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Les entonnoirs de Leintrey

Après avoir échoué à percer le front en attaquant les tranchées de front, les deux camps tentèrent de les passer par en dessous. Des galeries furent creusées afin d'entasser sous les pieds de l'adversaire des tonnes d'explosifs. En faisant exploser ces charges, les commandements espéraient bouleverser suffisamment les tranchées adverses pour réussir une attaque en surface. Une telle attaque fut tentée, le 10 juillet 1916, par les Allemands à Leintrey.

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Le site des entonnoirs

À partir du 12 septembre 1914, les Allemands se sont repliés sur une ligne plus favorable entre Reillon et Leintrey. Cette ligne de tranchées était pour eux plus facile à tenir avec un effectif réduit. Après une série de coups de main, de duels d'artillerie et d'attaque de diversion tout le long de l'année 1915, le secteur est jugé calme en 1916. L'action la plus importante fut l'attaque allemande du 8 octobre 1915 qui leur permit la prise du bois Zeppelin, au nord-est de Reillon. La contre-attaque française du 16 octobre 1915 fut couteuse en hommes, mais ne permit que la reconquête d'une petite partie du terrain perdu. Après avoir été durement éprouvé à Verdun, le 162e régiment d'infanterie (RI) est affecté au secteur au printemps ou au début de l'été 1916. Le secteur, calme, est considéré comme une zone de repos.

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Vestiges de tranchées à l'ouest des entonnoirs

Les Allemands commencèrent à montrer des signes d'agitation le 5 juillet 1916 où durant la nuit ils réussissent un coup de main sur la tranchée du bois des Haies d'Halbe. Durant la nuit du 9 au 10 juillet 1916, des patrouilles allemandes de plus en plus nombreuses s'approchèrent des fils de fer barbelés précédant les tranchées françaises. Elles furent toutes repoussées. Le 10 juillet 1916, l'artillerie allemande déploya une grande activité. De nombreuses "minen" s'abattirent sur la partie nord du boyau de Belgique et sur la tranchée T9. Cette préparation d'artillerie devait faire croire qu'une attaque était imminente et donc d'attirer près de la 1re ligne française un maximum de combattant. Dans la soirée et la nuit, régna chez les Français une grande confusion. Ils craignirent un coup de main de la part des Allemands. À 22h30, ceux-ci bombardèrent très violemment la route de Leintrey et le bois Zeppelin. Le JMO (journal de marche et des opérations) du 162e RI signale une probable explosion de mine vers 23h40 devant la tranchée T9.

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L'entonnoir le plus au nord (le numéro 4)

Le bombardement d'artillerie prit fin à 1h30 le 11 juillet 1916. À 4h45, le général commandant la 42e division d'infanterie (DI) fut informé "d'explosions énormes sur le front de Vého est (T9)". Information que confirma l'état-major de la 83e brigade à 4h50. À 5h30, le commandant de la 83e brigade rendit compte au général de la 42e DI que les ¾ de la 2e compagnie du 16e bataillon de chasseurs à pied (BCP) et que ¼ de la 5e compagnie avait perdu leur tranchée. Un 1er compte-rendu, reçu à 4h55 au poste de commandement, fait état que les tranchées T3 et T6 avec quatre mitrailleuses et une partie de la tranchée T7 avaient complètement disparu dans trois énormes entonnoirs de mines et que le sous-lieutenant Beglot avec quatre mitrailleuses et le sous-lieutenant Levy avec sa section avaient disparu. L'attaque allemande fut repoussée par une fusillade en provenance de la tranchée T8 et du restant de la tranchée T7.

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La confusion la plus totale persista chez les Français jusqu'à l'aube. Ce n'est que là qu'apparut clairement la situation. Les Allemands avaient fait exploser quatre mines qui engloutirent les tranchées de 1re ligne T3 à T6 et ensevelirent une demi-compagnie et quatre mitrailleuses ainsi que le personnel de la 1re compagnie de mitrailleuse en position à T6. Les entonnoirs créés avaient un diamètre de 40 à 50 m et une profondeur de 15 à 20 m. La galerie de ces mines prenait son départ au centre de Leintrey. Le lieutenant Chotier, commandant de la compagnie, s'était porté avec une section au sud des entonnoirs et empêcha la progression des Allemands dont l'attaque manqua d'efficacité. Au matin du 11 juillet 1916, ordre fut donné d'occuper les entonnoirs. Les Allemands bombardèrent les entonnoirs durant toute la journée aux moindres mouvements. Ce ne fut qu'à la nuit que les travaux d'aménagement purent être entrepris. Le 12 juillet 1916, les Français lancèrent une contre-attaque pour se rétablir sur les positions bouleversées. L'action couta la vie à 83 soldats dont la plupart des corps ne furent jamais retrouvés.

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Le monument commémoratif du site

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L'entonnoir 3

Le 13 juillet 1916, l'état-major français prit la décision de mettre en œuvre des galeries d'écoutes dans le cas où les Allemands creuseraient d'autres galeries de mines. L'interrogatoire de prisonniers allemand, le 14 juillet 1916, confirma ce doute. Du 15 juillet au 8 août 1916, de nombreux bruits suspects furent recensés, mais ne furent que de fausses alertes. Le 12 août 1916, les Allemands exécutèrent un coup de main sur les entonnoirs. Leur but était la destruction des galeries françaises. Une forte patrouille de reconnaissance fut repoussée par une fusillade nourrie devant les entonnoirs 1 et 2 (à l'est). Les Allemands purent se glisser dans les entonnoirs 3 et 4 et, de là, accéder dans l'entonnoir 2, où ils furent arrêté. Une semaine plus tard, une nouvelle attaque allemande fut précédée de 20 minutes de bombardement sur la tranchée Gabillon, le boyau de Belgique et les entonnoirs. L'attaque fut menée par trois patrouilles de 20 hommes chacune. La 1re patrouille pénétra dans l'entonnoir 1, mais fut repoussée par la contre-attaque française. La 2e patrouille qui visait l'entonnoir 3 fut stoppée par une forte fusillade et la 3e fut repoussée à l'entonnoir 4 par un barrage de grenades.

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L'entonnoir 4

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L'entonnoir 4

Le 16 septembre 1916, une nouvelle mine allemande explosa à Vého est. Elle creusa un entonnoir de 30 m de diamètre, mais ne fut pas suivie d'une attaque. Son but était la destruction des galeries françaises. Le 27 septembre 1916, le sergent Mercier, qui était à son poste d'écoute, fit évacuer les entonnoirs à 15h. Il soupçonna l'imminence d'une explosion de mine. Celle-ci eut lieu à 17h45, détruisant les rameaux E1bis et F en tuant le sergent Mercier et trois hommes restés à leurs postes d'écoute. L'activité souterraine prit fin au début de 1917 lorsque les Allemands abandonnèrent la guerre des mines. Les attaques par mines sur le secteur de Leintrey étaient des attaques de diversion pour obliger l'armée française à maintenir des effectifs sur le secteur au détriment du front de Verdun ou de la Somme.

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L'entonnoir 2

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L'entonnoir 1

Le secteur de Leintrey fut également le lieu où fut abattu l'avion du lieutenant Nissim de Camondo. Né en 1892, il débuta la guerre comme maréchal des logis au 3e Hussard. Après être parvenu au grade de sous-lieutenant en 1915 au 31e Dragon, il fut affecté en 1916 dans l'armée de l'air comme officier d'observation. Après plusieurs mois comme observateur, il effectua le 29 juin 1916 son 1er vol comme pilote. Basé au nord d'Embermenil, il décolla le 5 septembre 1917 pour une mission photographique avec son observateur le sous-lieutenant Desessart. À une altitude de 3000 m, ils furent attaqués par un chasseur allemand. Après un bref combat, le chasseur piqua vers ses lignes suivies d'une trainée de fumée noire. Le biplace des Français n'était pas mieux loti. Plusieurs morceaux se détachèrent de l'avion et le pilote essaya de le ramener à sa base. Après avoir plané durant une quinzaine de minutes, l'avion tomba en vrille et s'écrasa dans les lignes allemandes au bois dit "en lame de couteau" à 12h30. Les Allemands inhumèrent les aviateurs français avec les honneurs militaires dans le cimetière d'Elfingen-Avricourt le 9 septembre 1917. Le lieutenant Nissim de Camondo, cité 5 fois à l'ordre de l'armée, titulaire de la croix de guerre et de la Légion d'honneur (à titre posthume) fut reinhumé, après l'armistice, dans le caveau familial à Montmartre.

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La stèle du lieutenant Nissim de Camondo sur le talus de l'entonnoir 3

Ces photographies ont été réalisées en février 2014.

 

Y ACCÉDER:

L'accès au site des entonnoirs est fléché. Il est situé à droite de la route allant de Vého à Leintrey.

 

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Cette page a été mise en ligne le 24 avril 2014

Cette page a été mise à jour le 24 avril 2014