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Le char Tigre de Vimoutiers est un des sept survivants du plus puissant char allemand de la 2e Guerre mondiale. Ayant passé trente ans au fond d'un fossé puis sauvé des ferrailleurs, il est depuis 1975 exposé au bord de la route.
Le char Tigre de sa vraie dénomination "Panzerkampfwagen VI Tiger" fut construit par Henschel et Porsche entre 1942 et août 1944 à 1 350 exemplaires. Il était long de 8,45 m, large de 3,73 m et haut de 2,93 m. Muni d'un blindage frontal de 100 mm d'épaisseur, il avait un poids total de 57 t. Il était mû par un moteur V12 Maybach HL230P45 (23,8 l de cylindrée) d'une puissance de 700 ch. Cette puissance était transmise aux chenilles par une boite de vitesse semi-automatique à 8 rapports avant et à 4 rapports arrière. Le moteur ayant une consommation moyenne de 487 l pour 100 km, le réservoir de 500 l lui donnait une autonomie de 85 km en tout terrain et de 140 km sur route. Sa vitesse maximale était de 38 km/h. Son utilisation nécessitait un équipage de cinq hommes, deux installés dans la caisse et trois en tourelle. Le Tigre était armé d'un canon de 88 KwK36 avec une réserve de 92 obus, de deux mitrailleuses de 7,92 mm avec 3 920 cartouches et d'un lance-grenade sur la tourelle avec 4 500 grenades. Le canon de 88 était capable de détruire un char Sherman à 1 800 m en le touchant sur le front de la tourelle et à 3 500 m en le touchant à la superstructure.
Conçu pour le combat sur le front de l'est, dans de grandes plaines ouvertes, le Tigre manquait de mobilité dans le bocage normand. Son manque d’autonomie, 100 km en moyenne, et sa fragilité mécanique, il nécessitait un entretien minutieux, le pénalisait énormément. De nombreux Tigres furent perdus sur panne mécanique. Le Tigre, reconnu comme le plus puissant blindé de la 2e Guerre mondiale, devint vite la terreur des chars alliée. Le rapport de chars détruit était environ de 12 à 16 chars alliés pour un Tigre. Lors de la bataille de Villers-Bocage, l'as des chars allemand, Michael Wittmann, détruisit avec son Tigre, le 13 juin 1944, vingt-sept chars britanniques. Cent vingt-six Tigres furent engagés durant la bataille de Normandie. Ils appartenaient à la 101e et à la 102e Schwere SS Panzer Abteilung du IIe Panzerkorps. La 102e Schwere SS Panzer Abteilung fut, à la mi-août 1944, subordonnée à la 12e SS Panzerdivision Hitlerjugend qui, elle, était équipée de Panzerkampfwagen IV et de Panzerkampfwagen V Panther.
Panzer VI Tiger (© Bundesarchiv)
Panzer VI Tiger
à Villers-Bocage (© Bundesarchiv)
Entre le 12 et le 20 août 1944 fut réalisé par les alliées une opération pour fermer la poche de Chambois/Falaise encerclant la 7e Armée Division allemande. Cette opération marqua la fin de la bataille de Normandie. Vimoutiers se trouvait à proximité du point de jonction entre les forces anglo-canadiennes et les forces américaines et françaises (2e Division Blindée de général Leclerc). La 12e SS Panzerdivision Hitlerjugend prit la direction de Vimoutiers pour empêcher la progression de Britanniques et maintenir un passage ouvert pour le repli de l'armée allemande. Dans ce repli, une soixantaine de blindées à court de carburant ou en panne furent abandonnées par les Allemands à proximité de Vimoutiers. Des cent vingt-six Tigres présents en Normandie moins d'une dizaine parvint à s’échapper de la poche de Falaise. Ironie du sort, à 5 km de Vimoutiers se trouvait au château de l'Horloge à Ticheville un dépôt de carburant allemand. Le 19 août 1944, une colonne de chars s'engagea sur la route en forte pente de la côte de Gacé au sud-est de Vimoutiers. Au lieu-dit "Butte du Sap" cinq d'entre eux, un Panzerkampwagen III, deux Panzerkampwagen IV et un Tigre, tombèrent en panne ou à court de carburant. Le 22 août, les bulldozers de la Black Watch de la 2e Division canadienne dégagèrent la route en poussant les chars allemands dans le fossé.
Un char Tiger II de la s. Panzer-Abteilung 503 sabordé à l'entrée de Vimoutiers, route de Trun (N816 aujourd'hui la D916) près du carrefour de la Fauvetière.
(© Conseil Régional de Basse-Normandie / Archives Nationales du CANADA)
Photo aérienne. Dans un verger, deux trous de bombes : -au premier plan : un véhicule Steyr 1500 A Personenkraftwagen -dans le fond un char Tiger II Panzerkampfwagen VI Ausf.
B
(© Conseil Régional de Basse-Normandie / Archives Nationales du CANADA)
Après la guerre, monsieur Maurat, ferrailleur et propriétaire de dépôt de ferraille à Saint-Laurent-sur-Dives et à Trun, acheta un lot d'épaves de chars à Vimoutiers auprès de l'Administration française des Domaines. La position dans un fossé escarpé du Tigre rendit sa récupération difficile. Finalement, il ne récupéra sur l'épave que le moteur et la boite de vitesse. À la mort de monsieur Maurat en 1966, sa sœur vendit l'épave du Tigre à la société Guy Dauphin de Caen. En 1973, la route fut fermée à la circulation pour permettre l'extraction du Tigre du fossé. Michel Dufresne, ancien de la 2e Division Blindée, ayant appris cela alerta le maire de Vimoutiers et l'historien Eddy Florentin de l’intérêt historique du Tigre. Eddy Florentin fit appel à ses relations aux Ministères. Alors que la tourelle avait déjà été déposée et le découpage de la carcasse commencé, le chantier fut stoppé par une intervention de la Gendarmerie. En 1975, l'épave fut rachetée par la municipalité de Vimoutiers pour la somme de 5 500 francs. Elle fut extraite du fossé en mai 1975 par la société Blondeau-Vallée en utilisant trois engins de travaux publics et déposée sur une aire bétonnée au bord de la route. Le Tigre fut classé Monument historique le 2 décembre 1975 et fut sommairement restauré. En France, seulement trois blindées sont classées Monument historique. En 2013 fut élaboré un projet de restauration et en 2016 la municipalité délégua à l'association pour la restauration du char Tigre de Vimoutiers en Normandie (CATIVEN) toutes les étapes pour la restauration puis le déplacement au centre-ville dans un musée du Tigre. En septembre 2019, Régis Martin, architecte des Bâtiments de France, inspecteur général des Monuments historiques et maître d’œuvre du projet de restauration, fit faire un scan 3D de l'extérieur et de l'intérieur du Tigre. En 2020, un chiffrage de la restauration fut soumis à la Direction régionale des activités culturelles (DRAC). Celle-ci autorisa les travaux de restauration de l'enveloppe, de la structure et du roulement de la tourelle, mais l'intérieur du char devra rester en l'état de son sabordage d’août 1944. Le coût de la restauration est estimé à un million d'euros. Elle sera réalisée fin 2024.
Dans un trou de bombes un char Tiger II Panzerkampfwagen VI Ausf.
B. (© Conseil Régional de Basse-Normandie / Archives Nationales du CANADA)
Le 22 août 1944 à l'entrée de Vimoutiers, route de Trun près du carrefour de la Fauvetière, sur le côté de la route un Tigre II tracté par un Bergepanther de la s. Panzer-Abteilung
503 (© Conseil Régional de Basse-Normandie / Archives Nationales du CANADA)
Lors du scan 3D fut relevé le numéro de la tourelle du Tigre. Il s'agit du n° 251113 correspondant au Panzerkampfwagen VI Tiger 181 type E construit en mai 1944 par Henschel. Gérard Roger, un historien local, prétendit avoir retrouvé le chef du char en 1944 qu'il aurait rencontré lors d'une commémoration. Pour lui, le char était, en août 1944, sous les ordres d'Ekkehard Förster (18 ans à l'époque) qui, seul à bord avec le pilote, les autres membres d'équipage auraient été tués deux jours plus tôt, cherchait à fuir les troupes britanniques lorsqu'ils sont tombés en panne sèche à Vimoutiers. Ils auraient abandonné le Tigre dans un virage sans destruction. Förster affirma qu'il appartenait à la 12e SS Panzerdivision Hitlerjugend. Cette version est remise en cause par Pierre Moreau (site web HistoReich) pour qui la 12e SS Panzerdivision Hitlerjugend n'était pas équipée de Tigre et qui trouve inconcevable que Förster veuille forcer le blocus britannique avec juste un pilote et sans tireur (donc sans défense) alors que de nombreux équipages désœuvrés étaient disponibles dans la poche de Falaise. Selon les recherches de Stéphan Cazenave et de Rudiger Warnick, l'équipage du Tigre était constitué du chef de char SS-Unterscharführer Herbert Reisske, du pilote SS-Panzersturmmann Martin Laeur, du chargeur SS-Panzeroberschutz Martin Jähnichen, du pointeur SS-Panzerrottenführer Roger Steenhoute et d'un opérateur radio inconnu. Selon Philippe Wirton, l'équipage, lors de l'abandon du char, a fait exploser dans le char deux charges explosives, dont l'une a désaxé la tourelle (visible sur des photos le montrant dans le fossé). Les fissures visibles sur la caisse tenteraient à conforter cette version, car contrairement à ce que j'ai pu lire ces fissures n'ont pas pu être faites uniquement par la rouille attaquant le Tigre. Par contre, les fissures visibles sur la tourelle sont bien des traces de découpe réalisée par les ferrailleurs.
Le Tigre de Vimoutiers est identifié par beaucoup de sources comme étant le char n° 131 de la 102e Schwere SS Panzer Abteilung. Selon Pierre Moreau (site web HistoReich), le char n° 131 était le Tigre du SS-Untersturmführer Hanz Loritz qui fut détruit près d'Usssy, le 14 août 1944. Pour lui, le Tigre de Vimoutiers est le n° 224 du SS-Unterscharführer Herbert Reisske, abandonné le 19 août 1944 suite à la perte de la pression d'huile entraînant la casse du moteur (selon Cazenave et Warnick).
Détail de la chenille droite
Fissure sur le haut de la caisse témoignant d'une explosion interne
Panzer VI Tiger (n° de tourelle 232) du 1. SS-Pz. Korps "Leibstandarte Adolf Hitler" (© Bundesarchiv)
Vue arrière, Les deux trous sont les sorties d'échappement du moteur sur
lesquels sont connecté les silencieux d'échappement (manquants sur ce
modéle)
Actuellement, il subsiste dans le monde sept Tigres. En plus de celui de Vimoutiers, il en existe un autre en France au musée des blindés de Saumur. Un autre (le seul en état de marche) se trouve au Tank museeum de Bovington en Angleterre, un au musée de Fort Benning en Georgie aux États-Unis, un au musée des blindés de Munster en Allemagne et deux en Russie (Koublinka et Lenino-Snegiri). Le Tigre de Vimoutiers est visiblement le seul qui soit équipé de chenilles de combat, large de 72,5 cm. Sa peinture n'est cependant pas conforme à l'original. Des photos de 1970 laissent voir un rainurage sur la caisse correspondant à la peinture Zimmerit qui était une pâte antimine magnétique. La peinture actuelle fut réalisée lors de la restauration de 1975.
Détail du canon
La tourelle
Ces photographies ont été réalisées en avril 2024.
Y ACCÉDER:
Le Tigre est situé à la sortie de Vimoutiers sur le bord de la route D979 en direction de Gacé et d'Aigle.
Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.
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Cette page a été mise en ligne le 30 mai 2024
Cette page a été mise à jour le 30 mai 2024