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Le mémorial Terre-Neuvien
de Masnières

Le caribou brame fièrement les exploits héroïques des hommes du Newfoundland Regiment lors de la bataille de Cambrai le 20 novembre 1917. Le mémorial est placé au niveau de l'extrême avance au sein des lignes allemandes atteintes ce jour par les Terre-Neuviens.

Terre-Neuve, petite ile au large du Canada, comptait, en 1914, 250 000 habitants. Durant la 1^re Guerre mondiale, 6000 d'entre eux s'engagèrent au sein du Newfoundland Regiment. Les exploits qu'ils accomplirent valurent au régiment l'honneur d'accoler au nom du régiment le terme de "royal". Ce privilège fut accordé par le roi George V. Aucun autre régiment combattant durant la 1^re Guerre mondiale n'est droit à cette distinction. Le Newfoundland Regiment fut le seul régiment nord-américain à combattre à Gallipoli en 1915. Lors du déclenchement de la bataille de la Somme, le 1^er juillet 1916, le Newfoundland Regiment attaqua à Beaumont-Hamel. Des 800 hommes partis à l'attaque, seuls 68 survécurent à cette terrible journée. Le 12 octobre 1916, le Newfoundland Regiment participa à la bataille de Tranloy (nord de la Somme) où il s'empara des retranchements allemands à Guendecourt. Il s'illustra ensuite à Monchy-le-Preux (Artois) le 14 avril 1917. La bataille de la "colline de l'infanterie" débuta à 5 h 30. Les soldats du 1^er Essex Regiment s'emparèrent de leur objectif tandis que les Terre-Neuviens se faisaient massacrer par les mitrailleuses. Ils se hissèrent néanmoins au sommet de la colline où ils subirent la contre-attaque allemande sur les trois faces. À 10 h, le lieutenant-colonel Forbes Robertson apprit dans son poste de commandement à Monchy-le-Preux qu'il ne restait aucun survivant de son régiment. Il regroupa alors les 10 hommes de son poste de commandement et entreprit la défense du village. Il réussit si bien à faire croire aux Allemands qu'ils y étaient en force que ceux-ci battirent en retraite. L'état-major britannique dira par la suite que Monchy-le-Preux était la position la plus stratégique de la bataille.

Soldats britannique lors de la bataille de Cambrai (© Wikipédia)

Après la bataille de la Somme, les Allemands décidèrent de réduire le saillant qu'avaient formé leurs avances dans les lignes britanniques. Ils opèrent donc un retrait stratégique sur la ligne Hindenburg. Cette ligne avait été soigneusement préparée et se composait de 3 lignes de larges tranchées parallèles précédées d'imposantes lignes de fils barbelés. La ligne comprenait de nombreuses batteries d'artillerie et d'innombrables casemates à mitrailleuses. La portion de la ligne défendant le centre logistique de Cambrai se nommait Siegfried Stellung et allait du village de Moeuvres, au sud-ouest, à la ferme de Bonavis, au sud-est. C'est à cet endroit que le Field-marshal Douglas Haig, commandant l'armée britannique, décida de lancer une attaque pour percer la ligne Hindenburg. Le général Byng, commandant la 3^e armée, proposa un plan d'attaque sur une partie réduite du front en faisant un usage massif de "Vaisseau autopropulsé et blindé", les tanks. L'attaque se ferait par surprise sans préparation d'artillerie préalable, les tanks étant chargés de détruire les barbelés. L'artillerie ne servirait que pour créer un feu roulant précédant l'assaut. Les tanks utilisés étaient des tanks anglais Mark IV construits en secret par la société Foster. Les tanks, conduits par un équipage de 8 hommes, avaient une longueur de 8 m et une hauteur de 2,5 m. Ils pouvaient se déplacer à la vitesse de 6 km/h avec une autonomie de 40 km et pouvaient franchir des obstacles hauts de 1,35 m. Deux versions avaient été construites, le tank femelle, d'un poids de 27 tonnes et armées de 5 mitrailleuses Lewis et le tank mâle, d'un poids de 28 tonnes et armée de 2 canons de 57 et de 3 mitrailleuses Lewis.

Le champ de bataille de Cambrai avait grossièrement la forme d'un carré délimité au nord-est par Cambrai, au nord-ouest par Bourlon/ Moeuvres, au sud-est par la ferme de Bonavis et au sud-ouest par le bois d'Havrincourt. Au centre se trouve la crête de Flesquières. Durant quatre nuits, 476 tanks furent discrètement acheminés vers le bois d'Havrincourt. Le 20 novembre 1917 à 6 h 20, sur un front large de 10 km et précédé par un feu roulant qui créait un mur de fumée, les tanks avancèrent vers les lignes allemandes. Ils furent soutenus par des avions qui mitraillaient les tranchées allemandes. La ligne Siegfried céda, permettant aux Britanniques d'avancer sur 8 à 9 km. Mais la forte résistance rencontrée à la ferme Bonavis, à Flesquières et à Masnieres empêcha la ruée vers Cambrai. La douzaine de tanks du bataillon F du major Philip Hamond avaient pour objectif la sécurisation du pont sur le canal de Saint-Quentin à Masnieres. Ils étaient suivis par les hommes du Newfoundland Regiment incorporé dans la 29^e division de la 88^e brigade. Arrivé au pont, le major ordonna au "Flying Fox II" d'ouvrir la voie et de s'engager sur le pont. Le pont ayant été miné, il s'écroula entrainant le tank dans le canal. Les hommes du Newfoundland Regiment et de la cavalerie canadienne "Fort Garry" (ayant laissé leurs chevaux) franchirent le canal sans les tanks et atteignirent la crête de la Montagne Blanche d'où Cambrai était en vue. Ils y restèrent une nuit sous un feu d'enfer de la part de l'artillerie allemande qui les obligea au retrait à l'aube.

Au soir du 20 novembre 1917, 179 tanks étaient hors d'usage, 65 avaient été touchés par l'artillerie allemande, 71 étaient tombés en panne et 43 étaient bloqués dans les tranchées. Londres croyant avoir remporté la victoire fit sonner les cloches dans toute l'Angleterre. Mais le 23 novembre 1917, l'offensive dut être interrompue par le manque de renfort. Les troupes allemandes, commandées par le général Von der Marwitz, en profitèrent et lancèrent une vigoureuse contre-attaque le 30 novembre 1917. Cette contre-attaque frappa de plein fouet Masnieres et le Newfoundland Regiment. Les Allemands pénétrèrent au sud de Masnieres pour essayer d'encercler les positions britanniques. La réaction de 4 bataillons de la 88^e brigade repoussa cependant les Allemands de 1,5 km. Durant la nuit du 30 novembre 1917, le commandant du Newfoundland Regiment nota dans son journal : "notre effectif était ce matin de 9 officiers et de 360 sous-officiers et soldats, cette nuit, il est de 8 officiers et de 230 sous-officiers et soldats". Après 24 h de combat acharné à cheval sur le canal de Saint-Quentin, les Britanniques évacuèrent Masnieres. Le 4 décembre 1917, le général Byng ordonna le repli des troupes sur la ligne de départ.

Epaves de tank Mark IV après la bataille de Cambrai (© Wikipédia)

Ainsi prit fin la 1^re bataille de Cambrai sans le moindre gain de terrain. Elle aura juste coûté la vie à 45 000 hommes dans les deux camps et 55000 furent blessés. La bataille fut cependant décisive pour les alliés, car elle prouva que la ligne Hindenburg n'était pas imprenable et que les tanks pouvaient être efficaces s'ils étaient utilisés en nombre et par surprise. Le Field-marshal Douglas Haig rendit hommage après la bataille au Newfoundland Regiment par cette citation : "L'histoire de la défense de Masnieres et du rôle qu'y joua le Newfoundland batalion ne sera jamais oubliée, j'ose croire, de ce côté-ci de l'Atlantique".

Le village de Masnieres fut classé "zone rouge" en 1919 et ne devait, par conséquent, pas être reconstruit. La détermination des élus, soutenus par la population, en décida autrement. Le mémorial dédié aux Terre-neuviens marque l'ultime avancée du Newfoundland Regiment lors de la bataille de Cambrai. Selon le vœu des Terre-Neuviens, il devait être un observatoire du champ de bataille, mais les impératifs de l'immobilier de la fin du XX^e siècle n'en eurent cure. Le caribou bramant est une sculpture du Britannique Basil Gotto tandis que l'aménagement du petit parc alentour est une œuvre du hollandais Rudolf Cochius.

Ces photographies ont été réalisées en juin 2016.

Y ACCÉDER:

Le mémorial est situé sur le bord droit de la route à l'entrée du village de Masnieres en venant de Cambrai. La végétation environnant le monument le cache cependant en partie.

Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.

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Cette page a été mise en ligne le 29 septembre 2016

Cette page a été mise à jour le 29 septembre 2016