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Montségur

Ce nom évoque plus que tout autre le drame cathare. L'issue du siège de Montségur a marqué l'inconscient collectif à travers les siècles. Le 16 mars 1244, 205 cathares, hommes et femmes, préfèrent les flammes du bucher de l'inquisition à l'abdication de leur foi.

le pog
Le pog de Montségur

Le Pog de Montségur est un massif calcaire de 1 km de longueur et de 300 à 500 m de largeur. Il culmine à 1218 m et se détache nettement du massif du Tabe formé par les monts d'Olmes, les monts de la Frau (1925 m), les pics de St Barthélémy (2348 m) et de Soularac (2368 m). De son sommet, la vue est impressionnante. De même, le Pog est visible de très loin. Le site forme une citadelle naturelle cernée de tout côté par des falaises de 60 à 80 m de hauteur. Il n'y a que le flanc sud qui soit d'accès aisés. À l'est de la plate-forme sommitale se trouve une étroite crête large seulement de quelques mètres surmontant un à-pic d'une centaine de mètres. Au bout de cette crête se trouvait un poste de défense avancé.

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Le château de Montségur en 2005

Le site est occupé depuis le néolithique. Une pointe de flèche chasséenne (3500 - 2200 av. J.-C.) et des lames, un percuteur et une pointe de flèche chalcolithique (2500 - 1800 av. J.-C.) ont été retrouvés lors des fouilles. L'occupation romaine est attestée par la découverte d'une pièce de monnaie en bronze du IIIe siècle. La région prend une certaine importance avec l'invasion wisigothe. Ils établissent leur capitale à Rennes-les-Bains à quelques kilomètres de là. Il est probable qu'un petit village d'éleveurs s'établit sur ou à proximité du Pog. À partir de 1200, des cathares commencent à s'installer ici. Ils construisirent de petites maisons sur la face nord du sommet du Pog. Parmi ces cathares se trouvait une dame Forneira, la mère du seigneur de la région, Ramon de Peralla.

Aucun château n'est connu à cet endroit avant cette date. En 1204, les cathares, sentant venir le vent de l'inquisition, demandent à Ramon de Perella de fortifier les lieux. En acceptant, celui-ci se doutait qu'un affrontement avec les troupes du roi de France, qui ne cache pas ses vues sur les terres occitanes, serait inévitable. Il accède cependant à la demande et fait construire une forteresse au sommet du Pog.

montségur en 2005
Le château de Montségur en 2005

L'assassinat en 1206 de Pierre de Castelnau, le légat du pape Innocent III, sert de prétexte pour lancer la croisade contre les cathares, dite croisade des albigeois. Simon de Montfort, commandant les troupes du roi de France et du pape, ravage l'Occitanie. En 1213, la défaite de Muret sonne le glas de l'Occitanie libre. L'inquisition traque sans répit les cathares déclarés hérétiques par le Pape. Les cathares se cachent avec la bienveillance des seigneurs de la région. Montségur qui n'a jamais été attaqué devient un refuge. En 1232, les cathares y tiennent un important synode au cours duquel ils demandent à Ramon de Perella d'accueillir dans le village de Montségur tous les cathares qui en feraient la demande. Ils lui demandent également de renforcer les défenses du château. Ramon de Perella, conscient que le roi de France et l'Église se dresseront contre lui, accepte. Les cathares disposants d'une importante fortune dont l'origine reste mystérieuse financeront les défenses du château et l'entretien de la garnison.

le donjon
Vue sur le donjon et la cour interne

Raymond VII, comte de Toulouse, protecteur des cathares, qui se trouve dans une position de plus en plus inconfortable, doit donner des gages de bonne foi au roi de France et au Pape. En 1241, il doit promettre au roi de France de détruire Montségur. Il y met le siège, de pures formes, pour prouver à tous qu'il est imprenable. En mai 1242 va éclater dans toutes les terres occitanes la révolte contre les envahisseurs du nord. Le feu est mis aux poudres par l'installation à Avignonnet, sur les terres du comte de Toulouse, des inquisiteurs Arnaud Guilhem et frère Étienne avec leur tribunal. Les deux inquisiteurs se sont distingués par leurs fanatismes et leurs extrêmes cruautés. Un messager, envoyé par le seigneur d'Avignonnet, prévient les cathares de Montségur. Nombreux sont les cathares et les hommes de la garnison qui comptent dans leur famille ou leurs amis une personne ayant été torturée ou brulée par les deux inquisiteurs. Une expédition punitive est mise sur pied. Une cinquantaine de chevaliers et d'hommes d'armes, accompagnées par toute une troupe de sympathisants, vont massacrer les inquisiteurs et tous les membres de leur suite. La nouvelle va provoquer le soulèvement de toute l'Occitanie. Le roi de France réagit avec violence et réprime le soulèvement dans le sang. Le comte de Toulouse, Raymond VII, doit reconnaitre sa défaite et le clergé exige la prise de Montségur, la "synagogue de Satan" comme la nomment les chroniqueurs de l'époque.

la cour
La cour et vue sur la muraille est

En mai 1243, une armée de 10000 hommes, commandés par Hugues des Arcis, sénéchal de Carcassonne, et Pierre Amiel, archevêque de Narbonne, s'installe au pied du Pog. Elle installe ses campements tout autour sauf côté est où une profonde gorge interdit toute construction. Sur le Pog la résistance s'organise autour de la forteresse et du village cathare entouré d'une forte palissade en bois. Sous le commandement spirituel de Bertrand d'en Marti, évêque cathare, et le commandement militaire de Pierre Roger de Mirepoix sont regroupé environ 500 personnes. Ce sont les chevaliers et hommes d'armes, les cathares et leurs familles.

la porte
Le côté intérieure de la porte sud

Six mois plus tard, le siège n'a produit aucun effet. L'armée royale qui s'impatiente fait appel à des mercenaires basques qui connaissent bien la montagne. Ceux-ci arrivent, en novembre 1243, à prendre pied sur le versant sud à 150 m au-dessous du château. Ils y mettent en œuvre un trébuchet qui bombardera la barbacane est du château. Une nuit de fin décembre, quelques volontaires, guidés par un cathare renégat, longent le précipice pour attaquer la barbacane. Ils réussissent malgré une défense acharnée à s'en emparer. Les volontaires confessèrent que de jour ils n'auraient jamais eu le courage de gravir la falaise tellement le précipice est effrayant. Cette prise de la barbacane va sceller le sort de Montségur. Les assiégeants vont y installer une machine de guerre qui bombardera le château avec des boulets de pierre de 60 à 80 kg.

le mur d'enceinte
Vue sur une partie du mur d'enceinte du château

Pierre Roger de Mirepoix, comprenant que la situation est sans espoir, convainc Bertrand d'en Marti de faire évacuer le trésor cathare. Ceci sera fait avec la complicité de sentinelles de l'armée assiégeante. D'ailleurs, le siège n'a jamais été étanche. De nuit, des hommes montaient ou descendaient du Pog transportant sur des sentiers secrets des vivres et des messages. Une partie de ce trésor servit à financer une troupe de mercenaires censés se porter au secours de Montségur. Cette troupe conduite par un Catalan nommé Corbario, probablement un bandit de grand chemin, n'arrivera jamais. Elle se perdra dans la gorge du Lasset.

le donjon
La cour interne et le donjon

Le 1er mars 1244, les cathares tentent une sortie qui sera repoussée. Pierre Roger de Mirepoix estime alors la reddition inévitable, car l'eau commence à manquer. Les citernes, seule source d'eau disponible, sont empoisonnées par les cadavres de rats qui y sont tombés. Ou plus vraisemblablement, qui y ont été jetés suite à une trahison. Pierre Roger de Mirepoix, investie de la confiance des cathares, négocie la reddition avec Hugues des Arcis et Pierre Amiel. Ceux-ci acceptent que les cathares, qui confesseront leurs fautes, aient la vie sauve et qu'ils pourront partir sans être inquiétés. Un délai de quinze jours leur est également accordé. Ce délai compte parmi les mystères de Montségur. Nul ne connait la raison de cette mansuétude. Ce délai sera mis à profit par Pierre Roger de Mirepoix pour faire évader quatre "Parfaits" (cathare ayant reçu le sacrement d'ordination). La nuit avant la date de la reddition, ceux-ci descendront à l'aide de cordes la paroi de la falaise ouest du Pog pour disparaitre. Il s'agit d'Amiel Aicart, d'Huc, de Peytavie et de Pèire Sabatier.

Le 16 mars 1244, les cathares quittent le sommet. Deux cent cinq d'entre eux ne renieront pas leur foi et seront livrés au bucher. Celui-ci se dressait "près du pied de la montagne". Nul ne connait avec précision l'endroit. Les "Parfaits" et les "Parfaites" cathares, les bons hommes et les bonnes femmes de la religion cathare y allèrent en chantant pour se débarrasser de cette enveloppe charnelle qu'ils attribuaient à l'œuvre de Satan. Leurs âmes, pures, pourraient ainsi s'élever vers Dieu. La vie d'ascèse qu'ils ont menée leur permettra d'échapper à une nouvelle incarnation. Pour les cathares, l'âme devait être pure pour rejoindre Dieu. Dans le cas contraire, elle était condamnée à une réincarnation pour parfaire cette pureté.

le monument
Le monument rappelant le bucher des cathares

Le château dont il subsiste les ruines n'est pas celui des cathares. Après le siège, le roi de France prit possession de la place et en fit une forteresse manifestant son autorité. Le château fait environ 700 m2 de surface au sol. Il comprend une cour dallée d'environ 100 m2. Elle était entourée de bâtiments à trois étages, adossés aux murailles de l'enceinte. Trois escaliers permettaient l'accès au chemin de ronde. Ces bâtiments étaient des ateliers, des échoppes, des réserves, des dortoirs et des écuries. Un sentier permettait aux chevaux et aux mulets d'accéder jusqu'au château. La muraille est à une épaisseur considérable de 4,20 m et est recouverte de hourds. Le donjon est situé au nord-ouest. Sa salle basse est éclairée par cinq meurtrières dont quatre sont opposés deux par deux et orientés vers le lever du soleil au solstice d'été. Dans le coin sud-est du donjon est disposé un escalier hélicoïdal donnant accès à la salle principale à l'étage. Celle-ci était équipée d'une grande cheminée sur le mur sud et éclairée par de grandes fenêtres. Le sommet du donjon était aménagé en terrasse. Une citerne, d'une capacité de 50 m3, jouxtait le donjon. Le trop-plein alimentait une autre citerne alimentant le village établi au nord du château. Sur le versant sud se trouvaient, sur le chemin d'accès, trois chicanes de défense. Ils donnaient accès à la porte sud de 1,95 m de largeur et de 3,25 m de hauteur. Elle était défendue par des hourds en bois. Le seuil de la porte était accessible par un ensemble de paliers en bois amovibles. Une porte similaire permettait l'accès au village côté nord. Des postes avancés de défense étaient présents sur l'éperon rocheux notamment au nord et à l'est.

Les fouilles ont dégagé trois habitations du village. Sur une superficie de 600 m2 ont été retrouvées des habitations principales et des dépendances s'échelonnant sur cinq niveaux et reliées entre elles par d'étroits escaliers. L'ancien village était constitué d'une cinquantaine d'habitations en pierre et en bois. Les rares survivants au siège qui restèrent s'installèrent au pied du Pog au niveau de l'actuel parking. Le village actuel s'établit au XVIe siècle après les grandes pestes du Moyen-âge.

le mur est
Le mur est du château

Montségur est entouré par bien des mystères et nombre de théories ésotériques circulent sur ce lieu. Le trésor évacué de Montségur durant le siège attire bien des convoitises. Et la fuite des quatre "Parfaits", la veille de la reddition, alimente le mystère. Le rôle de ces quatre personnes a certainement été de rendre le trésor, qui n'était rien d'autre que la banque de l'église cathare constituée des dépôts des croyants, à leurs anciens propriétaires et d'apporter le reste, préalablement converti en lettres de change à Toulouse, à l'Église occitane en exil à Crémone en Italie.

Montségur a été tiré de l'oubli par Napoléon Peyrat à partir de 1860. Il publiera en 1870 "l'histoire des albigeois" en cinq volumes. Il lancera le mythe de Montségur qu'il voit comme le temple du Saint-Esprit, le temple du Paraclet. Il fait d'Esclarmonde, sœur du comte de Foix, devenu "Parfaite" en 1204, la fondatrice de cette église. Il imagine que celle-ci est inhumée dans une vaste crypte creusée au cœur du Pog. Crypte que personne n'a jamais trouvée. La géologie est formelle sur un point, le Pog de Montségur est fait d'un calcaire gris très dur inapte à abriter des grandes cavernes. Juste quelques fissures et quelques petits avens existent sur la montagne.

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Le pog en 1983

Le mythe est repris au début du XXe siècle par Antonin Gadal, né dans la haute vallée de l'Ariège et instituteur à la retraite. Il mélangea allègrement les faits historiques, les fouilles dans les grottes de la région, les mythes du Moyen-âge et les opéras de Wagner pour élaborer un Graal pyrénéen. Un de ces disciples fut un jeune allemand, Otto Rahn, qui effectue des recherches dans la région durant les années 30. Celui-ci devint ensuite un idéologue nazi parmi les plus influents. Pour lui, les cathares auraient pratiqué le culte solaire. Il prend pour preuve les meurtrières du donjon orientées vers le lever du soleil au solstice d'été. Pour Rahn, les cathares étaient des païens. Ils étaient même les derniers païens aryens exterminés par l'inquisition à la solde des judéo-chrétiens. Le groupe Thulé, groupuscule ésotérique proche des hauts dignitaires nazis, vient même faire des fouilles à Montségur en 1943. Ils y recherchaient le St Graal qui aurait été le trésor des cathares. Trésor qui aurait selon d'autres sources été constitué par la connaissance de la lignée sacrée, la descendance du roi David passant par Jésus et Marie Madeleine pour aboutir aux rois mérovingiens. La connaissance d'une descendance de Jésus aurait fait vaciller les fondements de l'église chrétienne et serait donc l'origine de la croisade contre les cathares.

le pog de montségur

La religion cathare considère que toutes les choses matérielles sont l'œuvre de Satan. Il faut se détacher entièrement des choses de ce monde pour accéder à celui de Dieu, donc l'idée même de posséder un trésor quelconque était inconcevable à des cathares. Leur trésor ne pouvait donc n'être que spirituel. Et les quatre "Parfaits" qui ont fui Montségur étaient des missionnaires chargés de perpétuer la foi. L'inquisiteur Jacques Fournier, évêque de Pamiers, finira par exterminer les derniers cathares entre 1318 et 1325.

Ces photographies ont été réalisées en juillet 1983 et en juillet 2005.

 

Y ACCÉDER:

De Quillan, prendre la direction de Foix par la D117. A Belesta, prendre la direction de Fougax-et-Barrineuf / Montségur par la D9. Poursuivre sur la D9 vers Montferrier. Le parking est situé entre la sortie du village et le col de Montségur.

La visite du château est payante.

 



Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont données sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accés au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

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Cette page a été mise en ligne le 30 mai 2010

Cette page a été mise à jour le 14 février 2015