Suivez les Cicatrice de Guerre sur INSTAGRAM
La marine allemande mit en chantier, à partir de 1912, une nouvelle classe de cuirassé, les Bayern. Ceux-ci étaient armés de huit canons de 380 mm. Quatre navires de cette classe, le Bayern, le Baden, le Sachsen et le Wurtemberg ont été mis en chantier entre 1913 et 1915. Seuls le Bayern et le Baden furent mis en service. Pour ces navires, la société Krupp développa un nouveau canon, le "38 SKL / 45". Le canon pouvait tirer un obus de 750 kg à une distance de 20 km. Les premiers essais eurent lieu au début de 1914 sur le champ de tir de Meppen. Lors du début de la guerre, en août 1914, les dix-huit canons destinés au Bayern et au Baden étaient en cours de finition.
La percée rapide des troupes allemandes en Belgique et en France fit envisager au haut commandement allemand le siège de Paris. Pour cela, l'utilisation d'artillerie à longue portée et de grande puissance s'avéra nécessaire. La construction des cuirassés ayant pris du retard, l'utilisation des canons de 380 fut envisagée. La victoire française lors de la première bataille de la Marne en septembre 1914 fit capoter ce projet. Les Allemands envisagèrent donc d'utiliser un des canons contre le camp retranché de l'armée belge à Anvers. Lors de la capitulation de la ville d’Anvers et le retrait de l’armée belge derrière l’Yser, en octobre 1914, les travaux de préparation à l'installation du canon étaient loin d'être réalisés.
Privilégiant l'offensive contre les Russes, les Allemands adoptèrent une position défensive sur le front ouest. Ils décidèrent donc d'utiliser les canons de 380 pour bombarder les citadelles françaises de Verdun, Dunkerque, Compiègne, Châlons-sur-Marne, Béthune, Nancy, Belfort et Sainte-Menehould. Les canons furent prélevés sur les stocks destinés aux cuirassés dont l'achèvement prit du retard.
L'utilisation de ces canons nécessitait la construction d'une cuve en béton servant à l'ancrage de l'affût. Les travaux de construction débutèrent à Coucy-le-Château à la fin de 1914 par l'aménagement et le terrassement de la plateforme et d'un embranchement sur la voie de chemin de fer Anizy / Coucy-le-Château. La cuve, destinée à recevoir le canon, a une forme demi-circulaire de 22 m de diamètre et une profondeur moyenne de 4,60 m. Elle comprend un pivot central sur lequel est fixée la base tournante supportant le canon. À l'arrière de cette base, une fosse est aménagée. Le mur extérieur de cette fosse comporte quatre gradins dont le dernier sert de chemin de roulement à la partie arrière de l'affût. La fosse sert de dégagement à la culasse du canon lors de son inclinaison verticale. La forme de la cuve permettait d'orienter le canon selon un azimut de 144 °.
Le
plan du canon en position dans la cuve
Un obus de 380 mm
L'installation fut opérationnelle en avril 1915. Le canon avait un calibre de 380 mm et le tube avait une longueur de 17,10 m. Le tube était prolongé par une chambre de combustion d'une longueur de 2 m pour 425 mm de diamètre. Elle était fermée par une culasse de 2,6 t. Le poids du canon était de 77,6 t. Le poids de l'affût était de 172 t. La cadence de tir était d'un coup toutes les quinze minutes. Les obus avaient un poids compris entre 750 kg et 1000 kg, étaient hauts de 1,60 m et comprenaient une charge explosive de 120 kg. L'usure du tube imposait son remplacement au bout d'un certain nombre de tirs. Il avait été conçu pour 300 tirs. Les obus étaient spécialement calibrés et numérotés pour tenir compte de cette usure. Certains de ces canons ont cependant dépassé les 500 coups. Le canon de Coucy-le-Château était desservi par le Marine Sonder Kommando "Falkenried" commandé par le Kapitänleutnant Kurt Von Falkenried créé le 17 mai 1915. Le canon était desservi par 74 artilleurs de marine et par 150 hommes chargés de la manutention des obus et des charges propulsives. Les canons de ce type avaient été dénommés "Kaiser Wilhelm Geschutze" et surnommés "Langer Max" (max le long).
Le canon de Coucy-le-Château avait pour cible les villes de Compiègne, de Villers-Cotterêts et de Saint-Crépin-aux-Bois, trois villes importantes pour le transit des troupes et le ravitaillement. Il visait également les villes de Fismes et de Trosly-Breuil où se trouvaient d'importants nœuds ferroviaires, routiers et des usines chimiques. Afin de masquer le canon aux avions français, les Allemands construisirent un faux canon dans le bois de la Tinette (Trosly-Loire) distant de 5 km. Le premier tir eut lieu le 27 avril 1915. L'obus explosa près du château de Compiègne. Un des éclats fut retrouvé dans le cabinet de travail de Napoléon III. Le 14 juin 1915, un premier obus tomba sur Villers-Cotterêts. L'emplacement du canon fut découvert le 18 juin 1915 par l’aviateur Georges Guynemer. Ce qui n’empêcha pas la poursuite des tirs. Les obus de 380 infligèrent de gros dégâts dans la ville et le château de Compiègne le 27 août 1915. Le canon après 80 à 90 tirs fut démonté et transféré vers Zillisheim en Alsace fin novembre 1915. Entre le 8 février 1916 et le 10 octobre 1916, il tira 40 obus sur Belfort et quatre sur le quartier général de la 66e Division d'Infanterie, situé à Wesserling. Les objectifs prioritaires de l'armée allemande s'étant focalisés sur d'autres lieux notamment Verdun, il fut décidé à nouveau de déplacer le canon. Le démontage débuta le 11 octobre 1916. Après une remise en état chez Krupp, le canon fut réaffecté probablement en Belgique dans la batterie côtière Deutschland près d'Ostende. La batterie Deutschland située à Breedene et constituée de quatre canons commença ces tirs le 5 juin 1917 contre les navires anglais qui bombardaient Ostende. Elle resta opérationnelle jusqu'au 17 octobre 1918.
Un des passages pour les rails du pont roulant permettant la mise en
place du canon dans la cuve
Les Allemands construisirent douze emplacements fixes pour leurs canons "Lange Max". Ces emplacements sont la ferme Sorel, Loison, Spincourt (tirs sur Verdun), Kaltestraat (tirs sur Dunkerque), Coucy-le-Château (tirs sur Compiègne), Saint-Hilaire-le-Petit (tirs sur Châlons-sur-Marne), Santes (tirs sur Béthune), Hudingen (tirs sur Nancy), Zillisheim (tirs sur Belfort), Semide (tirs sur Sainte-Menehould), Sancourt (tirs sur Doullens) et Chuignes (tirs sur Amiens). Quatre emplacements bétonnés pour canons sur voies ferrées à Avesnes-les-Bapaume (tirs sur Albert et Doullens), Sailly-Laventie (tirs sur Cassel), Heutregiville (tirs sur Châlons-sur-Marne) et Buzu-Saint-Gennain (tirs sur Coulommiers) furent également réalisés auxquels s'ajoutent les batteries côtières Deutschland et Pommern. Ces différents canons tirèrent plus de 1800 obus sur les villes françaises et belges. Quatorze autres emplacements furent construits afin de recevoir des canons similaires, mais de calibre inférieur (350 mm).
Selon le journal de marche et des opérations (26N1225/1) du 1er groupe du 178e régiment d'artillerie de tranchée, le 8 mars 1918 un officier, deux sous-officiers, un brigadier et trente canonniers furent envoyés à Coucy-le-Château pour "démolir une plateforme de 380 allemand en béton et récupérer l'acier qui s'y trouve". Ils y découpèrent au chalumeau les tiges filetées de fixation de l’affût ce qui rendit l'emplacement inutilisable. Après guerre, les alliées procédèrent à la destruction des canons et des sites. Des emplacements de tir, seuls ceux de Coucy-le-Château (Bois de Montoire), de Spincourt (bois de Warphemont), de Hudingen (Hampont), Semide et de Zillisheim subsistent. Le site de Coucy-le-Château fut classé Monument historique en 1922.
Ces photographies ont été réalisées en juillet 2020.
Sources consultées pour cet article :
Consulter la page "Bibliographie" de ce site
Site internet Wikipédia
Article "Le canon de marine de 38-cm SKL/45 Der Lange Max" de Guy FRANCOIS paru
dans 39-45 Magazine
Y ACCÉDER:
De Coucy-le-Château, prendre la direction de Folembray. Au niveau de la sortie de la ville, prendre à gauche la D934 (la rue du Montoir). Prendre ensuite le 3e chemin à droite, le chemin de la Bertha. Ce chemin forestier carrossable mène jusqu'au site distant d'environ 300 m.
Les indications pour accéder à ce lieu insolite sont donnés sans garantie. Elles correspondent au chemin emprunté lors de la réalisation des photographies. Elles peuvent ne plus être d'actualité. L'accès au lieu se fait sous votre seule responsabilité.
Si vous constatez des modifications ou des erreurs, n'hésitez pas à m'en faire part.
Cette page a été mise en ligne le 19 septembre 2020
Cette page a été mise à jour le 19 septembre 2020