La maison forte de Willerwald constituant un avant-poste avec toit en tuile et créneaux de tir obturés par des volets en bois.

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La maison forte de Willerwald

Pour créer cette zone de défense, trois zones inondables étaient prévues. L’inondation de la zone de la Nied allemande entre Teting-sur-Nied et Barst était alimentée par le réservoir du Bischwald et était délimitée par une digue sur la Nied allemande à la hauteur de Tatenholz. La région de Puttelange devait être inondée sur 10 km grâce à six réservoirs se déversant dans le Moderbach. Le réservoir de Hoste-Haut avait une capacité de stockage de 579 000 m³, celui de Hoste-Bas contenait 156 400 m³, celui de Diffenbach contenait 2 150 000 m³, celui de Wielschhof contenait 1 346 900 m³, celui de Remering contenait 960 000 m³ et celui de Hirbach contenait 1 221 830 m³ soit une capacité totale de 6,4 millions de mètres cubes. Le Moderbach fut canalisé entre deux levées de terre entrecoupées par cinq barrages composées d’un pertuis bétonné. Sur le haut du barrage était implanté un hangar pour le stockage des poutrelles en bois servant à la fermeture du pertuis. L’inondation du cours de la Sarre entre Sarralbe et Wittring était alimentée par les étangs de Mittersheim et du Stock au travers du canal des Houillères et complétée par les retenues de crues par le barrage de Sarralbe. L’inondation de ces zones devait être réalisable en 36 h.

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Plan affiché sur la digue de Hoste-Bas

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Le réservoir de Hoste-Bas

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Le réservoir de Hoste-Bas

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La casemate de protection de la digue du réservoir de Hoste-Bas

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La casemate de protection de la digue du réservoir de Hoste-Bas

Le 13 janvier 1935, les Sarrois choisirent par plébiscite le rattachement de la Sarre à l’Allemagne. La défense de la Trouée de la Sarre et du nœud ferroviaire de Bénestroff se posa alors au gouvernement français. Le ministre des armées demanda à la CORF (commission d’organisation des régions fortifiées) d’étudier une organisation défensive contre les chars. La zone ouest fut donc progressivement couverte par différentes organisations de campagne comprenant de petites casemates pour canon antichar et/ou de mitrailleuses, d’abris en rondins et de points d’appui fortifiés. Ces travaux dirigés par la chefferie de Sarrebourg furent principalement effectués par les troupes des 2e et 4DINA (division d’infanterie nord-africaine). Une deuxième position de défense fut construite entre 1936 et 1937 sur la ligne des étangs Bischwald – Grostenquin – Francaltroff. Constituée de vingt-cinq casemates, elle fut dénommée "position intermédiaire de la 4Armée". Devant la moindre valeur technique de ces petites casemates, un important effort de fortification fut entrepris fin 1938. Une ligne de vingt-sept grosses casemates STG (Section Technique du Génie) et quatre casemates d'artillerie armée de canons de 75 mlle 97 furent construites entre Téting et Puttelange. La plupart de ces casemates étaient inachevées lors de l’offensive allemande du 10 mai 1940. Une deuxième ligne, dite position intermédiaire, fut réalisée par la CEZF (Commission d’Étude des Zones Fortifiées) pour verrouiller le secteur Faulquemont – Sarralbe – Sarre-Union. Sur les vingt-deux casemates de type STG double avec cloche d'observation, seulement treize furent construites. Entre 1939 et 1940, les barrages des zones inondables furent renforcés par bétonnage et mise en place de dalles d’éclatements. Les barrages furent protégés par l’implantation sur les berges de casemates de type spécial offrant huit créneaux pour fusil-mitrailleur.

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La casemate de protection du barrage de Hirbach

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La casemate de protection du barrage de Hirbach

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Le barrage de Hirbach

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Le barrage de Hirbach

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La casemate MC 20

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La casemate M 38 près de Barst

Les casemates STG ont toutes un plan similaire. Ce sont des casemates simples (7 exemplaires) soit des casemates doubles (20 exemplaires). La dalle supérieure a une épaisseur de 2 m, certaines ont cependant été réduites à 1,50 m. Elles sont équipées d'une cloche blindée de type GFM (guet/fusil-mitrailleur) ou d'une cloche AM (arme mixte canon de 25/jumelage de mitrailleuses). Certaines casemates ont été équipées d'une cloche GFM et d'une cloche AM. Les cloches "GFM modèle 1934 type B" ont un poids de 17 tonnes. Elles sont réalisées avec un alliage d'acier au nickel/chrome d'une épaisseur de 25 cm. Elles ont un diamètre intérieur de 1,30 m. Ces cloches sont munies de quatre ou cinq meurtrières utilisées en observatoire ou pour le passage d'un fusil mitrailleur. Pour cela, la meurtrière est équipée d'une rotule. Le fusil mitrailleur avait un calibre de 7,5 mm et une cadence de tir effective de 200 coups par minute (500 en théorie). Sa portée était de 600 m.

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La casemate MC 21

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La casemate MC 21

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Les entrées de la casemate MC 21

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La casemate MC 21

Les casemates STG type A1 (avec cloche GFM), dite double, possèdent un créneau de tir pour canon antichar de 47 et un créneau pour mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm sur trépied de chaque côté. Les casemates d'infanterie STG type B1 (avec cloche GFM), dite simple, ont le même armement, mais uniquement sur le côté droit ou le côté gauche. Le canon antichar de 25 pouvait également être utilisé. Le canon antichar de 47 avait une longueur de 2,37 m et une cadence de tir de vingt coups par minute. Son obus de 2 kg était capable de percer un blindage de 56 mm à 1000 m de distance. Tous les blindages des chars en service en 1940 étaient percés à 800 m de distance. La mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm avait une longueur de 1,31 m et un poids de 52 kg (avec le trépied). Elle avait une cadence de tir de 400 à 500 coups par minute et une portée maximale de 4500 m.

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La casemate MC 23

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Les entrées de la casemate MC 23

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Le sas d'entrée de la casemate MC 23

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La chambre de tir de la casemate MC 23

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La casemate d'artillerie MC22 "La Costaude"

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La casemate d'artillerie MC22 "La Costaude"

Les casemates STG possèdent une entrée pour les hommes fermée par une grille métallique et une porte blindée. Une ouverture attenante permettait le passage du matériel. L'entrée du matériel était bouchée par un empilement de rails de chemin de fer. Les deux entrées sont défendues par un créneau pour fusil mitrailleur. L'équipage d'une telle casemate est constitué de dix-huit à vingt-quatre hommes commandés par un lieutenant. Les casemates STG étaient équipées d'une chambre pour le matériel de transmission et de latrines, mais étaient dépourvues d'éclairage électrique et de système de ventilation. L'alimentation en eau est réalisée par des puits. Le côté exposé à l'ennemi est remblayé avec de la terre assurant également son camouflage.

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Reconstitution d'une position près du saillant de Barst

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Guérite d'observation

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Une tourelle de char FT17 réutilisée sur la ligne Maginot

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Guérite d'observation

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Poste de commandement de campagne

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Guérite de garde d'un passage routier

Le 10 mai 1940 débuta l’offensive allemande. La Wehrmacht se mit en marche vers l’ouest avec comme objectif l’encerclement des armées française et britannique stationnées dans le nord de la France. Ce qui conduisit au repli de celles-ci sur Dunkerque. Début juin, les Allemands lancèrent l’opération "Fall Rot" (plan rouge) contre la ligne Maginot en Lorraine et en Alsace. Le 12 juin 1940, le commandement français ordonna le repli des troupes d’intervalles, mais l’offensive le 14 juin de la Heeresgruppe C dans la Sarre puis sur le Rhin empêcha le repli comme prévu des troupes française. Les troupes abandonnées à leur sort furent obligées de combattre sans espoir jusqu’à l’armistice. Dans la Trouée de la Sarre où étaient stationnés les 69e, 82e et 174Régiment de Mitrailleurs d’infanterie de Forteresse (RMIF), la 52Division d’infanterie et la 1re Division d’Infanterie polonaise (DIP), le repli était fixé au 14 juin au soir. La 1re Armée allemande commandée par Von Witzleben et constituée de trois Armee Korps (9 divisions) fut chargée de l’attaque sur la Trouée de la Sarre. Les Allemands avaient aligné 90 000 soldats appuyés par 1 000 canons et plus de 100 avions face aux 57 000 Français et Polonais. Von Witzleben déclencha l’opération "Tiger" le 14 juin à 6 h 00 par un tir d’artillerie. À 9 h 00, les troupes d’assaut attaquèrent les positions avancées de Knop, Barst et Grossberg qu’elles enlevèrent très rapidement, mais elles se heurtent ensuite à la ligne principale de défense. Les combats devant Holving et Puttelange furent plus intenses, les Allemands ne parvenant qu’à faire une petite brèche dans les lignes françaises au niveau du bois de Kalmerich. Au soir du 14 juin, Von Witzleben, devant l’échec de ses troupes à percer la ligne française, ordonna l’arrêt de l’offensive. Mais après la capture d’un aspirant français porteur de l’ordre de repli, il ordonna la reprise de l’attaque pour le 15 juin au matin. Les Allemands franchirent la ligne Maginot abandonnée par les Français au cours de cette journée. La bataille pour la Trouée de la Sarre coûta la vie à 750 français et Polonais et à 1 200 Allemands.

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Ensemble betonnière/wagon de transport utilisé lors de la construction des casemates

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Le fronton et l'entrée de la casemate d'artillerie MC22

À Barst fut reconstituée une défense antichar bloquant un chemin. Il s’agit du prototype unique d’un wagon antichar construit en 1937. Un bloc de béton de 40 t est placé sur deux bogies à voie métrique. La fermeture du passage se faisait par la mise en place du wagon par gravité sur une légère pente. L’ouverture se faisait à l’aide d’un treuil. De part et d’autre du passage étaient disposées six rangées de rails, long de 3 m, enfoncé verticalement de 1,70 m à 2,40 m dans le sol. La profondeur de cet obstacle antichar était de 11,25 m. En 1940, l’endroit était défendu par les hommes du 82Régiment de Mitrailleurs d’infanterie de Forteresse.

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Le wagon antichar

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Le wagon antichar

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Réseau de rails antichar

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Réseau de rails antichar

Ces photographies ont été réalisées en octobre 2022.

 

Y ACCÉDER:

Les défenses (casemates, tranchées reconstituées et wagon antichar) du saillant de Barst sont visibles à Barst. En venant de Puttelange par la D656 entrée dans le village de Barst en direction de Biding. Après le rond-point, prendre à gauche la rue de la Croix (fléchage ligne Maginot). Poursuivre jusqu’au parking près des casemates.

Les casemates de défense de la digue du réservoir de Hoste-Bas sont accessibles depuis la D656.

Le mémorial des Marsouins se trouve à Holving, rue de Montmoreau.

La casemate de défense du barrage du Mutterbach se trouve le long de la D156e allant de Holving à Hirbach.

La maison forte se trouve le long de la rue principale à Willerwald.

 

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.

 

 

Cette page a été mise en ligne le 2 novembre 2023

Cette page a été mise à jour le 2 novembre 2023