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La colline de Vimy

Le sacrifice consenti par les Canadiens pour obtenir la victoire lors de la bataille de Vimy en avril 1917 constitue pour beaucoup l'acte fondateur de l'autonomie du Canada. En remerciement pour leurs actes de bravoure, les Canadiens furent invités à signer en leur nom propre le traité de Versailles mettant fin à la 1re Guerre mondiale. En 1922, la France céda au Canada une centaine d'hectares au sommet de la colline de Vimy, la côte 145, pour qu'y soit érigé un mémorial en l'honneur des 66 000 Canadiens tués lors de la 1re Guerre mondiale.

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La colline de Vimy fut occupée par les Allemands à partir d'octobre 1914. C'était un point stratégique permettant l'observation et le bombardement des positions françaises et britanniques et le contrôle du bassin minier de Lens. Les 10 000 Allemands stationnés sur la colline en firent un point fortement fortifié avec de nombreuses lignes de tranchées et de barbelés, de nombreuses casemates à mitrailleuses et des tunnels de liaison. Entre 1914 et le début de 1917, toutes les tentatives de conquêtes alliées échouèrent. Les pertes en hommes dépassèrent les 150000. Une de ces offensives fut confiée à la division "La Marocaine". Cette division fut formée au Maroc par le général Lyautey avec des ressortissants de 52 nations différentes. Ces hommes, habillés d'une chéchia rouge et d'un pantalon bouffant, étaient des Italiens, des Russes, des Grecs, des Suisses, dont Blaise Cendrars, des Algériens, des Tunisiens, etc., mais aucun Marocain. La division fut rapatriée en France en août 1914. Le 9 mai 1915, elle se lança à l'attaque de la colline de Vimy. Pour que l'artillerie puisse suivre leur avance et régler son tir, l'état-major obligea les soldats à coudre un carré de tissu blanc dans leur dos. Ce qui en fit des cibles toutes désignées pour les Allemands. Malgré cela, les hommes parvinrent à franchir les quatre lignes de tranchées allemandes au bois de la Folie en 1 h 30. Ce succès totalement inattendu et largement au-delà de toute prévision devint un gros problème. Les renforts ne suivirent pas les troupes de l'avant et comme l'artillerie vint à manquer de munitions, les hommes se retrouvèrent totalement isolés en territoire ennemi. Pierre Miquel écrira dans son livre "La butte sanglante" que "la Marocaine aura eu tort d'être vainqueur". De novembre 1915 à mars 1916, la guerre des mines fit rage sur la colline de Vimy. Les français, Britanniques et Allemands firent exploser 57 mines totalisant 160 tonnes d'explosifs. À cela s'ajoutent d'innombrables petits camouflets (explosion souterraine) destinés à détruire les tunnels de l'adversaire.

monument division marocaine

En mars 1916, les troupes britanniques remplacèrent les Français sur le front des Flandres. Parmi ces troupes se trouvaient quatre divisions canadiennes (35 000 hommes) qui prirent position devant la colline de Vimy. À la fin de 1916, le général Joffre et l'état-major alliés conçurent un grand plan de bataille pour 1917 afin d'attaquer les Allemands sur deux fronts. Les Britanniques devaient attaquer à l'ouest dans le secteur d'Arras tandis que les Français attaquaient dans l'Aisne au niveau du "chemin des Dames". En décembre 1916, le général Nivelle remplaça le général Joffre à la tête des armées françaises. Le plan d'attaque fut cependant maintenu. Les Britanniques, fers de lance à l'ouest, seraient les premiers à attaquer au printemps 1917. Les Canadiens devaient prendre la côte 145, la colline de Vimy.

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Cratère de mines sur la colline de Vimy

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Cratère de mines

En 1917, la colline de Vimy, d'une longueur de 14 km, comprenait, côté allemand, trois rangées de tranchées, plusieurs ceintures de fils de fer barbelés, d'imposantes redoutes en béton et des abris étanches à l'eau et équipés d'éclairage électrique et de téléphone. D'importantes batteries d'artillerie avec des réseaux d'approvisionnement par chemin de fer participaient à la défense de cette forteresse. Les Allemands avaient également creusé un important réseau de mines sous les positions britanniques. De leur côté, les Canadiens reprirent les travaux que les sapeurs français et britanniques avaient abandonnés et creusèrent également de nombreuses mines sous les lignes allemandes. Après la bataille de la Somme, les Britanniques et les Canadiens tirèrent les leçons de leurs échecs. Julian Hepworth George Byng (1862-1935), commandant du corps d'armée canadien, élabora un grand plan d'action. Il a ainsi défini que si une brigade était tenue en échec alors les autres devaient arrêter d'attaquer à cet endroit et devaient contourner le point d'achoppement. Les troupes de réserves devaient également être échangées de manière alternative avec les troupes en train d'attaquer. Chaque homme participant à l'offensive devait être informé de l'objectif à atteindre. Afin de parfaire l'entrainement, des maquettes, grandeur nature, seraient construites à l'arrière du front. Fut aussi mis en œuvre un nouvel obus qui explosait à l'impact au lieu d'exploser en l'air ou en sous-sol permettant ainsi la destruction des barbelés. Lors des attaques, l'artillerie utilisera le feu roulant précédant l'attaque. Toutes les 3 minutes, l'artillerie décale son tir de 100 m pour que les obus précèdent directement les fantassins. Les soldats bénéficièrent d'un entrainement spécial pour pouvoir utiliser les mitrailleuses et les canons abandonnés par les Allemands lors de leur retraite afin de mieux repousser les contre-attaques. Au niveau de la colline de Vimy furent creusés 13 tunnels, totalisant une longueur de plus de 10 km, afin de déployer les hommes discrètement en 1re ligne. Ces tunnels étaient équipés d'abris souterrains pour les hommes et les munitions. Le tunnel Goodman avait ainsi une longueur de 1720 m. Il était muni d'un éclairage électrique et même de latrines.

plan

Le plan d'attaque de la colline de Vimy élaboré par Julian Byng prévoyait cinq phases. En 1er devait être prise la "Black Line" (la 1re ligne) correspondant à la moitié de la crête. Durant la 2e phase, il fallait prendre la "Red Line", la côte 145 et la ferme "La Folie". La 3e phase prévoyait la prise de la "Blue Line" (la 2e ligne), le village de Thélus et de la côte 135. La 4e phase concernait la prise de la "Brown Line" (la ligne de soutien) et la batterie du bois Frabus et de Goulot. En dernier devait être attaqué le site culminant nommé le "bourgeon" (the Pimple). Le plan prévoyait un bombardement des lignes allemandes de manière intensive et durant plusieurs jours. L'attaque de l'infanterie fut prévue pour 5 h 30. Après la prise de la "Black Line", une pause de 40 minutes devait servir à assurer la position. La prise de la "Red Line" était prévue 20 minutes plus tard. La division 3 (Lipsett) et la division 4 (Watson) devaient ensuite se porter sur la côte 145 tandis que la division 1 (Currie) et la division 2 (Burstall) prenaient une pause de 2 h 30 pour fortifier les lignes conquises. Après cette pause, les troupes de réserves devaient enjamber la 1re ligne et prendre position devant la "Brown Line" qu'elles attaqueraient après 90 minutes de pause. Après la sécurisation de la "Brown Line" devait se dérouler l'assaut final sur le "bourgeon".

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Tranchée restaurée sur la colline de Vimy

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Vestige d'un minenwerfer allemand

L'offensive débuta le 20 mars 1917. La moitié de l'artillerie mise en position ouvrit le feu à raison de 2500 tonnes d'obus par jour. En tout plus d'un million d'obus furent tirés. Le 2 avril 1917, 983 canons commencèrent la destruction méthodique des routes d'accès, des tranchées et des lignes de communication allemandes. Les Allemands désigneront cette période comme la "semaine de souffrance". Le 8 avril 1917, les troupes sont avancées près de la 1re ligne à 100 m des lignes allemandes. Chaque homme avait un paquetage de 36 kg à trimballer. À 5 h 30, le pilonnage d'artillerie redoubla avec tous les canons disponibles, les sapeurs mirent à feu cinq des quatorze mines qu'ils avaient posées sous les tranchées allemandes et l'infanterie se lança à l'assaut. Le tir de l'artillerie se décala de 100 m toutes les 3 minutes. Les Allemands qui se tenaient dans leurs abris souterrains n'eurent pas le temps de regagner leurs postes de tir et furent surpris par les fantassins canadiens qui attaquaient à la baïonnette. La 1re ligne allemande fut prise sans difficulté. La 2e ligne offrit un peu plus de résistance, mais tomba également aux mains des Canadiens. À 6 h 25, les divisions 1, 2 et 3 avaient conquis 750 m de terrain lorsque les troupes de réserves prirent le relais. Les Canadiens débouchèrent au sommet de la colline d'où ils virent les Allemands en pleine débâcle. À 12 h la majeure partie de la crête de Vimy fut entre les mains des Canadiens, mais la 4e division était maintenue en échec devant la côte 145. Elle fut prise d'assaut à 18 h par la 11e brigade qui s'en rendit maitre à l'aube du 10 avril 1917. Le 12 avril 1917 à 6 h, le "bourgeon" fut considéré comme sécurisé par les Canadiens. Les Allemands s'étaient retirés à 3 km de la colline de Vimy. Le plan d'attaque s'était déroulé comme prévu sauf pour la prise de la côte 145. Les pertes canadiennes furent de 3598 tués et de 7104 blessées. Les pertes allemandes furent équivalente auquel il faut rajouter les 3400 prisonniers faits par les Canadiens. Les Allemands ont estimé que 95 % de leurs morts ne furent pas retrouvé et par conséquent sont toujours sur le terrain.

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Cratère de mines entre les tranchées canadiennnes et alleamandes

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Terrain bouleversé par les obus et les tirs de mines

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Poste de mitrailleuse dans la tranchée allemande

En 1922, la France concéda à perpétuité au Canada le terrain formant la crête de Vimy. Le Canada décida d'y ériger, au sommet de la côte 145, un mémorial dédié aux 66 000 morts et aux 170 000 blessés. Le Canada avait mobilisé au cours de la 1reGuerre mondiale 650000 des siens. La conception du mémorial fut confiée à l'architecte canadien Walter Seymour Allward. La construction débuta en 1925 et dura jusqu'en 1936. L'inauguration eut lieu le 26 juillet 1936 par le roi Édouard VIII d'Angleterre et le président français Albert Lebrun. Sur un socle constitué de 11 000 tonnes de béton et de 100 tonnes d'acier s'élèvent deux tours hautes de 35 m. Ces deux tours, l'une ornée de la feuille d'érable et l'autre de fleurs de lys, symbolisent les sacrifices consentis par les deux pays durant la 1re Guerre mondiale. Au pied des tours, face à l'est, se trouve, au-dessus d'un mur, une statue d'une femme affligée drapée d'une longue pèlerine. Elle symbolise le Canada pleurant ses morts, le regard tourné vers l'aube d'un nouveau jour. Cette statue fut, comme les autres, sculptée sur place dans un bloc de calcaire de 30 tonnes. Elle surplombe un tombeau tendu de branches de laurier avec un casque et une épée. Côté est, face au bassin de Lens, des escaliers mènent au pied du mur sur lequel sont gravés les noms des 11 285 Canadiens disparus en France. Dans un rayon de 30 km autour de Vimy reposent 7000 Canadiens dans une trentaine de cimetières.

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Au pied des marches des escaliers, côté est, sont placées les statues "des Défenseurs". Le 1er groupe représente la "Rupture de l'épée" et l'autre la "Sympathie pour les sans-défenses". Au-dessus de chaque groupe est placé un canon sur lequel reposent des branches de lauriers et d'oliviers. En haut des tours sont placées les statues de la Paix et de la Justice. En dessous de celles-ci se trouvent, côté ouest, la Vérité et la Connaissance et côté est, la Vaillance et la Sympathie. À la base des tours est placé un jeune soldat mourant (l'esprit du sacrifice) accompagné d'un autre tendant le flambeau à ces camarades. De part et d'autre de l'escalier, côté ouest, se trouvent un homme et une femme en deuils. Le monument est constitué de 6000 tonnes de pierre calcaire, la pierre de Seget, provenant d'une ancienne carrière romaine de l'ile de Brac en Croatie. Toutes les statues furent sculptées directement sur place. Le mémorial a été restauré entre 2005 et 2007 puis inauguré le 7 avril 2007 par la reine d'Angleterre Élisabeth II.

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Le terrain autour du mémorial a été laissé dans l'état où il se trouvait à la fin de la guerre. Le site ne fut pas déminé, mais un arbre fut planté pour chaque mort canadien (d'après la légende). À quelques mètres du mémorial, les tranchées canadiennes et allemandes furent restaurées. Les sacs de sable furent replacés à leurs emplacements initiaux. Les cratères de mines furent laissés en l'état et leur vision vous permet d'entrevoir un peu de l'horreur vécu en ces lieux. Le centre d'interprétation du site est en partie financé par la reine Élisabeth II. Les bénévoles du groupe Durand ont également, à ce jour, découvert six des mines posées par les Canadiens et non utilisées. Ils en ont désamorcé trois qui étaient encore actives.

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Ces photographies ont été réalisées en juin 2016.

 

Y ACCÉDER:

Le mémorial de Vimy est accessible depuis Vimy, Souchez ou Neuville-Saint-Vaast. Son accès est fléché.

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

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Cette page a été mise en ligne le 29 septembre 2016

Cette page a été mise à jour le 29 septembre 2016