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L'ouvrage du Four à Chaux

L'ouvrage de la ligne Maginot du Four à Chaux, invaincu à l'armistice du 25 juin 1940, est un des ouvrages ayant eu le plus à souffrir durant la 2e Guerre mondiale. Ayant été pratiquement détruit par les essais de l'armée allemande, il fut reconstruit à partir de 1951 par le Génie français avant d'être laissé à l'abandon à partir de 1967. Il est restauré et ouvert au public depuis 1983.

entree hommes 1
Le bloc d'entrée "Hommes"

entree materiel 3
Le bloc d'entrée "Matériel"

Construit entre 1930 et 1935 par la Compagnie Générale d'Orléans, l'ouvrage comprend deux blocs d'entrées, six blocs de combat, un casernement souterrain, une usine de production d'énergie, des magasins à munitions et un poste de commandement. Le projet initial prévoyait un autre bloc de combat avec une tourelle à éclipse de 75R32 et deux autres casemates d'infanterie. Le bloc 1 est équipé d'une tourelle à éclipse de 135 et comprend deux cloches GFM (guet et fusil-mitrailleur). Le bloc 2 comprend une tourelle à éclipse de 75R32, une cloche de mitrailleuse et une cloche GFM. Le bloc 3 comprend une tourelle à éclipse de 81, une cloche lance-grenade et une cloche GFM. Ces trois blocs possèdent chacun un monte-charge pour les munitions. Le bloc 4 est un observatoire muni d'une cloche VDP (vision directe et périscopique), d'une cloche GFM et de deux cloches de mitrailleuse de calibre 7,5 mm. Le bloc 5 possède une tourelle à éclipse de mitrailleuse et une cloche GFM. Le bloc 6 est une casemate d'infanterie munie d'une embrasure pour canon antichar de 47 et d'une embrasure pour mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm. Elle possède une cloche de mitrailleuse, une cloche VDP et une cloche GFM. Le bloc d'entrée "Matériel" est armé d'un canon antichar de 47 et d'une mitrailleuse et est muni de deux cloches GFM. Le bloc d'entrée "Hommes" est armé de manière identique mais ne possède qu'une cloche GFM. Les entrées "Hommes" et "Matériel", placé sur le versant sud de la colline pour être à l'abri des tirs directs de l'artillerie allemande, se protègent mutuellement. Une ligne d'obstacles antichars constituée de six rangées de rails de chemin de fer planté verticalement dans le sol renforcé de troncs d'arbres est implantée du côté ennemi.

reseau antichar 3
Les obstacles antichar

reseau barbellé 1
Le réseau de fils barbelés

bloc 5-3
La tourelle de mitrailleuse du bloc 5

bloc 6-1
Le bloc 6

Une tourelle à éclipse se compose d'un puits vertical dans lequel prend place la tourelle métallique. La tourelle peut tourner et monter et descendre dans le puits. Pour cela, elle est fixée en partie basse à un balancier relié à l'autre extrémité à un contrepoids. L'ensemble étant équilibré, un effort minime suffisait pour la faire monter et descendre. Le mouvement de montée/baisse et la rotation de la tourelle étaient générés par des moteurs électriques secourus par des manivelles en cas de panne du système électrique. Le déplacement vertical varie selon le type de tourelle entre 42 et 126 cm. En position repos, la tourelle est en position basse pour que n’émerge du sol que le dôme blindé épais de 30 cm. Le bloc-tourelle comprend, à l'étage inférieur, le mécanisme d'éclipse (balancier et contrepoids), à l'étage intermédiaire, la salle de ventilation, le magasin à munitions M3 et les appareils de pointage et d'approvisionnement de la tourelle et, à l'étage supérieur, la chambre de tir. Pour effectuer un tir, la tourelle est pointée dans la bonne direction puis élevée en position. Après le tir, elle est immédiatement ramenée en position éclipsée pour la protéger des tirs adverses. La tourelle de 135 a un poids de 163 tonnes et un diamètre de 2,90 m. Elle est équipée de deux lance-bombes de 135 mm d'une portée de 5600 m. Sa cadence de tir est de 12 coups par minute par pièce. La tourelle de 81 a un poids de 125 tonnes et un diamètre de 2,35 m. Elle est équipée de deux mortiers de 81 mm d'une portée de 3600 m avec une cadence de tir de 26 coups par minute par pièce. La tourelle de 75R32 a un poids de 189 tonnes pour un diamètre de 3,04 m. Elle est équipée de deux canons de 75 mm d'une portée de 9200 m avec une cadence de tir de 13 coups par minute par pièce. La tourelle de mitrailleuse a un poids de 96 tonnes et un diamètre de 1,98 m. Elle est équipée de deux mitrailleuses MAC31 d'un calibre de 7,5 mm. Elles ont une portée de 1200 m avec une cadence de tir de 500 coups par minute.

manoeuvre tourelle
Tourelle à éclipse (© Wikipédia)

bloc 2-2
La tourelle du bloc 2 en position de tir

tourelle 5
Le systéme de manoeuvre de la rotation
de la tourelle du bloc 2

tourelle 3
Le balancier de la tourelle du bloc 2

tourelle 4
Le bas de la tourelle du bloc 2

tourelle 8
La tourelle du bloc 2

tourelle 10
L'accès à l'étage de tir de la tourelle du bloc 2

Les cloches GFM ont un poids de 17 tonnes. Elles sont réalisées avec un alliage d'acier au nickel/chrome d'une épaisseur de 25 cm. Elles ont un diamètre intérieur de 1,30 m. Elles sont munies de quatre ou cinq meurtrières utilisées en observatoire ou pour le passage d'un fusil-mitrailleur. Pour cela, la meurtrière est équipée d'une rotule. Le fusil-mitrailleur avait un calibre de 7,5 mm et une cadence de tir effective de 200 coups par minute (500 en théorie). Sa portée était de 600 m. La cloche VDP comporte latéralement trois créneaux d'observation décalés de 70° et, au sommet, un orifice permettant le passage d'un périscope. Pouvait y être installé un périscope de type M, destiné à déterminer le site et l'azimut d'un objectif (poids de 26,5 kg et grossissement de 8x), ou de type N, destiné aux réglages des tirs (poids de 26,2 kg), ou de type P2, pour l'observation nocturne (poids de 15 kg et grossissement de 2x). La cloche à jumelage de mitrailleuses existe en petit et grand modèle. Le petit modèle a un diamètre de 1,60 m pour un poids de 12 tonnes. Le grand modèle a un diamètre de 1,80 m pour un poids de 28,5 tonnes. Elles sont équipées d'un jumelage de mitrailleuses MAC31. Le canon antichar de 47 avait une longueur de 2,37 m. Sa cadence de tir était de vingt coups par minute. Son obus de 2 kg était capable de percer un blindage de 56 mm à 1000 m de distance. Tous les blindages des chars en service en 1940 étaient percés à 800 m de distance. La mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm avait une longueur de 1,31 m pour un poids de 52 kg (avec le trépied). Elle avait une cadence de tir de 400 à 500 coups par minute et une portée maximale de 4500 m.

bloc 2-3
La cloche GFM du bloc 2

bloc 6-2
La cloche de mitrailleuses du bloc 6

bloc 4-1
La cloche VDP du bloc 4

bloc 1-3
Destruction de la cloche GFM du bloc 1

Les différents blocs sont reliés par des galeries souterraines enfouies à 20 m de profondeur. Les galeries et les locaux souterrains furent creusés à l'aide de foreuses et dynamitage. Les déblais furent évacués par un train électrique alimenté par des batteries. L'épaisseur des murs en béton armé de l'ouvrage varie de 2,75 m (blocs d'entrées) à 3,50 m (blocs de combat). L'épaisseur des dalles de couverture va de 2,50 m (blocs d'entrées) à 3,50 m (blocs de combat). Les galeries, le casernement et les autres locaux souterrains ont des plafonds voûtés d'une épaisseur variant de 50 à 80 cm. Les parois et les plafonds des locaux de combat sont doublés avec des plaques en acier pour protéger les occupants des éclats de béton projetés en cas d'impact de bombes ou d'obus sur les murs.

galerie après caserne 1
La galerie après la caserne

galerie magasin artifice 1
La galerie du magasin aux artifices

galerie ouest 3
La galerie Ouest

sous station 4
La galerie au niveau de la sous-station

gare 1
Gare de croisement des wagonnets

Le Four à Chaux, dont le nom provient d'un ancien four à chaux ayant existé à cet endroit, possède certaines particularités. Les blocs d'entrées "Hommes" et "Matériel" sont, en contradiction des principes de la CORF (commission d'organisation des régions fortifiées), réalisés à proximité des blocs de combats. De même, le bloc d'entrée "Homme" et le casernement sont au même niveau. Par contre, la différence d'altitude entre le bloc d'entrée "Matériel" et les blocs de combats a nécessité une galerie ascendante de 22 m de dénivelé et longue de 90 m. D'une pente de 25 %, elle est parcourue par des wagonnets tirés par un treuil électrique. Un escalier de 215 marches permet aux hommes de gravir la galerie. Vu la distance limitée entre les blocs, aucun locotracteur électrique n'a été installé. Les wagonnets de transport du matériel étaient poussés à la main. Des rampes de freinage permettaient d'arrêter les wagonnets circulant sur les voies d'un écartement de 60 cm parcourant les galeries. Le bloc d'entrée "Matériel" était relié par une voie ferrée normale à la gare de Mattstall.

plan fac

plan incliné 5
Le plan incliné

plan inclinée 2
Le treuil du plan incliné

plan incliné 7
Le chariot du plan incliné

plan incliné 8
Le bas du plan incliné

Le bloc d'entrée "Matériel" se compose d'une grille doublée, 20 m plus loin, d'une porte blindée disposée après un virage à 45°. Cette porte donne sur un sas long de 100 m terminés par une deuxième porte blindée. Chaque porte est défendue par une petite casemate. Le sas était prévu pour le déchargement des camions ou des wagons de chemin de fer à voie étroite de 60. Il servait également de sas de décontamination en cas d'attaque au gaz, de salle de réunion, de chapelle et de cinéma. Le bloc d'entrée "Hommes" se compose d'une grille, d'une chicane et d'une porte blindée donnant sur un sas de 80 m de longueur. Au bout du sas, un virage à 90° donne sur une deuxième porte blindée. À cet endroit, part également la galerie ouest donnant sur l'issue de secours (puits vertical camouflé). Sur les côtés de ce sas sont implantées des salles servant de chambre de décontamination en cas d'attaque au gaz et une salle servant de morgue (celle-ci était uniquement accessible au commandant de l'ouvrage).

entrée hommes 4
La chicane du bloc d'entrée "Hommes"

entrée hommes 5
Le sas du bloc d'entrée "Hommes"

entree hommes 6
La porte blindée du bloc d'entrée "Hommes"

entree hommes 7
La casemate de tir du bloc d'entrée "Hommes"

entrée matériel 4
Le bloc d'entrée "Matériel"

entrée matériel 6
Le sas du bloc d'entrée "Matériel"

entrée matériel 7
Porte blindée du bloc d'entrée "Matériel"

gare 3
Le sas du bloc d'entrée "Matériel"

issue secours 2
La galerie de l'issue de secours

morgue 2
La morgue

Le bloc d'entrée "Hommes" donne sur le casernement, situé à 400 m des blocs de combat. Elle est composée de chambres à 24 lits superposés par trois pour les hommes, de chambres à 16 lits superposés par deux pour les sous-officiers et de chambres d'un à quatre lits pour les officiers. Des salles d'eau avec un robinet pour douze hommes, une douche pour cent hommes et un w.c. à la turque pour quarante hommes complétaient les chambrées. Les officiers disposaient d'un réfectoire, mais pas les hommes qui mangeaient sur des bancs installés dans les galeries ou dans les chambrées. S'y trouvaient également une cuisine pour les hommes et une cuisine pour les officiers. Ces cuisines disposaient d'équipements modernes (éplucheuse à patates, bains-marie, fours, etc.) fonctionnant à l'électricité.

caserne 2
Une chambrée de la caserne

caserne 3

latrine
Latrine dans la caserne

douche
Les douches

cuisine 1
La cuisine

cuisine 2
La cuisine

À côté de la caserne se trouve l'infirmerie disposant d'une salle d'opération, d'une salle de stérilisation et d'une pharmacie. Un ensemble de salles de soins et de décontamination pour les victimes de gaz de combat était isolé du reste de l'infirmerie.

infirmerie 5
Le bloc opératoire

infirmerie 4
L'infirmerie

infirmerie 1
L'infirmerie

dentiste
Le cabinet du dentiste

Une usine électrique est implantée à côté du bloc d'entrée "Matériel". Quatre moteurs Sulzer de 160 ch entraînant des alternateurs de 120 kW fournissaient l'énergie électrique nécessaire au fonctionnement de l'ouvrage. Un groupe de secours CLM de 8 ch était également présent. L'usine disposait d'une réserve de 120 000 litres de gas-oil et de 3000 litres d'huile assurant une autonomie de trois mois. Les chambres, l'infirmerie, les salles de travail, le poste de commandement et les blocs de combats étaient chauffés par des radiateurs électriques. L'eau de refroidissement des moteurs servait à alimenter en eau chaude les salles d'eau et un échangeur de chaleur produisant de l'air chaud. L'éclairage électrique était puissant dans les locaux de travail (80 w par ampoule), mais faible dans les couloirs et les chambrées (25 w par ampoule). L'alimentation en eau se faisait à l'aide d'un puits artésien, profond de 214 m, produisant 6000 litres par heure. Il alimentait trois citernes cumulant une réserve de 150 000 litres.

usine 6
Groupe électrogéne dans l'usine

usine 4
L'usine

usine 5
Groupe électrogéne dans l'usine

usine 2
L'usine

usine 7
L'usine

filtration
Les filtres de la ventilation

caserne 4
Couloir dans la caserne

Le poste de commandement situé à proximité du croisement des galeries d'accès aux blocs de combat était constitué du service de renseignement de l'artillerie SRA et du service de renseignement du tir SRT. Le SRA, relié par téléphone aux différents observatoires, collectait les renseignements et calculait les coordonnées des cibles qu'il transmettait au SRT. Celui-ci déterminait les coordonnées de tir et les transmettait au bloc de combat approprié. Chaque bloc disposait d'un poste de commandement de combat qui transmettait les ordres à la tourelle à l'aide d'un transmetteur d'ordres identique à ceux utilisés dans les navires.

pc 1
Le poste de commandement

pc 3
Le poste de commandement

PC 4
Le poste de commandement

pc 2
Exposition de périscoque dans la poste de commandement

Le Four à Chaux ne possède pas de magasin à munition central type M1 (1er niveau) comme dans les grands ouvrages de la ligne Maginot. À côté du poste de commandement se trouve le magasin des artifices destinés au stockage des détonateurs. Au pied des blocs 1 et 2 sont placés des magasins à munition de type M2 permettant de stocker dans des châssis jusqu'à 2800 obus de 75 ou 800 obus de 135. Le transport des châssis se faisait à l'aide d'un système de monorail suspendu au plafond. En plus des magasins M2, au niveau inférieur des blocs de combat était situé le poste de commandement de combat. Le niveau inférieur des blocs de combat était séparé de la galerie d'accès par un sas permettant de mettre le bloc en surpression, ce qui empêche la pénétration de gaz de combat et l'évacuation forcée des gaz de combustion des canons. Au niveau intermédiaire du bloc de combat se situent des chambres pour les hommes (6 et 10 occupants), la chambre pour les officiers, les latrines et le mécanisme de levée de la tourelle à éclipse. Celle-ci traverse les deux niveaux supérieurs du bloc (20 m de hauteur). Au niveau supérieur se trouve le magasin M3 (600 coups de 75 par exemple), le système de ventilation avec ses filtres et une citerne d'eau.

chambree 1
Une des chambrées du bloc 2

monte charge 3
Le monte-charge du bloc 2

tobogan à douille
Le tobogan d'évacuation des douilles du bloc 2

poste de commandement
Le poste de commandement de combat du bloc 2

magasin M3
Le magasin M3 du bloc 2

L'effectif du Four à Chaux était de 24 officiers, de 79 sous-officiers et de 477 hommes. L'effectif se répartissait en 207 artilleurs, 212 fantassins d'infanterie et 161 hommes du Génie. Ils travaillaient en 3 x 8 heures. Une équipe travaillait dans les blocs de combat, une équipe travaillait dans les locaux et l'autre était au repos. En 1940, le Four à Chaux était commandé par le chef de bataillon Exbrayat secondé par le capitaine Thiebault.

bloc 3-2
La tourelle de mortier du bloc 3

bloc 6-3
Le bloc 6

Le Four à Chaux connut sa première mobilisation en mars 1938 lors des événements de l'Anschluss de l'Autriche. Il fut à nouveau mobilisé lors de l'annexion par les Allemands des Sudètes puis de nouveau en mars 1939 lors de l'occupation de la Bohême. Le 24 août 1939 eut lieu la quatrième mobilisation et en septembre 1939 les habitants des villages situés à l'avant de la ligne Maginot furent évacués dans la Haute-Vienne. Début janvier 1940, le Four à Chaux reçut la visite de Winston Churchill. Le baptême du feu eut lieu le 18 janvier 1940 lorsque la tourelle du bloc 2 tira 80 obus sur le village allemand de Nothweiler. Une alerte au gaz fut déclenchée durant la nuit du 17 mars 1940. Les Allemands débutèrent leur offensive sur la France le 10 mai 1940 en envahissant la Belgique, la Hollande et le Luxembourg. Le 12 mai 1940, les Allemands s’emparèrent du poste d'observation de la Schaufelshalt à Wingen malgré les tirs du bloc 2 du Four à Chaux. Le 13 mai 1940, le commandant du Four à Chaux demanda le tir de l'ouvrage du Hochwald pour soutenir les troupes d'intervalles encerclés à Niederschlettenbach et à Rechtenbach. L'ouvrage de la Ferté tomba aux mains des Allemands le 18 mai 1940 après que son équipage de 107 hommes fut asphyxié par les gaz de tir des blocs de combat et le CO2 dégagé par les incendies dans les blocs.

bloc 6-5
Les créneaux pour canon de 47 et mitrailleuse du bloc 6

bloc 6-6
Le bloc 6

Le 20 mars 1940, le Four à Chaux et le Hochwald mitraillèrent une compagnie allemande passant près de la maison forestière du Boesch à Climbach. Le même jour l'artillerie allemande bombarda les entrées du Four à Chaux. Le 14 juin 1940, le général Weygand ordonna le repli des troupes d'intervalles (repli général de l'armée française) pour éviter l'encerclement. Le lendemain, les troupes allemandes traversèrent le Rhin. Les 15, 16 et 17 juin 1940, le bloc 2 tira sur les patrouilles de la 215e Infanterie Division allemande passant au col de Gunsthal. Le 18 juin 1940, une batterie allemande tira sur le bloc 5. Les tirs de représailles du bloc 1 firent taire cette batterie. Les blocs 12, 13 et 14 du Hochwald tirèrent sur les Allemands au nord-ouest de Lembach. Après avoir reçu le renfort de quatre canons de 88, d'un canon de 355 et d'un canon de 420, la 215e Infanterie Division entama, le 19 juin 1940, le bombardement du Four à Chaux et du Hochwald sans toutefois faire de gros dégâts. Ce même jour, à 9 h, trente bombardiers en piqué Stukas déversèrent leurs bombes sur les casemates de la Verrerie, du Markbach, du Nagesthal, du Gunsthal et du Windstein. À 10 h, le petit ouvrage de Lembach fut la cible de vingt-sept Stukas. À 12 h 15, trente Stukas déversèrent 120 bombes de 50 à 1000 kg sur le Four à Chaux alors que le Hochwald tenta des tirs antiaériens. Le bloc 6 fut touché par une bombe explosant devant la façade qui mit la mitrailleuse et le canon de 47 hors service et par une autre bombe qui provoqua la cassure et l’affaissement de la dalle de couverture. À 14 h, le bombardement se concentra sur les blocs 1 et 2 et sur les blocs d'entrées. La voûte de l'usine électrique s'en trouva fissuré. Le Hochwald subit des bombardements aériens entre 15 h et 20 h. Le Four à Chaux tira alors en défense antiaérienne bien que ses canons n'étaient pas conçus pour ce rôle. Woerth et Haguenau furent occupés par les Allemands à 20 h.

acces bloc 1
Le galerie d'accès au bloc 1

acces bloc 2-2
Galerie d'accès au bloc 2

Le 24 juin 1940 à 8 h 20, le bloc 1 du petit ouvrage de Lembach et le Four à Chaux tirèrent sur des cyclistes allemands passant sur la route de Woerth. À 8 h 30, trois camions allemands furent détruits par le bloc 6 du Four à Chaux. À 17 h, le bloc 2 tira sur la route de Pechelbronn. Ce furent les derniers tirs du Four à Chaux, l'armistice entrant en vigueur le 25 juin 1940. L'équipage du Four à Chaux se rendit aux Allemands le 1er juillet 1940 après en avoir reçu l'ordre par écrit du commandement français. Les Allemands libèrent les hommes d'origine alsacienne et lorraine après trois semaines de captivités (beaucoup d'entre eux furent par la suite enrôlés de force dans l'armée allemande) alors que les autres furent maintenus en captivité en Allemagne jusqu'à la fin de la guerre.

sous station 1
Urinoirs et lavabo près de la sous-station

sous station 2
La sous-station électrique

Durant l'occupation allemande, ceux-ci emportèrent du Four à Chaux, les munitions, le gas-oil, l'armement sauf les canons des tourelles (inutilisable ailleurs), les supports des mitrailleuses, une partie des wagonnets (il en subsiste sept), le monte-charge du bloc 3, l'éplucheuse à patates, le percolateur, deux des groupes de l'usine électrique, les réseaux TSF et téléphonique avec les câbles, une partie des câbles du réseau électrique et une partie de la ventilation. Après ce démontage, le Four à Chaux fut l'objet d'essais d'attaque et de neutralisation d'un ouvrage fortifié. L'opération "Taifun" consistait en deux phases. Durant la première phase, un groupe de combat prenait d'assaut un des blocs de combat munis de lance-flammes afin de poser des charges creuses sur les cuirassements pour y percer des trous. Dans la deuxième phase, des spécialistes utilisaient ces trous pour introduire dans le bloc du gaz éthylénique qui en se combinant à l'air devenait hautement explosif puis procédait à son inflammation à l'aide de détonateurs électriques.

magasin 2-2
Magasin M2

magasin 2-4
Couloir devant le magasin M2

sas bloc 2
Le sas d'accès au bloc 2

Le premier essai eut lieu sur le bloc 1 où dix charges creuses percèrent la tourelle de 135. Après l'injection du gaz et l'évacuation des attaquants, il fut procédé à la mise à feu. La violente explosion qui suivit détruisit toutes les vitres du village de Lembach. La partie mobile de la tourelle, pesant 70 tonnes, fut éjectée de son puits et retomba à côté. Les portes blindées du sas furent arrachées et la galerie d'accès fut éventrée sur des centaines de mètres. Les fissures devant le magasin M2 furent tellement importantes que la terre envahit et combla la galerie. L'onde de choc détruisit le poste de commandement, le magasin aux artifices, les gares, la sous-station électrique des blocs de combat et lézarda la galerie principale jusqu'à la caserne. Le deuxième essai portant sur le bloc 2 utilisa moins de gaz. L'explosion arracha la tourelle de son balancier, détruisit le bloc jusqu'aux portes du sas d'accès et fissura les murs du niveau inférieur du bloc. L'essai sur le bloc 3 souleva la tourelle sans l'expulser du puits et détruisit entièrement le bloc. Le bloc 4 eut plus de chance, car juste ces deux étages supérieurs furent détruits. Sur le bloc 5, l'essai éjecta la tourelle à 30 m de hauteur. Elle retomba à l'envers sur le puits. Les galeries furent fissurées jusqu'au centre de l'ouvrage. Le bloc 6 fut également détruit par un essai qui arracha les portes et fissura les galeries jusqu'à l'intersection avec le bloc 5. Seuls les blocs d'entrées "Hommes" et "Matériel", l'usine électrique et la caserne furent épargnés par l'opération "Taifun". L'usine électrique fut détruite par dynamitage lors de la retraite de l'armée allemande en 1944.

bloc 2-5
Le bloc 2

bloc 1-1
La tourelle de 135 du bloc 1

acces bloc 2-1
Galerie d'accès au bloc 2 avec le plan de freinage (à gauche) pour les wagonnets

galerie ouest 1
La galerie ouest

Dès mars 1946, des travaux pour rétablir l'accès aux ouvrages de la ligne Maginot furent réalisés sous l'impulsion du général Fortin, inspecteur du Génie. En 1951 débuta la remise en état du Four à Chaux. La ventilation fut remplacée par un système sans filtration, deux nouveaux groupes électrogènes furent installés et l'ouvrage fut raccordé au réseau électrique civil. Le bloc 1 fut, après une exploration faite en passant par le puits de la tourelle, jugé irrécupérable. La tourelle éjectée fut replacée dans son puits pour le boucher et la galerie d'accès fut murée. Dans le bloc 2, la tourelle fut réparée et l'équipement remis à neuf. La tourelle du bloc 3 fut remplacée par une tourelle initialement prévue pour l'ouvrage de "Plan Caval" dans les Alpes, mais jamais installée. Le bloc 4 fut entièrement rénové. La tourelle du bloc 5 fut également remplacée par, peut-être, une tourelle du petit ouvrage de Berenbach qui disparut en 1952 sans que l'on sache où elle se trouve. Le bloc 6 fut rebétonné, la cloche GFM fut remplacée et les autres cloches réparées. La remise en état des galeries, de la caserne, du poste de commandement et des cuisines dura jusqu'en 1967. L'armée cessa d'utiliser le Four à Chaux en 1967 tout en gardant sa propriété. Le Four à Chaux fut concédé au syndicat d'initiative de Lembach qui l'ouvrit à la visite en 1983.

bloc 4-2
Le bloc 4

entree materiel 1
Le bloc d'entrée "Matériel"

Ces photographies ont été réalisées en août 2018.

 

Y ACCÉDER:

L'ouvrage du Four à Chaux est accessible depuis Lembach. Son accès est fléché. Les visites sont guidées et sont limitées à certains jours (tous les jours en été, samedi et dimanche le reste de l'année). Les hauts du Four à Chaux sont toujours en terrain militaire.

char m41
Char américain M41 disposé près du bloc d'entrée "Matériel"

 

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

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Cette page a été mise en ligne le 17 novembre 2018

Cette page a été mise à jour le 17 novembre 2018