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Le port artificiel d'Arromanches

Vestiges du port artificiel d'Arromanches

Sur la plage d'Arromanches subsistent quelques éléments du port artificiel construit après le débarquement par les alliés pour permettre l'approvisionnement en matériels et en hommes des troupes combattantes en Normandie.

Le désastre du débarquement raté de Dieppe en 1942 mit en lumière la difficulté de prendre un port sur la façade maritime tenue par les forces allemandes. Les ports étaient les éléments les plus fortifiés du mur de l'Atlantique. La maîtrise d'un port était cependant essentielle dès les jours suivant un débarquement pour pouvoir acheminer le matériel nécessaire au fonctionnement d'une armée. Il fut donc conçu un projet de port artificiel à assembler au large des plages du débarquement. L'origine de l'idée est attribuée à l'ingénieur gallois Hugh Lorys Hughes, au professeur John Desmond Bernal et au vice-amiral John Hughes-Hallett, le chef d’État-major naval de l'opération Overlord. Le projet fut présenté par le War Office à la conférence Quadrand à Québec en août 1943 et accepté par les chefs alliés. En 1943, trois concepts furent testés dans le Solway Firth en Écosse. Hugh Lorys Hughes y présenta ses jetées "Hippo" et son pont "Crocodile", Ronald Hamilton y présenta sa voie flottante "Swiss Roll" et le lieutenant-colonel William T. Everall et le major Alan Beckett leurs ponts flexibles supportés par des pontons flottants. Les résultats des tests furent assez variables, mais une tempête trancha finalement les tests. La voie flottante "Swiss Roll" fut emportée et les jetées "Hippo" furent sapé par l'eau de mer. Seul le pont flexible ne subit aucun dégât.

Il fut décidé que le port serait constitué d'une protection et de brise-lames pour créer un plan d'eau abrité, de quais de déchargement et de jetées reliant les quais à la côte. Deux ports seraient construits et dénommés Mulberry A (pour américan), en face de Vierville-sur-Mer (Omaha Beach), et Mulberry B (pour british), en face d'Arromanches. Chaque port devait avoir une superficie de 500 hectares (comme le port de Dover) protégée par 6 km de jetées.

Les jetées furent créées en associant des blockships, des brise-lames Bombardons et des caissons Phoenix. Les blockships étaient constitués de 56 vieux cargos et vieux navires de guerre coulés au large des plages. À marée haute, les coques de ces navires dépassaient de 2 m hors de l'eau. Les brise-lames Bombardons étaient des caissons métalliques en forme de croix de 60 m sur 8 m fabriqués à Portland. Les caissons Phoenix étaient des caissons en béton de forme parallélépipédiques et cloisonnés. Six modèles furent construits du plus petit (1 670 t) au plus gros de 70 m de longueur, de 15 m de largeur et de 20 m de hauteur pour un poids de 6 000 t. Une fois sur place, ils étaient remplis d'eau pour les couler de sorte que juste la partie supérieure émergeait des flots. Deux cent douze caissons Phoenix furent construits dans l'estuaire de la Tamise et à Southampton.

Derrière ces jetées étaient mis en place les quais de déchargement reliés entre eux et reliés à la plage par des voies flottantes. Les quais étaient constitués de plateforme Loebnitz. Conçut par l'ingénieur Pearson Loebnitz, il s'agissait d'une plateforme de 70 m sur 20 m et d'un poids de 1 100 t coulissant le long de quatre chandelles de 30 m de hauteur posés sur le fond marin. Le débattement était de 5 m permettant à la plateforme de monter et de descendre à gré des marées. Vingt-trois plateformes furent construites, dont huit en réserve. Les voies flottantes, appelées Whales, furent conçues par Alan Beckett. Il s'agissait d'une passerelle métallique de 24 m de longueur et d'un poids de 28 t reposant sur des flotteurs creux en béton d'un poids unitaire de 19 t, nommé Bettle. Quinze kilomètres de voies flottantes furent construits. La construction de tous ces éléments mobilisa 8 000 hommes et nécessita 600 000 t de béton, 31 000 t d'acier et 1 500 000 m² de tôle ondulée et dura 4 mois.

Le 7 juin, les blockships traversèrent la Manche au départ du port de Poole. Les brise-lames Bombardons, les caissons Phoenix, les plateformes Loebnitz et des tronçons de voies flottantes de 150 m de longueur (assemblage de 5 passerelles) furent remorqués à travers la Manche à la vitesse de 8 km/h furent remorqués à travers de la Manche. Les caissons Phoenix nécessitèrent deux remorqueurs par caisson. Cent trente remorqueurs furent utilisés pour amener les différents éléments sur place. Après avoir coulé les blockships, les Bombardons furent reliés entre eux et coulés, de même que les caissons Phoenix afin de constituer les jetées. À Arromanches, pour Mulberry B, furent utilisés dix-huit blockships, vingt-quatre brise-lames Bombardons et cent quinze caissons Phoenix. Sept plateformes Loebnitz furent reliées entre elles par des voies flottantes Whales pour former un quai de 750 m de longueur qui fut relié à la plage par quatre voies flottantes.

Mulberry A fut mis en service le 16 juin 1944 et Mulberry B le 19 juin 1944. Malheureusement entre le 19 et le 21 juin 1944 sévit une grosse tempête avec des vents de force 6 à 9 (45 à 120 km/h) et des creux de 2 à 4 m. À Mulberry A, à cause des caissons Phoenix ayant été coulés en eau trop profonde et des blockships étant trop espacés, la houle provoqua d'importants dégâts. Mulberry B fut moins touché. Les dégâts sur Mulberry A ayant été jugés irréparable, le port fut abandonné. Il fut cannibalisé pour réparer Mulberry B. L'abandon de Mulberry A provoqua un déficit de 20 000 véhicules et de 140 000 t de marchandise qui durent être débarquée à d'autres endroits. À la suite de cette mésaventure Mulberry B fut rebaptisé Port Winston. Il fut exploité jusqu'au 19 novembre 1944. Entre le 19 juin et le 31 août 1944, 25 à 48 % du tonnage de marchandise britannique transita par ce port. De 7 000 t par jour au début, le tonnage journalier passa à 20 000 t lors de l'assaut sur Caen. Entre le 19 juin et le 19 novembre 1944, 500 000 véhicules, 4 millions de tonnes de marchandise et 2,5 millions d'hommes transitèrent par Port Winston. Privé de Mulberry A, les Américains débarquèrent journalièrement 10 000 t par échouage de barges de débarquement sur les plages, par des pontons mobiles entre les navires et les plages et par l'utilisation à plus grande échelle des petits ports.

Port Winston fut démantelé en 1945. Cent quatre-vingts passerelles Whales furent réutilisées pour remplacer des ponts détruits. Ces ponts furent dénommés "ponts Arromanches". Actuellement, il reste face à la plage d'Arromanches deux blockships, quatre-vingt-seize caissons Phoenix (dont onze en bon état), une plateforme Loebnitz et seize flotteurs en béton. Deux passerelles Whales ont été positionnées près du musée "Arromanches 360", et un autre est situé près du musée du débarquement à Arromanches.

Sur le haut de la falaise à l'est d'Arromanches, les Allemands installèrent une station de repérage de navires desservie par le 2./Funkmess-Abteilung et dénommée Stutzpunkt 42. Elle mettait en œuvre un radar Freya Seetakt FuM02, d'une portée de 32 km, et un radar Wurzburg SeeRiese FuMO214, d'une portée de 40 km, installé sur un socle en béton. La défense antiaérienne du site était assurée par un canon de 75 KF235 sur un encuvement en béton et par trois canons 20 mm Flak28 Oerlikon.

Ces photographies ont été réalisées en avril 2024.

Y ACCÉDER:

Les restes du port artificiel d'Arromanches sont visibles sur la plage d'Arromanches. Certains éléments sont accessibles à marée basse. Pour une vue d'ensemble, une table d'orientation se trouve sur la falaise à l'est d'Arromanches près du musée "Arromanches 360". Attention, le parking à cet endroit est payant.

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

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Cette page a été mise en ligne le 30 mai 2024

Cette page a été mise à jour le 30 mai 2024