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Le village martyr d'Etobon

Le 27 septembre 1944, le petit village d'Etobon subit les exactions des nazis, devenant un village martyr. En représailles aux actions des résistants, les nazis y fusillèrent 39 hommes âgés de 17 à 58 ans tirés au sort. Trois autres furent fusillés plus tard et 7 autres furent déportés.

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En septembre 1944, les troupes franco-américaines ne recevant plus leur ravitaillement tant en munitions qu’en essence durent stopper leur avance libératrice en direction du Rhin non loin d’Etobon (elles avaient progressé beaucoup plus vite que prévu depuis le débarquement en Provence). Les troupes françaises venant de Villersexel et de Lure étaient à l’arrêt à Frédéric-Fontaine (environ 3 km au nord-ouest d'Etobon) depuis le 15 septembre. Le front s'était stabilisé à environ 8 km entre Ronchamp à l’est et le Lomont à l’ouest. Les résistants et les FFI (forces françaises de l'intérieur) d’Etobon s'étaient mobilisés depuis le 6 septembre. Il avait pour mission de surveiller la route Lure-Héricourt par où passaient les convois allemands se dirigeant vers Belfort. D’autres groupes agissaient dans les environs, celui de Magny-d’Anigon surveillait la RN 19 entre Lure et Belfort, ceux de Champey et d’Héricourt tenaient "les bois de Vaux" au nord de Luze et Couthenans. Tous ces groupes de résistants harcelaient les convois ennemis sur les routes menant à Belfort, en étant persuadées de l’arrivée imminente des armées libératrices. À partir du 8 septembre eurent lieu quotidiennement des accrochages entre les résistants, les FFI et les Allemands. Le 8 septembre, au matin, un Allemand, blessé à Etobon, fut fait prisonnier à Chenebier. Le 9, le groupe de Cherimont attaqua l'automobile d'un officier supérieur (peut être un général) qui fut tué avec son escorte. Le même jour, Jules Tournier, chef dans les résistants d’Etobon, trouva la mort dans l’attaque d’un convoi allemand au lieu dit "Le Nid". Un autre détachement d’Etobon arrêta, à Belverne, un camion chargé d’essence en faisant trois prisonniers. Le 12 septembre, quatre Allemands, venus réquisitionner les vélos à Etobon, furent capturés. Ces prisonniers furent gardés par les gendarmes de Champagney qui avaient pris le maquis. Le 13 septembre, un jeune résistant, trop nerveux, tira sur un side-car et une automobile allemande hésitant sur la route à suivre en traversant le village d'Etobon. Dans la fusillade qui s'en suivit trois Allemands, dont un lieutenant, furent tués et un autre blessé. Les résistants eurent un mort et un blessé. Le 14 septembre, alors que quatre Allemands réquisitionnèrent des chevaux dans Chenebier, un habitant demanda du secours aux résistants d’Etobon. Deux hommes répondirent à la demande sans prévenir leur chef. Le croyant seul, ils tuèrent un Allemand. Les trois autres, alertés par le coup de feu, s’enfuirent. Peu après, les Allemands arrivant de Frahier, rassemblèrent la population de Chenebier devant le monument aux morts, mirent le feu à la ferme de Pierre Goux et abattirent l’enfant Pillat, âgée de 9 ans, d’une rafale de mitraillette alors qu’il courait chercher son grand-père. Les 17 et 18 septembre, des cavaliers cosaques patrouillèrent en forêt en traquant les "Terroristes". Le maquis de Cherimont, attaqué, dut se disperser. Celui d’Etobon s’éloigna vers Courmont. Le 24 septembre, les hommes du maquis d’Etobon, sur le point d’être cernés, rentrèrent chez eux et reprirent leurs activités habituelles. Le même jour, l'emplacement où étaient retenus les prisonniers fut découvert par les Allemands. Le commandement allemand réunit à la mairie d’Etobon tous les hommes âgés de 16 à 50 ans et les obligea à réaliser des terrassements aux abords de Belverne. Le lendemain, quatre hommes d'Etobon furent menés de force au travail. Le 26 septembre, le travail se renouvela dans les mêmes conditions, mais comme il pleuvait, les hommes furent congédiés vers midi.

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Le mercredi 27 septembre, nouvel appel à la mairie. Les hommes de 16 à 60 ans furent rassemblés dans la classe des garçons dont les issues étaient gardées. Le village fut bloqué par les cosaques qui fouillèrent de nombreuses maisons. Quelques hommes cachés furent découverts et rejoignirent le rassemblement. Trois des anciens prisonniers furent chargés de reconnaître les résistants. Un seul d’entre eux désigna un à un les hommes qu’il disait avoir vus. Aucun résistant ne fut désigné, mais des jeunes de seize ans et des hommes âgés n’ayant jamais tenu une arme furent déclarés "Terroristes". Le capitaine des cosaques annonça alors que les hommes devaient aller effectuer des travaux de défense à Héricourt. Un peu avant midi, le détachement, entouré de femmes et d’enfants en pleurs, se mit en route pour Chenebier où les hommes furent enfermés dans l’ancien atelier de couture au centre du village en face du temple. Un camion venant de Belfort amena quelques officiers allemands et des hommes de la Gestapo. L’après-midi fut consacré à un simulacre d’interrogatoire. Un peu avant 16 h, 27 hommes furent emmenés en charrettes vers Belfort. Les autres furent condamnés à mort. Pierre Marlier, pasteur d’Etobon et faisant partie des hommes conduit à Belfort, s'accusa d'être le seul coupable et supplia sans succès le capitaine allemand de gracier ses paroissiens. Les condamnés furent dirigés par groupe de dix vers la façade du temple où deux bourreaux les abattirent à coup de mitraillettes. Le premier groupe du se mettre à genoux face aux tireurs. Le deuxième et le troisième groupe durent également se mettre à genoux, mais le dos tourné à leurs bourreaux. Le quatrième groupe debout face aux tireurs chanta "La Marseillaise". Les victimes seront enterrées dans une fosse commune.

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La terreur à Chenebier était telle que personne n’avait osé, tant que les Cosaques étaient présents, se faire le messager de l’horreur. C’est seulement le samedi 30 septembre que madame Abry, qui avait vu mourir sous ses yeux deux neveux, monta à Etobon où régna, en un instant, la plus désespérante consternation. Entre le 27 septembre et le 18 novembre, jour de la libération, toute la commune dut supporter les exactions des Allemands. Le commandant des troupes allemandes appliqua à Etobon les ordonnances du Reich permettant toutes les exactions à l’égard d’un village de "terroristes". Les femmes, les enfants et les quelques vieux qui restaient furent exploités. Une équipe récolta les pommes de terre dont la moitié dut être transportée pour les Allemands vers Belverne et Chalonvillars. Une autre équipe rassembla les dernières pommes et poires. Les tonneaux de fruits fermentés furent conduits à la Vieille-Verrière (commune de Courmont) où deux hommes du village durent aller chaque jour les distiller. Le lait des quelques vaches restantes fut transporté sur une charrette par deux hommes à Belverne pour les hommes du front. Les Allemands prirent les bovins, les porcs, les outils, les voitures, les traîneaux, les matelas, les bouteilles, les bonbonnes, le foin, la paille et, dans les maisons abandonnées, les meubles et même les portes et les fenêtres. Les Cosaques sous les ordres du capitaine responsable du massacre passèrent leur temps à terroriser les habitants. Les alliées reprirent l'offensive le 17 novembre 1944. Etobon fut libéré du joug nazi le 18 novembre 1944 vers 10 h 30.

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Parmi les coupables présumés se trouve le colonel Volnat, commandant d’infanterie allemande sur le secteur Champey — Lomont — Frédéric-Fontaine. Il était l’ami de l’officier supérieur tué le 9 septembre. Selon des dires de soldats allemands cantonnés à Etobon et recueillis par M. Jules Perret, adjoint au maire, il aurait exigé 40 victimes à titre de vengeance personnelle. Y figure également le capitaine Bachmaier, commandant l’escadron de Cosaques qui procéda le 27 septembre au bouclage du village, aux perquisitions, à l’arrestation des 67 citoyens d’Etobon et à l'exécution des victimes. Il aurait été, a-t-il déclaré, instituteur et aurait vengé la mort de sa mère, victime d’un bombardement des alliés. Également coupable est le cosaque (peut-être caporal ou sous-officier) Pietro Pilot, qui offrit volontairement ses services comme bourreau dans l’exécution du 27 septembre.

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Les victimes d’Etobon

- BAUER Maurice, 20 ans, cultivateur.
- BAUER René, 25 ans, cultivateur (son frère).
- BEAUMONT André, 21 ans, cultivateur.
- BOULAY Roger, 22 ans, cultivateur.
- CROISSANT Jean, 22 ans, charron.
- GOUX Jean, 21 ans, cultivateur.
- GOUX Julien, 20 ans, cultivateur.
- GOUX Fernand, 41 ans, menuisier, marié et père de quatre enfants.
- GOUX Gilbert, 17 ans, élève maître.
- GOUX Robert, 35 ans, cultivateur.
- GUEMANN Christ, 40 ans, cultivateur.
- GUEMANN Paul, 32 ans, cultivateur.
- LARGE André, 18 ans, cultivateur.
- LAMBOLEY Raymond, 25 ans, cultivateur.
- MIGNEREY René, 44 ans, cultivateur, marié et père de deux enfants.
- NARDIN Charles, 54 ans, menuisier, maire d’Etobon, marié et père d'un enfant.
- NARDIN Charles, 27 ans, cultivateur.
- NARDIN Jean, 17 ans, cultivateur.
- NARDIN Pierre, 20 ans, cultivateur.
- PERRET Charles, 24 ans, cultivateur.
- PERRET Georges, 17 ans, cultivateur.
- PERRET Jean, 20 ans, cultivateur.
- PERRET Jacques, 33 ans, cultivateur, marié et père d'un enfant.
- PERRET René, 28 ans, ouvrier d’usine.
- PERRET Maurice, 20 ans, cultivateur.
- PERRET Paul, 18 ans, cultivateur.
- PERRET Pierre, 35 ans, ingénieur-chimiste, marié et père de deux enfants.
- POCHARD Alfred, 58 ans, ouvrier d’usine, marié et père de quatre enfants.
- POCHARD Samuel, 28 ans, cultivateur.
- SCHOENENBERGER André, 28 ans, instituteur.
- SURLEAU Georges, 42 ans, cultivateur, marié et père de deux enfants.
- VILLEQUEZ Pierre, 35 ans, ouvrier d’usine, marié et père d'un enfant.

Les morts étrangers à la commune

- BOUTEILLER Pierre, gendarme.
- MILLET, gendarme.
- ROLLIN Léon, gendarme.
- CROISSANT Henri, cultivateur de Frédéric-Fontaine.
- VOISIN de Frahier.
- Albert X, 16 ans, Alsacien de Baldersheim près de Mulhouse.
- DEMANGE Louis d’Echavanne, marié et père de cinq enfants.
- GRASSET André.

Sources consultées pour cet article :

Consulter la page "Bibliographie" de ce site
Site internet Wikipédia
Livres "La Franche-Comté sous l'occupation allemande et sa libération", "Ceux d'Etobon" et "Etobon, village de terroristes" de l'auteur Jean Riche.

 

Ces photographies ont été réalisées en mai 2009.

 

Y ACCÉDER:

Le mémorial du massacre des hommes du village d'Etobon se trouve à la sortie du village le long de la D127E allant vers Chenebier.

 

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Cette page a été mise en ligne le 02 novembre 2023

Cette page a été mise à jour le 02 novembre 2023