Le 29 octobre 2010, un témoin de l'histoire refait surface après 92 ans d'enfouissement.
Vue
d'ensemble du site de la découverte.
Le 18 mars 1918, le front situé au nord du village de Carspach connut un regain d'activité. De 6 h à 9 h, l'artillerie allemande bombarda les positions de l'artillerie française située dans la forêt du Lerchenholz avec des obus à gaz ypérite. En représailles, les Français pilonnèrent les premières lignes allemandes de 12 h à 18 h. Ils le firent avec six mortiers lourds et dirigèrent les tirs à l'aide d'avions. L'artillerie allemande réussit, au bout de nombreux essai, à détruire trois d'entre eux. Les Français bombardèrent surtout la deuxième tranchée (C2) située à environ 150 m de la ligne de front. Les occupants de cette tranchée s'étaient réfugiés dans l'abri Kilian. Celui-ci, profondément enterré, était considéré comme sûr. En début d'après-midi, la partie gauche (côté Carspach) subit plusieurs coups au but successifs. La galerie constituant l'abri s'effondra sur une longueur de 60 m, ensevelissant 38 hommes. L'effondrement blessa également dix hommes et un autre fut tué par un tir de mitrailleuse.
L'ensemble de la partie dégagée de l'abri.
Une des entrée du Kilianstollen.
Les survivants de la 6e Kompagnie du Reserve Infanterie Regiment (RIR) 94 reprirent leurs positions dés la fin des bombardements. Avec l'aide du génie et d'un détachement d'infanterie, ils essayèrent de libérer les hommes enfouis. De 20 h à 22 h, les Français reprirent le bombardement de cette tranchée empêchant les travaux de secours. Devant les difficultés techniques, les travaux durent être interrompus après avoir retiré 17 corps de la galerie effondrée. Les corps récupérés ont été inhumés au cimetière militaire d'Illfurth. Vingt et un hommes sont toujours portés disparus. La 6e Kompagnie sera relevée durant la nuit par la 2e Kompagnie du RIR 94. Le lendemain, les Allemands reprirent le bombardement des positions françaises à l'aide d'obus aux gaz, mais l'artillerie française ne répondit pas. Le RIR 94 fut remplacé le 4 avril 1918 par le Infanterie Regiment 81. Durant son séjour sur le front à Altkirch entre décembre 1917 et avril 1918, le RIR 94 perdit 43 hommes et eut 68 blessés.
Ce texte est inspiré du compte-rendu des fouilles archéologiques "Aspach-Carspach Lerchenberg et Lerchenhols (Haut-Rhin) : découvertes archéologiques sur la première ligne de front allemande (1914-1918)" réalisé par Michaël Landolt et disponible ici : http://www.crid1418.org/doc/textes/archeo_AspachCarspach.pdf Texte lui-même inspiré de "Das Reseve Infanterie Regiment 94 im Weltkriege 1914-1918" écrit par J. Richter en 1934.
La galerie en direction de Carspach.
La partie effondrée le 18 mars
1918 se trouve peut-être au-delà de la barrière orange.
Le site de la découverte.
L'abri a été dégagé sur une soixantaine de mètres de longueur. Le Kilianstollen (galerie Kilian) devait avoir une longueur d'environ 125 m et une largeur (comme nous pouvons le constater sur la partie dégagé) comprise entre 1,20 m et 1,50 m. Il possédait seize entrées. Les restes de l'abri ont été découverts à une profondeur de 6 m. La galerie pouvait abriter 500 hommes.
Une des chambres latérales.
Au niveau d'un croisement de galeries.
La galerie découverte avec la vue sur la poutre de soutien centrale du
toit.
La même chambre vue depuis l'autre côté.
En 1962, un monument en pierre fut érigé à l'emplacement présumé de l'abri effondré. Il rappelait aux passants les noms des 21 disparus. Ce monument fut déplacé en 2008 vers le cimetière militaire d'Illfurth. En 2008 débutèrent les travaux de construction de la déviation d'Aspach qui suit la ligne de front entre le nord de Carspach et le canal du Rhône au Rhin entre Aspach et Spechbach-le-Bas. Avant les travaux de terrassement, une grande opération de déminage et de sondage archéologique fut entreprise. Elle prit fin durant l'été 2010. Durant cette opération, des recherches de l'abri Kilian ont été effectuées. Mais les nombreux sondages effectués (jusqu'à une profondeur de 3,50 m) autour de l'emplacement présumé ne donnèrent aucun résultat. Les recherches furent donc abandonnées et le terrain fut libéré pour les pelleteuses et autres engins.
La galerie est presque comblée par la terre.
La chambre latérale qui est envahit par la terre.
A cet endroit sont bien visible les tenons maintenant les poutres
La poutre de soutien centrale est maintenue par des poteaux.
Le 29 octobre 2010, ces engins tombèrent par hasard sur des poutres en bois. Le dégagement des poutres à l'aide d'une pelleteuse d'un gabarit plus modeste mit à jour une galerie dont les murs et le toit étaient constitués de poutres parfaitement équarries et maintenus par des tenons. Le Kilianstollen vient d'être retrouvé. De la galerie rectiligne, partent plusieurs embranchements qui soit forment des chambres annexes soit sont des départs d'autres galeries s'enfonçant sous terre. La majeure partie de l'ouvrage est comblée avec de la terre. Aux endroits où les poutres supérieures sont manquantes, les murs cèdent sous la pression de la terre. Cette découverte permet de se faire une bonne idée des méthodes de construction des abris souterrains. Après avoir creusé une galerie dans le sol, les hommes du génie construisaient les murs et le toit à l'aide de poutres assemblée par des tenons. Les abris français sont construits de manière analogue.
Là où les poutres du toit ont été ôté, la galerie s'effondre sous la
poussée de la terre.
La galerie se poursuit sous la terre. Jusqu'où ?
Un
des croisement de galeries
Après plus de 11 mois d'abandon, les archéologues ont investi les vestiges du Kilianstollen à la mi-septembre 2011. Ils ont commencé par dégager les contours de l'abri avant d'entamer les fouilles de la galerie avec la collaboration des services de déminage. L'abri retrouvé a une longueur de 125 m et une hauteur de 1,80 m. Il comprenait plusieurs pièces de repos et un poste sanitaire. L'électricité et le téléphone y étaient installés. Le chauffage était assuré par un poêle.
Le site en cours de fouille
La galerie en cours de dégagement
Au bout de quelques jours de fouilles, les corps des disparus ont été retrouvés. Ils sont situés dans une section d'une cinquantaine de mètres de longueur dont les poutres semblent, d'après Mickaël Landolt (responsable du chantier de fouille), avoir été soufflées de l'intérieur. Les os disloqués d'au moins trois corps ont été retrouvés au milieu d'un enchevêtrement de poutres et de débris démontrant qu'ils ont été violemment projetés contre les parois. Un autre corps a été retrouvé gisant dans un escalier. L'hypothèse admise jusqu'à présent stipule que la galerie s'est effondrée suite à plusieurs explosions d'obus en surface au-dessus de la galerie. L'abri étant situé entre 3,50 m et 6 m de profondeur, il aurait fallu pour cela plusieurs coups au but. Il semble plus probable qu'un obus a pénétré dans l'abri par un des accès et a provoqué l'explosion d'une réserve de munitions ou de grenades stockées à cet endroit. Le souffle a dévasté l'abri en provoquant son effondrement.
Le site en septembre 2011
Les soldats ont été retrouvés avec leurs effets personnels, mais fortement dégradés. Les corps, après étude par les services d'archéologie en vue de leurs identifications, ont été remis au service des sépultures français qui les remit à son homologue allemand. Les corps ont été inhumés dans la nécropole allemande d'Illfurth.
La galerie côté nord en septembre 2011
Les fouilles archéologiques se sont terminées le 11 novembre 2011. Une partie de la galerie a été prélevée pour être ensuite exposée au public avec les différents objets retrouvés dans la galerie auprès des 21 corps disparus le 18 mars 1918.
Le site a été détruit pour laisser la place à la route.
La partie manquante de la galerie a été prélevé en vue de sa
conservation
La galerie, le 12/11/2011 (côté nord)
Un des accès vers la galerie ouverte par les fouilles
Une vue de la galerie. Le mur de gauche a été déconstruit par les
archéologues.
Au fond un des escaliers d'accès
L'escalier d'accès de la photo précédente
Au bout de cet escalier d'accès
Un autre accès
La partie centrale de l'abri
Un accès situé coté front face aux tranchées française
La
partie centrale de l'abri vue par dessus
La
partie centrale de l'abri
La sortie vers le front de la partie centrale
Le fond de la galerie avec ses caillebotis en bois
L'accès au bout de la galerie (côté sud)
L'extrémité sud de l'abri (la partie qui s'est effondré)
Ces photographies ont été réalisées le 11 novembre 2010, en septembre et le 12 novembre 2011.
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Cette page a été mise en ligne le 29 novembre 2010.
Cette page a été mise à jour le 4 février 2015.